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Channel: Orynx-improv'andsounds
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Roscoe Mitchell & Mike Reed/ Benedict Taylor & Dirk Serries/ Evan Parker Alex Hawkins John Edwards & Paul Lytton/Paul Dunmall Philipp Gibbs Keith Tippett Pete Fairclough/Paulo Chagas Nicola Guazzaloca Lee Noyes

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the Ritual and the Dance Roscoe Mitchell & Mike Reed Astral Spirits AS145
https://astralmitchellreed.bandcamp.com/album/the-ritual-and-the-dance


Pour un patriarche du free-jazz aussi iconique et aussi âgé que Roscoe Mitchell, lui-même fondateur de l’Art Ensemble of Chicago, la musique enregistrée ici est assez confondante par son urgence incisive, l’intensité agressive de l’énergie qu’elle déploie et son insistance à traquer les dissonances outrancières dans des spirales infernales. Celles-ci explosent hors du pavillon du sax sopranino durant les dix sept premières minutes de cette performance unique du 22 octobre 2015 à Anvers, laissant ensuite le batteur Mike Reed poursuivre ses cadences tribales et ses pulsations démultipliées. À la minute 21, tel un canard, il ressurgit : Roscoe introduit un monologue de fragments expressifs au sax alto, sorte de signes minimalistes et secrets qui finissent par dessiner des lambeaux de mélodies et des notes tenues et saturées par un souffle implacable. Au cœur de cette énergie à l’apparence immobile se dessine une magnifique intelligence doublée d’un instinct infaillible de la valeur des notes, des sons et des intervalles. On retrouve son inspiration « cubiste » dans les remarquables dessins multicolores qui ornent la pochette du CD. Avec Mike Reed, un percussionniste vraiment original entre tous, il a trouvé le point d’équilibre et cette volonté d’affronter l’inconnu. Oui, l’inconnu face à ces dissonances et assonances insérées dans ses boucles tortueuses et infernales, ces spirales désarticulées, bruissantes et ultra-tendues dont la sonorité évoque plus la cornemuse sauvage des montagnes de Thrace ou des forêts sardes ou ces ghaïta hurlantes au fin fond du Sahara. Depuis l’époque glorieuse du séjour européen de l’Art Ensemble des années 69-70, des enregistrements pour Atlantic et ECM, des tournées incessantes, Roscoe Mitchell n’a jamais quitté sa trajectoire d’artiste radical et d’improvisateur chercheur, alors qu’il aurait pu couler des jours tranquilles avec des projets plus consensuels et rémunérateurs et préfère la compagnie de musiciens engagés comme ce phénoménal percussionniste chicagoan comme lui, Mike Reed, lui aussi organisateur incontournable de concerts et de publications sans concession. Ces trente-six minutes du Rituel et de la Danse délivrent un grigri magique, transmuté dans un temps insaisissable et pourtant chargé de sens et d’émotions indicibles et donc, bien présent.
PS : Concert organisé par Oorstof / Sound in Motion (Koen Vandenhoudt) et enregistré par le légendaire Michel Huon.

Benedict Taylor & Dirk Serries Live Offerings Confront core series digital
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/live-offerings-2019


Alto et guitare acoustique : Benedict Taylor et Dirk Serries renouvellent l’art du duo. Les deux pôles du binôme sont clairement définis. L’archet puissant et la pâte sonore multiforme de l’alto de Taylor créent des spirales charnues, effilées, denses en glissandi mouvants et goûteux. Les doigts du guitariste secouent des grappes de notes qui s’entrechoquent sur les frettes et griffent leurs profils cuivrés, parmi d’autres manipulations de la six cordes pas simples à décrire. Bien vite, l’altiste répond au quart de tour en éludant les questions à coup d’archets frappés sur les cordes qu’il pince tout autant de guingois. Le dialogue s’évapore, renaît et s’échappe inlassablement, Dirk frotte lui-même les cordes à l’archet alors que Benedict fait vibrer l’intimité nue des harmoniques aigües. Le guitariste s’affaire pour brouiller les pistes et lacérer l’espace de la rosace de son instrument en désordonnant volontairement toute espèce de guitarisme identifiable. C’est une fièvre affolante qui propulse les timbres étirés, hantés, rougeoyants et expressifs à outrance de l’altiste. La performance de Taylor est impressionnante, car l’alto est un engin plus rétif à manœuvrer que le violon, surtout à ce niveau, proche de la transe. Pour une fois, c’est Confront qui accueille leur duo méritoire en lieu et place du label de Dirk, a new wave of jazz, lequel avait publié le premier enregistrement de leur duo, Puncture Cycle (2018 a new wave of jazz nwoj0018. Je vais me précipiter pour réécouter ce dernier via ma hi-fi ! Car Live Offerings 2019 étant un album digital, je l’écoute via mon IBook. Donc, à suivre à la trace et à réécouter tant et plus.

Evan Parker Quartet « All Knavery and Collusion” w. Alex Hawkins John Edwards & Paul Lytton. Cadillac SGCD 018. https://cadillacrecords77.com/releases/all-knavery-collusion/
https://evanparkerquartet.bandcamp.com/album/all-knavery-collusion


Le vieux label Cadillac de feu John Jack nous envoie le premier album de l’Evan Parker Quartet ainsi nommé. E.P. est devenu au fil des décennies, un saxophoniste (ténor et soprano) reconnu parmi les plus légendaires. À la batterie, son acolyte de plus de cinquante ans, le batteur Paul Lytton, un des percussionnistes les plus extraordinaires de la scène improvisée libre. À la contrebasse, un as de la génération suivante, John Edwards, d’une efficacité redoutable. Au piano, nourrissant les interstices entre ces trois fortes personnalités, le « jeune » pianiste Alexander Hawkins. Entre parenthèses, John et Alex jouent régulièrement avec Louis Moholo, ce qui est un plus pour ce quartet, le bassiste étant aussi un des compagnons habituels de Parker. Donc une équipe soudée, une musique cohérente enregistrée en studio et répartie dans cinq compositions de durée moyenne (de 7’48’’ à 2’25) sous la plume de chaque musicien, dont deux pour Parker et une sixième nettement plus longue (The Weather Set in Hot 24’14’’) signée Evan Parker. Pour finir, une brève conclusion co-signée par Hawkins, Edwards et Lytton. Sans doute, les musiciens ont établi des propositions de jeu et des enchaînements de solos, duos, trios et quartets au sein de chaque morceau avec des instructions précises. En effet, la musique semble entièrement improvisée, mais le quartet s’est efforcé de créer des espaces, des structures temporelles logiques qui permettent une variété d’occurrences sonores propices à ce qu’on puisse bien distinguer le travail de chaque musicien et les multiples relations entre chacun d’entre eux. Lisibilité garantie ! Un bon exemple est la pièce signée Paul Lytton et intitulée « The Alchemy of John Edwards » : le contrebassiste commence le morceau en imposant sa présence boisée à coups de tirages de cordes (pizzicati) géants ou microscopiques et de frottements abyssaux autour des quels le batteur s’insère avec sa capacité fantastique à faire mouvoir de multiples pulsations dans plusieurs directions et vitesses simultanément. Evan Parker a cette faculté insigne à contorsionner ses phrases en boucles et spirales à la fois pressantes et relâchées établissant spontanément des signaux fugaces avec l’activité instrumentale de ses collègues. À chaque instant, la fugacité nerveuse et spasmodique et cette lenteur relaxante se croisent pour étirer les notes. Evan Parker est sans nul doute un des plus brillants héritiers de Coltrane, mais il a pris bien soin de mettre au point un « style » très personnel qui n’appartient qu’à lui, une culture d’intervalles disjoints et de morsures d’harmoniques. Après la génération des Coltrane, Dolphy, Ornette Coleman et Albert Ayler, Parker est un des saxophonistes les plus originaux de l’après free-jazz au même titre que Steve Lacy, Anthony Braxton, Roscoe Mitchell ou Lol Coxhill. Dans cet album, les quatre musiciens nous offrent l’idéal d’un free-jazz libre aussi spontané que remarquablement dosé et réfléchi avec une insistance sur plusieurs formes de dialogues, actions – réactions - interactions. Si Alexander Hawkins se situe un peu en retrait par ses interventions mesurées et toujours à propos, on découvre un équilibre vivant et instable dans celles des trois pôles présents, souffle, cordes et percussions avec une qualité d’écoute et de complémentarité. Et surtout une magnifique lisibilité pour chaque intervention. Paul Lytton est un adepte de la rythmique libre, évolutive avec changements de vitesses permanents, mêlant énergie et délicatesse dans un foisonnement hyper nerveux, portant les innovations d’un Sunny Murray à un point ultime d’élégance.Il est très loin le temps où Evan Parker et Paul Lytton incarnait l’avant-garde radicale exploratoire du son, franchissant la frontière du bruit avec des sources sonores hétéroclites,(années 70 – 80). Mais ces expériences qui paraissent si lointaines sont de toute évidence le ferment qui les réunit. Une belle réussite.

Onosante Paul Dunmall Philipp Gibbs Keith Tippett Pete Fairclough 577 records
https://577records.bandcamp.com/album/onosante

Cet album avait été enregistré en novembre 2000 à Bristol et publié par Duns Limited Edition à quelques dizaines copies. Duns Limited Edition était le label CDr de Paul Dunmall lui-même comptant une soixantaine de numéros, certains en double, triple ou quadruple albums avec des pochettes ornées de peintures, dessins ou lithogravures du musicien lui-même. Non seulement on l’y entend au sax ténor ou au soprano, mais aussi aux flûtes et cornemuses. Onosante manquait à ma collection. Comme souvent avec Dunmall, ses albums sont des rencontres avec plusieurs des nombreux musiciens avec qui il travaille régulièrement et des invités de passage, car il adore essayer toutes les formules instrumentales même les plus difficiles . Le défunt pianiste Keith Tippett et Dunmall partagent l’aventure du quartet Mujician avec le contrebassiste Paul Rogers et le batteur Tony Levin. Dunmall et Rogers ont aussi beaucoup enregistré en trio avec le guitariste Phil Gibbs. Quoi de plus naturel pour Paul de réunir Keith Tippett et Phil Gibbs en ajoutant la batterie de Peter Fairclough, un compagnon habituel de Tippett. Dès le départ, la guitare préparée de Gibbs résonne comme une sanza déjantée, effet de piano à pouces ferraillant obtenu en glissant des morceaux de cordes de guitare entre les cordes et avec des doigtés tournoyants ou cycliques. On retrouve ces effets de tournoiements dans le jeu du pianiste. Survolant ces cordes survoltées, le saxophone soprano de Dunmall se fait limpide, liquide : une sonorité magique articulée avec une capacité de souffle magistrale avec triples détachés virtiginieux. Obtenir un tel son est le résultat d’un travail intense. Mais dès le long morceau suivant, son intensité se fait débridée, survoltée et la sonorité aphrodisiaque. Si Peter Fairclough souligne les mouvements intenses de ses trois compagnons avec réserve et perspicacité, le pianiste et le guitariste conjugue leurs efforts pour faire éclater l'espace-temps par des rotations tourbillonesques de fragments mélodiques arrachés aux forces de la nature avec l'énergie désespérée de corsaires face aux éléments océaniques déchaînés. Keith Tippett se montre souvent survolté, incantatoire, incarnant la transe qu'il communique au guitraiste Phil Gibbs. Celui-ci s'engage tête baissée dans croisements de zigs-zags bouillonnants on ne peut plus trash, sans pour autant pour autant faire assaut de décibels et d'effets électroniques, de la pure six - cordes, purement destroy ou selon l'ambiance orientée jazz avec beaucoup de libertés assumées. Certains passages côtoient une proximité avec le silence et une belle intériorité : durant les 34 minutes de For Lost Souls, on entend Dunmall jouer du ténor avec une belle énergie, reprendre le sax soprano pour nous faire découvrir un aspect inconnu de son inspiration, gauchissant la mélodie ou serain avec un fife (flûte traditionnelle) alors que Tippett martelle ses cadences tournoyantes et obsessionnelles et pousse le ténor à fracasser sa sonorité au final de ce morceau épique. Deux pièces plus courtes (Onosante et Manosante) rééquilibrent les forces en présence au creux d'une dimension plus mélodique dans une atmosphère nettement plus aérée et lyrique. L'aventure Dunmallienne défie la logique du jazz, des musiques improvisées et de la combinatoire des choix esthétiques pointus et des pronostics simplistes. En voici un très bel exemple qui confirme ma constatation : même s'il y a sûrement des oeuvres enregistrées "plus abouties" qu'Onosante, ce titre vaut par toutes ses audaces et sa suprême franchise.

Where Fear Ends Paulo Chagas Nicola Guazzaloca Lee Noyes Zpoluras
https://zpoluras.bandcamp.com/album/where-fear-ends


Exemplaire collaboration improvisée entre un souffleur, hautboïste et flûtiste, Paulo Chagas, un pianiste, Nicola Guazzaloca et un percussionniste, Lee Noyes. Quatre improvisations en trio de respectivement 11’15’’ (Prove Them Wrong) , 9’06’’ (Respect the Thorns), 13’03 (Where Fear Ends) et 08’29’’ (To Look After) incisives et lucides mettant en évidence les possibilités sonores du piano dans la table d’harmonie, les cordes, des préparations et le clavier de manière méticuleuse. L’attention du percussionniste est entièrement rivée sur les manipulations quasi-percussives du pianiste comme s’il s’en faisait l’écho. Plutôt que de « jouer de la batterie », il focalise ses interventions ponctuelles dans un registre bien déterminé qui complète et enrichit le dialogue et la construction sonore. Une multiplicité d’effets sonores, de grattages, de frappes pointillistes s’imbrique dans le jeu improvisé du pianiste. Dans ce contexte, les canardages nasillards et saugrenus de Paulo Chagas au hautbois font merveille apportant une aura d’originalité insoupçonnée à ce trio pas comme les autres. On l’entend aussi à la flûte, dont il fait parfois éclater la colonne d’air d’une rage sourde. C’est donc un excellent témoignage d’une action librement improvisée qui se singularise de nombreux lieux communs avec une belle énergie et une lucidité intense. Le genre d’albums qu’on a envie de réécouter pour en relever les subtilités et le pourquoi de son urgence. Tout y est aussi intensément soupesé et millimétré que sincèrement spontané et créé dans l'instant. Et quels instants !!

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