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Objects & Build instruments : Hugh Davies & Adam Bohman

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Objects & Build instruments : Hugh Davies, Adam Bohman, 
Martin Klapper, Hal Rammel & Johannes Bergmark

Ces dernières années, de nombreux improvisateurs utilisent des objets qu’ils transforment en instruments de musique / « objets musicaux ».
Il me semble intéressant de souligner l’apport de quelques artistes, avec en premier lieu, Hugh Davies (1943-2005), dont l’influence initiale dans l’improvisation radicale me semble incontournable.
Hugh Davies
Des musiciens comme Eddie Prévost, Keith Rowe, Derek Bailey, Evan Parker et Paul Lytton, considérés aujourd’hui comme des pionniers majeurs  de l’improvisation libre / radicale, ont mis en exergue un aspect capital de leur démarche musicale lors de leur émergence au début des années 70. Il s’agit de l’abolition de la différence – ou de la limite – entre les bruits et les « sons musicaux ». Dans leur langage musical, la frontière entre la « note » et le bruit, qu’il soit émis par un instrument « torturé » ou détourné de sa fonction première (ce pourquoi il est fait) ou par un objet intégré dans l’acte musical, a complètement disparu. Ecoutez-les enregistrements d’AMM vers 1968 (the Crypt / Matchless), le duo d’Evan Parker et Paul Lytton en 1971/72 (Collective Calls/ Psi), les solos de Derek Bailey (Solo Vol.1 et Lot 74 Incus) ou encore le premier album solo d’Evan Parker (Saxophone Solos 1975 /Psi), vous tenez là d’excellents exemples de cette approche révolutionnaire. Si un Keith Rowe a intégré des objets de la vie quotidienne dans la pratique sonore d’AMM autour de son attirail guitaristique et a récolté les fruits de sa démarche après trois décennies, on semble ignorer aujourd’hui que ces deux légendes de l’improvisation libre britannique que sont Evan Parker et Derek Bailey, ont joué avec un inventeur discret et oublié, voire complètement inconnu des praticiens qui marchent dans leurs traces. Ou dans celles des Rowe, Prévost, mais aussi de Radu Malfatti, etc…  :  Hugh Davies (23 avril 1943 – 1 janvier 2005). Le groupe : Music Improvisation Company, le label : ECM ( ! oui !?), les années : 1968 - 1972. 
Inventeur d’instruments amplifiés créés avec des ressorts, des tranche-tomates (ou eggslicers !) et des lames et dont les sonorités évoquent l’électronique, Hugh Davies fut l’assistant de Stockhausen en 1964/66, entre autres pour la création de Mikrophonie, une œuvre qui utilisait des sons « concrets » provenant d’un tam-tam au moyen de micro-contacts et de filtres et un instrument, le tam-tam (ou gong oriental) qu’utilise toujours aujourd’hui Eddie Prévost au moyen de l’archet. Dans ce microcosme musical de l’improvisation londonienne, Davies n’est pas le seul à avoir été « assistant » de Karl-Heinz Stockhausen. Il y a été précédé par Cornelius Cardew, alors jeune compositeur expérimental, enfant prodige de la nouvelle musique et … membre d’AMM. Cardew composa d’ailleursTreatise pour ses amis d’AMM, Rowe, Prévost et Lou Gare. Avant d’être rejoint par Hugh Davies dans Music Improvisation Company, Evan Parker et Derek Bailey jouaient d’ailleurs dans ce groupe avec  le pianiste John Tilbury qui devint lui-même membre d’AMM vers 1981.
Si aujourd’hui, on apprécie à sa juste valeur le travail d’Eddie Prévost, et son atelier londonien y a largement contribué aux yeux d’une nouvelle génération, l’apport d’Hugh Davies est largement passé sous silence. Au sein de Music Improvisation Company, cet artiste a contribué directement au développemnt personnel de la musique de Derek Bailey, Evan Parker et Paul Lytton et à leur pratique instrumentale. M.I.C. a été le groupe dénominateur commun d’Evan Parker et Derek Bailey entre 68 et 72 et, inévitablement, la démarche radicale d’HughDavies a eu une influence prépondérante dans leurs recherches... Il suffit d’écouter les enregistrements de Bailey en solo et ceux du tandem Parker / Lytton de ces années. Dans son livre Improvisation Its Nature and Practice In Music, Bailey consacre tout un chapitre à l’expérience de Music Improvisation Company durant laquelle les idées et la pratique de ces improvisateurs évoluent dans un processus ouvert d’apprentissage mutuel jusqu’au stade de la maturation artistique assumée. C’est finalement l’utilisation exclusive d’objets amplifiés (Davies) ou « trouvés » (Jamie Muir) qui caractérise le mieux l’esprit de cette musique. D’ailleurs, Paul Lytton ne s’en cache pas, c’est sous l’inspiration de Davies qu’il construisit son installation de « live electronics » avec microcontacts, cordes de guitares, pièces de meccano, coupe – tomates et fouet à blanc d’oeuf. Lytton remplaça même Davies au sein de MIC. J’ajoute encore que ce groupe séminal comprenait aussi l’inénarrable percussionniste Jamie Muir, un phénomène scénique qui fut ensuite engagé par Robert Fripp en 1973 au sein de King Crimson aux côtés de Bill Bruford dans le but d’improviser « radicalement ». En novembre de la même année, Muir quitta la scène musicale sans crier gare pour un monastère bouddhiste.

En clair, selon les dires de David Toop, quiconque aujourd’hui installe des objets de la vie quotidienne sur une table, l’amplifie, que ce soit au moyen de micro-contacts ou d’éléments piézo-électriques, et utilise les « bruits » qui en résulte pour en faire de la musique, a une dette envers Hugh Davies.  Or cette activité sonique « objétiste » est au cœur même de la musique improvisée radicale, les instrumentistes utilisant leurs instruments comme source sonore brute en dépassant complètement l’usage « normal » de ces derniers.
Pour compléter le tableau, j’ajouterai que Hugh Davies a été le fondateur de l’ElectronicStudio du Goldsmith College (le repaire de Tilbury et Prévost, mais aussi d’Howard Riley) et fut une sommité internationale dans l’inventaire musicologique exhaustif des recherches en musique et lutherie électroniques en collaborant à des publications innombrables et en rédigeant des entrées dans plusieurs encyclopédies. Encyclopédies qui, en tant que matériel/objet serviront d’ailleurs à créer son fameux Sho-Zyg. Bien que quasi-tous ses albums et de nombreux disques auxquels HD a participé me sont passés par les mains, j’ai décidé de me focaliser sur des deux albums solos disponibles, Warming Up The Iceman et Performances 1969 – 1977. Je signale l’existence de Sound Heard A Pot Pourri of Environmental Projects and Documentation, Projects with Children, Simple Musical Instruments, Sound Installations, Verbal Scores, and Historical Perspectives (SoundWorld). Ce livre fait le tour du propriétaire des réalisations et activités de cet inventeur insatiable et perfectionniste. Le CD anthologique qui l’accompagne  offre le plus large panorama de l’inventivité cette personnalité atypique.

Hugh DaviesWarming Up the Iceman GroB 324 / Performances 1969 – 1977 another timbre edition cd-r at-r01
For Hugh DaviesHugh Davies + Adam Bohman, Mark Wastell, Lee Patterson another timbre at 11
Parmi les enregistrements disponibles de Hugh Davies, ces deux albums solos relativement récents sont de parfaits exemples de sa pratique musicale et de ses inventions.  La pochette de Warming Up the Iceman contient de superbes photos couleurs des instruments qu’il a créés de toutes pièces. Hugh Davies n’essaie pas de construire quelque chose qui ressemble à un instrument de musique, comme, par exemple, les fantastiques boiseries du Daxophon d’Hans Reichel, un musicien lui aussi trop tôt disparu. Hugh se contente de jouer avec le bruit produit en percutant ou frottant un des cinquante ressorts  qui font partie de « My Spring Collection » (écrit-il) ou un de ses multiples Sho-Zyg. Installé dans la couverture cartonnée d’une encyclopédie (initiales de Sho à Zyg), son premier instrument fait d’objets usuels amplifiés, le Sho - Zyg a évolué dans une série d’inventions ahurissantes dont il a conservé la dénomination initiale. Les pièces de Warming Up ont été enregistrées en 2000 à Cologne et constituent un beau témoignage de ses instruments tels qu’ils ont évolués au fil des ans. Parmi ces instruments, il faut noter le Multi Sho-Zyg, soit en résumé, un Sho-Zygà étages, comme on peut le voir dans les illustrations en couleurs dans la pochette. Si Hugh Davies joue avec le bruit brut, il faut souligner la dynamique sonore de son jeu et dire qu’il est concerné par des hauteurs de sons précises. Performances 1969 – 1977 est une anthologie d’enregistrements remarquables qui offrent un excellent panorama de sa créativité. Il a été étrangement publié sous forme de CDR par another timbre pour accompagner un CD du même label, « for Hugh Davies » lequel rend hommage à notre inventeur. On y entend Adam Bohman, Lee Patterson et Mark Wastell improviser avec ces enregistrements de H D en duo, trio et quartet. La musique est intéressante et sensible, mais on pourra préférer les enregistrements solitaires de Davies pour leur relation intrigante avec le silence et la dynamique particulière qui en découle. HD est un musicien du bruit (noise) qui peut se révéler à la fois abrupt et agressif, subtil et poétique. Mais sa musique n’est jamais volumineuse ou saturément décibélique, que du contraire. On sait que les praticiens du noise, issus du post-rock ou de l’ « industriel », se sentent tenus à distance par les improvisateurs virtuoses issus du jazz libre et du contemporain (Bailey, Parker, Van Hove, Lovens, Barry Guy), mais ils retrouveront chez Hugh Davies un des leurs, adepte du Do It Yourself , un des motto de base de l’improvisation radicale. Si Waiting présente ses instruments au terme de leur évolution, Performances nous donne à entendre un concert bruitiste low-fi au Ronnie’s Scott en 1973 et une music for bowed diaphragms au moment où cette pratique s’est révélée. Il me semble qu’il y atteigne la quintessence de son art : il est d’ailleurs impossible de deviner comment certains sons inouïs sont produits. Derrière une apparence anodine de Prof Trouvetout archiviste maniaque, se cache un explorateur sonique radical d’une violence abrupte et contenue. Quelqu’un qui ose et remet tout à plat.  Aussi le plus curieux, une salad (for egg- & vegetable slicers) de 1977, où se succèdent micro-sons  piqûrés, glissandi tailladants, frottements électrogènes, réverbérations fantômes etc… le tout exécuté avec autant de concentration appliquée que de fausse nonchalance toute british. Dans l’attitude, une pincée d’humour à froid rendait cette approche familière. Il ne dédaignait aucune manipulation, percussive ou « secoueuse », ayant un don d’émerveillement proche de celui des enfants qui s’approprient un nouveau jouet tout en ignorant son fonctionnement.  Hugh Daviesétait un de ces personnages irremplaçables de la free music comme l’étaient Derek Bailey, John Stevens et Lol Coxhill. 
Dans un autre page de ce blog, vous trouverez un de mes textes que le magazine Improjazz a publié en hommage à Hugh Davies quelqes mois après qu’il nous ait quitté. 

Reality Fandango Adam Bohman & Roger Smith Emanem 4135
A Twist For All Pockets The Bohman Brothers. Rossbin RS 003
The Bohman Brothers Peripheral Conserve pH -10  vinyle 10 cm
Back on the Streets The Bohman Brothers.
Back on the Streets


Aux antipodes de l’esthétique soignée et méticuleuse de Davies, Adam Bohman est au départ un fan des musiques improvisées et un acheteur de disques dès 1976, lorsqu’il découvre la première manifestation du  Company de Derek Bailey avec Evan Parker, Lol Coxhill et Misha Mengelberg au festival de Bracknell. Fréquentant l’atelier d’improvisation et d’initiation à l’électronique de Phil Wachsmann au West Square Studio, Adam Bohman y découvre l’utilisation des micro-contacts. Comme il ressent le besoin irrépressible de s’exprimer et qu’il n’est pas instrumentiste, AB rassemble des objets et des épaves d’instruments à corde sur une table sur laquelle sont fixés des micro contacts au moyen d’une glu synthétique. Ressorts de toutes dimensions, verres, morceaux de carrelages, brosses, peignes à cheveux, éclats de vitres, boîtes métalliques, moules à gâteaux, fils métalliques tendus sur des objets résonnants, batônnets…. Si Hugh Davies met en place et amplifie ses objets minutieusement dans un contenant conçu avec un réel talent artisanal, l’instrumentarium d’Adam Bohman se distingue par une apparence aléatoire, les objets se contentant d’être déposés sur la première table venue dont il réarrange l’ordonancement  à chaque concert. L’amplification low-fi est assurée par un ampli de guitare portable genre Fender Champ, mais souvent plus cheap. Après deux décennies de pratique, ce « non-musicien » est devenu un improvisateur incontournable et fascinant. Deux albums, Reality Fandango et A Twist For All Pockets expriment les deux pôles de son activité, l’un « instrumental », l’autre poético-nonsensique. Reality Fandango nous le fait entendre avec le guitariste Roger Smith, virtuose de l’extrême et membre à vie du Spontaneous Music Ensemble de John Stevensdernière mouture. Il fut un compagnon parmi les plus proches de feu John Stevens. Adam fut sans doute un de leurs auditeurs les plus assidus au gré des apparitions intermitentes de ce groupe mythique devenu quasiment fantôme  dans le réseau des pubs londoniens. Adam et Roger créent un tissu de correspondances insoupçonnées qui finit par emporter l’imagination de l’auditeur. La jungle de bruitages est lacérée par les traits arachnéens de la guitare espagnole (« classique »). Roger Smith improvise en écartelant les positions et les associations de notes les plus injouables avec ses dix doigts et une conception très personnelle du sérialisme comme si c’était la chose la plus naturelle, « organique » pour reprendre le mot favori de son mentor John Stevens. Le jeu d’apparence dilettante d’Adam Bohman cristallise toutes les irrégularités rythmiques de la six-cordes nylon, Smith se focalisant sur le sérialisme rythmique (cfr son interview par Théo Jarrier où il explique qu’il a intégré dans son jeu la pratique des batteurs après en avoir décortiqué tous les exercices de base). Bohman a acquis la faculté d’intégrer ses manipulations, grattements et frottements d’objets dans le flux sonore d’instrumentistes particulièrement impressionnants et cela, dans une dimension surréaliste, comme l’a relevé avec justesse Steve Beresford, un de ses plus ardents supporters, lui-même adepte de la table à « brol ».  C’est pourquoi Adam Bohman est un pilier incontournable du London Improvisors Orchestra dont les nombreux cédés ont été publiés par Emanem et Evan Parker en personne sur son label Psi. De cet orchestre est née une collaboration, Trip-Tyk avec la hautboïste Catherine Pluygers et le saxophoniste Adrian Northover avec lequel il organise aujourd'hui le Horse Club non loin de Waterloo Station. Rien qu'à lire les titres des 18 morceaux de leur CDr Porridge Diplomacy, vous êtes transporté au pays d'Alice : Hedgerow Complications, Frozen Manicure, Fluorescent Ferret Time, Luggage Daffodils and Tungsten, Temporal Toffee, Furlong Compression Mode, Cannibal Magnetism, ....


Adam-6-700777.jpg
Cet aspect surréaliste prend toute sa dimension avec le tandem des Bohman Brothers qu’il compose avec son frère Jonathan Bohman. Le duo est tout autant une performance théâtrale vivante où la scène et la ville se confondent avec effarement qu'un acte musical inclassable. Indescriptible et « inenregistrable ». Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil sur le court-métrage que le cinéaste Peter Strickland leur a consacré sous le titre Berberian Sound Studio, titre que cet opus drôlatique et complètement jeté partage avec le long-métrage du réalisateur, considéré comme le film arty de l’année 2012 en UK. On y voit les Bohman, Adam et Jonathan, massacrer des choux et sonoriser un film imaginaire avec leur quincaillerie (voir youtube). Adam avait même été pressenti pour jouer le rôle principal du film éponyme, Berberian Sound Studio, le long métrage que Peter Strickland a réalisé dans un studio de post-synchronisation de giallo – « italian 70’s horror B – movies ». C’est d’ailleurs Peter Strickland lui-même qui a produit le 45t The Bohman Brothers sur son label Peripheral Conserve ainsi que Back On the Streets, album des Bohman Brothers que j’attends encore. Adam n’a encore pu me le faire parvenir vu que les timbre-postes nécessaires à l’envoi se sont égarés dans une des nombreuses poches de Twist For All Pockets (Rossbin RS003). Ce CD est sold-out, mais doit malgré tout être recommandé au cas où vous le trouveriez. Le duo y offre des pièces instrumentales solides parsemées de performances de spoken word pour les quelles les deux frangins frisent le naturel le plus consommé. Enregistrés avec un walkman rachitique dont les piles étaient souvent en fin de parcours, les monologues improbables d’Adam sont découpés et réassemblés dans des conjectures à faire pâlir les surréalistes, dadaïstes et lettristes réunis. Cette démarche rejoint sa passion des collages absurdes où l’imagerie science fictionnesque rentre en collision avec une imagination faussement puérile. Le 45t Peripheral Conserve pH-10 de The Bohman Brothers enregistré en 2002 exprime le mieux cette poésie déroutante extraite des centaines d’heures d’enregistrements des commentaires sur les situations, faits et gestes d’Adam Bohman, dont il assemble des fragments dans ces collages soniques. Side A Purely Practical se situe à mi-chemin d’un énoncé de fréquences radio interdites et d’un catalogue de références de résistances électriques obsolètes. Side B Western Omelettes est une suite improbable de recettes culinaires dont l’effet coupe-faim est garanti ! Il ne manque plus qu’un galleriste expose ses collages visuels et ses dessins et Adam se révèlera comme artiste total. 


Les bras m’en tombent encore, c’est pourquoi je vous recommande un peu de patience pour la suite avec l’objettiste électro-cheap tchèque de Copenhagen Martin Klapper, aussi manipulateur de jouets, et la palette amplifiée de l’américain HalRammel et son extraordinaire label Penumbra, sans doute le micro label le plus fignolé de la scène improvisée. Il me faudra du temps pour exprimer à sa juste mesure le niveau artistique et la dimension esthétique des productions de Rammel et de son compère Thomas Gaudinsky (Necessary Arts). Ensuite, je clôturerai avec Johannes Bergmark, un artiste sonore suédois parmi les plus inventifs et vous livrerai un texte - interview de Steve Beresford, spécialiste de la table recouverte d'instruments et gadgets électroniques des années 70's et 80'. Aussi le magyar Sörès Zsolt, incontournable ludion des circuits délirants de sous-instruments et jouets électro dans une dimension post psychédélique danubienne. En compagnie d' Adam Bohman, du vibraphoniste Oliver Mayne et de votre serviteur (yours truly, vocaliste de service dans Berberian), Sörès Zsolt est l'âme d'un groupe furieusement dingue et inclassable : I Belong to The Band . Précipitez vous sur youtube, nous n'avons pas joué en ailleurs qu'à Budapest et Szeged !


Steve Beresford pianist and sonic table improvisor

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Steve Beresford. Interview and overview













Dans le but de réunir quelques artistes impliqués dans l’électronique au sens large et les objets amplifiés et avec des parcours et des centres d’intérêts variés, j’avais sollicité Steve Beresford, Adam Bohman et les deux musiciens du groupe FURT, Richard Barrett et Paul Obermayer pour se livrer à une interview à quatre voix via e- mail et qui se voulait interactive. Bien que très différents, ces musiciens partagent de nombreuses choses en commun et, surtout, une véritable admiration réciproque. Aussi les quatre artistes ont développé l’électronique et les sons amplifiés un peu à l’écart des tendances fashionables d’aujourd’hui.
Alors que Richard Barrett est un compositeur réputé (élève de Brian Ferneyhough) et a développé une conception sophistiquée des manipulations du son électronique avec Paul Obermayer, Adam Bohman est l’archétype de l’autodidacte qui n’a pas froid aux yeux. Il étale un bric-à-brac délirant sur une table et l’amplifie empiriquement en collant des micro contacts au milieu de ses objets. Avec cet assemblage, il n’hésite pas à affronter tous les instrumentistes qui se présentent à lui. Steve Beresford est un des plus fervents supporters d’Adam Bohman et de son frère Jonathan (The Bohman Brothers Band !) Adam est aussi des piliers du London Improvisors Orchestra dont Steve est le pianiste attitré et un conducteur assidu et particulièrement brillant. Il a développé une approche de l’électronique « low –fi » avec mettant en batterie une kyrielle d’instruments vintage. Tout comme les deux inséparables compères du duo FURT, ses performances électroniques font preuve d’un sens aigu du timing et du rythme. Le duo FURT s’est produit à plusieurs reprises avec Adam Bohman. Le premier enregistrement de FURT associait Adam et tout récemment, ils devaient partager la scène du Freedom of The City2010 jusqu’à ce que Richard Barrett, indisponible, fût remplacé par Phil Marks. Phil est le percussionniste de l’excellent trio Bark avec Paul Obermayer.

Comme ce projet d’interviews croisées semblait impraticable, j’ai opté pour livrer des portraits de chaque individualité au départ d’une interview dont voici le texte de Steve traduit par mes soins. Il est suivi par une série de questions qui tente de cerner certains éléments de sa démarche.

Steve Beresford



J-M Van Schouwburg :    Où, quand et comment as-tu commencé avec la musique, un premier(s) instrument(s) et une activité musicale ( écouter, jouer, à l’école, études, plaisir) ?

Steve Beresford 
Il y avait en permanence un piano à la maison et les deux côtés de ma famille aimaient la musique. Mon grand-père maternel avait joué du cornet dans un groupe de jazz des débuts avec son frère qui jouait du piano et de l’accordéon. Plus tard mon grand-oncle rejoignit le Debroy Somers Orchestra, joua pour Gaumont British Films et on raconte qu’il a joué avec Louis Armstrong à Londres au début des années trente. Mon grand-père abandonna le jazz au bout d’un moment et se mit à jouer du violon classique à la place.
Mes père et mère étaient de grands amateurs de swing et allaient beaucoup danser. Lui avait fait partie d’un chœur et plus tard chanta avec l’orchestre local. La maison était pleine de disques. Le premier disque que j’achetais était un 78 tours : ‘Good Golly Miss Molly’ de Little Richard.
Je pense que j’expérimentai avec des clusters au piano quand j’étais tout jeune et je commençai des leçons de piano à l’âge de huit ans. Mon intérêt pour certain type de musique n’était pas du goût de mon prof de piano  ou de mon prof de musique ; dès les 13 / 14 ans, j’écoutais Coltrane et Cage ainsi que du jazz plus conventionnel. La plupart de mes tentatives pour apprécier la musique classique occidentale impliquaient Tchaikovsky et Chopin. Mais je ne les aimais pas. Plus tard, j’entendis le Prélude en Mi bémol Mineur de l’Op. 48 et la Tallis Fantasia de Vaughan Williams et j’aimais beaucoup cela.

Comme la BBC avait un programme jazz avec un répertoire très étendu, j’entendis des choses à la radio comme Steve Lacy et Cecil Taylor dans ‘Johny Come Lately’ et j’adorais.
Plus tard, il y eut Albert Ayler et un session live du Spontaneous Music Ensemble. Cela devait être aux alentours de 1968. Je jouais alors de l’orgue Hammond et de la trompette dans un sould band local. J’achetais tous les disques d’improvisation libre of free improvisation que je trouvais et que je pouvais m’offrir.

JM VS :Où, quand et comment t’es-tu mis à improviser. Etait-ce un choix délibéré de faire de l’improvisation ou quelque chose qui a grandi petit à petit de l’intérieur?
Aussi dans le cas d’études musicales, était-il alors facile de découvrir cet intérêt musical fondamental qui devait être bien différent de la norme.... Comment es-tu devenu complètement convaincu par l’improvisation, tout en étant impliqué dans la composition  ou d’autres genres musicaux?

SB : Je trouvais qu’improviser était très difficile au début. Quand j’entendis le Green Onions de Booker T and The MGs’, c’était suffisamment simple pourque je puisse travailler sur ce qui se déroulais. C’était dans le contexte du soul band que nous avions à l’école. Je pense que probablement, j’en acquis l’idée assez rapidement, mais restais dans le brouillard au sujet des techniques du piano jazz durant mon séjour à l’université; personne ne pouvait m’expliquer quoi faire de ma main gauche.

Après avoir quitté I’Université de York en 1971, je restai en ville et formai un trio d’ improvisation appelé ‘Bread and Cheese’ avec deux musiciens US. Nous aimions particulièrement Derek Bailey, Evan Parker, Elvin Jones, Don Cherry et Luciano Berio. L’instrumentation de départ était guitare, piano et batterie, mais nous utilisions souvent nos voix et j’avais de petits instruments aussi. Le guitariste du groupe - Neil Lamb – écrivit un morceau pour Derek Bailey, qui vint à l’université la jouer en concert avec quelques impros libres.

Derek interpréta la composition de Neil de manière relâchée, si je me souviens, and le département musique présenta son improvisation comme si c’était un petit bonus à l’œuvre sérieuse ( parce qu’écrite).

Par la suite, Martin Mayes et moi avons présenté quelques concerts d’improvisation libre à l’Université :  Evan Parker, Han Bennink, Derek Bailey, Peter Brötzmann et Fred Van Hove. Je commençais à prendre le train de minuit vers Londres pour jouer au Little Theatre Club et aussi avec  The Portsmouth Sinfonia, un orchestre plutôt hétéroclite qui comprenait Michael Parsons, Brian Eno, Gavin Bryars et pas mal d’artistes visuels.

Au Little Theatre Club, je rencontrai à nouveau Derek et Evan et aussi des musiciens plus jeunes. Quelques-uns d’entre eux se retrouvèrent sur Teatime, le LP Incus que nous fîmes en 1975 : Dave Solomon, Nigel Coombes, Garry Todd et John Russell. Je jouais énormément avec eux et d’autres comme Terry Day, Mongezi Feza, Roger Smith et ainsi de suite.

J’emménageai à Londres en 1974. A cette époque, il y avait régulièrement des concerts de la Musicians’ Co-Opà l’ Unity Theatre au Mornington Crescent et j’y jouais avec la plupart des improvisateurs de Londres. (Excepté John Stevens avec qui je jouai seulement à deux reprises, ce que je regrette).

Je jouais aussi avec un orchestre soul que nous avions lancé à York. Il incluait Stuart Jones à la guitare, Stuart était aussi dans Gentle Fire qui jouait du Cage et du Stockhausen. 

J’aimais mélanger tout cela et je continuais de jouer de la musique populaire et de danse, mais c’était bien sûr toujours l’improvisation libre qui était la partie la plus importante de ma vie. Je ne me souviens pas  quand j’en ai pris la décision mais le professeur et compositeur Bernard Rands m’avait dit deux ou trois choses très encourageantes, spécialement dans le contexte de l’Université de York où chacun essayait intentionnellement de vous décourager par tous les moyens.

Durant quelque temps, je jouais de la guitare basse dans un groupe appelé Roogalator, qui ajustait ensemble quelques idées rythmiques très intenses et variées. Je préférais la musique de danse comme celle-là. Plus tard, cela m’a amené à travailler sur des morceaux de Dub jamaïcains avec  Adrian Sherwood,

Nous avons ensuite formé le London Musicians’ Collective et cela a créé encore une plus grande ouverture. Nous avions un lieu (NDT situé Gloucester Avenue) et beaucoup sont venus nous rendre visite du monde entier.

JMVS  Etant déjà pianiste et aussi trompettiste et bassiste, pourquoi t’es – tu mis à jouer avec des jouets, des objets et des instruments jouets : absence de piano ? ( je me souviens très bien de ton concert solo de Bruxelles en 1977)...... Peux-tu expliquer cette pratique depuis le début jusqu’à son évolution récente vers l’électronique ? Tu as aussi réalisé des installations.
C’est une composante important de ta personnalité où interviennent des qualités rythmiques, quelque chose de spécifique avec le timing ? Tu peux un peu expliquer cela.

SB Je suis un admirateur inconditionnel des stand-up comedians et je pense que le timing est quelque chose de fondamental autant en comédie qu’en impro libre. Nous n’utilisons pas un temps métrique mesuré, mais nous sommes tout à fait bons avec un temps psychologique, comme dirions-nous, Stewart Lee, un comédien avec qui je travaille sur un projet pour l’instant. 

Initialement, je collectionnais de petits instruments parceque de nombreux endroits étaient sans piano. Ma collection s’est beaucoup transformée au fil des décennies, mais je me suis arrêté à la technologie des années mi- 80’s pour le moment. Peut-être, je vais faire évoluer cela d’ici peu. Les  pianos jouets étaient le subterfuge évident à la non-existence de piano dans la plupart des lieux, mais toutes sortes d’autres choses apparurent, partiellement parce que je joue aussi des cordes pincées et des trucs à souffler autant que des claviers. Actuellement, je n’utilise plus aucun clavier avec mon installation électronique. (On se souvient de ses Farfisa et Casio durant les années 80 – ndla).

L’installation que j’ai réalisée– à l’occasion du show collectif lors la récente ouverture de l’ Usurp gallery – était une version fort ritualisée du matériel qui me sert par ailleurs en concert. J’en ai réduit l’assemblage, déposé sur une table d’école Thaï, à des objets bruiteurs en plastique bon marché. C’était excessivement coloré et fort grésillant. Un court enregistrement de moi jouant cette collection était diffusé par des casques audio.

Je ne sais pas si je parviendrais à en expliquer des interrelations musicales. Je pense que cela doit être amusant et que cela produit une nouvelle musique à chaque fois.


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Alterations  (Terry Day, Peter Cusack, David Toop, Steve Beresford 1979 - 1986)

Voici un groupe essentiel de la scène improvisée qui tranche complètement sur les idées et les définitions répandues. Les musiciens utilisaient beaucoup d’instruments : Terry Day : percussions, sax alto, violoncelle, pipeaux, voix et textes, Peter Cusack, guitares, ukélélé,  bouzouki, David Toop : flûtes de concert, flûtes inventées, basse électrique, guitare , Steve Beresford : piano, claviers électroniques, pianos jouets, jouets, trompette, basse électrique. Ils passaient fréquemment d’un instrument à l’autre travestissant plusieurs styles musicaux en les faisant coexister subtilement ou collisionner de manière abrupte ou … idiote. Au fil des ans, la musique est passée de l’acoustique vers l’amplification. Elle était parfois indescriptible. Dans l’interview ci-dessous, il semble que SB s’exprime peu sans doute parce qu’il ne trouve les mots pour expliciter ce qu’il y avait de particulier dans ce groupe que lui-même juge primordial dans sa vie musicale.

Albums : Alterations Bead 9 1979 / Up Your Sleeve Quartz 1981 / My Favourite Animals Nato 1984/ Voilà Enough 1981 Atavistic / Alterations Live Live Recordings 1980 1983 Intuitive Records IRCD 001.

J-M VS : Je viens enfin de trouver le CD Intuitive d’Alterations et j’adore le concert de  Copenhagen : c’est un morceau fantastique! J’ai aussi écouté Voilà Enough sur Atavistic .
Ce groupe était très particulier : Est-ce que l’expérience d’Alterations, et le fait d’avoir travaillé avec eux, a une influence sue ce que tu fais maintenant ?

SB : Je pense que jouer dans  Alterations a influencé tout ce que j’ai fait depuis, mais pas nécessairement de manière très évidente. Il y avait une situation unique de relations dans le groupe qu’il serait impossible à recréer. Pour moi, c’était de loin plus important que le matériau musical employé. Cela explique aussi pourquoi les gens du rock ne pouvaient s’identifier à cela – la façon dont nous travaillions était très éloignée des procédés conservateurs et rétrogrades de presque tous les groupes de rock.

De toute façon, je n’aime pas trop la rock music. Funk, pop, reggae, country, etc – excellent !  Mais je possède à peine trois disques de ce que  la plupart des gens décriraient comme du « rock »


 J-M VS : J’ai entendu le groupe trois fois: en 79 au  Palais de Beaux Arts à  Bruxelles ( la deuxième face d’ Up Your Sleeve /Quartz) et au Festival Incus en 1986  au Arts Theatre Club Great Newport street . C’était votre dernier concert, je pense. Combien de concerts avez-vous fait en dehors de Londres ?  

SB Alterations a joué pas mal en Allemagne, aux Pays Bas et en Belgique, aussi loin que je puisse me souvenir.


J-M VS  Je ne comprends pas pourquoi les gens de la scène rock alternative (RIO  Musiques de Traverse, nowave) n’ont pas fait appel au groupe. Alterationsétait  parfait pour ouvrir les choses et très plaisant au niveau scénique.... Sa musique a bien résisté  au temps, je  ne suis pas sûr qu’un autre groupe allait si loin avec autant de légèreté.
Une qualité qui me fait penser à ce que Derek décrivit pourquoi il aimait le fameux album solo de Paul Rutherford,  Gentle Harm of The Bourgeoisie... Sérieusement pas sérieux.

SB  C’est très chouette à entendre ! J’aime penser que c’est quelque chose que je pourrais faire de temps à autre.

JM VS Vous apportiez un tas d’interrogations, c’était parfois inconfortable et un peu délibérément idiot (silly en anglais)  ?  Est-ce que chacun dans le groupe partageait le même avis concernant la direction de la musique ?
Quand Pete, David et toi jouaient des guitares, cela sonnait comme une véritable musique d’ensemble. Etait-ce préparé à l’avance ou discuté ?

SB Jamais.

J-M VS  Est-ce que la musique du groupe avait une relation avec cette définition de la musique improvisée libre comme étant "non-idiomatique" ?

SB  Non !

JM VS Voilà enough ! (titre du CD d’Alterations 1981 Atavistic)

SB J’avais une boîte avec ces enregistrements sur CD’s et le titre sur la boîte était “Viola Enough!”.

J-M VSJ’apprécie sincèrement ce groupe Alterations ...

SB (en français) :  Moi aussi.

Steve Beresford.

Pour les improvisateurs étrangers de passage à Londres, Steve Beresford est un visage familier qu’on croise fréquemment dans les nombreux lieux de la ville dévolus aux musiques improvisées et expérimentales. Visiblement, après plusieurs décennies sur les scènes européennes en compagnie de personnalités aussi remarquables qu’Han Bennink, Derek Bailey, Eugène Chadbourne, John Zorn, Lol Coxhill, Tony Coe, Benat Achiary, Tristan Honsinger, Roger Turner etc… sans oublier de multiples productions professionnelles (studio, cinéma, etc), il a gardé intact l’enthousiasme d’auditeur et de découvreur de musiques qui l’ont plongé dans l’univers naissant des musiques improvisées et expérimentales au début des années 70. Steve adore se retrouver dans l’atmosphère des concerts et semble avoir autant de plaisir à écouter ses collègues et amis qu’à jouer lui-même. Il soutient activement les series de gigs sous l’égide d’un club en s’y rendant autant que le permet son emploi du temps. Une série de concerts « londonienne » accueille une fois par mois trois sets avec trois groupes différents, parfois 4 et le responsable du club est souvent lui-même musicien. La rémunération est « aux entrées », chaque participant recevant une part égale du montant de la caisse. Steve Beresford était un inconditionnel du Bonnington Arts Center au sud de la Tamise, une salle minuscule à l’étage d’un restaurant végétarien. Adam Bohman, le responsable du Bonnington, a emménagé non loin de là au Battersea Arts Centre, une structure professionnelle qu’il vient d’ailleurs de quitter récemment. Parmi les organisateurs légendaires, il faut citer John Russell et son Mopomoso au Vortex, la chanteuse poétesse Sybil Madrigal au Boat Ting sur un bateau ancré dans la Tamise, Alan Wilkinson au Flim Flam dans un pub de Stoke Newington, non loin de l’ancien Vortex. Les musiciens qui entourent Eddie Prévost (Sébastian Lexer, Seymour Wright etc..) jouent habituellement au Goldsmith College.  Et last but not least, Hugh Metcalfe qui vient de quitter Londres mettant fin à plus de 25 ans de transhumance de son délirant Klinker Club bi-hebdomadaire dans les pubs du Nord-Est. Steve se félicite de découvrir un nouveau venu original et la capacité d’un musiciens à assembler un groupe qui ouvre de nouvelles perspectives. Ces gigs servent de banc d’essai et nombre de musiciens jouent jusqu’à plusieurs concerts par semaine. Il ne suffit pas d’être un « excellent » improvisateur. Le fin du fin est de réussir le pari d’ un nouveau groupe qui se rencontre pour la première fois et donne à entendre une performance originale. 
Pour Steve, la scène de la musique improvisée ce sont tous ces femmes et ces hommes avec un talent original et qui partagent ce besoin d’expression collective au fil des saisons depuis l’époque du Little Theatre Club jusqu’à aujourd’hui. A la base de ce tissu de relations, il y a un sentiment de sympathie naturel, un chaleureux welcome pour quiconque apporte sa contribution, même modeste, à l’édifice. Et cela, au-delà des sexes, des générations, des backgrounds, des nationalités, origines ethniques, etc… Dès qu’un improvisateur étranger vient s’établir à Londres, même par intermittence, il est aussitôt adopté par cette communauté, forte de plusieurs centaines d’individus. Il y a quarante ans c’étaient l’américain Jim Dvorak et le brésilien Marcio Mattos, lequel à peine arrivé en 1969 jouait le lendemain avec John Stevens dans un Arts Lab. Aujourd’hui, le contrebassiste français Guilaume Viltard est fréquemment demandé et le madrilène Javier Carmona est un des deux batteurs habituels du London Improvisors Orchestra, un job qui a déjà été partagé par Louis Moholo, Steve Noble, Mark Sanders et Tony Marsh. (Tout récemment, Javier Carmona s’est établi à Barcelone).
Depuis 1999, ce très grand orchestre à géométrie variable rassemble une quarantaine de membres et chacun d’eux a la possibilité de proposer une direction. Steve Beresford en est le pianiste attitré et un de ses membres inconditionnels. Il est remplacé par Veryan Weston en personne lequel attend paisiblement que Steve dirige l’orchestre pour monter sur scène. Les concerts ont lieu au Café Otoà proximité du Vortex, lui-même trop exigu pour accueillir la moyenne des 25/30 musiciens - jamais les mêmes ! - qui se présentent à chaque rendez-vous mensuel. Steve improvise sa conduite généralement comme un concerto avec un soliste tout en tirant parti des personnalités présentes et des sections instrumentales. Outre les cuivres où officiaient Paul Rutherford et Harry Beckett, aujourd’hui disparus, il y a une impressionnante section de cordes avec Phil Wachsmann, Sylvia Hallett, Susanna Ferrar, Charlotte Hug, Hannah Marshall, Marcio Mattos,  David Leahy, Simon H Fell et BJ Cole, légendaire steel guitariste de studio. Dans ce contexte, SB se révèle un véritable maestro livrant à chaque concert une des pièces les plus consistantes musicalement. Sous sa conduite, le LIO dépasse la problématique improvisation/composition : de la grande musique. Son travail consiste à mettre en évidence les qualités et le potentiel de l’orchestre.
Parmi ses groupes favoris, on peut compter le trio avec le tromboniste Alan Tomlinsonet Roger Turner (Trap Street/ Emanem), des duos avec John Butcher(Freedom of The City2001 Emanem) et Han Bennink (Live in Edam /ICP), et une très intéressante collaboration avec Tania Chen où les deux pianistes dialoguent avec des objets, des jouets, l’électronique (Ointment/ Rossbin). Son entente avec Lol Coxhill est plus que musicale : humaine et chaleureuse avec ce qu’il faut de non sense british pour réellement détendre l’atmosphère (on pense aux stand-up comedians évoqués plus haut). Durant les années 80, il fut un des artistes associés au label Nato entre autres avec les Melody Four, un trio focalisé  sur la relecture des standards de tout poil et de toute origine combinée avec des versions chantées. Steve a tourné dans toute l’Europe avec le soprano lunatique de Coxhill et la clarinette délicieuse de Tony Coe. Tony jouait aussi du sax ténor et Lol est un chanteur de chansons qui aurait fait une brillante carrière de crooner dans une autre vie.
Emanem vient de rééditer Teatime, un 33 tours publié en 1975 par Incus, le label d’Evan Parker et Derek Bailey. Teatime réunit outre Beresford, Nigel Coombes, le violoniste éternel du Spontaneous Music Ensemble de 1976 à 1993, Dave Solomon le batteur qui avait joué dans les Roogalators et un vrai spécialiste du drumming Tamla Motown, Garry Todd, un saxophoniste ténor particulièrement original et le guitariste John Russell, alors à la guitare électrique. Le  disque contenait différents sous – groupes avec des titres délirants : European Improvised MusicSho’Nuff Turns You On. C’est un excellent document sur l’activité de musiciens dit « de la deuxième génération » qui ont eu une influence non négligeable sur la scène improvisée radicale. Steve Beresford fut un des premiers musiciens européens à collaborer avec John Zorn, Tom Cora, Eugene Chadbourne, Toshinori Kondo etc… Ce qui l’a amené à enregistrer pour Tzadik, le label de Zorn, avec les albums Cue Sheets et Cue Sheets II où on retrouve des collègues de la scène londonienne. Beresford a même enregistré un de ses albums avec Zorn et l'équipe du quartet Masada (Dave Douglas, Greg Cohen et Kenny Wollesen) : Signals for Tea  (avant Japan). Il en a écrit tous les titres et chante les lyrics écrit par son pote Andrew BrennerFoxes Fox est un quartet énergétique rassemblant Louis Moholo, Evan Parker , John Edwardset SB et qui fut fréquemment à l’affiche du Vortex avant le départ de Moholo pour l’Afrique du Sud (Naan Tso)/ Psi. Du free – jazz costaud avec Parker au ténor et la propulsion effervescente de Moholo, mais à l’anglaise : complètement improvisé et avec une écoute mutuelle au service du collectif. Leur nouveau CD pour Psi est une pure merveille : Live at The Vortex (Psi 12.01) est un extraordinaire concert de 2006 dans lequel Steve mouille sa chemise en faisant preuve d'imagination et Evan Parker à son meilleur pressé par les roulements infernaux de Louis Moholo - Moholo. En prime Kenny Wheeler pour un long morceau.













Tout récemment Check for Monsters (Emanem 5002) s’impose par le dialogue époustouflant qu’il livre avec deux « monstres » de leurs instruments respectifs : la violoncelliste Okkyung Lee et le trompettiste Peter Evans. Dans cet album où tout semble pouvoir arriver, Steve Beresford nous dévoile ses capacités de pianiste et d’improvisateur en compagnie de deux phénomènes. Peter Evans et  Okkyung Lee développent des lignes contrapuntiques quasi polyphoniques souvent ahurissantes. Elles rivalisent avec les possibilités du clavier pour créer une multiplicité de lignes.  Il faut toute l’intelligence de SB pour créer des liens et des transitions de manière à créer l’ossature de cet organisme vivant en métamorphose perpétuelle.  Parmi toutes les pistes des musiques auxquelles SB a participé et qui sont évoquées ici, Check For Monsters, est une des plus fertiles. C’est aussi l’enregistrement que je recommande spécialement si vous croyez plus en la sélection qu’en la collection. Un trio qu’on aimerait glisser dans la boîte à suggestions d’organisateurs de festival éclairés. Aussi le duo avec Bennink "Live In Edam" (ICP) est particulièrement réussi : Steve fait mieux que se défendre avec sa table à malices. Etrangement , la musique de ce duo hétéroclite est envahie par une symbiose indéfinissable, mais très réussie entre les rythmes du batteur qui fusent dans tous les sens et les sonorités feux d'artifices de Beresford . Le grand Han Bennink, un grand du rythme et du jazz à tous les étages, a trouvé là un interlocuteur parfait avec un sens du timing exceptionnel : Steve Beresford.
J-M VS paru dans Improjazz 2010.

PS : Un cédé curieux a été publié dans les années nonante par le label Scàtter : Fish of the Week !
Steve Beresford, Alexander Balanescu, Clive Bell, Francine Luce, John Butcher et Mark Sanders. Aujourd'hui introuvable et à recommander !!

Objets musicaux et nouveaux instruments auto-inventés : Martin Klapper, Hal Rammel

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Recent Croaks  Martin Klapper – Roger Turner Acta Records 1997
ROT / ROH Ulli Boettcher – Martin Klapper NurNichtNur  2007
Boettcher Klapper – Rot / Roh - Cover

A dix ans d’intervalle, deux enregistrements révélateurs de l’art de la table recouverte d’une kyrielle d’instruments électroniques d’un autre temps et de jouets en compagnie de deux improvisateurs parmi ceux chez qui le don d’improviser confine à l’urgence immédiate et à une intuition infaillible. Le percussionniste vif-argent Roger Turner a trouvé chez l’objétiste tchèque Martin Klapper une capacité à répondre, anticiper, imaginer et détourner  (à) toutes les associations de sons qui peuvent / doivent survenir. Cela dépasse les limites du dialogue, de l’interaction ou même de l’entendement dans les liens de causes à effets, soulignés par le contraste saisissant entre la fine sensibilité du percussionniste et l’aspect brut de décoffrage des bruitages de son acolyte. Recent Croaks est une rencontre aussi imagée et joyeusement ludique qu’elle requiert un sens très aigu de l’acte d’improviser basé sur une réflexion profonde et imaginative. Artiste visuel praguois impliqué dans le cinéma expérimental et danois d’adoption, Martin Klapper a sillonné les scènes nordiques et allemandes avec tout ce qui compte dans la scène improvisée active de base de Hambourg à Vienne et de Berlin à Amsterdam et Londres. Depuis le début des années nonante, il a croisé les Butcher, Chris Burn, Jeffrey Morgan, Birgit Uhler, Ulli Philipp, Roger Turner, Adam Bohman, Clive Graham, Ray Strid, etc... Contraint par l’urgence des situations, il a développé une capacité à se servir de ses objets amplifiés, gadgets électroniques, vieux tourne-disque, thérémine d’avant-guerre, dictaphone et cassettes pré-enregistrées avec un à propos ludique et une dynamique remarquable. Dans Recent Croaks, l’imagination de Roger Turner et sa frappe hyper-kinétique font des merveilles pour inventer les agrégats de sons qui semblent jaillir des bruitages de Martin Klapper. Celui-ci conserve un sang-froid admirable en contenant / contournant ce qui simule une activité débordante dans le chef du percussionniste virtuose. On rentre dans l’intimité de la complémentarité des contraires. Bon nombre de commentateurs sont obnubilés soit par l’hyper-virtuosité d’improvisateurs renommés (Evan Parker, Derek Bailey, Barry Guy ou Paul Lovens) ou la maîtrise de la concentration zen (Eddie Prévost, John Tilbury) et ne conçoivent pas qu’un virtuose brillant comme Roger Turner puisse faire sens avec un « non-musicien » devenu au fil des ans un solide artiste sonore. L’aspect humoristique « bandes dessinées » des inventions de Klapper ne doit pas occulter la conscience partagée de toutes les possibilités d’agencement spontané des sons au fil de leurs improvisations. Recent Croaks en est un véritable guide pratique. J’ajoute encore, qu’à Copenhagen, Martin Klapper dispose d’un arsenal effarant de jouets étalés sur deux tables de quatre mètres et qu’il ne peut pas transporter en voyage.
Autre percussionniste, passé celui-là dans le camp de l’électro-acoustique, Ulli Boettcher est un vétéran du collectif très pointu de Wiesbaden qui a fédéré bien des énergies autour de leur Humanoise Festival. Il a utilisé le système LISA mis au point par le STEIM d’Amterdam pour l’adapter à sa conception rythmico-pulsatoire du live-signal-processing.  Cela consiste à transformer les sons d’un instrumentiste improvisateur en temps réels et pour celui-ci à dialoguer avec des éléments transformés de sa propre musique, parfois au-delà de l’imaginable. On l’a entendu en duo avec le tromboniste Paul Hubweber et leurs inventions méritaient mieux qu’une distribution confidentielle (Schnack ! NurNichtNur). Paul Hubweber est un improvisateur exceptionnel et un collaborateur de prédilection de Paul Lovens et John Edwards depuis plus de dix ans (PaPaJo). Le duo Boettcher/Hubweber est un sommet d’intégration interactive de tous les paramètres musicaux / sonores dans le cadre électro-acoustique live. L’exemple parfait de la symbiose la plus intelligente qui puisse exister dans ce domaine. C’est pourquoi, je pense, il faut écouter Rot/ Roh avec deux grilles de lectures. Les sons inventifs complètement fous de Klapper ont un côté potache évident qui amusera la galerie. Mais la construction de l’album, composé de 15 pièces distinctes, est munie de 59 ID qu’on peut utiliser en mode aléatoire en zappant d’un moment à un autre au gré de sa fantaisie. Il en résulte une cohésion dans le mariage des timbres et l'enchaînement des actions alors que la démarche semble aléatoire. Fort heureusement, Martin Klapper joue ici avec de nombreux jouets qui apportent une dynamique différente. La musique de son partenaire est réalisée en temps réel en captant et transformant les échantillons des sons de l’objétiste danois. Le duo atteint un degré de sophistication inouï dans les échanges / emprunts qui rend cette rencontre d’un type nouveau naturellement spontanée.  Le sens du timing du tandem Martin Klapper – Ulli Boettcher est impressionnant. Mais qui joue quoi ? On s’en fiche ! Hautement recommandable.
Klapper* - Küchen* - Irregular
Au rayon des collections, un sympathique vinyle 10 cm 33t, Irregular dévoile deux faces du duo Martin Küchen - Martin Klapper (Fylkingen FYSP 1006). Küchen joue ici du sax baryton. L’enregistrement date de 2001 bien avant que le vinyle ne fasse sa réémergence.

Agog  Hal Rammel Penumbra CD016 / Fractures and Phantoms Matt Turner & Hal Rammel Penumbra CD 017
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Une palette amplifiée construite par un artiste visuel dont on admire les photographies qui agrémentent les productions soignées de Penumbra. Le nom du label fait songer aux nuances ombrées des photos noir et blanc dont Hal Rammel est un véritable virtuose. Ce don de l’image l’a amené à construire un instrument amplifié au moyen d’une palette de peintre ovoïde hérissée de multiples tiges et lames métalliques verticales qu’il manipule avec un archet, des baguettes, des brosses, etc... La face interne du CD Agog. Music for Amplified Palette est ornée d’une photo très rapprochée de cet instrument particulier dont les sons évoquent ceux d’Harry Partch. On y aperçoit des lames de scies électriques. Ces tiges sont elles-mêmes barrées par des tiges plus fines créant des hauteurs / intervalles non tempérés. Effets de sonnailles, de sanza céleste, frottements, harmoniques, percussions accordées, harpe métallique, marimba chromé, les occurrences de la musique composite de Rammel s’étendent dans dix-sept miniatures qui détaillent les possibilités de ce curieux instrument. Une citation est reprise au bas d’une belle photo de la palette insérée dans le CD : the palette is set in accord with spectrum band(Robert Henri , The Art Spirit, 1923). Son premier album, The Devil is in the Detail,était accompagné de notes de pochette de Radu Malfatti, dans lesquelles cet improvisateur et compositeur exigeant faisait une exégèse enthousiaste de la démarche de Rammel. Avec Fractures et Phantoms, on peut mesurer la sensibilité et la musicalité de ce véritable improvisateur en compagnie du violoncelliste Matt Turner, un instrumentiste équipé de moyens considérables. Le dialogue et l’interpénétration des sonorités en sont absolument remarquables. Contrepartie visuelle de l’invention sonore, l’image photographique noir et blanc de la pochette est décrite comme étant des Pinhole Photograms. Cette image est un tirage photo de Rammel lui-même, tout comme l’image d’Agog. Fractures and Phantoms est publié à 144 copies numérotées.  L’adresse postale de Penumbra est localisée à Grafton, Illinois, une localité où, durant les années 20, des bluesmen de légende ont enregistré des faces mythiques pour le label Gennett : Skip James, Blind Lemon Jefferson.

Midwest Disquiet  Hal Rammel Penumbra CD 015. 99 copies en édition limitée numérotée et 201 copies en version standard.
 
On croirait avoir fait le tour du propriétaire avec Agog et Fractures. Ce serait méconnaître les ressources d’Hal Rammel. Il semble préparer son instrument en modifiant la dynamique de l’amplification. Il privilégie une dimension introvertie faite de pressions sur les tiges, de frottements avec une activité rythmique assez dense qui entraîne la musique dans une polyphonie de sons sourds, flûtés et glissés (Lost Bridge 7 :55). Un motif de cloches en boucles évolue insensiblement avec un charme plein d’hésitations qui enrichit la rythmique (The Undiscovered I 4 :29). Une évocation de sifflements de flûtes d’habitants d’une forêt vierge imaginaire (Dust of Details 10 :28). Cette impression est accentuée comme si cette polyphonie était entraînée par un cours d’eau invisible (Throttle and Disregard 8 :27). Soubresauts de marimba ou xylophone accordé dans une échelle improbable (The Undiscovered II 4 :25) qui aboutit à un tournoiement final de timbres percussifs assez étonnant. Sa musique se réfère indirectement à des racines africaines et ce n’en est pas le moindre paradoxe. Une musique réalisée avec soin et précision et une grande dynamique. On retrouve ces qualités au niveau des superbes pochettes et illustrations. Comme dans la série des Lost Data, trois 45t édités en édition limitée à 99 copies numérotées pour célébrer le 10 ème anniversaire du label, Penumbra Music. Lost Data, First Sleep et Next Memory (45-01/ 45-02/45-03), elles sont illustrées chacune d’œuvres d’art de Rammel ou du cliché d’une sculpture en céramique sa compagne Lilian (First Sleep). Un autre de ces instruments, l’Interocyter est documenté dans le 45t Song of the Interocyter (Penumbra 45-04). Entre art sonore et galerie d’art, Hal Rammel est un activiste connu de la planète improvisation pour les concerts du Woodland Pattern Book Centerà Milwaukee.


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Cette manie de l’édition artistique soignée et limitée est poussée au paroxysme par les albums du trio Audiotrope auquel participent Rammel, le guitariste ThomasGaudinsky et le saxophoniste soprano Steve Nelson-Raney, dont deux enregistrements figurent au catalogue de Penumbra (Improvisations for saxophone and organ avec Gary Verkade Penumbra CD 12 et Cutting Off The Edge avec le percussionniste  Jon Mueller Penumbra CD 011). Les albums d’Audiotrope font l’objet des publications tout aussi léchées du label Necessary Arts dont Gaudinsky est le maître d’œuvre. Veuillez attendre patiemment une prochaine page d’Orynx Blog, que je retrouve ma plume et vous serez servis.
J-M VS 

the liste... ning list a-ning ..... near summer

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a listening list of fresh improvised musics from all over the scenes 

The Aerobatics : 
the Pancake Tour : Urs Leimgruber & Roger Turner Relative Pitch Records RPR / 007
Schmetterling : Simon Rose Baritone sax solos NotTwo MW 855-2
Vaincu.Va! Evan Parker Live at Western Front 1978 (solo soprano) vinyl


Ende mit Brötzophon :
up and down the lion - revised : Peter Brötzmann Alexander von Schlippenbach Sven - Ake Johansson Olof Bright OBCD 26
bRötzm bEnnink Total Music Meeting 1977 Berlin brö - B

Conducted Composed Contemporary Jazz Large Ensemble (please  forget other bands) : 
Positions & Descriptions Simon H Fell Composition No . 75 SFE Clean Feed CF230CD
w. Tim Berne, Steve Beresford, Mark Sanders, Rhodri Davies, Chris Batchelor, Philip Thomas, Joe Morris, Alex Ward, Jim Denley etc... recorded Huddersfield
... less Conducted ..... : 
hasselt Evan Parker Electro Acoustic Ensemble Psi 12.03
w Evan Parker, Lawrence Casserley, Phil Wachsmann, Barry Guy, Paul Lytton, Agusti Fernandez, Peter Evans, Richard Barrett, Paul Obermayer, Walter Prati , Joel Ryan, Ned Rothenberg

Sight improvised music :
Blind Date Quartet Angelika Sheridan, Ulrike Storzt, Scott Roller John Hollenbeck gpe records time zone TZ794

Dialogues : 
5 More Dialogues Trevor Watts & Veryan Weston Emanem 5017
Dialogues in Two Places Veryan Weston & Trevor Watts Hi4head records 2012
Songs From Badly Lit Rooms Benedict Taylor and Tom Jackson Squib Box cd

John Cage 100th Birthday Gift :
Bouquet Charlotte Hug & Frédéric Blondy Emanem 5026

The Great Bead Album with Strings
The Imaginary String Trio : Bruno Guastalla cello, Dominic Lash double bass, Philip Wachsmann, violin Bead CDO8SP

The Greatest Sound Object Joint Vinyl :
Spontaneous Composition Generator Paul Metzger / Concerning The Other Condition Milo Fine Nero's Neptune NN 012

The Limited Edition Art Object Sound Box :
Audiotropism Hal Rammel Thomas Gaudinsky Steve Nelson Raney Necessary Arts ( Edition 20/33) including bonus CD, inserts, artwork, print photos & texts....

Mediterranean Currents :
Tidal Amphidromic Cotidal A Windy Season : Gianni Mimmo Angelo Contini Mirio Cosottini Alessio Pisani Amirani AMRN 033
Old School New School No School Wind Trio Joao Pedro Viegas Paulo Chagas Paulo Curado Creative Sources CS224CD
Turbulent Flow Gianni Mimmo Daniel Levin Amirani AMRN 032

Democratically speaking :
Almost Even Further 6 i x Jacques Demierre Okkyung Lee Urs Leimgruber Thomas Lehn Dorothea Schurch Roger Turner Leo records CD LR 644

Lo' and Behold :
The Lamp Asunder Trio Hasse Poulsen Paul Dunmall Mark Sanders  1kg 023 

Jazz vécu tradition :
L'Etang Change (mais les poissons sont toujours là) François Tusquès improvising beings ib15

Chamanic :
Black Sky K-Space Gendos Chamzyrin Tim Hodgkinson Ken Hyder Setola di Maiale SM2410

I think that I have forgotten some, but it poured rain in Arles since last saturday until I came home...

the most sought after item by now but found afterwards : 
Requiem for a baby grand  Hans Koch Thomas Lehn Ben Patterson Jozef Cseres Panrec PANDVD07/Heyermears Discorbie DVD 013 . 
Great to have a Jozef C / Ben Patterson visual / conceptual performance to look in company of such improvisors as Thomas and Hans.  

Aerobatically Yours

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Black Sky K-Space : Gendos Chamzyrin Tim Hodgkinson Ken Hyder Setola di Maiale SL2410
BLACK SKY
Ce concert avait été organisé et enregistré à Catania en Sicile par le centre Alan Lomax le 18 avril 2009 par Luca Recupero. Alan Lomax est une personnalité enngagée et incontournable dans le domaine des musiques populaires traditionnelles. Le travail qu’il a effectué dans le domaine des racines du blues et de la condition sociale et humaine des Afro – Américains du Delta du Mississipi dans les années quarante et cinquante est une contribution essentielle. Rien d’étonnnant que le centre qui porte son nom ait invité K –Space : Gendos Chamzyrin est un authentique chanteur, lutiste et artiste chaman de Tuva. Le trio qu’il partage avec Tim Hodgkinson et Ken Hyder situe sa pratique musicale aux confluents de la musique traditionnelle de Touva, du post-rock électrique, de la free-music, des modes et des rythmes en phase avec la pratique de la musique traditionnelle. A l’heure où les musiciens classiques Turcs, Iraniens, Kurdes et Indiens développent des formules plus « accessibles » de « cross-over » en simplifiant / standardisant leur héritage multi centenaire au détriment de la finesse inhérente et du sens profond des musiques traditionnelles, Gendos Chamzyrin nous prend à rebrousse poil sans concession. Sous des dehors débonnaires, plaintifs et machos, le blues afro-américain cache bien le jeu de la subversion et sa critique sociale voilée. Je ne comprends pas le sens des paroles de Chamzyrin, mais le timbre unique de sa voix (de « gorge ») a une profondeur, un vécu, exprime une rage de vivre et une détermination. Ken Hyder bruite ou percute ses peaux dans des cycles rythmiques adaptés à la métrique du chant Touvin de Gendos, caractérisé par cette voix de gorge grave d’une épaisseur gutturale irréelle. On découvre ces harmoniques affûtées par une technique « pointe de la langue contre les gencives intérieures » maîtrisée. Interviennent aussi deux cymbales épaisses et bulbées, semblables à celles utilisées dans les rites tibéthains et le luth dombra qui ponctue le chant. Tim Hodgkinson joue en loops ou en direct de sa steel guitar trafiquée ou souffle superbement dans sa clarinette avec les modes requis. Le groupe joue « ensemble » ou « séparement », comme si leurs univers respectifs se côtoyaient sans se croiser ou se toucher  et /ou, soudainement, s’interpénêtrent. Ces deux démarches sont inspirées par les croyances chamaniques. Un groupe parfaitement soudé qui joue une musique engagée et spirituelle, à la fois terrienne et céleste sans le moindre apprêt ni faux-semblant. Leur démarche radicale, l’urgence du chant et du cri sont en phase avec l’improvisation collective la plus sincère et engagée.

Vaincu ! Va Evan ParkerLive at Western Front1978.
Vaincu.Va!
L’association Western Front a effectué un travail de présentation des musiques contemporaines, expérimentales et improvisées à Vancouver. En 1978, ils avaient accueilli le dernier concert de la première tournée d’Evan Parker en Amérique du Nord et réalisé l’enregistrement de manière acceptable. Voici que Western Front publie le concert en album vynile ! Au milieu d’une production pléthorique d’albums et de rééditions des « pionniers » , au premier chef, Brötzmann et Parker, qui viennent gonfler leur documentation exponentielle, l’amateur éclairé pourrait se dire : cette fois – ci, je passe ! Et bien, si vous n’avez pas sous la main les quelques albums parus sur musique d’Evan Parker des années 70, certains sold-out, précipitez-vous ! La musique enregistrée est dans la ligne des Saxophone Solos de 1975, par exemple (Psi), de Monoceros de 1977 (non réédité) et du duo avec Paul Lytton (Collective Calls 1972 et Live at Unity Theatre 1975/ Incus réédition Psi). Je me souviens très bien de l’interview où Parker soulignait que l’aspect intéressant de son travail résidait dans la « physicalité » du son. Les harmoniques puissantes et les glissandi furieux s’affirmaient comme un cri de guerre contre la bienséance tonale ou sérielle. Cette démarche est précisément documentée dans les aerobatics des Saxophone Solos, dans Monoceros, Unity Theatre ou dans Three Nails Left du quartet d’Alex Schlippenbach avec Lovens et Kowald (FMP). Une  radicalité novatrice indiquait une voie nouvelle qui fascina Daunik Lazro, Urs Leimgruber, Wolfgang Fuchs, Michel Doneda et beaucoup d’autres. Pour reprendre les mots d’un chroniqueur français de l’époque, « une violence inouïe ». Qui dépasse l’imagination ou l’entendement. Ses doigtés croisés font alterner / juxtaposer des sons inouïs, harmoniques suraiguës et résonances fantômes, glissandi et multiphoniques irréelles. Deux années plus tard, en améliorant sa technique, déjà hallucinante à l’époque, et en raffinant sa démarche vers une «  illusion de polyphonie », Evan Parker créait une contrepartie aérienne et extraordinairement physique aux démarches « minimalistes » d’un Steve Reich ou d’un La Monte Young. Ici, Evan Parker est sauvage et insaisissable. Par bonheur, son concert et sa durée semblent avoir été conçu pour deux faces de 33t. A recommander  absolument.

Schmetterling Simon Rose NotTwo Records MW855-2
Simon Rose (2) - Schmetterling
Un album solo de saxophone baryton qui met en évidence cette physicalité radicale du son dont Evan Parker avait parlé à propos de son travail. Simon Rose qu’on a entendu avec plaisir au saxophone alto avec Simon H Fell et Steve Noble dans le trio Badland (Society of Spectacle / Emanem et Axis of Cavity / Bruce’s Finger), explore le registre graveleux et terrien du sax baryton en exploitant les nuances du cri et des harmoniques, de vibrations timbrales, de glissements microtonaux, de slaps en pointillés, des barissements. Quatorze pièces bien détaillées où Simon Rose travaille distinctement  et en profondeur chaque idée, chaque association de sons en prenant son temps. Sa spontanéité n’empêche aucunement la logique et et la construction intelligente. Un lyrisme sonique, des boucles qui évoquent le meilleur de Joe Mc Phee ou de Daunik Lazro, une approche vocalisée du gros saxophone, qualités qui toucheront nombre d’amateurs de jazz libre et d’improvisation sincère. Les Brötzmanniaques de tout poil trouveront là leur contentement, les autres tout autant et même plus (Panopticon). La respiration circulaire jointe aux staccatos de graves dans South on Squirrel est irrésistible. Il redispose ces éléments avec surprise dans Eel Feeler et ensuite Boxhagener. Chaque plage apporte son bonheur. A la fin, vous vous trouvez comblés et rassasiés. C’est un superbe album que le label polonais NotTwo a eu la témérité et la présence d’esprit d'inclure dans son catalogue. Simon Rose est un de ces représentants inconditionnels de la musique « honnête », comme me l’a si heureusement décrite son ami Paul Dunmall, qu’on soutiendra de manière inconditionnelle tout aussi bien. L’art de l’invention et de la conversation sonores dans ce qu’elle a de plus authentique. On boit du Schmetterling comme du petit lait ou comme un vin de Moselle imaginaire…

Blind Date QuartetAngelika Sheridan Ulrike Stortz Scott Roller John Hollebeck GPE records timezone TZ 794
L’instrumentation. Flûtes (dont une flûte basse) : Angelika Sheridan. Violon : Ulrike Stortz. Violoncelle : Scott Roller. Percussion : John Hollenbeck. Contemporain « classique » : visiblement la pratique de Sheridan, Stortz et Roller. Improvisation : une foi aveugle. Jazz : la batterie d'Hollenbeck Blind Date privilégie le jeu chambriste parce qu’il permet d’entendre chacun dans les moindres détails tous ensemble avec un rare équilibre. Ces quatre musiciens nous font entendre une version superlative de cette musique improvisée libre dont on parle souvent mais qui semble se cacher derrière les concepts, les assemblages de fortune ou la routine. Le souffle d’Angelika Sheridan et les nuances infinies de son jeu donnent le la et ses trois partenaires (deux femmes et deux hommes) réalisent des tours de passe-passe sonores, musicaux, de travail sur les timbres, dynamiques, avec un équilibre supérieur. Ils travaillent une multiplicité d’idées et d’éléments tout au long des superbes quatorze pièces de Blind Date avec un vrai feeling narratif. En plus, il y a l'élan d'un swing naturel, d'un flux rythmique intériorisé qui tire son origine dans l'amour du jazz et de la musique spontanée. Voici un collectif musical basé sur l’écoute mutuelle et le partage intégral du temps, de l’espace et des fréquences ( !) qui ferait sourire un Evan Parker les yeux fermés dans sa barbe. Une véritable vision humaniste de la musique. Enregistré au Loft de Cologne par des musiciens du cru, ce superbe album nous rappelle que cette partie de la Rhénanie est au même titre que Londres ou Berlin, une « capitale » de l’improvisation radicale. On leur décernera le prix John Stevens Serial Idealism, un award imaginaire que je viens d'inventer !

summer listenings

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Keith Tippett Giovanni MaierTwo For JoyceLive in Trieste Long Song Records LSRCD 127/2013
Un duo enregistré dans la banlieue industrielle de Venise en hommage à James Joyce. Un piano magistral et un contrebassiste qui relève le défi durant les 49 minutes de cet excellent concert. Giovanni Maier est un proche du contrebassiste Roberto Bellatalla (ils ont enregistré un superbe trio avec le batteur Michele Rabbia). Comme Roberto Bellatalla  fait lui-même partie de la fratrie londonienne Tippett – Moholo et compagnie depuis des lustres, au sein de Dreamtime, avec qui Keith Tippett a souvent joué et enregistré, cette association de Giovanni Maier avec le légendaire pianiste britannique est tout à fait naturelle. Une belle contrebasse puissante et sensuelle pour épauler avec beaucoup de classe et de retenue un de nos pianistes favoris tout en énergie, en nuances et avec son extraordinaire articulation.  Les deux partenaires nous convient à un parcours de l’univers tipettien dans toutes ces déclinaisons. A la fois improvisateur de l’instant et compositeur dans la durée, le pianiste nous livre une construction tour à tour intime, étincelante et assumée. Après une brillante envolée scandant des motifs africains, nos deux partenaires ménagent un passage introspectif où les harmoniques à l’archet et le jeu dans les cordes se rejoignent. Une comptine au piano préparé se mêle à des pluckings délicats, les cordes graves résonnent dans la table d’harmonie, alternant subtilement deux modes de jeux sans crier gare. Keith Tippett et Giovanni Maier ont fait ici un superbe concert et comme les albums de Keith dédiés au piano en solo ou duo se font rares au fil d’une très longue carrière, on ne boudera pas notre plaisir.

Home John Russell - Fred Lonberg-Holm Peira

Ce sympathique micro-label chicagoan nous présente un magnifique duo de deux personnalités incontournables de l’improvisation libre. Le guitariste John Russell et le violoncelliste Fred Lonberg-Holmse sont rencontrés dans l’appartement du guitariste à Walthamstow pour un superbe échange. Voilà pourquoi Home. L’enregistrement réalisé par Russell a une qualité technique remarquable quand on connaît les circonstances de celui-ci : une petite pièce encombrée de livres, d’étagères de cd’s, ordinateurs, archives etc… La musique est superlative : la distinction du guitariste et les sonorités particulières de son jeu, intervalles dissonnants issus du dodécaphonisme, harmoniques obtenues avec des plectres en pierre, etc… n’ont d’égales que les nuances et la dynamique du violoncelliste. Cet album est un témoignage merveilleux, s’il en est, de tout ce qu’il y a moyen de partager, de jouer et de vivre en improvisant librement sans contrainte avec deux instruments à cordes.  

Southville Summer Dominic Lash – Ricardo Tejero Clamshell records CR 11
Contrebasse (Lash) et saxophone tenor / clarinette (Tejero, …plus sifflets) pour une belle mise en commun de deux camarades associés depuis des années au sein de la communauté improvisée londonienne et du London Improvisors Orchestra dont ils sont des piliers incontournables. Chacun des sept morceaux de l’album enregsitré en 2012 est consacré à un mode de jeu spécifique et des tournures précises qui donnent à ces échanges une identité forte. Le contrebassiste joue à égalité avec le souffleur qui sollicite une belle variété d’effets sonores intégré dans un discours construit qui va du mélodique (Allfoxton), au bruitisme intelligent (Fernleaze) en passant par le classique vingtiémiste (Grittleton). J’apprécie particulièrement l’excellent travail de Dom Lash à la contrebasse aussi bien à l’archet qu’au bout des doigts et auquel les souffles conjugués de Ricardo Tejero offrent une belle contrepartie. Le parti-pris « efficace » de consacrer chaque pièce à une direction musicale différente concentre l’attention de l’auditeur pour le meilleur. Rien ne se perd et au bout du compte, on a parcouru un beau voyage. Des partisans de la musique honnête du partage et de l’écoute.

Songs From Badly-Lit Rooms Tom Jackson & Benedict Taylor Squib-Box 2013-06-09
Songs from Badly-Lit Rooms cover art
Wouf ! Un superbe duo clarinette et (violon) alto par deux jeunes musiciens qui sont à la proue de la relève des improvisateurs britanniques. Dès la première écoute, il est clair que l’altiste Benedict Taylor est sans nul doute un des violonistes les plus intéressants de la scène improvisée à s’être révélé récemment. Avec l’excellent clarinettiste (virtuose) Tom Jackson, il forme un duo remarquable et leur Songs From Badly - Lit Roomsest déjà un enregistrement de référence pour tous les membres du Comité d’Evaluation de la Violonnerie Improvisée de la Fondation Johannes Rosenberg. Benedict Taylor fait littéralement gonfler, distendre les paramètres des sons de son instrument avec un jeu très détaillé de pression de l’archet sur les cordes. Un raffinement sensuel et inouï avec les harmoniques, les transformations du son dans le même coup d’archet surviennent avec un savant mélange de logique et d’intuition, l’altiste tirant magnifiquement parti de la tessiture du violon alto dans des méandres micro-tonaux. Les intervalles sont étirés ou distendus de manière très personnelle voire intime, fruit d’une oreille musicale finement exercée. Une colorisation inédite des timbres. Tom Jackson joue avec précision et inventivité de superbes contrechants, inventant une contrepartie subtile dans un style proche de la musique contemporaine. Son jeu à la clarinette relativement « classique » se met de temps en temps à étirer les intervalles, faisant bonne mesure avec son partenaire. On entend poindre ça et là des écarts avec le chromatisme qui entrent en sympathie agissante avec les soubresauts soniques de son partenaire. Il peut aussi bien naviguer sur un autre plan en se concentrant sur son phrasé « contemporain » très droit laissant son acolyte s’échapper dans de merveilleux glissandi. Pour toutes ces raisons et le fait qu’ils essayent plusieurs points de vue dans les échanges, il s’agit d’un superbe premier album.  Enregistré live dans des lieux différents et avec des acoustiques parfois imparfaites sans que cela soit gênant. Peu importe, la musique est super-réussie et la qualité acoustique n’infère en rien sur mon parti-pris et mon plaisir d’écoute pour leur superbe musique. Voici donc deux improvisateurs vraiment talentueux engagés dans l’improvisation libre dont je me dois de saluer l’arrivée providentielle dans la scène britannique.
Je répète, superbe, voire indispensable si vous aimez le violon et l’alto improvisés.

Gongfarmer 36 Jim Mc Auley LongSong Records.

Ce label italien vient de frapper fort avec ce superbe témoignage  solo d’un guitariste exceptionnel, Jim Mc Auley. Remarqué il y a plus de dix ans dans un album en trio de guitares avec Nels Cline publié par Derek Bailey sur son label Incus, Jim Mc Auley manie aussi bien la guitare classique que le dobro ou la national métallique, instruments emblématique du blues. Un morceau est dédié à John Carter, un autre revisite le saltarello. Des objets sont utilisés dans les cordes en en tirant les meilleurs effets.
Gongfarmer 36 est un témoignage de  de ce qu’un improvisateur / instrumentiste de haut niveau est capable de faire avec des guitares. Plutôt que de « spécialiser » dans un style ou une démarche, Jim Mc Auley réussit tout ce qu’il entreprend, nous offrant un panorama vivant et convaincant de son talent en travaillant le son en profondeur, l’articulation, les intervalles, l'exploration... Il trouve le ton juste avec chaque instrument et chaque approche. Un guitariste improvisateur radical qu’on écoute et réécoute avec plaisir et un intérêt renouvelé : on a l’impression de n’avoir pas fait le tour. Oubliez les références citées dans le texte de pochette (Bailey, Fred Frith) et écoutez la musique. Une surprise de première classe, catégorie « musique honnête ».

FluiDensityBrian Groder Tonino Miano Latham Records Limited Edition Impressus IR Records.
Brian Groder est un de ces fantastiques trompettistes qui pullulent en Amérique et qui s’est, lui, créé un style jazz contemporain personnel et intéressant. Je vous passe les détails de sa carrière, rien que d’avoir enregistré un superbe quartet avec le légendaire Sam Rivers (un musicien que j’adorais étant jeune) est en soi une référence peu commune (Torque / Latham Records). Selon les notes de pochette signées George Grella, la musique du duo de Brian Groder avec le pianiste Tonino Miano se rapporte autant à la tradition du jazz « jusqu’à Cecil Taylor » qu’à la « musique nouvelle » d’origine classique. Ces deux musiciens, instrumentistes superlatifs avec un très solide bagage musical, ont une approche distanciée par rapport à l’engagement physique qui sous-tend l’improvisation libérée issue du jazz et  cette qualité des improvisateurs qu’est la fantaisie. Etant plongé dans l’univers des improvisateurs et de l’improvisation  depuis des décennies au point d’en être devenu un moi-même, je ne ressens pas le feeling de l’improvisation dans cette musique excellemment jouée, avec une justesse toute classique, pensée et réfléchie en profondeur. Pour faire court, on pourrait qualifier leur musique d’une sorte de troisième courant de chambre. Il s’agit plus de variations sur une composition que d’improvisations. Le son de la trompette est éminemment classique et balance merveilleusement le jeu orchestral du pianiste, d’une très grande finesse.  C’est en quelque sorte une musique jazz pour amateurs de musique classique jouée magistralement et, de ce point de vue, c’est une réussite incontestable. Je serais curieux d’entendre Groder en compagnie de Blaise Siwula, François Grillot etc.. ( ils viennent de travailler ensemble), car notre trompettiste a une technique et un contrôle du son de première. Et je suis certain que dans ces contextes, il fera un superbe travail. On peut donc féliciter ces musiciens pour leur excellence.
Toutefois, la référence « Cecil Taylor » citée dans notes de pochette me semble absente dans le travail du pianiste. Etant personnellement un passionné des Cecil Taylor, Paul  Bley, Mal Waldron, Randy Weston, Jaki Byard et Thelonious Monk et un inconditionnel de Fred Van Hove et Alex Schlippenbach depuis ma tendre jeunesse, j’ai personnellement des difficultés à apprécier le piano tempéré « plain vanilla » et son expressivité. J’ai trop écouté Howlin Wolf, John Coltrane, Ornette Coleman, Skip James, Jimi Hendrix, Duke Ellington et Charlie Mingus, la musique des pygmées, celles d’Inde du Nord et du Sud, les musiques africaines, javanaises etc… et donc mon oreille est déformée à tout jamais. Je m’en excuse.
Un super duo quand même.

Sureau and MouthWind Brussels 29 june

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Sureau : Jean-Michel Van Schouwburg- Jean Demey - Kris Vanderstraeten

MouthWind :  Lawrence Casserley - Mick Beck 

- Phil Wachsmann - J-M Van Schouwburg.

Samedi 29 juin 20h (doors) 20h30 : Ateliers Mommen 37 rue de la Charité 1210 Bruxelles Madou.  Entrée libre - free entrance  organised by Inaubible and Ateliers Mommen.
Sureau : Jean Michel Van Schouwburg, voix / Jean Demey, contrebasse / Kris Vanderstraeten, percussion.
MouthWind : Lawrence Casserley, live signal processing / Mick Beck basson /Phil Wachsmann, violin & electronics / J-M Van Schouwburg voix.
live free improvisations. 
MouthWind : Lawrence Casserley a développé un système unique de traitement du son des musiciens et de la voix humaine de son invention avec 14 canaux en temps réel, des laptops, un kaospad, des logiciels complexes et un réseau inextricable de câbles et boîtiers. Il travaille avec Evan Parker et Barry Guy (5 CD's ECM)et dirige l'installation géante ColourScape. La voix de Jean Michel Van Schouwburg se métamorphose de manière ahurissante du falsetto enfantin aux jodels et aux chants de gorge inimitables avec une expressivité visuelle et sera trafiquée par le dispositif de Casserley. Phil Wachsmann est un violoniste de premier plan dans la scène improvisée. Il collabore avec ses artistes les plus significatifs : Evan Parker, Barry Guy, Fred Van Hove, Tony Oxley, Derek Bailey, Paul Rutherford, Irene Schweizer, Paul Lytton, Radu Malfatti, Phil Minton etc... Il a développé des live electronics conjointement avec son instrument. Mick Beck, sax ténor, joue du basson dans MouthWind apportant des couleurs particulières en contorsionnant les sonorités de cet instrument traditionnel de la musique classique. Un improvisateur incontournable en Grande Bretagne. Sureau : trio voix - contrebasse - percussions formé en 2007 lors d'un concert imprévu en plein air à Anvers, frottements et extension sonores des cordes d'une contrebasse organique- Jean Demey, poésie ludique d'une batterie bricolée et d'objets détournés - Kris Vanderstraeten, gosier en folie/ voix explosée / parole sans mots - J-M Van Schouwburg . Construction spontanée, dérive surnaturelle, musique chantier vivante et insaisissable.

Sunday 30 june 17 h 30  Loft EX-I-T  7 rue Scheutveld 1070 AnderlechtMouth Wind & the Cosmophonics    entrance 7 euro

Lawrence Casserley, Phil Wachsmann and Mick Beck will meet the unbelievable free improvising vocal ensemble the Cosmophonics with singer Pierre Michel Zaleski and fellows Marco Loprieno , Claude Colpaert, Anael Honings, Sonia Paço Rocchia, Pat Lugo, Kostas Tatsakis led by J-M Van Schouwburg. voices and instruments ( Kostas dms, Marco sax ténor, Sonia bassoon, Claude trombone). 

Sureau trio : CD Sureau recorded 2007 on Creative Sources , CD the Leuven concert 2009 on Setola di Maiale : JM Van Schouwburg voice / J Demey double bass / Kris Vanderstraeten percussion.
MouthWind : CD MouthWind 2010 on He(a)rme(ye)s : Lawrence Casserley live signal processing @ J-M Van Schouwburg voice



Improvisation toujours, radical jusqu’aux racines les plus enfouies.

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Fauna  Paul Stapleton & Simon Rose pfMENTUM CD074
http://www.pfmentum.com/PFMCD074.html
Un grand disque de free music aussi bon, aussi chercheur et aussi rageur qu’à l’époque FMP INCUS RING etc…. mais follement actuel… !  Paul Stapleton joue d’un étonnant Bonsaï sound sculpture (BoSS) et Simon Rose souffle dans ses saxophones baryton et alto avec une énergie et sens des harmoniques de première. Le BoSS est , je cite, « a portable modular musical instrument (Paul Stapleton & Neil Fawcett 2010) combining a repurposed turntable, DIY electronics, amplified metallic percussion and strings ». Le duo nous offre une musique free sans concessions, une aventure sonique partagée et sublimée. Après une première écoute, on en redemande. La musique de Paul Stapleton évoque avec le plus grand bonheur l’univers sonore et ludique du légendaire Hugh Davies (l’ouverture de Felt) . Cela dit, cette remarque ne m’empêche pas de me plonger avec délectation dans les échanges de ce duo infernal. C’est de la musique improvisée du meilleur tonneau ou du meilleur crû , que vous préfériez soit l’enveloppe sonore ou sa qualité initrinsèque immanente tout au long des improvisations flamboyantes enregistrées lors d’un concert berlinois.  Simon Rose s’enflamme en faisant barir son baryton dans les graves graveleux. La respiration circulaire est utilisée pour transformer le son, glissandi dans les harmoniques, sens du détail et capacité à souffler au bord du silence ou à faire exploser son instrument. Son partenaire a, lui, une solide imagination pour faire parler son installation. La parfaite indépendance des deux improvisateurs et leur capacité à jouer dans des registres contrastés en coordonnant les efforts stimulent l’écoute de tous (auditeurs et musiciens), poussant les deux artistes à s’envoler dans leur recherche insatiable. Les grands écarts d’inspiration se rejoignent dans des convergences magiques et presqu’inespérées. Un duo véritablement remarquable. Pas mal de grands noms de la musique improvisée « libre » ne jouent pas mieux et sont moins passionnnants. Donc, si vous aimez la musique improvisée libre véritable et sans aprêts, découvrez ces deux artistes et leur magnifique FAUNA.


PS : Courez écouter aussi le Schmetterling de Rose en solo au baryton (NotTwo) et son Processionà l'alto (FMR), indispensables et bien sûr Badland - Society of Spectacle (Emanem) avec SH Fell et Steve Noble.


ISTBerlin Rhodri Davies - Simon H Fell – Mark Wastell Confront CCS 18

Punkt Und Linie (31:35) IST Harp : Rhodri Davies Double Bass : Simon H.Fell  Mark Wastell : violoncello. Recorded by Hrolfur Vagnsson at Total Music Meeting Podewil Berlin 01.11.2001 Mastered by Simon H Fell.

Lorsqu’il m’a envoyé cet album, Simon H Fell m’avait signalé qu’il aimait participé à des expériences musicales les plus extrêmes, parmi les quelles ce trio IST labellisé alors « London New Silence ». Il citait aussi le duo Descension avec le guitariste noise destroy Stefan Jaworzyn et le trio SHF (Alan Wilkinson / Paul Hession / Simon H Fell) , coupable lui d’un album intitulé The Horrors of Darmstadt sur le label Shock du même Jaworzyn. Leur Bogey’s enregistré il y a 20 ans est devenu un classique de la transe « free » jusqu’auboutisto- brötzmaniaque intelligente. 
La musique du cédé Berlin est l’intégrale d’un concert qui fit date dans l’évolution de la mouvance « réductionniste » berlinoise et partagea le public de manière presque schismatique. Un extrait du concert avait été publié dans Audiology par le label a/l/l . Le titre Point et Ligne se réfère à l’épure sèche qu’évoque cette musique à l’espace (de silences) qui vibre entre chaque point et chaque ligne. Cela dit, cela reste ludique et imprévisible. Les musiciens ne jouent pas au hasard (*), mais chacun suit une logique, réagit à l’écoute en anticipant ou retenant un geste sonore. Différents niveaux d’activité et de dynamique se conjuguent avec une belle précision et une véritable intension. Des événements sonores surgissent de la vibration d’objets dans les cordes de la harpe ou de frottements d’archets diversifiés. Des pizzicatos au bord du silence ou un coup bref  mezzoforte suivi d’un frottement non mesuré ou d’une harmonique éthérée rentrent dans un jeu subtil de contrastes et de correspondances. La qualité du silence qui les entourent ou les séparent et les infimes nuances d’un  jeu à peine audible (16ème et 17èmeminutes) concourent à souligner les caractéristiques du son acoustique. Leur univers se déplace vers un dénouement « complexe » stylisé à la vingtième minute comme si l’interaction de l’improvisation libre (l’école Phil Wachsmann John Russell Radu Malfatti  des années 80) était disséquée, toute exubérance écarté.  Certains sons semblent être électroniques mais sont produits acoustiquement : par exemple, un doigt humide frotte la surface de la caisse de résonance d’un instrument avec un bruit strident. Un excellent enregistrement très représentatif d’un état d’esprit et de l’évolution de la scène britannique et internationale.
Aussi, cet album est plus qu’un document, car ces artistes ont le talent nécessaire pour sublimer leur direction musicale et atteindre un niveau de plaisir d’écoute véritable et répété.
Pour info, ce même trio augmenté de Derek Bailey et du virtuose de claquettes Will Gaines figurent dans le CD Company in Marseille / Incus, album produit par Bailey himself.

Evan Parker Barry Guy Paul LyttonLive At Maya Recordings Festival No Business NBCD55
Evan Parker, Barry Guy, Paul Lytton - “Live at Maya Recordings Festival”
Du jazz libre de la plus haute volée par un trio légendaire en activité depuis trente ans. De leur expérience de pionniers incontournables de l’improvisation libre radicale, ces trois musiciens superlatifs apportent une qualité d’écoute, d’interaction, de développement des idées et un sens de l’exploration … (je m’arrête) à nulle autre pareille. La multiplicité foisonnante des rythmes / pulsations libérés, magnificente, n’a pratiquement aucun équivalent, sauf chez un Cecil Taylor. C’est en quelque sorte une musique issue de l’expérience du jazz (libre) et de l’improvisation totale à son point d’intersection le plus risqué et le plus fascinant. La virtuosité extrême du trio est complètement assumée dans la construction de la musique, aussi spontanée que profondément réfléchie. Ayant déjà écouté tous les albums précédents du trio, je ne me lasse pas de leur présent dernier, car Parker, Guy et Lytton insufflent une nouvelle dimension supplémentaire. Epoustouflant et profondément attachant. Une mention spéciale à Paul Lytton, un percussionniste d’exception, trop sous-estimé.

Tony Oxley 1975 Incus 63
Des sessions inédites de Tony Oxley pour ses 75 ans. Improvisateur radical peu documenté, Oxley été souvent sollicité comme batteur par John Mc Laughlin, Bill Evans, Paul Bley, Cecil Taylor, Tomas Stanko, Bill Dixon, Gerd Dudek et Rob Van den Broeck après avoir été le batteur-maison du légendaire Ronnie Scott’s.  Dans cet album produit par Incus, le label de feu Derek Bailey qu’il avait co-fondé en 1970 avec Evan Parker et le guitariste, on trouve un quartet noisy avec Derek Bailey, Pat Thomas et Mat Wand datant de 1993. Des archives de 1977 avec un duo avec Paul Rutherford, un trio « électronique » en compagnie du violoniste Phil Wachsmann et du guitariste Ian Brighton et un solo de percussion amplifié. A cette époque, les improvisateurs britanniques exploraient de la manière la plus radicale les limites entre le son musical et les bruits, les formes musicales par la pratique de l’improvisation. Cette démarche sublimait au-delà des avancées des Cage, Stockhausen et Cecil Taylor réunies avec une totale absence de prétention. Les trois plages de 1977 avec Rutherford (7:19), avec Wachsmann et Brighton (14:15) et en solo (5:54) poursuivent la démarche documentée dans Incus 8 « Tony Oxley » ( les solos de percussions amplifiées et électroniques) et Incus 18 « February Papers ». Les quatres protagonistes transforment leurs instruments avec une utilisation low-fi de l’électronique qui préfigure de développements apparus par la suite dans d’autres scènes expérimentales. Si on reconnaît le style discrètement vocalisé du trombone de Rutherford, il est impossible de deviner de quel instrument  jouent les trois autres larrons car l’aspect électronique est prépondérant et la virtuosité est volontairement remisée au vestiaire. Oxley torture les métaux et on en entend quasi exclusivement les manipulations électroniques.  Brighton et Wachsmann avaient d’ailleurs un malin plaisir à se prêter à l’expérience au point qu’il est impossible de distinguer qui fait quoi au delà des crépitements, frottements, glissandi et manipulations instrumentales. Oxley a expliqué qu’il a été influencé par la guitare de Derek Bailey (comme on l’entend dans son premier album solo Incus 2 de 1971, sans doute). On trouve une inspiration similaire chez Hugh Davies et Paul Lytton.          A l’époque, ces musiciens s’échangeaient les trouvailles mutuellement et collectivement. Le solo se termine par un ostinato grinçant qui provient de grincements répétés  sur la surface d’une cymbale démultipliés avec des moyens électroniques. Je regrette que mon écoute a été perturbée par des défauts digitaux de ma copie dans deux des morceaux. Le quartet avec Derek Bailey est excellent et agréablement ludique, pour ne pas dire relativement farfelu / excentrique,  surtout par rapport aux deux autres albums de ce groupe publiés par Jazzwerkstatt et Incus avec une qualité sonore laissant à désirer. Certains passages sont carrément désopilants dans les croisements interactifs et attirent irrésistiblement l’oreille. Par exemple, Pat Thomas avec ces échantillonages et ces doigtés délirants au piano. C’est joué avec le plus grand sérieux musical sans l’esprit de sérieux. Pour ces raisons et la rareté des plages de 1977, ce compact Incus est à recommander tout spécialement.


Garden of Water and Light Neil Metcalfe Guillaume Viltard Daniel Thompson FMRCD341-0812

Enregistré avec soin à la Shoreditch Church en décembre 2011, la reproduction de cette musique dans un compact est un exploit à cause de l’acoustique très particulière de cette église historique située près de la City et dont le jardin accueille les tombes de compagnons de théâtre de Shakespeare. La flûte de Neil Metcalfe distille des nuances infinies, ce musicien discret et taciturne étant un des vrais poètes de la scène musicale londonienne. On l’a entendu en disque et concert avec John Stevens, Lol Coxhill, Roger Smith, Tony Marsh, Evan Parker, John Rangecroft et Paul Dunmall, musiciens qui ne tarissent pas d’éloge sur la musicalité exceptionnelle de leur collègue.   En compagnie du contrebassiste Guillaume Viltard et du guitariste Daniel Thompson, il trace les contours merveilleux d’un jardin d’eau et de lumière, titre de la suite improvisée (27 :05) qui constitue le corps central de ce beau disque. Une conclusion heureuse est concentrée dans les neuf minutes finales d’un set improvisé avec ferveur et précision. Les pincements décalés de Daniel Thompson sollicitent les registres adéquats qui rencontrent les écarts microtonaux infimes mais superbement expressifs du flûtiste. Le génial Robert Dick pourra nous épastrouiller avec ces extraordinaires feux d’artifices, personne d’autre ne nous régalera avec cette distance, cet écart réaliste et fabuleusement subtil de Neil Metcalfe avec les tonalités. Il faut une oreille exercée pour en goûter toutes les nuances. On dira de même des frottements d’archets de Guillaume Viltard dont les intentions racontent une histoire. Rarement entendu des gars sachant vraiment jouer au ralenti de cette manière (19' et suivantes) . Un très beau disque qui vous entraînera à rêver. De l’air de chambre, la force de la délicatesse.


Adhesives and Grout Adam Bohman & If Bwana  BromBron 18

Enregistré par Al Margolis a/k/a If Bwana à Extrapool à Nijmegen en juillet 2010, Adhesives and Grout est une remarquable réalisation sonique improvisée avec une plage de mots parlés, une des spécialités d’Adam Bohman à la quelle se prête avec bonheur If, Bwana. Les deux artistes sont crédités : Prepared violin, home-made eleven stringed instrument, objects including wine and beer glasses, metal fork, wood, plastics, glass etc… (Bohman) ; clarinet, voice, glockenspiel, guitar (If, Bwana) et sur, OXO Triple A, Hey, Adrian Northover et son sax soprano. Superbement enregistré, Adhesives nous fait découvrir un univers bruissant d’une grande poésie. L’auditeur aura de la peine à identifier la source instrumentale des sons produits par le duo et qui s’interpénètrent souvent comme s’il n’y avait qu’un seul musicien. Il y a donc une véritable cohérence que ce soit avec les frottements et manipulations improbables des objets de Bohman (plastiques, verres, peignes, brosses, carrelages, fourchette, boîtes, couvercles, cordages etc…) et le glockenspiel à l’archet d’If, Bwana ou sa clarinette. Le graphisme de la pochette cartonnée, composé des titres - tirés par les cheveux ! – est exquis et augure bien cette excellente collaboration. Sans doute une des plus belles réalisations mettant à la fois en valeur Adam Bohman  et If, Bwana. C’est d’ailleurs avec une certaine insistance que Bohman m’en a confié une copie pour que je l’écoute : il avait bien raison.

Seedy Boy Alan Wilkinson sax alto & baryton et voix Download Bruce Finger’s http://brucesfingers.bandcamp.com/album/seedy-boy 
Seedy Boy cover art
Produit par son camarade Simon H. Fell sur Bruce Finger’s le label de ce dernier et enregistré il y a plus de 20 ans, Seedy Boy est le manifeste témoignage d’un saxophoniste qui allie l’expressionnisme avec une véritable intelligence de jeu. L’exercice solitaire de l’improvisation renforce et rend indiscutable chez Wilkinson  l’authenticité et la profonde sincérité de cet artiste. 4 PM est une improvisation vocale où notre souffleur fait valoir des ressources inouïes de la voix humaine et fait preuve d’imagination. Dans Seedy Boy (14:37), il commence par alterne interventions vocales au-delà des possibilités et un jeu d’alto qui survole et virevolte au travers des multiples facettes de son jeu comme s’il imaginait une course d’obstacle avec une belle fantaisie. La fantaisie étant une qualités prépondérante des improvisateurs qu’on réécoute (Bailey, Rutherford, Coxhill, Van Hove). Remettant sans cesse en question les acquits, refusant l’évidence dans une quête permanente, Alan Wilkinson assume complètement l’acte d’improviser au-delà de l’idiome « free-jazz », catégorie dans laquelle une oreille distraite voudra le ranger. In Memoriam concrétise avec un beau lyrisme sa connaissance profonde et écartée du jazz auquel il tord finalement le coup  dans une succession de rengorgements saturés, de staccatos vibrés et de vocalises. Cet album est une excellente introduction à l’univers du trio HWF, soit Alan Wilkinson, Simon H Fell et Paul Hession. HWF transcende complètement la formule sax / contrebasse / percussion par une osmose organique des trois compères et une urgence aussi expressive que réfléchie qui n’a rien à envier au meilleur trio de Peter Brötzmann. A suivre.

Porridge Diplomacy  Ensemble Tryp-Tik  Adam Bohman Adrian Northover Catherine Pluygers. wwwtriptik.org.uk

Ces trois musiciens se sont rencontrés dans le London Improvisors Orchestra, il y a une dizaine d’années, et ont rassemblé leurs  expériences et leurs intérêts musicaux dans un trio décoiffant, excentrique et atypique. Musique contemporaine et classique pour la hautboïste Catherine Pluygers, jazz contemporain et compositions modernes pour le saxophoniste soprano Adrian Northover et le do-it-yourself from scratch pour les objets amplifiés d’Adam Bohman. Ces trois pôles constituent le gros des références musicales de base de l’improvisation libre avec l’imagination en prime, la quelle est une seconde nature chez ces trois improvisateurs. Les deux souffleurs mêlent leurs souffles avec une réelle empathie et , première constatation, Adrian a le bon goût instinctif de faire sonner son soprano de manière à ce que son timbre, son articulation et sa résonnance se marient avec la sonorité et les volutes du hautbois, instrument nettement malléable que le saxophone. Les deux souffleurs sont confrontés au capharnaüm sonique en provenance de la table d’Adam Bohman, couverte des objets amplifiés les plus hétéroclites, trouvés dans les fins de brocante ou sur la décharge, par le truchement des microcontacts collés sur la surface de la table. Le côté low-fi est accentué par le vieil ampli de guitare 20W bon marché. L’interaction entre les musiciens fonctionne à plusieurs niveaux, le fil mélodique des souffleurs semble hétérogène face à la cuisine bruissante du délirant objétiste, une personnalité réellement et complètement surréaliste. Ses collages graphiques qui ornent pochettes de CD’s et affiches du Horse Club l’illustrent à merveille. Ces trois artistes sont aussi différents qu’ils se complètent dans un synchronisme décalé et une empathie insoupçonnée au premier abord. Il y a un courant au sein de l’impro londonienne qui consiste à marier la chèvre et le chou dans des assemblages improbables. Terry Day, Steve Beresford, Phil Wachsmann, Lol Coxhill ont été coutumiers du fait, laissant l’esprit de sérieux à leurs collègues germaniques et français. Cela dit, Porridge Diplomacy  se compose de 18 pièces entre cinquante secondes pour les plus courtes et 3 ou 4 minutes pour les plus longues. Les titres improbables sortent tout droit de l’imagination de Bohman qui est aussi un poète qui utilise l’art de la découpe et le collage des mots dans un télescopage sémantique on ne peut plus british. D’ailleurs lors d’une distribution de chocolat après un concert londonien, et voulant offrir un chocolat aux feuilles de menthe au plus « british » des improvisateurs présents, l’assemblée m’a désigné Adam Bohman comme étant celui-là. Ex-cen-tri-que, sans ostentation et avec la plus confondante simplicité. En sabir belge brusseleir, Adam est le « king du brol » parfait. Cannibal magnetism, Furlong, Compression Mode, Talcum Chowder, Varicose Lane, Luggage Daffodils and Tungsten  défilent avec un aplomb et un naturel inimitable entraînant les souffleurs à se dépasser au point qu’on oublie qui joue du hautbois ou du soprano et lequel des deux instruments / instrumentistes intervient… en se calant sur les ponctuations des bruitages de Bohman. Le jeu de Catherine Pluygers fait preuve d’une souplesse et d’une fluidité inventive qui demande une technique haut de gamme, sans que cela ne sente l’effort et l’exploit. Une invention naturelle et organique. Adrian Northover maîtrise le sax soprano avec une réelle maîtrise dans les multiphoniques et les doigtés croisés. Pour ces trois musiciens attachants, l’improvisation , l’écoute et l’expression de leurs singularités musicales est un art de vivre, joyeusement oublieux de l’exégèse esthétiquante de bazar.
 J-M VS praticien improvisateur vocaliste

The last Derek Bailey great duo w. S.H Fell @ Trip-Tyk's Porridge

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The Complete 15th august 2001 Derek Bailey & Simon H Fell Confront Recordings CD ou Download (Bruce’s Finger)


T
Qui est Simon H Fell ? Un contrebassiste d’exception, un improvisateur de première, un compositeur chef d’orchestre génial et un des plus importants activistes de la musique improvisée en Grand Bretagne, émigré depuis quelques années dans le Limousin. Derek Bailey, vous connaissez sans doute, hein le Godfather de l’improvisation libre et un guitariste unique etc… Ou vous croyez le connaître ou le reconnaître. A partir du milieu des années nonante, on le vit / fit jouer et enregistrer avec tout un chacun, d’Henry Kaiser à Pat Metheny ou Bill Laswell, Calvin Weston et Jamaladeen Tacuma, les Ruins ou Thurston Moore, Joëlle Léandre… On  a aussi ressuscité le trio avec Gavin Bryars et Tony Oxley : j’étais à un des deux concerts, l’autre est publié par Incus…  hmm… Tout ça, pas toujours pour le meilleur, souvent malheureusement dispensable. Sa guitare électrique s’est d’ailleurs saturée au fil des ans .. ah ! , l’amplification stéréo de 1974/ 75 avec Braxton, Evan Parker et Honsinger !
Heureusement, Mark Wastell eut un jour le bonheur de réunir Fell et Bailey dans le sous-sol de sa boutique 323 à Highgate et d’enregistrer encore une heure d’improvisation totale que je ne suis pas prêt d’oublier. Dans un vrai lieu londonien bourré d’auditeurs qui ont très souvent une extraordinaire expérience d’écoute de cette musique (hebdomadaire, voire quasi-journalière pour certains : Adam, Gus, George, Gerard, Tim, Tom etc…), Derek joue ici de la guitare acoustique dans son style caractéristique (harmoniques, larges intervalles post dodécaphoniques, cordes à vide et stoppées successivement) et s’échauffe : Pre –Tea 1 avant de s’éclater.  Post -Tea 1 : il se livre à une remise en question de son savoir (clichés) pour chercher l ‘improbable : on a droit à une véritable foire d’empoigne, moulinets dingues et harmoniques placées avec une finesse rarement entendues ailleurs. Il faut entendre Simon H Fell suivre ou précéder les moindres pensées du guitariste, le pousser hors des sillons prévisibles. Ses doigtés qui font le grand écart ne sont jamais pris en défaut, les idées viennent toutes seules.
Derek Bailey a enregistré une dizaine de duos aussi fascinants que différents et qui sortent de l’ordinaire. Ses collègues expriment une grande admiration pour sa capacité à renouveler son jeu dans de multiples circonstances et cela s’exprime avec la plus belle évidence dans ces duos (Evan Parker, Han Bennink, Steve Lacy, Anthony Braxton, Tristan Honsinger, Andrea Centazzo, Jamie Muir, Christine Jeffrey, Tony Coe, John Stevens). Ce concert du 15 août 2001 est sans doute le dernier de ces grands duos, avec Seven, excellente conversation avec le percussionniste Ingar Zach (Incus). On y trouve le méthodique, l’instrospectif, le déchaîné, le synthétique, l’exploratoire, le logique, le loufoque, le rageur, le pastoral, l’imprévu, le dingue et le loufdingue. Tous les climats, suspendus au-dessus du vide ou à un train d’enfer…. Des extraits avec un son cassette avaient été publiés en CDr par Confront il y a dix ans. J’en vends une copie… si je la retrouve dans mon fourbi ! Voici la version complète présentée dans un boîtier métallique argenté format boîte à cigarettes à rouler. Fumant !!

NB J’ai pas encore reçu le CD par la poste , mais Bruce's Fingers, le label de Simon H Fell, m’a offert un download que je viens d’avaler d’une traite : quel plaisir !!
Si vous ne savez pas trop qui est Simon H Fell et comment il joue, pas facile de cerner le musicien. Comme SHF n’est pas obsédé par son CV, mais plutôt par la musique, je suggère que nous abandonnions graduellement des idées toutes faites : http://brucesfingers.bandcamp.com   ... Cette musique sert à çà !


Porridge Diplomacy  Ensemble Tryp-Tik  Adam Bohman Adrian Northover Catherine Pluygers. wwwtriptik.org.uk

Ces trois musiciens se sont rencontrés dans le London Improvisors Orchestra, il y a une dizaine d’années, et ont rassemblé leurs  expériences et leurs intérêts musicaux dans un trio décoiffant, excentrique et atypique. Musique contemporaine et classique pour la hautboïste Catherine Pluygers, jazz contemporain et compositions modernes pour le saxophoniste soprano Adrian Northover et le do-it-yourself from scratch pour les objets amplifiés d’Adam Bohman. Ces trois pôles constituent le gros des références musicales de base de l’improvisation libre avec l’imagination en prime, la quelle est une seconde nature chez ces trois improvisateurs. Les deux souffleurs mêlent leurs souffles avec une réelle empathie et , première constatation, Adrian a le bon goût instinctif de faire sonner son soprano de manière à ce que son timbre, son articulation et sa résonnance se marient avec la sonorité et les volutes du hautbois, instrument nettement malléable que le saxophone. Les deux souffleurs sont confrontés au capharnaüm sonique en provenance de la table d’Adam Bohman, couverte des objets amplifiés les plus hétéroclites, trouvés dans les fins de brocante ou sur la décharge, par le truchement des microcontacts collés sur la surface de la table. Le côté low-fi est accentué par le vieil ampli de guitare 20W bon marché. L’interaction entre les musiciens fonctionne à plusieurs niveaux, le fil mélodique des souffleurs semble hétérogène face à la cuisine bruissante du délirant objétiste, une personnalité réellement et complètement surréaliste. Ses collages graphiques qui ornent pochettes de CD’s et affiches du Horse Club l’illustrent à merveille. Ces trois artistes sont aussi différents qu’ils se complètent dans un synchronisme décalé et une empathie insoupçonnée au premier abord. Il y a un courant au sein de l’impro londonienne qui consiste à marier la chèvre et le chou dans des assemblages improbables. Terry Day, Steve Beresford, Phil Wachsmann, Lol Coxhill ont été coutumiers du fait, laissant l’esprit de sérieux à leurs collègues germaniques et français. Cela dit, Porridge Diplomacy  se compose de 18 pièces entre cinquante secondes pour les plus courtes et 3 ou 4 minutes pour les plus longues. Les titres improbables sortent tout droit de l’imagination de Bohman qui est aussi un poète qui utilise l’art de la découpe et le collage des mots dans un télescopage sémantique on ne peut plus british. D’ailleurs lors d’une distribution de chocolat après un concert londonien, et voulant offrir un chocolat aux feuilles de menthe au plus « british » des improvisateurs présents, l’assemblée m’a désigné Adam Bohman comme étant celui-là. Ex-cen-tri-que, sans ostentation et avec la plus confondante simplicité. En belge bon teint, Adam est le « king du brol » parfait. Cannibal magnetism, Furlong, Compression Mode, Talcum Chowder, Varicose Lane, Luggage Daffodils and Tungsten  défilent avec un aplomb et un naturel inimitable entraînant les souffleurs à se dépasser au point qu’on oublie qui joue du hautbois ou du soprano et lequel des deux instruments / instrumentistes intervient… en se calant sur les ponctuations des bruitages de Bohman. Le jeu de Catherine Pluygers fait preuve d’une souplesse et d’une fluidité inventive qui demande une technique haut de gamme, sans que cela ne sente l’effort et l’exploit. Une invention naturelle et organique. Adrian Northover maîtrise le sax soprano avec une réelle maîtrise dans les multiphoniques et les doigtés croisés. Pour ces trois musiciens attachants, l’improvisation , l’écoute et l’expression de leurs singularités musicales est un art de vivre, joyeusement oublieux de l’exégèse esthétiquante de bazar.

porrodge


Hidden Forces : the untrammeled traveller

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Lol Coxhill last French concert :
sitting on your stairs Lol Coxhill & Michel DonedaEmanem 5028


Une paire de saxophones soprano, un duo rare et un instrument rare et difficile. Steve Lacy, Lol Coxhill et Evan Parker en ont jeté les bases exploratives, Lacy avec son Solo au Théâtre du Chêne Noir en 1973 (Emanem), Parker avec ses Saxophones Solos en 1975 (Incus rééd Psi) et Coxhill avec ses Dunois Solos (nato).  Parker et Lacy ont aussi enregistré en duo et en trio avec Lol Coxhill, comme le rappele Gérard Rouy dans les notes de pochette de ce beau CD. Récemment, Parker a gravé un excellent duo avec un autre sopraniste, Urs Leimgruber (Twine Clean Feed). C’est donc en toute logique (et amitié) que Lol Coxhill et Michel Doneda nous livrent ce beau témoignage de leurs dialogues un peu après la disparition de Lol. Si la musique de Twine est brillante et fascinante, je dirais que celle de sitting on your stairs traverse toutes les humeurs de la mélancolie au rêve, entre la recherche éperdue du son élémentaire et l’éclatement du temps. Les deux souffleurs se rejoignent sans se confondre ou se rejouer (Last Duet 1). Leurs parti-pris individuels se marient et composent un dialogue miraculé et imprévu.  Le solo de Michel Doneda (5 minutes) est un beau concentré des vibrations irréelles qu’il insuffle par le truchement d’harmoniques rares et de multiphoniques furieusement mobiles. Après le court solo enjoué de Coxhill, les deux souffleurs se rejoignent pour un duo bref (2 minutes) où ils semblent résumer toute l’histoire de leur amitié. Le tour de force vient ensuite durant deux longues suites qui s’échappent sans durer. Les duettistes étalent leur énorme savoir-faire (des titans de l’instrument, il faut l’avouer) dans l’esprit du jeu, leur soif de découverte et une connivence indicible. Plutôt qu’une musique où les musiciens communient dans une intention esthétique avec un accord quasi-total, on a affaire ici à un partage de l’instant où chacun est à l’écoute de l’autre et le fait entendre de manière allusive, tangentielle à travers le prisme de sa personnalité. Evan Parker, Steve Lacy et Lol Coxhill avaient été réunis pour la première fois sur scène par Derek Bailey lors de la première semaine Company de mai 1977. Le but du jeu était de créer de nouvelles passerelles dans le développement de l’improvisation libre en mettant en présence, entre autres, des improvisateurs qui ne travaillent pas ensemble pour des raisons esthétiques. Que peut-il se passer ? Ce duo merveilleux entre deux personnalités que tout semblerait opposer (Coxhill travaille la mélodie avec des intervalles microtonaux et Doneda est un sculpteur du son intégral, sans parler des traits de caractère) est sans doute une excellente réponse et a le mérite de poser beaucoup de questions. Malgré et grâce à cela, sitting on the stairsest un des albums les plus profondément touchants des Emanem, Incus, FMP, ICP, Intakt, Maya, Leo et compagnie. Une force cachée.

Hidden Forces Trio topusBruce’s Fingers 118
Topus cover art
Hidden Forces ! Des forces cachées ! Voilà bien une idée, un mot qui s’applique à merveille au propriétaire de Bruce’s Fingers, le brillant contrebassiste et compositeur (etc...) Simon H Fell. Un musicien extraordinaire dont bien des amateurs, critiques, organisateurs, praticiens et groupies de l’univers des musiques improvisées ignorent les capacités. Son label Bruce’s Fingers a largement publié ses projets dans des registres les plus divers du duo elliptique avec le saxophoniste Graham Halliwell à des Compilations géantes regroupant trois ou quatre orchestres, sans doute parmi les réalisations les plus ambitieuses jamais abouties par un impro-compositeur  de la scène improvisée. SH Fell se distingue par le fait qu’il ne recherche pas la compagnie  des « pointures »  de la scène internationale pour évoluer vers la notoriété alors que son jeu de contrebasse en fait un alter-ego des Barry Guy, John Edwards, et autres Mark Dresser. Rien d’étonnant que son label publie l’excellent album du trio Hidden Forces, topus, complètement inconnu entre Londres, Paris et Berlin. Gustavo Dominguez, clarinette basse et clarinette, Marco Serrato, contrebasse et Borja Diaz, batterie nous font entendre une musique enlevée, rythmée et dynamique autour de thèmes rebondissants et de dérapages contrôlés. Fruit de pratiques musicales multiples, ce trio exprime une entente profonde à travers une énergie assumée. Topus, le morceau éponyme, développe un thème lyrique à la clarinette en mi-bémol sur un rythme de marche et une pulsation chaloupée dans de belles variations. Ce trio aurait pu être un groupe de SH Fell, lui-même, celui-ci participant à des trios souffleur – basse - batterie en compagnie de ses potes Alan Wilkinson et Paul Hession ou Simon Rose et Steve Noble.  Dans le troisième morceau El Hijo secreto, la clarinette s’envole au-dessus des pizz effrénés du bassiste et se déchiquette, s’époumonne…. Bruce’s Fingers nous présente ici du jazz libre attachant, vivant et chaleureux, ce que ne laisse pas supposer la peinture trash et vivement colorée des mâchoires ouvertes sur la pochette.

Parmi les forces cachées de la scène de l’improvisation libre etc… , il faut citer le pianiste Nicolà Guazzaloca.

Tecniche Arcaiche Nicolà Guazzaloca, piano solo Amirani Records AMRN 035

Pianiste émérite et animateur d’ateliers, de concerts et d’orchestres à Bologne, Nicolà Guazzaloca est devenu au fil des ans un improvisateur incontournable. Tecniche Arcaiche fait le point sur la pratique et l’expérience acquise par ce pianiste original dans 18 pièces très courtes entre 1’10’’ et 2’30’’, deux d’entre elles faisant 4’41’’ et 5’25’’. Une première partie de 9 pièces tournées vers les sortilèges de la table d’harmonie et une deuxième partie des 9 pièces suivantes au clavier proprement dit. En guise de conclusion, une improvisation de concert  de 9’ résume à merveille la démarche exploratoire et jubilatoire de ce très bel album. L’intérieur du piano est sollicité dès les premiers morceaux par frottements et grattages alors qu’il égrène quelques notes… . Une fois installée une ambiance pleine de mystère, il aborde les touches tout en effectuant des pressions sur les cordes. La variété des timbres et des résonnances, l’enchaînement des affects, l’esprit de suite entre chaque pièce qui se répondent de l’une à l’autre jusqu’au n° 9 (alcuni modi), les hésitations,  tout contribue à créer une œuvre de longue haleine qui tient les sens en éveil.
La pièce éponyme, tecniche arcaiche, est une subtile variation sur des intervalles et des doigtés étranges qui allie l’introspection avec une forme d’expressionnisme ironique. On retrouve cet état d’esprit dans les pièces suivantes où le renouvellement des idées, l’énergie aiguisée par un magistral sens de la forme allient l’épure stylée au mouvement constant.
On peut parcourir cette collection de solos d’un bout à l’autre ou en sens inverse, sautant l’une ou l’autre sans se lasser. De la free music contemporaine assumée à l’état pur, faite d’engagement, de spontanéité et de réflexion. Son travail au clavier, un chatoiement original dans les dissonnances, prend le temps de développer ses idées avant de conclure par un tour de force. Un pianiste qu’il faut découvrir et écouter d’urgence. S’il vous faut des points de références, on citera Fred Van Hove et Veryan Weston. 
C'est aussi le trente cinquième numéro du label Amirani de Gianni Mimmo, saxophoniste avec qui Guazzaloca a enregistré au sein d'un Shoreditch trio mémorable (Again). Félicitations à Amirani pour ce remarquable travail continu.

Mais aussi le jeune violoniste alto Benedict Taylor

Check Transit Benedict TaylorCRAM


Emballé dans un pliage de papier fort de couleur mauve foncé, cette auto-production est le premier jet d’un improvisateur de haute volée parvenu à maturité, alors qu’il semble faire ses premiers pas dans les clubs londoniens. Né en 1982, Benedict Taylor a bien sûr un solide parcours dans le domaine de la musique contemporaine après des études musicales approfondies. Quelques soient ses crédits dans le monde académique, il se révèle comme un improvisateur de premier ordre sur son instrument de prédilection, le violon alto. Celui-ci, un peu plus grave que le violon, lui permet de distendre et faire chuinter les intervalles en variant incessamment la dynamique. Il crée ainsi un univers microtonal original et sophistiqué où le sentiment d’abstraction croise étrangement des altérations proches des musiques extra-européennes. Il obtient avec son jeu à l’archet, fait de pressions subtilement variées sollicitant des harmoniques avec une aisance confondante, des sons vocalisés, proches d’un instrument de souffle. Son articulation fulgurante, son sens inouï du glissando et ses portamenti démentiels servent un art ouvert à tous les possibles. Ayant écouté les Wachsmann, Zingaro, Jon Rose, Malcolm Goldstein et autre La Donna Smith et Charlotte Hug à satiété, mes oreiles accueillent ici avec un immense plaisir la découverte d’une personnalité exceptionnelle. Benedict Taylor nous fait entendre le violon comme nous ne l’avions plus entendu depuis Phil Wachsmann et Malcolm Goldstein. Sa musique se métamorphose dans une varitété incessante de figures, de fréquences et de situations sonores qui toutes portent sa marque. Un très grand musicien qui, avec une fratrie d’improvisateurs doués, est en train de renouveler la scène londonienne (Daniel Thompson, Tom Jackson, Lawrence Upton, Guillaume Viltard). A suivre d’urgence…….

The untrammeled traveller Misha Mengelberg Sabu ToyozumiChap Chap CPCD06 

Alors que Misha Mengelberg connaît de véritables problèmes de santé, voici qu’est publié un superbe concert du maître hollandais avec le légendaire percussionniste Sabu Toyozumi. Deux sets enregistrés lors d’un concert intimiste au club Amores à Tokyo en 1994 nous font découvrir l’art particulier de ce poète improbable du piano. Misha Mengelberg s’était frotté au mouvement Fluxus originel avant de s’élancer dans l’aventure de la free-music européenne. Bien qu’on l’associe avec les pianistes de cette scène tels Fred Van Hove, Alex von Schlippenbach, Irene Schweizer et Keith Tippett, des improvisateurs flamboyants et virtuoses, il se distingue par une réserve faussement hésitante et un sens de l’humour à froid. Mengelberg aime à faire durer toutes les extrapolations d’accords dissonants et ou consonnants jusqu’à l’absurde en rejoignant ensuite malicieusement par la tangente une mélodie perlée et suave. Les idées les plus banales se transforment chez lui dans des perles de culture dadaïstes. On n’est pas loin du théâtre de Beckett transposé en musique. Avec Sabu Toyozumi, il a trouvé un partenaire idéal qui évite les redondances évidentes pour aborder le contrepoint et la relance dans une variété impressionnante de frappes, de roulements, de frottements etc  étonnamment lisibles. Trois ou quatre notes de Mengelberg réitérées et ressassées dans de multiples affects, comme s’il parlait, font naître chez Toyozumi des idées lumineuses. Si vous voulez découvrir une fois pour toutes ce dont Misha Mengelberg est capable de faire sur la distance (Yuku kawa no nagarewa Taezushite fait 34’55’’ et The Laugh Is Important 42’47’’) , ce duo Misha – Sabu est pour vous.  Surtout que, musicien sollicité par les meilleurs pour tourner dans son pays (Derek Bailey, Leo Smith, Brötzmann, Kowald, Mengelberg, Van Hove, John Zorn, Rutherford, John Russell), Sabu Toyozumi est un artiste trop peu documenté. Enregistré avec une qualité certaine et un bel équilibre, ce document est un album quasiment incontournable. La maîtrise de la percussion, l’inventivité exacerbée et l’empathie superbe de Sabu Toyozumi focalisent l’écoute et l’attention sur les mille et une facéties du pianiste batave, tout comme y était parvenu Evan Parker avec le même Misha Mengelberg dans le très beau duo « it won’t be called broken chair » ( 2006 publié en 2011 par Psi). Avec un tel compagnon, on a tout le loisir de se perdre dans les méandres délirants de la poésie mengelbergienne sans jamais s’ennuyer. Un monument dressé à l’improvisation libre.
On peut obtenir ce cd déjà collector car pas distribué via le label 






www.chapchap-music.com/

Fred Van Hove avec P Jacquemyn et Damon Smith/ WWTF's Gateway 97/Gunther Christmann & Vario 44/ Beresford/Küchen/Solberg

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Burns Longer Fred Van Hove Peter Jacquemyn Damon Smith  BPA 2 DL


Au fil des années, le pianiste anversois, lui qui nous a tant étonné / ahuri / fasciné dans notre prime jeunesse,  s’approche insensiblement de la fin de sa carrière (il est né en 1937). Et pourtant, comme le prouve ce superbe enregistrement au bar L’Archiduc, réalisé en 2009, son jeu est resté d’une brillance, d’une clarté et d’une pertinence peu communes. Ses improvisations transcendent les coups d’archets endiablés  des deux contrebassistes avec  une assurance imperturbable. Ses effets cascadants se déroulent avec l’aplomb naturel d’une rivière de montagne, un mouvement organique. Un feeling raffiné du son de l’instrument le plus éloigné de la culture pianistique. L’enregistrement  et le mixage bien balancé (Michaël Huon) nous permet de nous focaliser les variations subtiles et multiformes qu’il imprime aux idées qui surgissent dans le feu de l’action. Les contrebassistes, le californien Damon Smith et le flamand Peter Jacquemyn, rivalisent d’inventions dans leur entente duelle en créant l’espace voulu, un champ sonore propice au pianiste. Ils mènent souvent un véritable raffut de colosses qui fait songer aux phases d’un match de lutte - leur carrure physique est d’ailleurs impressionnante et Peter pratique les arts martiaux -  et se suffit à lui-même. C’est bien le paradoxe de ce trio. Tour à tour et simultanément expressionniste et introspectif, généreux et revêche, sombre et lumineux,  le jeu de Van Hove ne se laisse pas aisément définir. Entre lyrisme et abstraction, son flux déroutant marie énergie dans le mouvement et sensibilité du toucher. Malgré la qualité perfectible du piano de L’Archiduc, instrument qui a une longue histoire dans ce lieu Art Déco, le toucher du pianiste parvient à en tirer des nuances remarquables.  Le musicien ne cache pas que le son de ce piano est une «ruine », L’Archiduc étant loin d’être idéal pour  sa conservation (petit bar de nuit enfumé et extrêmement fréquenté avec des écarts de température excessifs). Néanmoins, le pianiste réalise là une belle performance relayant les efforts du trio en s’échappant à l’accordéon vers un univers fantomatique. Ces trois plages de concert de 27, 9 et 35 minutes, accessibles avec un téléchargement très bon marché - mais-de-qualité ! - sur le site de Balance Points Acoustics, pourront merveilleusement faire référence à tout un chacun pour l’œuvre trop peu enregistrée d’un improvisateur d’exception. Pour beaucoup, Fred VH cristallise les qualités essentielles du pianiste « improvisation libre » par excellence et, en compagnie de deux despérados de la contrebasse alternative, on a droit à une tierce gagnante. Un très beau disque digital !
PS : Rappelons encore que le nom de famille de Fred Van Hove s’écrit avec un V majuscule ! Le label historique FMP et Jost Gebers ont réitéré cette grossière faute patronymique laissant supposer une origine nobiliaire.


Gateway ’97  WTTF  Phil Wachsmann Pat Thomas Roger Turner  Alexander FrangenheimCreative Sources.

Publié récemment par Creative Sources, Gateway ’97 est une session inédite et miraculeuse d’ « improvisation libre » enregistrée au studio Gateway (Evan Parker et cie) à l’époque ou  des labels de CD’s comme Emanem ou Incus prenaient leur envol.
Je trouve bien dommage que personne n’ait publié cet album car, voyez-vous, il y a la musique improvisée qui se « ressemble » et celle qui se distingue par sa singularité. Ici une manière de jouer ensemble qui remet en question les habitudes et évite l’ennui, les réflexes et le flux systématique non-stop. Entre autres, chaque instrumentiste joue systématiquement avec  les silences et intervient subitement  au moment très précis où son partenaire s’arrête. La musique s’enchâsse avec un découpage de séquences ultra-courtes contrastant avec les intentions de chacun ou les prolongeant. Sur quasiment tous les morceaux, on les entend très rarement à quatre en même temps, tant ils parviennent à coordonner leur une virevolte d’interjections en interactivité. Etonnamment ludique et difficilement descriptible. Pat Thomas jongle avec une batterie improbable d’échantillons sonores ou s’affaire au piano,  Wachsmann  épure le propos avec des effets électroniques rares et une quintessence mélodique épurée et  Roger Turner distille  des raclements métalliques dans le registre aigu de son appareillage percussif. Un peu à l’écart, l’archet rêveur du contrebassiste Alex Frangenheim s’échappe un instant dans une distance recueillie. Wachsmann et Pat Thomas ont participé au Tony Oxley Quartet (BIMP Quartet Floating Phantomsa/l/l 001) lequel a aussi compté Derek Bailey (Incus cd et Jazz Werkstatt). Wachsmann a été longtemps associé à Oxley et Barry Guy dans les années septante et quatre-vingt, bien qu’il n’en reste que deux témoignages enregistrés(the Glider and the Grinder /Bead et February Papers /Incus 18). Gateway 97 est le summum de cette saga et fait oublier largement les albums précités et la monotonie de trop nombreuses publications de ces quinze dernières années. Dynamique, extrême variété sonore, qualité de l’écoute mutuelle, sens collectif, imagination, fantaisie : cet album récolte un 10 sur 10 tout azimut. L’improvisation libre fantasmée devenue réalité !!
Je répète encore : c’est très dommage que cet album n’ait pas été publié à l’époque car la musique est aussi originale qu’optimale.

-Vario 41 Boris Baltschun John Butcher Gunther Christmann Michael Griener  edition explico 14(2004 cdr à120 copies)
-Vario 44  John Butcher Gunther Christmann Thomas Lehn John Russell Dorothea Schürch Roger Turner edition explico 15 ( 2006 cdr à 250 copies) 
-In Time Gunther Christmann Alberto Braida  edition explico 16 (2010  cdr à 120 copies)

Il fut un temps très éloigné où Gunther Christmann était un improvisateur libre aussi bien documenté en disques que ne l’étaient Derek Bailey et Evan  Parker et ses disques étaient relativement bien distribués dans le réseau Incus- FMP-Moers-ICP-Futura etc…. Chef de file de l’improvisation radicale sur le continent, le tromboniste - contrebassiste,  et puis violoncelliste, avait publié pas moins de quatre albums avec son compère Detlev Schönenberg (un percussionniste mémorable qui a définitivement abandonné la scène il y a trente ans) pour FMP et Ring Records. Lorsque Ring se transforma en Moers Music, le label n’eut pas moins de quatre vinyles de Christmann à son catalogue. Tous ces documents sont aujourd’hui indisponibles sur le marché. Les copies qu’on trouve en « occasion » ou en « collectors » restent à un prix relativement accessible car le patronyme de cet improvisateur essentiel ne fait pas l’objet du snobisme des acheteurs branchés de raretés, lesquels sont souvent/parfois plus fétichistes que mélomanes, si j’en crois les  résultats du site collectorsfrenzy. Quant à la production de Gunther Christmann de ces vingt dernières années et de son projet Vario, elle échappe au radar des labels qui furent, il n’y a guère, bien distribués (Emanem, Incus, FMP, Intakt, Victo, Potlatch). Sur la foi de la participation de Paul Lovens et Mats Gustafsson, FMP -  repris en main par Jost Gebers – a bien édité un superbe trio enregistré à l’époque où le souffleur nordique commençait à défrayer la chronique, mais je pense qu’il a dû passer inaperçu. Le tromboniste de Langenhagen, qu’on entend aujourd’hui jamais bien loin d’Hambourg ou d’Hanovre, confie l’essentiel de sa production à sa modeste edition explico, sous forme de CDr publiés dans leur boîtier d’origine sur le quel est collé une plaque de bois ou avec une épreuve photographique originale, Christmann étant aussi un artiste graphique pour le besoin de la cause. Ainsi le morceau de bois rectangulaire  de Vario 44  a le titre tamponné trois fois à l’encre rouge en tête bêche, transformant ainsi le CDR (excellente qualité sonore) en pièce de collection / œuvre d’art qu’il vend exclusivement à un prix supérieur au CD sans même en livrer des copies aux critiques ou à ses copains et même, je parie, à ses collègues les plus chers. C’est pourquoi on n’a peu d’échos de sa production même si Vario 34-2 , sorti en en 1999 chez Concepts of Doing, rassemblait Paul Lovens, Mats Gustafsson, Christmann lui-même, Thomas Lehn, Frangenheim et le guitariste suédois Christian Munthe, alors complice habituel de Mats G et compte parmi les meilleurs exemples d’improvisation collective qui sublime les marottes individuelles des participants pour surprendre et raviver nos sens. Vario est donc un ensemble à géométrie variable, fondé en 1979 et, sans doute, l’alternative la plus réussie aux Company de Derek Bailey. Depuis 1976 et son album solo publié par C/S, Gunther Christmann a initié le sens de l’épure bien avant tout le monde. Savoir exprimer un enchaînement d’idées complexes en moins de deux minutes.
Ici, le grand art est au tournant, spécialement, cette conversation à six de Vario 44 où la profusion des voix individuelles et des paramètres possibles revête une exemplaire dimension constructive et interactive. Vous entendrez très rarement  des improvisateurs (très) réputés adopter ces modes de jeux qui permettent à plus de trois ou quatre musiciens de se faire entendre et développer la musique collective aussi bien qu’en trio. Comme souvent chez Christmann, on a droit à  la déclinaison de l’ensemble dans toutes les formules à raison de 20 morceaux.  Souvent les « connaisseurs » se réfèrent à des noms d’artistes réputés, ici John Butcher, Thomas Lehn, John Russell, Roger Turner, pour porter une évaluation a priori du groupe… Vous pouvez oublier cette façon de voir les choses ici. Si, par exemple, un Derek Bailey avait dû se joindre à Vario 44, cela aurait été à contremploi. Par contre, un Phil Minton aurait été tout indiqué. Dorothea Schurch s’intègre d’ailleurs parfaitement en ajoutant une touche poétique. Joëlle Léandre insiste toujours pour que dans de tels groupes (sextet , septet), on organise le déroulement du concert de manière à tirer parti du potentiel en duos, trios , quintet avec un sens de la forme et une logique. Les auditeurs ne sont pas là pour s’emmerder. Rompu à ces exercices et grâce à l’exigence de Christmann, les musiciens parviennent à marier l’équilibre instable de l’improvisation avec un sens de la forme exceptionnel et les outrances sonores radicales.
Cette session de 2006 fut aussi l’occasion pour John Russell et Roger Turner de renouer avec leur camarade et d’apporter leur grain de sel éminemment british dans cette super-session. Édité à 250 copies, il en reste encore : edition.explico.music.art@web.de. Quant au duo du pianiste Alberto Braida avec Christmann, sa fraîcheur et l’esprit de recherche qui les anime fait qu’on réécoute volontiers leur In Time.
J’ajoute encore qu’Edition Explico avait publié un superbe témoignage de la rencontre de G.C. avec Phil Minton, For Friends and Neighbours. Cet opus rend Edition Explico incontournable…. . Il vaut mieux tard que jamais …….

Three Babies Steve Beresford  Martin Küchen Ståle Liavik Solberg Peira 19 www.peira.net

Ce microlabel pointu de Chicago au catalogue intéressant entre jazz d’avant-garde et free improvised music (John Russell et Fred Lonberg Holm, Guillermo Gregorio, Nate Wooley, Ray Strid, Tim Daisy , Jason Roebke, Paul Giallorenzo, Jason Stein) a eu la main heureuse avec ces réjouissants Trois Bébés. Trois générations d’improvisateurs. Ståle est un activiste incontournable en Norvège (la programmation de Blow Out !) et un bon percussionniste entendu avec la chanteuse Stine Motland. Avec le pianiste Steve Beresford, crédité aussi objects (mais il aurait fallu écrire vintage electronic toys and instrumentssur table), Ståle crée un échange ludique dans lequel le saxophoniste (sopranino) suédois Martin Küchen étire ses sons en transcendant la démarche « minimaliste » (à défaut d’autre mot), créant ainsi une véritable osmose entre les trois compères. Three Babies a été enregistré au Café Oto, un des principaux lieux dévolus à l’improvisation radicale dans la banlieue Nord Ouest de Londres.
Trois morceaux Steel Babies, Car Babies et Kitchen Babies, véritables suites d’événements sonores enchaînés suivant une logique imparable entre les deux pôles que constituent les glissandi et les intervalles microtonaux du souffleur et le give and take du percussionniste et du pianiste. Les trois musiciens sont attentifs à s’introduire dans l’univers respectif de chacun d’eux.

Comment se rejoindre ou s’échapper dans ou hors d’équilibres instables….Three Babies a acquis une identité de groupe dans un travail du son et des pulsations plein de nuances, le fruit sans doute de tournées en GB et en Norvège. Dans ces tournées parfois hasardeuses où les artistes ne gagnent pas grand chose, une fois réglées les notes d’avion et d’essence, ils acquièrent une profondeur, une qualité dans les échanges, une écoute spécifique de chacun par rapport au groupe et à chaque individu. Ils le font pour faire vivre et faire évoluer leur univers sonore et relationnel. Sans ce travail de base, la musique collective ne saurait exister.




Entre deux JOHN, souffles, guitares et pianos.

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No Step  John Russell - Ståle Liavik Stolberg WWW.HISPID.NO
33’05’’ enregistrées au club Blow Out en mai 2013. Une rencontre entre deux activistes de l’improvisation qui jouent ensemble comme les quatre doigts de la main et le pouce unis dans le même gant, même s’il semble que chaque doit soit revêtu d’une marionnette, de celles qui amusent les enfants. Car c’est de jeux qu’il s’agit, et le guitariste vétéran a gardé toute la fraîcheur et le plaisir ludique de ceux qui découvrent comment s’amuser en improvisant. Le jeune percussionniste norvégien, Stale Liavik Solberg, jubile derrière sa caisse claire et ses cymbales, et se glisse dans les zébrures des lignes, les tourbillons du plectre, les alternances d’harmoniques des cordes et les accords distendus.

Trio Blurb Maggie Nicols John Russell Mia Zabelka Extraplatte EX 821-2
Ce n’est plus si souvent qu’on entend parler de Maggie Nicols, la fée de la voix humaine. Depuis le dernier album des Diaboliquesavec Joëlle Léandre et Irene Schweizer et le CD du Gathering chez Emanem, on chercherait en vain un témoignage de la finesse du travail vocal de cette forte personnalité de la communauté improvisée. Ses variations infinies sur les intervalles «dodécaphoniques » semblent aussi naturelles que l’eau des montagnes qui s’écoule dans la nature. Cette pratique lui est venue lors de son passage – baptême du feu dans le Spontaneous Music Ensemble avec John Stevens et Trevor Watts, Arnold Schönberg étant une des marottes du percussionniste disparu. Depuis cette époque (1968/69), Maggie Nicols a intégré à sa musique une multitude de pratiques qu’elles soient issues de son imagination ou de cultures musicales africaines ou asiatiques, faisant d’elle quelque chose d’unique, riche dans la simplicité, profondément émouvant sans pathos. Ce trio tisse une toile, sème un chemin de vent, délire dans l’apesanteur, laissant la voix développer et transformer méticuleusement les sons, en allant jusqu’au bout de chaque couleur, chaque glissandi, chaque intervalle. Il est moins question aussi de virtuosité que de plénitude, d’assumer les choix des sons que de briller dans l’emportement du geste. Un sentiment d’intimité mystérieuse plus que de connivence visuelle. Le violon électrique de Mia Zabelka distille un grain de son caractéristique dans des glissandi hagards et un agrégat subtil de pizz, de col legno et de notes glissées, lesquels se marient le mieux du monde avec la voix qui balbutie, picore, sursaute, interloquée ou pastorale. John Russell égrène placidement des harmoniques et des grattages de cordes, créant la quatrième roue du carrosse, la citrouille des deux fées s’étant évanoui au fil du concert.
On pourrait regretter la qualité relative de l’enregistrement (Vortex juin 2011), mais la richesse de leur musique et sa pertinence fait du Trio Blurb, une belle aventure qu’on a un vrai plaisir à suivre au fil des plages et à imaginer sur scène.

Breaking StoneJacques Demierre Tzadik 9001
Jacques Demierre est un des plus remarquables pianistes contemporains qui dédient sa musique à l’improvisation radicale. Son trio avec des improvisateurs aussi superlatifs que Barre Phillips et Urs Leimgruber (chroniqué dans des pages antérieures de ce magazine) et ses improvisations / compositions en solo (Island Is Land Creative Sources) font de lui un chef de file de la scène improvisée. Il tire du piano et de sa carcasse les vibrations les plus organiques, les grattages de cordes les plus insensés. Avec Gianni Lenoci, Frédéric Blondy, Philip Zoubek et quelques autres, Demierre prolonge magistralement l’œuvre des compositeurs (Cage , Stockhausen) et des improvisateurs (Cecil Taylor, Fred Van Hove, Irene Schweizer) qui ont transformé le piano, symbole de la culture  occidentale, en machine – champ d’exploration sonore. Tzadik et John Zorn publient ici trois œuvres écrites, chacune très intéressante. La première, Three Pieces for Player Piano : maquinaçao, para bailar et stripde quelques minutes chacune, transforme des formes musicales pianistiques traditionnelles en forçant les possibilités de l’instrument avec l’emploi d'un piano mécanique, comme à l’époque de Scott Joplin ,mais avec une vision contemporaine. Cela intéressera certainement un public curieux et ouvert, les trois pièces sonnent bien et c’est le but de Tzadik. Demierre a un sens rythmique imparable et durant l’enregistrement, il manie la pédale sustain. La deuxième pièce est une composition pour violon et guitare, Sumpatheia interprétée par le Duo Nova. Un travail très fin, entre autres, sur les harmoniques de chaque instrument. Ça me change de John Russell et … de Benedict Taylor, le violoniste alto extraordinaire que j’ai écouté et rencontré il y a peu. Très bien, remarquable.
Le corps de l’album, Breaking Stone, est un long et passionnnant dialogue entre Demierre le pianiste et Demierre le linguiste. Celui-ci effectue un travail très pointu sur le langage, la prononciation, les onomatopées, bribes de mots, syllabes arrachées, filet de voix, termes issus de langues oubliées ou imaginaires (poésie sonore pour reprendre le terme consacré). Il articule, éructe ou grommelle tout en jouant du piano à la fois comme s’il luttait avec le cadre du piano ou interrogatif en caressant furtivement les cordes. On entend clairement que sa voix "subit" les mouvements du corps autour du piano. Il multiplie les affects comme si c’était une pièce de théâtre (Beckett, Joyce ??) où l’acteur introspecte un rôle qu’il découvre tout au long de la performance. L’effort humain est-il (dé)raisonnable ? Est-ce écrit, improvisé, les deux à la fois ? C’est très intéressant et surtout profondément sincère. La prise de son de la voix était-elle pensée et voulue telle qu’on l’entend ici ? Certains effets qui évoquent la voix semblent provenir de frottements d’un doigt sur la surface du verni. Etant vocaliste moi-même et ayant travaillé la voix au point de l’avoir complètement transformée (je n’étais pas chanteur et ne pensais pas en devenir un), je ressens que la voix de Jacques Demierre se devrait d’être plus développée et se « centrer ». Cela dit, il y a en amont de ce travail une profonde réflexion, une pratique conséquente et une vraie sensibilité.  Cela me donne l’envie de le rencontrer.

Tribute to John Coltrane et Thank You John Coltrane  Paul Dunmall et  Tony Bianco SLAM 290 et 292

C’est bien les seuls albums de « tribute » que je me farcirai de toute ma vie (avec 123 Albert Ayler du Spontaneous Music Ensemble et Only Monk et  Evidence de Steve Lacy ( labels Soul Note et Horo) jusqu’à plus soif. Coltrane a disparu trop jeune (en 1967 à 40 ans) après avoir transformé son instrument, le saxophone ténor, le jazz moderne et la scène musicale que nous connaissons toujours aujourd’hui. Sans Coltrane, des milliers de musiciens ne seraient pas ce qu’ils sont devenus, d’Albert Ayler à Anthony Braxton et Evan Parker, y compris le batteur de son quartette, le grand Elvin Jones. Plusieurs artistes de très haut niveau ont suivi ses traces comme s’ils jouaient  sa musique. On pense à David Liebman et Stefan Grossmann au Lighthouse il y a quarante ans dans un fantastique quartette d’Elvin Jones paru chez Blue Note. Ou Joe Farrell, Gerd Dudek, Harold Land.
Ce qui est particulier avec ces deux disques c’est que Paul Dunmall, saxophone ténor exceptionnel, reprend 17 compositions de Coltrane en concert ou dans une salle de concert les 26 octobre et 20 novembre 2012 (Tribute to John Coltrane) et le 27 novembre (Thank You John Coltrane) avec comme seul accompagnement, le drumming polyrythmique et passionné de Tony Bianco. Celui-ci n’ a rien à envier à feu Rashied Ali avec qui Coltrane a réalisé ses derniers enregistrements dont le duo magique Interstellar Space. Ce qui est remarquable c’est que Peace on Earth, Naima, Alabama, Giant Steps, Living Space etThank YouJohn Coltrane de Dunmall, sont concentrés dans des durées autour de cinq ou six minutes  avec une incroyable maestria et une sincérité palpable, le tout dans un seul concert. Nous avons l’impression que le temps se dilate et que chaque morceau vit et se prolonge autant que les 28 minutes finales d’Expression durant lesquelles le souffleur du Gloucestershire s’envole complètement en transformant en volcan cette composition. Expression figure dans le dernier album publié quasi du vivant de Coltrane, Expression et dont nous n’avons pas ou très peu d’autres versions de références dans les archives, me semble-t-il. Je laisse à d’autres le soin de vérifier, il vaut parfois mieux écouter les disques de Trane et … de Dunmall que de vérifier des discographies.
On fera remarquer, que pour clôturer son périple coltranien, Dunmall joue et développe Expression, car après çà, il n'y a plus qu'à découvrir sa propre voie dans "l'au-delà".
Quant à Tribute to John Coltrane, Dunmall interprète de manière absolument créative , recrée donc, des pièces moins connues et rarement jouées en concert par le maitre (absolu) : Ogunde, Offering, Wise One, Vigil, Brazilia, Reverend King, Sun Ship, Ascent, the Drum Thing.  Je vous laisse le soin de rechercher dans quel album de Trane se trouve chaque morceau. C’est bien le moins que chacun lui doit : explorer sa musique tant et plus. L’un ou l’autre reprend volontiers un morceau rare de Coltrane, mais peu se risquerait en se focalisant avec ce répertoire et un batteur aussi énergétique. On sait que Coltrane soufflait 16 heures par jour pour parvenir à maîtriser les sons, les harmoniques, tous les intervalles possibles dans toutes les clés à la fois en superposant les harmonies jusqu’à l’abstraction. Sans rire de nombreux artistes de renom sont des « amateurs » face à un tel prodige. Toute cela pour dire que Paul Dunmall a travaillé son instrument en repoussant les limites humaines.
Sincèrement, on entend poindre la voix de Coltrane au travers de son émule et c’est une véritable merveille. Dunmall a inventé son style de « Coltrane » et ses improvisations font bien plus qu’honorer la musique du géant disparu. Il la recrée de manière aussi vivante et humaine avec des inflexions qui évoquent le Trane dans un vrai vécu, une spontanéité tangible.
À écouter d’urgence, il y a là la plus grande émotion, celle du blues le plus intense.
PS. Passez nous la théorie du copiage …. Paul Dunmall joue sa musique propre dans ses trop rares concerts et ses très nombreux disques. Il nous montre ici comment on joue la musique de Coltrane de manière authentique et rares sont les saxophonistes ténor capables de le suivre sur cette voie aussi bien.
J’aurais pu écrire cette chronique un peu mieux, avec d’autres mots, mais comme disait Coltrane, en publiant des albums sans notes de pochette, la musique doit parler par et pour elle-même.


The Star Pillow The Beautiful Questions Paolo Monti et Federico Gerini  Setola di Maiale / Taverna records
Le label Setola di Maiale , drivé par l’infatigable Stefano Giust – un excellent percussionniste – ,  nous réserve toujours bien des surprises qui vont de rencontres hasardeuses, mais néanmoins réussies, à de superbes réalisations comme cet excellent the Beautiful Questions. Inconnus à ce jour le pianiste Federico Gerini  et le guitariste Paolo Monti , nous livrent une musique réussie laquelle semble plongée dans l’esthétique « au goût de la décennie passée » faite d’ambiances « répétitives », de minimalisme, de statisme , d’e-bows, etc… mais qui relève le défi  de se laisser écouter avec plaisir et surprise, sans tomber dans la posture avant-chiardiste. Une dimension mélodique s’insinue dans le traitement de la guitare et elle se marie avec  la volonté de traiter le son de manière abstraite. Point de clavier ici, le pianiste joue avec la vibration des cordes et des e-bows réitératifs. On transite, disons, de plus tout à fait ECM à post -AMM / Merz…  de la manière la plus naturelle qui soit. Après un longue séquence élégiaque et des revirements imprévisibles du guitariste, le premier morceau (On, In , Out..) se termine dans un chaos bruitiste en boucles et en crescendo stoppé net sur la résonance des cordes du piano. Une demi-heure bien passée. Le deuxième morceau, The Roots of Amazement, enchaîne sur une variante du procédé, la guitare et la caisse de résonnance du piano ne faisant qu’un. Tout fois Federico joue au clavier les notes essentielles, celles qui soulignent la texture des sons électroniques, laquelle s’efface devant un ostinato de guitare accéléré.  La musique est vivante et la démarche assumée. Sans concession aucune, cette musique qu’on pourrait, par moments, qualifier de planante, aura le chic de convaincre les fans d’Eno ou de Pink Floyd et de les faire entrer dans un autre univers, sonique et enfiévré.  Post Rock, Musique Contemporaine, Ambient etc.. peu importe … ce sont d’excellents musiciens, sensibles, lucides et qui maîtrisent leur sujet. Comme le démontre le jeu de guitare avec pédales super intelligent de Happy to Be Dirty, le troisième morceau , auquel répond la caisse du piano percutée comme il se doit. Effets et loops de la six cordes coordonnés avec maîtrise jusqu’à ce qu’un virage noise du guitariste laisse de l’espace aux commentaires du  pianiste.  The Star Pillow, peut-être, mais la musique nous tient en éveil, s’il est question du mot oreiller (Pillow en anglais), c’est que sans nul doute, cette musique mérite l’écoute. Une bonne découverte.


DIGITAL PRIMITIVES @ L'Archiduc dimanche 6 avril 5 PM Cooper Moore / Chad Taylor / Assif Tsahar

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L’Archiduc  6 Antoine Dansaert  1000 Bruxelles 
Dimanche 6 avril  5PM      www.archiduc.net

:  Allison Blunt& Audrey Lauro 
deux improvisatrices, un violon et un saxophone alto.
Cooper Moore  diddley bow, mouth bow, banjo, voice, didgeridoo. Assif Tsahar  sax ténor, bass clarinet.  
Chad Taylor drums, percussions. 

Aux sources les plus secrètes et les plus vives de la musique afro-américaine, les Digital Primitives. Cooper Moore, compagnon de David S Ware et de William Parker a créé ses instruments issus de pratiques africaines ancestrales et du blues des bayous.
Le mouth bow ou arc à bouche est un instrument toujours joué en Afrique. 
http://www.youtube.com/watch?v=LNpzC2HyOC4   Dans cette video Cooper Moore le transforme en viole électrique amplifiée par sa cavité buccale... Le banjo n’était-il pas un tambour à cordes d’origine ouest-africaine ? Entre blues-funk et jazz libre, le souffle brûlant d’Assif Tsahar et les rythmes démultipliés de Chad Taylor, le chant et les cordophones de Cooper Moore font voyager la musique des Digital Primitives dans de multiples affects aux racines les plus profondes des Afro-Américains. Le duo d’ Audrey Lauro et  Allison Blunt les introduira dans la communion de l’écoute mutuelle sans laquelle la musique vivante est un vain mot.



L’Archiduc  6 Antoine Dansaert  1000 Bruxelles  
Organisé par I*m  avec l'aide de  Inaudible asbl et la FWB

Some Bead recordings and other stuff

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AlizarinPhil Wachsmann Roger Turner Bead Recordssp CD10

Enregistré récemment suite à plusieurs rencontres successives, ce duo consacre la synthèse et l’aboutissement de la recherche improvisée radicale « libre » après une réflexion et une pratique de toute une vie, dédiée quasi – exclusivement à cette expression musicale dans la « tradition » londonienne… J’ai fait, il y a peu la chronique de Gateway 97, un quartet (WTTF pour Phil Wachsmann, Pat Thomas, Roger Turneret Alexander Frangenheim) dans le quel interviennent ces improvisateurs essentiels que sont Phil Wachsmann pour le violon et Roger Turner pour la percussion. J’étais ébloui par les éclairs d’imagination qui traversaient ce chef d’œuvre. C’est dans une autre direction que se développe la musique de ce beau duo, Alizarin, dont les titres font allusion aux couleurs vives du « trompe l’œil set » de Catherine Hope – Jones qui s’étend sur les surfaces de la pochette et du CD. Red introduction, bitter black, salt green, viridian black, on the edge of white… etc … On aimerait caractériser les improvisations minutieuses et relâchées qui défilent, mais le ton donné aux échanges et l’inspiration sereine nous oblige à écouter avec profondeur cette musique avant de nous mettre à penser à ce à quoi elle ressemble. Alizarin nous permet de suivre l’infini cheminement de la pensée et de la gestuelle précise et retenue de deux orfèvres de l’exploration improvisée. Plutôt dans les tracés hyperboliques et des dérapages peu prévisibles que dans « les matières ». Phil Wachsmann privilégie une qualité sonore « musique de chambre » et un sens mélodique évident même lorsque ses idées frisent l’abstraction. Roger Turner semble s’égarer sur les surfaces de ses peaux et métaux.
Le duo se concentre et développe des échanges dans un mode léger voire sautillant aux antipodes des décharges énergétiques auxquelles se livrent le batteur avec le tromboniste Hannes Bauer et le clavier électronique d’Alan Silva ou avec l’équipe abrasive de Konk Pack (Thomas Lehn, Tim Hodgkinson et RT). …. Le travail sur le son est corroboré par un sens de la forme évident. Une élégance rare et une écoute récompensée de bout en bout. Le violoniste s’écarte du virtuosisme pour affirmer une maestria vivifiante des intervalles incertains « post Schönberg – Cage » avec un sourire en coin bien British.  Le percussionniste sollicite une variété de frappes, grattements, résonnances, piquetages, secousses etc… très étendue avec la plus grande légèreté. Un sens de l’épure elliptique partagé et une dynamique sonore relâchée est l’atout cœur de cette musique. Evitant les pétarades hyper-kinétiques de la free-music, auxquelles Wachsmann et Turner sont historiquement associés, elle trace un extraordinaire manifeste du ralenti. Comment s’exprimer en prenant son temps sans se presser. Une écoute à l’écart des chemins aujourd’hui balisés des ismes en tout genre.
Le label Bead a initié la documentation des improvisateurs radicaux londoniens un peu à la même époque qu’Incus (label de Derek Bailey et Evan Parker) au début des années septante et prolonge son existence en distillant de petites merveilles telles que cet Alizarin. Toujours à suivre même après quarante ans d’existence.

Untuning the SkyChris Burn et Matt Hutchinson Bead records Special CD 09 SP


Enregistré en 2005 / 2006 par deux incontournables de la scène improvisée londonienne abonnée à la série de concerts Mopomosoà l’ancien Red Rose où a été captée une partie des pièces de cet album. Le pianiste Chris Burn, qui joue ici de la trompette,  a co-dirigé cette série avec John Russell et a collaboré longtemps avec John Butcher. Matt Hutchinson a développé l’utilisation des synthétiseurs et de l’électronique avec ductilité et lisibilité entre des pointes mezzoforte avec toutes les nuances de la dynamique jusqu’à la limite de l’audible. On l’a souvent entendu avec Phil Wachsmann, avec qui il a enregistré un beau duo (Startle the Echoes / Bead), et au sein du Chris Burn Ensemble dont il semble former le noyau de base avec la trompette de son leader. Chaque instrumentiste partage un sens du souffle, une métaphysique des tubes, l’électronicien évoquant les dérapages subits d’une embouchure et le trompettiste agitant l’air. Celle-ci est le lieu du passage du vent, la pression des lèvres concassant la colonne d’air. La recherche des timbres et des sons est absolument fascinante loin des éclats rituels de la free – music. La projection des sons électroniques est en tout point remarquable, les fréquences se répandent naturellement dans l’espace créant des formes en mouvement comme ne pourrait le faire un instrument acoustique, justifiant par là son usage. On oublie vite qui joue quoi pour se concentrer sur l’orchestration du duo. Chris Burn semble être un trompettiste du dimanche, un coloriste mélancolique qui transforme un jeu volontairement minimal dans un discours musical pertinent, fantomatiquement suspendu au-dessus des drones en lents glissandi brumeux (Salvation Echoes). Chaque pièce renouvelle complètement la géographie sonore de ce duo improbable. Dans Birdwing Shadow, Matt est au piano et Chris fait une superbe démonstration des timbres fous qu’il tire de son instrument en l’explorant méthodiquement. Vraiment remarquable.  La palette sonore des claviers électroniques de Matt Hutchinson est mise étrangement en valeur par les allusions mélodiques de deux notes et demi du trompettiste mieux en fait que ne pourrait le faire un saxophoniste impressionnant de technique. Je rappelle que c’est avec ces musiciens que se sont révélés les tenants de la « nouvelle » improvisation parmi lesquels figurent Rhodri Davies, Mark Wastell, Phil Durrant, Jim Denley, Axel Dörner etc… mais aussi Butcher, Marcio Mattos… Il faut donc ne pas hésiter à découvrir ces deux équilibristes d’atmosphères, artistes sensibles du l’extension du sens. Les improvisateurs British ont un sens inné pour cultiver le déraisonnable, l’excentrique et cet esprit de fantaisie qui est la marque de l’improvisation. Vous trouverez ici une démonstration irréfutable. Avec un matériau similaire, des Germaniques nous auraient rasé sans pitié. Bravo pour Matt Hutchinson et Chris Burn !!


Chorui Zukan Itaru Oki trumpet flugelhorn improvising beings ib23

Itaru Oki est un vieux routier du jazz d’avant-garde établi en France de manière quasi permanente depuis l’époque où son ami et mentor Alan Silva avait déposé ses pénates rue Oberkampf (IACP). Non content d’avoir participé à moultes aventures en compagnie de Silva et cie dont le fabuleux CCO qui avait fédéré des douzaines de musiciens de Frank Wright, Denis Colin et Didier Petit à Arthur Doyle, Itaru Oki a tourné avec Noah Howard en Allemagne à la grande période FMP et Total Music Meeting du Berlin des seventies. Cela l’a amené à enregistrer un beau trio chez FMP (One Year) avec deux pointures historiques de l’Eurojazz, Ralf Hübner, batteur historique de Mangelsdorff, Manfred Schoof, … et le clarinettiste basse Michel Pilz, pilier du quartet de Schlippenbach avant Evan Parker et le plus brillant clarinettiste basse de sa génération avant les Sclavis, Hans Koch et consorts. Excusez du peu. Né en 1941, il a été un pionnier de l’improvisation totale et du jazz libre  au Japon avant son arrivée en Europe, ayant travaillé avec le légendaire batteur Masahiko Togashi et le pianiste Masahiko Satoh. Peu importe son parcours, lorsqu’on prête une oreille à ce disque, on est séduit immanquablement.
Toujours apprécié dans son pays d’origine, il est négligé dans l’Hexagone (tout comme une série d’expatriés de longue date tels Steve Potts, Kent Carter…) . Nul n’est prophète surtout dans son pays d’adoption. Heureusement la fée Improvising Beingsveille et grâce à l’engagement indéfectible de Julien Palomo,  nous tenons un merveilleux album solo (de trompette) fait d’improvisations audacieuses et subtiles alternant avec des standards transformés avec un goût désinvolte et une réelle musicalité. I am Getting Sentimental Over you, I wish I knew, Misterioso, You Are Too Beautiful et Round Midnight se trouvent ainsi suspendu entre une lecture intimiste et détachée des mélodies originales et des accélérés entre la trame des accords et des notes extrapolées avec l’astuce des anciens… Les improvisations titrées en japonais nous le font entendre avec ses trompettes prototypes et d’étranges multi voicings en temps réel. Je n’en connais pas l’explication technique, mais sa musique n’est fort heureusement pas tributaire que d’une disposition instrumentale particulière mais plutôt d’une démarche originale naturellement inspirée. Effilochage incisif de la colonne d’air proche d’un sifflement inouï, pression dense / contraction de l’air dans l’embouchure, savoureux grain du son, vibration pavillon, pistons coussins d’air, tubulures du rêve … un aspect de son travail renvoie au grand Bill Dixon, comme très peu de ses collègues d’ailleurs. Un solo ? La trompette mérite qu’on la laisse flotter dans l’espace ; solitaire, elle dessine une géographie, trace un univers…. La critique professionnelle nous fera valoir qu’il y a référence plus incontournable de l’instrument dans le jazz libre (Cherry, Lester Bowie, Leo Smith et maintenant Peter Evans). Je répondrai que si on s’en tient jamais qu’à une poignée des mêmes (famous names), on finira par s’ennuyer…
J’ai donc moi-même pris beaucoup de plaisir à me plonger dans le souffle singulier d’Itaru Oki, à cerner son jeu fin et à suivre le fil de ses belles idées avec le sourire qui naît de l’entendre les résoudre et les transformer avec une sincère originalité. Un excellent musicien qu’une vie dédiée entièrement à la musique et à son partage a bonifié en essence et en substance. Merveilleuse musique.


Eight Improvisations Neil Metcalfe Daniel ThompsonCreative Sources

Neil Metcalfe est un remarquable flûtiste britannique qu’on entend régulièrement à Londres dans les nombreux clubs de la ville et dans plusieurs concerts relativement suivis. D’apparence presqu’aussi reclus que son ami le guitariste prodige Roger Smith, Neil Metcalfe est régulièrement sollicité par de nombreux collègues. Evan Parker, Paul Dunmall, le regretté Tony Marsh, le bassiste Nick Stephens ont associé à leurs projets et à de nombreux enregistrements ce poète de la flûte. Technique ? Avant- garde ? Plutôt raffinement de l’inspiration, musicalité qui coule de source. Il avait récemment enregistré un beau trio (chroniqué ici même) avec justement, la guitare de Dan Thompson et la contrebasse de Guillaume Viltard (Garden of Water and Light / FMR). Nous retrouvons ici un excellent Daniel Thompson qui améliore son jeu et ses propositions musicales au fil des mois. Rien d’étonnant, cette progression, Londres étant une mégalopole où se sont multipliées les possibilités d’improviser librement et de rencontrer des musiciens inspirés de manière exponentielle. En comparaison, Paris est assez décevant. Rien d’étonnant non plus l’écart générationnel, Metcalfe pourrait bien être le grand père de Thompson, car les british cultivent le « Pourquoi pas ? » : hein ! Si on essayait de jouer ensemble, sans a priori ni arrière-pensée, uniquement pour le plaisir de la découverte. Le sens du fair – play bien réel, fait qu’on essaye tout pour que l’autre se sente à l’aise et chemin faisant, l’évidence de la relation du dialogue et des singularités qui se comprennent et s’épousent font naître une musique commune. Face à un flûtiste aussi subtil, élégant, poète et rêveur, Daniel Thompson déploie son imagination et des propositions de jeu qui développe un contrepoint, des trames, des écarts et des jointures. Indépendance et connivence, collusion et collision. On oublie son Derek Bailey, son Roger Smith, son John Russell et d’autres pour apprécier pleinement un jeune guitariste profondément musical. Son champ sonore se réfère à DB et JR, mais c’est un adulte inventif qui transcende l’instrument et élève son difficile instrument, la guitare, au niveau de sa fratrie, Benedict Taylor et Tom Jackson (respectivement violon alto et clarinette) dont les très beaux Songs from Baldly Lit Rooms figurent désormais dans mon anthologie personnelle de l’improvisation libre. A découvrir et surtout à suivre !!


Sens Radiants Daunik Lazro Benjamin Duboc Didier Lasserre Dark Tree DT4

Faisant suite à un excellent premier album, Sens Radiantsest une improvisation d’un seul tenant de 55’28’’ qui occupe tout l’espace d'un bien bel album. Le nom du label, l’Arbre Sombre, évoque une ramure épaisse et imposante, à l’ombre de laquelle rayonne la musique. Mais celle de Sens Radiants, d’une constante épaisseur, fait songer à autre chose qu’à des ramifications. Contrairement à tous les trios souffleur(s) contrebasse batterie depuis Spiritual Unity (Ayler Peacock Murray) jusqu’à ceux de Charles Gayle, Fred Anderson et de Peter Brötzmann, l’équipe de Sens Radiants situe son propos loin de l’énergie expressionniste des susnommés ou de l’extrême multiplicité des lignes du trio Parker/Guy/Lytton.  Elle fait sienne l’exploration introspective des sons et des gestes comme l’ont développée les Doneda, Blondy, Mariage, Guyonnet, Sophie Agnel, Christine Sehnaoui et beaucoup d’autres. Un musicien français réputé pour son attitude pionnière, aussi ouvert qu’exigeant (auto-exigeant) et musicalement radical, et dont je tairai le nom, m’a un jour écrit il y a une dizaine d’années à propos des récents développements dans l’improvisation radicale décrite à l’époque comme « réductionniste ». Il y décelait déjà une forme de « posture » (minimalist attitude) qui pourrait se révéler dommageable pour la qualité de la musique et son appréciation communautaire.
Celle de Sens Radiants, spontanée et poétique, constitue une belle réponse positive et exemplaire face à cet épiphénomène hexagonal. Plus que collective, cette musique est unitaire et unifie chaque son de Lazro, Duboc et Lasserre, soit sax baryton, contrebasse et caisse claires et cymbales en une symbiose totalisante et épurée. On est loin de l’enchevêtrement des lignes, des arcs et des points, de l’art du ricochet, du call and response, des parallèles qui se rejoignent et de cette alternance accélérations subites et effrénées / unisson statique de la free-music. Et pourtant le sax baryton gronde et grogne par intermittence sur une note tenue qui s’évanouit vers l’aigu, mais le contrebassiste et le percussionniste créent des tensions imprévues avec de simples mini-crescendi de frappes et de frottements. Ceux-ci s’éteignent et renaissent sans prévenir, comme dans une nature ensauvagée. Il y a une vie intense et plusieurs écoutes sont nécessaires pour la pénétrer. Leur acte de jouer, sincère et engagé, naturel et non convenu, exprime l’esprit inextinguible des improvisateurs, ceux qui autant par choix intime que par conviction, ne regardent plus dans le rétroviseur, mais droit devant… Un très bel album.

Secluded Bronte : Secluded in Jersey City Pogus Productions
Adam et Jonathan Bohman, Richard Thomas.

Le nom du groupe a été imaginé par Adam Bohman, trouveur de mots et poète recycleur du contenu de journaux publicitaires et de magazines dont il coupe les mots de manière aléatoire et d’où sourd un signifiant obstiné et indéfini mais profondément touchant. Sans parler de ses talkings tapes…On en trouvait des échantillons de choix, débités dans le Back To The Streetsdes Bohman Brothers, duo lunatique surréaliste qu’il partage avec son frère Jonathan Bohman, aussi dissemblable que plus british que çà, tu meurs.  Ou dans le duo d’Adam Bohman avec Al Margolis a/k/a If Bwana, patron de Pogus Productions, un label chicagoan.
Je mentionne quand même le profil du label Pogus : un album d’AMM jouant Treatise de Cardew et publié bien avant que ce soit improfashionable, Annea Lockwood, Leo Kupper, Lionel Marchetti, Philip Corner, Pauline Oliveros, Alvin Lucier, David Rosenboom, Gen Ken Montgomery, Roger Reynolds, Fred Lomberg Holm, Daniel Kienzy plays Tom Johnson et Margolis/If Bwana lui-même, soit une brochette impressionnante de mavericks du contemporain alternatif et du sound-art classieux. C’est dire à quel niveau d’authenticité et de vérité se situe l’art des frères Bohman (jamais entendus en France) et celui de Richard Thomas  en qui ils ont trouvé un véritable « brother in arms ». Secluded Bronte est un trio où Richard Thomas se fond au tandem londonien pour faire une belle équip(é)e. Cet enregistrement très court (5 morceaux pour 22’24’’) réalisé live à WFMU /Jersey City le 7 novembre 2002, lorsqu’Adam Bohman s’était produit au Tonic avec entre autres Rhodri Davies et Mark Wastell. La pochette dépliante, où trône une sorte de centrale électrique, nous explique que ces trois-là jouent des cymbal, knives, forks, bells, file binders, tomato slicer, egg slicer, screw threads, fishing line, light bulbs, bowls, rubber bands, balloons, cardboard, plastic, ceramic, metal, polystyrene, straw, reed hosepipe serpent, balloon horn, tubes, voice, wooden box, glasses, whistling, tiles, springs, conduction, coil, aerosol can, talcum powder bottle, toy piano, record rack, prepared strings. Dans cette énumération délirante d’objets amplifiés par microcontact, agités ou livrés à eux-mêmes, je voudrais ajouter une installation électronique et des drones, clairement perceptibles au milieu d’un charivari mouvant et frictionnel. Les frottements de ressorts, d’objets métalliques, de verres et de cordages préparés d’Adam en constituant l’élément dynamique, au sens musical du terme. Un excellent concentré de folie sonore où se subvertissent les concepts d’ambient, d’electronica ou de psych-noise avec une bonne dose d’improvisation et de non sense. Pas question de se prendre au sérieux, ni d’amuser la galerie, mais surprendre, étonner et nous emmener en voyage.

Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz

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Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz
Leaving Knowledge Wisdom and Brilliance / Chasing the Bird ? 
8 CD Improvising Beings ib 25-26   
http://julienpalomo.bandcamp.com/album/leaving-knowledge-wisdom-and-brilliance-chasing-the-bird




Chronique premier jet dès le premier téléchargement.

Sonny Simmons
, sax alto légendaire rescapé de l’ère free-jazz et compagnon de route d’Eric Dolphy, Clifford Jordan, Charles Moffett, Elvin Jones, Prince Lasha etc.. avait disparu des écrans radar durant les années 80/90 jusqu’à ce qu’on retrouve sa trace avec Michael Marcus et Jay Rosen dans les Cosmosamatics qu’on a entendu sur le Vieux Continent avec quelques belles traces discographiques. Les labels Bleu Regard, CIMP, Soul Note, Boxholder, NotTwo ont livré neuf beaux témoignages de cette belle collaboration. Julien Palomo, le responsable du label improvising beings, et Roy Morris (Homeboy) avaient exhumé un extraordinaire témoignage de ses années de purgatoire en Californie du Nord. Live at Olympia and Cheshire Cat Club (Hello the World 2-3 /Homeboy) est un véritable brûlot tournoyant, une véritable musique de transe … comme peu des petits frères et cousins des McLean, Ornette et Dolphy auraient pu graver dans le … digital ou le vinyle… . Cet engouement transcendantal pour la spirale infinie fait de Sonny Simmons un être à part. Il avait co-dirigé un quintette très actif avec sa compagne Barbara Donald entre la fin des années 60 jusqu’en 1980 et collaboré avec Juma Sultan, leader de l’Aboriginal Music Society, ces deux groupes ayant été laissé pour compte par les critiques-organisateurs de poids en Europe. On le retrouve avec Brandon Evans à San Francisco et les deux compères enregistrent des gigs extraordinaires qu’Evans, élève émérite d’Anthony Braxton, publiera sur son label maison Parallactic, entre autres avec Anthony Braxton et un musicien indien.
Sentant son ami vieillir, Julien Palomo crée son label improvising beingspour produire les enregistrements d’artistes « historiques » écartés des circuits en Europe et ailleurs. Outre Simmons, il y a au catalogue François Tusquès, Itaru Okiet Alan Silva, de véritables pionniers du jazz libre et même de l’improvisation libre. Alan Silva et Burton Greene avaient co-dirigé un groupe avant-coureur dès 1963 et les idées d’Alan ont eu une influence prépondérante sur l’évolution de Cecil Taylor (cfr enreg. tournée européenne du Cecil Taylor Unit de 1966). De même, Palomo est un inconditionnel de Sabu Toyozumi, le percussionniste « free » le plus demandé au Japon et le seul batteur non afro-américain qui a fait réellement partie de l’AACM vers 1971-72. S’ il semble assez compliqué de s’y retrouver dans la masse des enregistrements de Toyozumi, afin d’en extraire d’autres albums révélateurs (avec Brötzmann, John Russell …), Palomo a veillé à peaufiner des sessions de Tusquès et de Sonny Simmons allant jusqu’à publier un bel album en duo (Near Oasis) de ses deux artistes fétiches. On trouve aussi Tusquès dans un double cédé solo inoubliable (L’Etang Change), Simmons avec la harpiste Delphine Latil (Symphony of the Peacocks) Itaru Oki en solo dans Chorui Zukan (admirable) et en duo avec le contrebassiste Benjamin Duboc, auteur lui d’un autre solo vraiment remarquable, St James Infirmary et collaborateur son du label. Julien Palomo nous prévenait qu’il était sur un gros coup discographique. Patatras, je recois un e-mail m’invitant à visiter Bandcamp et , incroyable, un coffret 8 cd à télécharger pour 18 eur ou plus selon votre générosité avec au centre Sonny Simmons, souffleur héros du label (à juste titre !).
Que faut-il en penser ? Et bien Leo Smith a tracé une série d’hommage à Miles électrique, Brötzmann a navigué avec le super groupe LastExit (w Bill Laswell, Sonny Sharrock et Shannon Jackson), Rob Mazurek et son Chicago Duo /Trio , sans oublier les initiatives d’Ashley Wales et John Coxon avec Evan Parker, Matt Shipp, Bennink etc… Pourquoi pas ? Sûrement ….
Un public « électrique »post-rock , psych-noise, ambient, …. y trouvera son compte. Car le travail est soigné, les différents participants créant de véritables tapis volants sonores pour le sax alto et le hautbois de l’alerte octogénaire, souvent très inspiré. Other Matter est un duo de Michel Kristof et Julien Palomo avec guitares et claviers trafiqués et un esraj in strument qui donne des allures Indiennes ( du Nord). Ils sont secondés par Bruno Grégoire. La musique se passe de rythmique basse batterie et se situe dans un autre temps que celui du « free-rock-jazz ». D’autres cédés nous font entendre les artistes électroniques Aka Bondage et Anton Mobin, très branchés free improvisation. J’ai croisé Aka Bondage avec plaisir : c’est un improvisateur sérieux. Car bien qu’Improvising beings soutient mordicus des artistes qu’on aimerait cataloguer « free-jazz », il ne faudrait pas s’étonner de les voir sortir un manifeste radical comme la collaboration de Sabu Toyozumi avec des musiciens belges, allemands et français publiée sous le titre Kosai Yujyo(ib008-009), soit « Vive l’Amitié » dans lequel on peut entendre votre serviteur ! (le britannique John Russell et la chinoise Luo Chao Yun n’y jouent que dans une plage mais pas n’importe laquelle).
Ici, on se perd dans les méandres des plages, le nombre étant augmenté par le fait que le site Bandcamp ne permet pas des morceaux supérieurs à 28 minutes tant que l’artiste n’a pas atteint un quota de vente de… 200 € ( !). J’ajoute encore que lorsque vous téléchargez des musiques sur Bandcamp, vous avez la garantie que les artistes sont le mieux payé possible par rapport à bien d’autres sites. En outre, ils respectent la qualité sonore des enregistrements originaux tant que faire se peut. Interdit au format mp3, Bandcamp exige le format wav. reproduisant le plus fidèlement possible la qualité du mixage et la dynamique sonore des musiciens.
Alors pour 18 eur pour plus de sept heures de musique à ce régime, c’est donné. Il me faudra du temps pour écouter tout cela, mais à partir du moment où cette esthétique vous intéresse et étant donné que ce travail fignolé est couronné par une belle prise de son, tant pour un Sonny Simmons inspiré que de ses partenaires qui n’ignorent rien des techniques de studio, on ne risque pas grand chose. J’ai fait des coups de sonde auditifs pour découvrir l’architecture et les détails de l’ensemble et une véritable cohérence se dévoile au fil des plages prises au hasard.
De la part de Sonny Simmons, rien d’étonnant. Il aurait déjà depuis longtemps produit de telles aventures si on lui en avait donné les moyens. En 1969/70, son studio à NYC était voisin de celui de Jimi Hendrix, le plus grand expérimentateur de studio de la musique afro-américaine de l’époque, et les deux hommes se fréquentaient comme le font tous les musiciens afro-américains d’envergure au-delà des esthétiques… les deux artistes ayant été tous deux marqués à vie par le bouillonnement coltranien. Hendrix ne présentait-il pas son batteur Mitch Mitchell comme « son Elvin Jones », batteur avec qui Simmons a enregistré pour Impulse ! . Cette initiative monumentale de Simmons, Palomo et leurs amis participe d’une entreprise de déconditionnement de l’appréciation de la musique, consciente que les problèmes de son, de rythmes, d’intervalles – harmoniques etc.. se posent d’une manière similaire quelques soient le style de musiques pratiquées. Derek Bailey avait initié une rencontre au-delà des styles – étiquettes – pratiques autour de l’improvisation libre faisant se rencontrer Steve Lacy et Lol Coxhill, des pianistes classiques ou des compositeurs avec George Lewis ou Fred Frith, permettant aussi à des activistes peu connus ou des insituables de se faire entendre au-delà des hiérarchies et surtout de l’image que le quidam ou le critique se construit avec sa grille d’analyse personnelle. C’est grâce à Company que Joëlle Léandre a eu le pied à l’étrier vers 1980. Palomo, Kristof, Anton Mobin et co se livrent à une démarche voisine mais dans un sens diamétralement opposé. La présence de Simmons et ses incantations apportent une véritable authenticité à cette boîte magique. Aussi, les albums des Cosmosamatics me font dire quel musicien nuancé, Sonny Simmons se révèle au fil de leur écoute attentive. Mis à part le phénomène Braxton, je ne connais que Jimmy Lyons et un Trevor Watts comme saxophonistes altistes à ce niveau de musicalité aussi fin… jazz « libre » s’entend.
Voilà je passe l’information, à vous de découvrir un OVNI discographique qui dépasse l’imagination ou l’imaginaire des puristes et si vous préférez le format physique, il y a 180 coffrets de 8 CD  à disposition chez improvining beings – Julien Palomo présentée dans un écrin vintage et un luxe de détails. Julien Palomo fait partie de ces incorruptibles et généreux enthousiastes qui ont nom Jacques Oger, Gérard Terronès et autre Bertrand Gastaut (Dark Tree, un nouveau venu) et dont qualifiera l’élan créatif jamais en défaut avec le nom d’un autre label idéaliste hexagonal, Amor Fati . Au diable l’avarice et les a-priori esthétocards : plus on est de fous plus on s’amuse et c’est bien le but.

Après rumination :

on frise le délire, l’indigestion, la redite,    et pourtant au fil des 46 plages téléchargées (dont les 8 premières sont des échantillons, samples en anglais) , on se rend compte que toutes les sessions ont été supervisées et conduites par Sonny Simmons avec un réel fil conducteur qui transcende avec fascination les différents stades du projet, ou plus exactement ses métamorphoses. On retrouve un peu partout des motifs mélodiques, des tournures et des accents qui se rappellent les uns aux autres comme dans un grand-œuvre prémédité. Au sax alto, Simmons se contente de jouer des motifs mélodiques au centre des dispositifs qui transitent du blues électro au free folk, du post-rock à l’ambient, de l’improvisation électronique à une musique d’Inde du Nord fantasmée (l’esraj de Michel Kristof). Il y a aussi des improvisations surprenantes dignes de quelqu’un qui a réellement compris au plus profond le message et le son de Charlie Parker de vivo.
L’Inde, dites-vous. Mais bien sûr ! Si Sonny Simmons joue du hautbois (excellement) c’est parce qu’il a été fasciné par Bismillah Khan , le maître du shenaï de la musique classique d’Inde du Nord. Ecoutez-le dans ses improvisations infinies des années septante et soixante et vous découvrirez qu’il est un maître des modes (échelles de notes dites modales) à l’instar d’un Coltrane, et tout comme Trane, fortement inspiré par la musique d’Inde du Nord. Coltrane n’a t-il pas baptisé son fils Ravi en l’honneur du sitariste Ravi Shankar ? Et bien, dans l’équipe à Palomo, son pote Michel Kristof voyage fréquemment en Inde afin de parfaire sa connaissance de la musique indienne.
La musique de ce coffret 8 cédés aurait pu être banale, bancale, ininspirée, un véritable bric-à brac. Mais l’obstination, l’amour du travail bien fait, la connaissance et la pratique de plusieurs univers musicaux, et des centaines d’heures d’enregistrements, de réunions, de mises au point, de séances de mixages font de cette suite créée entre 2007 et 2014 un labyrinthe onirique, une exploration d’univers en expansion qui se transcendent et se complètent tout en se distinguant. Au point de vue rythmique, on a évité les métriques, pulsations et surtouts beats et autres pilonnages coutumiers. Cette musique coule, s’étale, flotte, se répand quels que soient les univers abordés avec le même abandon. Il y a une grande différence entre le psychédélique exacerbé de Michel Kristof aux guitares et le travail du son contemporain et millimétré du sound processing d’Anton Mobin ou la guitare d’Aka Bondage reconstruite au travers de MxMsp. Quand la musique devient « abstraite » et éclatée , ce n’est pas avec demi-mesure et si elle est lyrique, c’est sans pathos. Un disque entier est consacré à Palomo himself aux synthés en duo avec Sonny Simmons.
J’avoue que généralement ce genre d’esthétique toute électrique, post-rock psyché etc.. ne m’intéresse pas beaucoup, mais il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas considérer la  valeur intrinsèque d’un travail magistral comme celui de Sonny Simmons, Julien Palomo, Michel Kristof, Anton Mobin, Nicolas AKA Bondage, Bruno Grégoire et nobodisounz. Je dois encore ajouter que le producteur Julien Palomo, une personnalité aussi modeste qu’idéaliste, ne s’est encore jamais produit sur scène avec le duo Other Matter ni un autre groupe d’ailleurs. Mais je peux vous dire que quantité de « pros » branché « poly-musiques » qui s’y croient n’ont pas le tiers du quart de son envergure d’artiste. La musique est faite pour nous enchanter et aussi pour ouvrir les esprits. Il existe sûrement un frange de public sensible à ces sonorités qui seront sans doute projetés « au-delà du miroir d’Alice »… et profondément touchés…
Chapeau Bas , la scène hexagonale peut être fière de zèbres pareils , c’est pas tous les jours..


Jean Michel VS acteur de la scène improvisée et vocaliste improvisateur ayant performé dans toute l’Europe sans avoir jamais suivi un seul cours de chant et stage à la con .

New Cd of Steve Lacy solo unreleased and older ones from the improvisation zone

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Steve Lacy Avignon and After 2 Emanem 5031
Steve Lacy soprano saxophone solos in Avignon and after - 2


Une suite à la réédition "complète" de l'album solo mythique de Steve Lacy sur le même label avec de belles surprises. Durant plus de deux décennies, le disque Steve Lacy solo"au Théâtre du Chêne Noir Avignon 1972" (et le tout premier album du label Emanem, n° de catalogue 301), est resté au sommet de la liste des 33 tours fortement recherchés par toute une génération d'amateurs de jazz d'avant-garde et de musiques improvisées. Publié à quelques centaines de copies à deux reprises en 1974 et 75, il fut seulement réédité en CD vingt ans plus tard par son producteur d'alors, Martin Davidson (Emanem 4004). Fort heureusement, dès 1976, le label FMP/SAJ publia l'album solo Stabs, Hat Hut, Clinkers et Horo, Evidence, ce dernier avec des compositions de Thelonious Monk. Lapis (Saravah) est un album studio (avec multi tracking), enregistré avant que Lacy n'ait donné un seul concert solo.  Mais le fait de la rareté de l'Emanem 301et qu'il s'agissait de son premier concert solo a donné au Chêne Noir  une aura légendaire, malgré le son assez moyen (bruit de fond) de la gravure. Elle a été sensiblement par la suite pour les deux éditions digitales dont la dernière en date, Avignon and After 1 (Emanem 5023) contient quasiment une moitié d'inédits dont l'entière Clangs suite jamais publiée en solo (Owl Torments Tracks Dome New Moon Berlin 1974). Conseil aux collectionneurs : au lieu de chercher à mettre la main sur une copie originale hyper coûteuse et de qualité assez relative, commandez les Emanem 5023 et 5031.
L'année dernière, Davidson a quitté Londres pour l'Andalousie et a fortement ralenti l'édition suite à l'effondrement des ventes, de même pour le label Psi d'Evan Parker auquel il contribuait comme responsable technique et administratif.  Les récentes productions d'Emanem se concentrent sur la réédition de pièces rares et quelques musiciens avec qui il est historiquement (et sentimentalement) attaché. Certains nous ont quitté il y a vingt ans, tel John Stevens, ou plus récemment,  Paul Rutherford et Steve Lacy, artiste avec qui il a initié Emanem avec pas moins de cinq albums. On pourrait se dire : "Steve Lacy ! ? Encore ... on connaît !" Et bien, détrompez-vous, cette compilation solo des années 70 présente des pièces qui n'avaient jamais été publiées en solo ou dont les versions sont meilleures que celles publiées auparavant. 
Par exemple, une version extraordinaire de The Dumps enregistrée à Avignon 1974. Il y a tellement de nuances et de traits fins dans cette version que, pratiquement, les concerts solos enregistrés deux décades plus tard vous paraîtront fades. Des deux concerts historiques d'Avignon 1972 , il y a trois morceaux de Billy Strayhorn : Johnny Come Lately, Lush Life et UMMG présentées comme des miniatures courtes en ouverture du récital et jouées de manière épurée avec toute l'élégance requise pour la musique ellingtonienne. Johnny Come Lately ne nous est pas inconnu dans l'univers de Lacy, car c'est un des morceaux enregistrés par Steve Lacy avec Cecil Taylor au festival de Newport en 1957 et avec Mal Waldron dans ce fantastique concert britannique des années 90 (Let's Call This Esteem Slam 501). Inconnus dans son répertoire solo, Moms et Pops, pièces écrites à propos des parents de Steve et de sa compagne Irene Aebi et enregistrées à Avignon en 1974. De même que Slabsà Paris en 1975, une sorte de blues polymodal jamais enregistré. Les trois autres pièces de ce concert parisien nous offre une version fantastique et encore plus torturée de Torments, composition mémorable qui figurait dans l'album Clangs en duo avec Andrea Centazzo (où figure aussi la Clangs Suite). Une version différente de The Wool qui vaut la peine d'être entendue et un excellent Moma Duck, le fameux "canard" dédié à son ami Ben Webster, qu'il croisait alors souvent à Paris ou dans les festivals. Hooky enregistré à Edmonton en 1976 figure aussi dans l'album éponyme (Hooky Emanem 4042) comme inédit par rapport au vinyle Emanem "Quark 9998", The Weal and The WoeLa composition Hooky, du pur Lacy, n'existe que dans ces deux albums, mais son matériau de base nous est familier.  Hooky, l'album, est resté très sous-estimé dans sa discographie (car sans doute publié en quasi unreleased) alors qu'il contient la version solo complète de la Tao Suite (Existence - The Way - Bone - The Name - Breath - Life on Its Way)  jouée en concert "d'une traite".  Car si Steve Lacy, compositeur, est un véritable improvisateur qui veut donner le meilleur de lui-même en un seul concert, questionnant ses chefs d'oeuvre et les déstabilisant de manière à en trouver un angle ou une facette inexplorées. On peut parier qu'il avait tenu que sa version de Dumps d'Avignon 1974, présentée ici, soit sensiblement meilleure que celle de 1972.  Et finalement, une superbe version de Snips à Cologne en 1977, alors qu'il est au faîte du cycle de ses prestations solitaires. Elle est aussi belle que toutes les meilleures versions solo de ses compositions les plus fameuses et tranche par rapport aux autres compositions précédentes. 11 minutes épiques et un sommet.
Cet album d'inédits constitue un témoignage irremplaçable de ce génie de la forme, de l'épure et du son du saxophone soprano. Nous découvrons d'autres aspects de son oeuvre et des interrelations entre des compositions qui semblent venir des différents "coins" de sa démarche. Fascinant et extrêmement sensible. 


Nulli Secundus Andreas Willers Christian Marien Meinrad Kneer Creative Sources .


Sorti il y a quelque temps par l'intarissable fontaine digitale Creative Sources, Nulli Secundus est sans doute intitulé pour exprimer l'idée ou le fait qu'une improvisation est un acte unique dans le temps et l'espace. Second de Rien, si je le traduis littéralement, le latin littéraire aimant à jouer avec le sens des mots qui défie la logique du français, donc unique. Ces trois artistes, le guitariste Andreas Willers, un vieux routier du jazz d'avant-garde en Allemagne, le percussionniste Christian Marien et le contrebassiste Meinrad Kneer, de la génération montante, rassemble le produit de leurs pratiques et trouvailles pour construire, lors d'un concert berlinois de 2012, une suite de pièces où les effets sonores et le déroulement de l'improvisation sont habilement diversifiés, rendant ainsi le concert intéressant. De l'ensemble rejaillit le son superbe de la contrebasse à l'archet, Meinrad Kneer étant un musicien à suivre particulièrement. Il participe, à l'heure où j'écris ces lignes à une tournée avec Jon Rose et Richard Barrett. Qui dit Jon Rose, pense violon génial et donc vous imaginez la qualité du contrebassiste. 
La musique du trio, ici très souvent réussie et vivante, me pose une question de praticien de la musique improvisée : doit on "changer de style" ou transformer son approche lors d'un même concert. C'est un peu ce qui se passe avec le guitariste Andreas Willers. Qu'un artiste ait plusieurs champs d'investigation et participe à des projets artistiques variés, c'est tout à fait louable et même recommandé. On apprend toujours et les plaisirs pris à gauche et à droite n'ont pas la même saveur. Le challenge d'un improvisateur "libre collectif" est de se soumettre à l'exigence du moment en fonction de la musique des autres et de poursuivre une voie / une voix, jouer jusqu'au bout un personnage comme un acteur le ferait dans une pièce de théâtre. C'est tout le mérite d'un Derek Bailey d'avoir pu jouer "son personnage musical" avec autant d'artistes différents. La guitare contemporaine telle qu'elle est pratiquée de nos jours est le fruit d'influences très diverses provenant du classique, du flamenco, du rock, de l'avant-rock, du jazz des différentes époques et des possibilités technologiques. Heureusement, Willers joue excellemment et intelligemment acoustique ou amplifié, avec les doigts ou "couché" sur une table, offrant un espace ouvert à ces deux coéquipiers. Christian Marien est un remarquable technicien qui pratique l'improvisation avec coeur et dont on espère une belle évolution dans ses trouvailles sonores. L'espace d'Ausland n'est peut être pas idéal pour l'enregistrement de la percussion. Il y a un effet de résonance qui déforme les gestes du percussionniste au niveau de la reproduction sur le compact. Personnellement, j'ai tendance à faire deux catégories dans les percussionnistes d'improvisation radicale (excusez-moi). Les percussionnistes qui sont liés à une pratique (jazz, rock, classique contemporain, ethnique ou un savant dosage de ces sources) laquelle transparaît dans leur musique. Et ceux qui ont sublimé leurs pratiques initiales pour personnifier l'improvisation libre au plus haut degré, et ce n'est pas une question de "technique", mais plutôt une affaire de conviction ou d'exigence, d'inventivité jusqu'au boutiste.  On pense à Roger Turner, au Tony Oxley de l'ère Incus, à Paul Lovens et Paul Lytton et  à l'héritage benninkien des premières années de la free-music. Il y en a d'autres comme Lê Quan Ninh, John Stevens et son mini-kit ou un Tatsuya Nakatani. Christian Marien se situe actuellement dans l'entre deux et on lui souhaite de jouer encore pour qu'il puisse contribuer à nous surprendre. Donc, j'aurais eu pas mal de plaisir à avoir pu écouter leur concert ici enregistré. Mais la réflexion qui me vient à l'esprit pour que cette musique improvisée survive à elle même en conservant son essence intrinsèque, soit un devenir permanent et insaisissable : "Assez de documents, on veut des manifestes !"
Malgré tout de la bonne musique.

Oleszak/ Turner Over the Title FreeForm Association Multi Kulti

Il y a un musicien dont la communauté improvisée peut être fier car il personnifie l'esprit éternellement insatisfait, investigateur, remise en question permanente et qu'il demeure toujours pertinent quelque soit le contexte : le percussionniste Roger Turner. En plus et visiblement, Roger n'est pas encombré par sa notoriété, il fait volontiers oeuvre utile avec des  artistes complètement inconnus partageant les aléas de la collaboration comme s'il était un novice. Sincère jusqu'au bout musicalement et esthétiquement. Et cet album  en est un précieux témoignage. Vraiment pas gâté par les opportunités de la scène improvisée internationale à ses débuts, il s'est accroché avec l'énergie du désespoir pour survivre en ne faisant que cela : improvisation libre radicale en développant une approche personnelle et profondément originale, entre autres avec le vocaliste Phil Minton. Il faudrait quand même que les critiques qui s'extasient devant le phénomène vocal que constitue Phil Minton réalise qu'il a un alter-ego instrumental percutant : Roger Turner avec qui il partage une relation musicale féconde et irremplaçable depuis plus de trente années. Ces 39 minutes d'improvisation enregistrées en 2010 en Pologne avec le pianiste ("d'intérieur") Witold Oleszak confirment cette réputation et surprennent par la qualité de la dynamique du percussionniste dont les sons n'encombrent jamais l'espace autour des cordages pincés et frottés du piano. Voilà le genre d'album qu'on recommande volontiers pour répondre à la question "musique improvisée libre c'est quoi ?". En tout point remarquable. Que dire de plus sinon, écouter et y prendre du plaisir.  

Albert Ayler Spiritual Unity : 50 ans ……

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Albert Ayler Spiritual Unity : 50 ans ……

50 ans de jazz libre et d’improvisation libre depuis le 14 juin 1964. L’an zéro du free-jazz, celui de la liberté « totale », lorsque le trio d’Albert Ayler, Gary Peacock et Sunny Murrayjoua au Cellar Café de NYC lors du premier grand festival consacré à la nouvelle musique. Ce trio enregistre Spiritual Unity, le premier album de jazz d’avant – garde du premier label consacré à cette musique, ESP. Spiritual Unity est par excellence le disque-manifeste du nouveau free-jazz qui a largué ses amarres tant pour la forme que pour le son. Eclatement de la rythmique et de la scansion, vagues de sons multirythmiques de Sunny Murray, phrasé complètement outré de la basse en toute indépendance du batteur, autonomie de chaque instrumentiste,  changement abrupt de registres du souffleur et du bassiste, cohésion irréelle, travail sur le son du saxophone aux moyen de techniques alternatives complètement intégrées aux motifs mélodiques et aux intervalles choisis. Albert Ayler souffle très fort pour obtenir ces cris dont il contrôle les timbres, les glissandi avec une facilité et une souplesse déconcertantes. Il a créé ce son « Ayler » en deux ou trois ans et mis à part John Coltrane, aucun autre saxophoniste ne dégage une telle émotion, une telle puissance, celle qui transformera pour toujours la vie de milliers de musiciens et d’auditeurs. Tout ce qui relie la New Thing aux conventions du jazz et aux critères occidentaux est éclaté et évacué. Singulièrement cette musique « d’avant-garde » a un solide pied dans la musique populaire et les airs de fanfare et évoque l’imagerie de l’Eglise Noire. D’ailleurs, quelques mois auparavant, Ayler a enregistré une série de gospels traditionnels, publiés seulement vingt ans plus tard. Certains de ses thèmes sont inspirés du foklore suédois. On peut dire aussi que l’improvisation libre collective totale que développèrent ensuite les Européens  trouve dans cette aventure un point de départ indubitable.  


Le 10 juillet 1964, Arthur Jim « Sunny » Murray, pénètre dans le Variety Arts Studio à NYC, loquace, dégingandé, imposant… suivi de près par le contrebassiste Gary Peacock et sa compagne Annette. Plus introverti et discret que son camarade, il attend patiemment l’arrivée d’Albert Ayler, un musicien sorti de nulle part que Cecil Taylor et « Sunny » Murray ont rencontré en Scandinavie durant l’automne 1962. Après avoir partagé la scène à Copenhagen, Ayler joue avec le groupe de Taylor à New York avec Murray, Jimmy Lyons et Henry Grimes. Dans le même club, Paul Bley, John Gilmore, Gary Peacock, Paul Motian partagent l’affiche et, de fil en aiguille, après avoir joué avec Bley et Sunny Murray, échangé les bassistes, Henry Grimes, qui part en tournée européenne avec Rollins et Don Cherry, contre ce nouveau venu, Gary Peacock… Ayler forme son trio qui cristallise toute sa quête et son expression.
Le producteur, Bernard Stollman, un jeune avocat, veut lancer un nouveau label de disques dédié entièrement à la Nouvelle Chose, ESP. Le nom du label fait référence à l’espéranto, une langue synthétique.
Un nombre croissant de jeunes musiciens accourent de toute l’Amérique pour révolutionner le jazz depuis qu’Ornette Coleman, Don Cherry, Charlie Haden et Edward Blackwell sont apparus au Five Spot devant le Who’s Who du jazz  de Gunther Schuller et John Lewis à Coltrane, Max Roach et Dizzy.
La nouvelle musique a convaincu des critiques comme Nat Hentoff et des musiciens comme Charles Mingus qui engage Eric Dolphy. Miles Davis fait la fine bouche, il déclare qu’Eric Dolphy se marche sur les pieds. Les critiques officiels comme Dan Morgenstern prennent vite ce mouvement en grippe. Coltrane chez Miles, Ornette, Dolphy et le Cecil Taylor de Jazz Advance et de Air avaient sérieusement contribué à déplacer et à étendre les repères et les structures du jazz moderne. Mais avec Albert Ayler et Sunny Murray, tout vole en éclat. Là où le groupe de Cecil Taylor exploite jusqu’au bout les structures harmoniques, et pour s’en convaincre il faut écouter toutes les permutations et métamorphoses proches du texte bop parkérien (Charlie Parker), mais très subtilement avancées, de Jimmy Lyons, le son d’Ayler projette un vibrato inouï, un son à faire réveiller un mort. Ses morceaux parlent d’esprits ou de fantômes (Spirits et Ghosts) ou encore de sorcier (Wizard). Avec une puissance de souffle hallucinante, un bec énorme et un vibrato sorti d’un rêve éveillé, Ayler exprime une foule d’émotions contenues en faisant exploser les notes, siffler les harmoniques avec un contrôle du son aussi instinctif que magistral. Le batteur Sunny Murray, fait complètement éclater la structure rythmique du drumming jazz et révolutionne le concept de tempo en libérant les cellules rythmiques  qui se meuvent quasi indépendantes les unes des autres en accélérant ou ralentissant des pulsations sous-jacentes à un flux qui semble incontrôlé.
Mais voilà qu’Albert Ayler entre dans le minuscule studio. Le preneur du son installe le matériel, Stollman avait cru que la session allait être enregistrée en stéréo, mais comme il est tout heureux de pouvoir parler avec Annette, rire avec Murray et discuter de détails, il ne s’est pas aperçu que la session est en fait enregistrée en mono. "J'en fus horrifié !" dira-t-il.
Ghosts, Wizard sur la première face, Spirits et Ghosts2nd Variations sur la deuxième, en mono. En MONO ! ! Et donc, lorsque vous trouvez devant une copie de Spiritual Unity publiée sur le label d’origine ESP sous le n° 1002 avec la mention MONAURAL et qu’elle est à vendre, que ce MONAURAL ne vous effraye pas . C’est le GRAAL intégral !! Le vrai son du free – jazz tel qu’il a été vécu à l’époque.  Tout comme la poésie doit être lue et sentie dans sa langue d’origine et qu’elle perd sa saveur un fois traduite, ce qui a été enregistré en mono doit vous être servi en mono, du moins la gravure sur le vinyle. Si vous le foutez en stéréo, c’est du faux stéréo. Vous écoutez cela au casque et si la musique devient plus aérée vous entendez la perspective de l’enregistrement, sa balance, de manière curieuse. J’y reviendrai.

Et les copies historiques de cet album ESP 1002 sont en mono et rien d’autre.
Toutefois, face au phénomène grandissant du free-jazz et à l’intérêt croissant en Europe, ESP concède des licences. Très vite le label Fontana propose une édition britannique mixée en stéréo (Fontana - UK SFJL933 ou ESP Explosive – France 538.107)  et ESP distribuera par la suite des éditions « améliorées ».
Et là demeure un mystère.
Lors du mixage en stéréo de Spiritual Unity, on a travaillé sur les bandes originales, sauf une ! Les deux variations de Ghosts qui ouvre et ferme l’album sont devenues l’hymne de l’humanité selon Don Cherry, qui partira en tournée avec eux un peu plus tard. Wizard est bien dans la tonalité à la fois hyper lyrique et tumultueuse, explosive et étonnamment décontractée de la musique du trio.
Mais Spirits ! ? Spirits, c’est bien le titre clé de l’album Spirits enregistré en février 1964 avec Murray, Henry Grimes, un bassiste du nom d’Earle Henderson et un excellent trompettiste, Norman Howard. On rebaptisera le disque Witches and Devils selon le titre du morceau qui ouvre l’album et qui laisse poindre un instant la mélodie de Ghosts. Ce Spirits-là est un thème enlevé typiquement aylérien avec une mélodie caractéristique et moins connu que Ghosts, mais à l’époque ce Spirits est au centre de tous les concerts d’Ayler et a un véritable air de famille avec les Ghosts et les Wizard qui fleurissent dans Spiritual Unity.
On retrouve d’ailleurs les intervalles caractéristiques des improvisations de ce morceau dans celles du jeune David Murray en 76/77.
Un mois auparavant, le trio Ayler / Peacock / Murray avait donné un concert extraordinaire au Cellar Café lors de l’événement  appelé Révolution d’Octobre et organisé sous la houlette de Bill Dixon. Le premier festival d’importance consacré uniquement à la free music. Outre Ayler et son trio, il y a Milford Graves, Paul Bley, John Tchicaï, Roswell Rudd, Archie Shepp, Jimmy Giuffre, Dixon et John Coltrane venu en spectateur dans le public. Coltrane est complètement bouleversé par Albert Ayler. Il pressera d’ailleurs Bob Thiele, son producteur, de signer Albert Ayler sur Impulse ! Dans ce concert Ayler, Peacock et Murray jouent, avec un équilibre rare de violence agressive et une totale décontraction, la suite : Spirits, Wizard, Ghosts en deux variations… autour d’un Prophecyénigmatique. Les mélodies de chacun des morceaux ont des intervalles en commun qui permettent de connecter les improvisations entre chaque morceau et de les mélanger. La musique de ce moment incontournable fut publiée  par ESP au moment même où le label mettait la clé sous le paillasson en 1975 : Prophecy ESP 3030, avec, sur la pochette, une photo du dernier concert d’Ayler à la Fondation Maeght publié par le label Shandar. Prophecy est quasi passé inaperçu en Europe et c’est en 1979 seulement, que j’en trouverai une copie japonaise après avoir cherché vainement Spiritual Unity ESP1002 ou même une simple réédition, comme le Fontana Stéréo britannique que je trouverai encore dix ans plus tard pour une somme tout à fait modique.

Alors, Spirits ??
Qu’a t’on fait avec les bandes ?  Les a t-on mélangées ?
A t-on perdu la bande originale de Spirits ?
S’est-on trompé de morceau ?
Albert Aylera-t-il demandé à ce qu’on le remplace par un autre morceau plus introspectif pour créer une dimension différente ?
Car le Spirits qui se trouve sur l’album Fontana britannique stéréo et les autres rééditions ultérieures est en fait une version d‘un morceau plus lent, à la mélodie identique que celle du Saints qu’on peut entendre dans l’album Spirits / Witches and Devils. La batterie de Sunny Murray y est plus clairsemée et se contente de colorer un véritable duo intimiste entre le saxophone ténor et la contrebasse. Peacock y joue même de l’archet. Seulement une écoute attentive au casque révèle une perspective stéréo artificielle, vu qu’il s‘agit au départ d’un enregistrement mono. Par la suite presque toutes les éditions ultérieures (Base, Zyx, Abraxas etc..), y compris le CD ESP officiel proposent ce « Spirits » plus court (6’48’’) qui est en fait Saints, un autre morceau que le Spiritsd’origine.  Le Saints utilisé par les éditions respectives d’ESP /Calibre Via ou d’ESP CD 1002 sonne encore différemment de celui du vinyle Fontana… Pour ajouter au mystère, une édition vinyle de Spiritual Unity publiée par ESP dans les années soixante paraîtra avec cette autre plage intitulée Transfiguration.  Questionné, Bernard Stollman ne se souvient plus du tout de ce qui aurait pu se passer. Cela nous laisse libres pour l’interprétation de ce mystère.
Seul, le label japonais Venus rééditera l’album avec les « deux » versions de Spirits en 1996. Le morceau de la première version s’intitule Vibrations dans l’album Ghostsa/k/aVibrations, publié du vivant d’Ayler à la même époque. Don Cherry complète le trio dans une tournée mémorable qui tourneboula nombre de musiciens et d’auditeurs à Rotterdam, Copenhagen, etc... On retrouve aussi ces Vibrationsdans les Copenhagen tapes publiées plus récemment par le label Ayler. Ces enregistrements de Copenhagen figurent en partie dans la boîte Holy Ghost publiée par Revevant. On y trouve aussi la rencontre avec le trio de Cecil Taylor à Copenhagen en 62 et la suite inédite du concert du Cellar Café.
Finalement grâce à l’insistance de Martin Davidson du label Emanem et à son expertise technique, ESP publiera bientôt une nouvelle version de Spiritual Unity  avec cinq plages et les deux « versions » de Spirits. Pour ceux qui voudraient déjà se plonger dans l’atmosphère de Spiritual Unity avec le Spirits d’origine et connaître le bouleversement émotionnel intense que cette pièce unique achève et nous achève complètement entre deux Ghosts d’anthologie, rien de tel que l’album Prophecy et son atmosphère extraordinaire  qui s’ouvre justement sur Spirits et la contrebasse géniale de Gary Peacock.
D’un point de vue discographique actuel et purement pratique, il faut pour cela utiliser aujourd’hui le CD  Prophecy est couplé avec (et après) Bells(une face de vinyle ESP transparent de 1965) et extraire la suite des inédits du Cellar Café de juin 64 dans la très lourde et coûteuse boîte Holy Ghost, aujourd’hui indisponible.

L’an zéro du free jazz au Cellar Café, le 14 juin 1964, restera toujours pour moi l’album merveilleux « Albert Smiles with Sunny » (CD In Respect 39501) parce qu’il réunit les morceaux de Prophecy et les 43 minutes supplémentaires des bandes du concert  dans un double CD (avec la vitesse exacte des bandes originales) et qu’il nous plonge le mieux possible dans la folie aylérienne et l’équilibre magique de ce trio de rêve. I Had a Dream. C’est avec cet album qu’on entend les gémissements de Murray en arrière fond, le  chassé croisé entre les thèmes et les improvisations qui s’enchevêtrent. Ces grognements dans le grave qui s’échappent en harmoniques suraiguës volatiles. La pratique de l’improvisation, le sentiment que rien n’est acquis et que tout reste à faire. Rien que les parties de contrebasse de Peacock et le flottement créé par les vibrations des cymbales sont absolument uniques. L’instinct de la réussite immédiate et l’évidence de l’instant magique. Dans le deuxième disque, Ayler invente des permutations imprévisibles pour introduire un énième Ghosts dans une « autre variation ». Jamais plus dans l’histoire enregistrée d’Albert Ayler, ses capacités d’improvisateur, son génie du saxophone ne s’exprimeront avec autant de fraîcheur, d’invention  et d’audace que lors de ce concert du 12 juillet 1964. C’est aussi le meilleur moment d’appréhender la paire Peacock – Murray et leur conception d’indépendance et de complémentarité.
ESP et Bernard Stollman considèrent ce disque comme étant un Bootleg, car Stollman représente la succession de la famille Ayler  (et de Sun Ra) et  qu’il n’a pas donné son accord pour cette publication. L’initiateur de cet album n’est rien d’autre que Sunny Murray lui-même, instrumentiste improvisateur et contributeur incontournable de cette musique. Son avis mérite d’être considéré : cette musique est collective et le système des droits d’auteur est en décalage avec la pratique de la musique improvisée. Les thèmes sont d’Albert Ayler bien sûr. Et la musique, elle, elle est de qui ?? …. En outre, son complice est Harmut Geerken, activiste et musicien proche de John Tchicaï, Sun Ra, Don Moye, etc... Une personnalité impliquée dans la scène dans le bon sens du terme. Scandaleusement, Sunny disparaît complètement dans le livre passionnant qui documente le coffret Holy Ghostset retrace la vie d’Albert Ayler.  Quand on demande à Paul Lovens, le prince de la percussion improvisée radicale, de citer ses sources musicales, Sunny Murray est le premier nom qui lui vient à la bouche.
Si les Stollman ne sont pas contents, qu’ils publient un double album digne de cet événement incontournable et éphémère ! A notre déconvenue, le propriétaire des droits de quatre albums historiques  incontournables que sont My Name is Albert Ayler, Spirits, Goin’Home et Ghosts, néglige de les faire publier : DA Music les a racheté au fameux Alan Bates de Black Lion. Tout au plus, Spirits a été réédité en vinyle par Klimt. Alors que de nombreux musiciens surproduisent, ces quatre merveilles manquent cruellement à l’horizon. Cela ferait un coffret extraordinaire digne de celui d’Ornette Coleman chez Rhino.
La parution de Spiritual Unityà cinq plages vient donc bien à point.
En se plongeant  dans l’écoute de ces albums, on réalise à quel point la musique d’Albert Ayler à cette époque était en mouvement perpétuel et qu’elle reste toujours éminemment actuelle. Elle personnifie à la fois la lucidité des poètes et l’irrationnel des croyants, la révolte et la solidarité, l’invention et la maîtrise du son. Le travail de Gary Peacock y est un modèle du genre, quasi inégalé. Ayler a eu une évidente influence sur un Peter Brötzmann, mais aussi sur Coltrane lui –même , qui a transformé son jeu en conséquence. Ecoutez certains de ses albums enregistrés l’année suivante, comme Sun Ship, Transitionou les First Meditations, et vous pourrez le constater. Pour Steve Lacy, écouter Ayler a été un intense moment de remise en question fondamentale. Sur un album solo paru récemment récent (Avignon and After vol 2), il y a un morceau qui découle entièrement du jeu aylérien reconstruit par ce structuraliste méticuleux. John Stevens et l’Art Ensemble lui dédieront certains de leurs disques (Lebert Aaly !!). Joe Mc Phee est apparu sur scène vêtu d’une aube et son album solo Tenor est proche de l’esprit et du style aylérien. Sans oublier les Flowers for Albert d’un très jeune  David Murray. Ou encore Charles Gayle et IvoPerelman. En France, on pense à Daunik Lazro. A propos du son particulier d’AA, il faut noter que peu parviennent à souffler aussi fort tout en évitant la dureté quasi-inévitable. Il y a une dimension mélodique implicite dans ses sonorités inouïes, un lyrisme absolument unique. Entendant Ayler lors de la tournée avec Cherry, Peacock et Murray, Ben Webster déclara qu’il avait rêvé à plusieurs reprises de jouer en criant à la manière de son cadet. Quant à Stan Getz , il avait accordé la plus haute estime pour le son et jeu de son saxophone lors d’un blindfold test  paru dans Jazz Hot ! Personne d’une affabilité phénoménale, Albert aimait jammer en s’invitant souvent sur scène  en toute amitié et était au-dessus de toute forme de prétention, ni ne manifestait jamais le moindre orgueil. Jamais une réflexion qui ternit parfois les rapports entre les musiciens. Personne extrêmement sensible, le sort que lui a réservé le show-biz l’a fait souffrir et les problèmes d’équilibre mental de son frère Don n’ont fait que renforcer sa fragilité. En 1970, on retrouva son corps dans l’East River sans qu’on puisse expliquer objectivement le malheur qui lui est arrivé.

Extrêmement généreuse et défiant les catégories, sa musique nous parle toujours aujourd’hui. Ecoutez !

PS : Pour ceux qui se posent la question y-a-t-il un musicien contemporain dont le son se rapproche de celui d'Ayler, aussi brûlant etc ..... ?? 
Je suggère Ivo Perelman Double Trio : Suite For Helen F. avec les contrebassistes Dominic Duval et Mark Dresser et les batteurs Jay Rosen et Gerry Hemingway. Boxholder Records BXH 038/039 .....


White Noise, Dynamics of Impromptu and Iskra 1903 @ Goldsmiths

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White Noise Generator Experiment # 0  WNG
Marco Malassomma Electronics & Soundscapes EXP#0_1 à 8
Gerardo Antonacci Double Bass & Electronics EXP#0_1 à 8
Luca Antonazzo Sax and Sound effects  EXP#0_1 à 8
+ Invités
Marcello Magliocchi Drums and Percussion  EXP#0_1_4_6
Michele Magno Guitars & Sound Objects  EXP#0_3_5_7
Gianni Lenoci Synth & Electronics EXP#0_2_8

White Noise Generator est un collectif d’improvisateurs la région de Bari en Italie où l’activité musicale improvisée (ou jazz libre) a une certaine importance (festivals de Noci, Ruvo di Puglia, musiciens très actifs comme Gianni Lenoci, Marcello Magliocchi, et en son temps, Roberto Ottaviano).
Experiment # 0 est une suite de 8 pièces où se dégage une constante de « bruits blancs », de sons électroniques et d’interventions instrumentales qui cadrent avec cette esthétique. La pochette indique que toute la musique est improvisée en temps réel et qu’il n’y a aucun overdub. Il n’y a pas de balance définitive pour l’entièreté de la session et le mixage varie très souvent entre chaque morceau sans que cela ne rompe la continuité musicale. Il se dégage de l’ensemble une véritable cohérence avec des passages vraiment intéressants et des pièces à l’ambiance fascinante. Une création collective plus qu’une confrontation de personnalités tranchées. Marco Malasomma, Gerardo Antonacci et Luca Antonazzi sont présents dans toutes les plages de trois à sept minutes chacune. Et la participation épisodique du percussionniste Marcello Magliocchi , du guitariste Michele Magno et de Gianni Lenoci au synthé et électroniques est chaque fois judicieuse et intégrée selon l’esprit et l’unité de chaque pièce. Certaines se terminent en fade-out et ce choix est pour des raisons subtilement musicales. Un travail de studio plutôt qu’une performance de concert.
Si les percussions métalliques de Magliocchi s’intègrent intelligemment dans l’ensemble, il joue une remarquable partie de batterie free où flotte le saxophone alto de Luca Antonazzi, au discours radical musique improvisée libre. Souvent mis en retrait dans le mix, Antonazzo est entendu franchement à l’avant plan en répondant aux  assauts « noise » du guitariste Michele Magno. L’usage de l’électronique évite les boucles (loops) et les effets de delay (qu’on entend trop souvent dans l’électro) et lorsque dans la dernière pièce les boucles sont exploitées, cela débouche sur des idées intéressantes.
Je pense que c’est une bonne réalisation dans un domaine, improvisation électronique, le quel m’a toujours semblé musicalement très en deçà (à mon avis) de la GHEIM, dénommée ainsi par feu Paul Rutherford (Great Honky European Improvised Music). Bien sûr l’ensemble se rapproche plus de la musique « expérimentale » électronique que de l’improvisation radicale, mais ce qui compte finalement c’est de développer un point de vue qui tienne la route du début jusqu’à la fin d’un disque ou d’un concert. Pour cela, je dois dire que pour un premier jet  le collectif  WNG est à suivre dans le cadre de ce qui se passe en Italie Méridionale. L’Italian Instabile  Orchestra est une institution bien en place (stable … malgré son nom) mais il ne faudrait pas qu’aux yeux des Européens du Nord qui jettent un coup d’œil sur la scène improvisée italienne que l’ Instabile, auquel se réfèrent les critiques bon genre, n’occulte le travail intense de l’improvisation « régionale » italienne. Il suffit de consulter le catalogue du label Setola di Maialede Stefano Giust   avec ces centaines de  références autoproduites sans subventions ni aucun soutien des pontifes du statu quo.   D’ailleurs, le collectif WNG promet d’autres enregistrements et vient de publier « live in Ler Devagar Lisboa » de l’ Improvisers Consort, un autre collectif, international celui-là et basé au Portugal. Il rassemble les violonistes Carlos Zingaro et Matthias Boss, les souffleurs Paulo Chagas Paulo Curado et Joao Pedro Vegas, le guitariste Abdul Moimême et le percussionniste Marcello Magliocchi. Ces membres se répandent dans plusieurs séries de concerts dans tout le pays et sont rejoints par les WNG. Les musiciens de WNG montrent par cette production « purement improvisée instrumentale » que cette expression est fondamentale pour eux. Ils m’ ont exprimé leur désir de travailler l’électronique avec des improvisateurs en temps réel (live signal processing). Une discipline qui ne s’improvise pas et qui est le fruit d’une pratique assidue et d’une longue réflexion. Donc à suivre ….
J’avais déjà chroniqué le précédent cd de l’Improvisers Consort (lisboa sessions /setola di maiale) il y a deux ans dans ce même blog et donc je ne peux que recommander tous les musiciens qui en font partie.

Derek Bailey John Stevens Trevor Watts Dynamics of the ImpromptuFMR

Plutôt qu’une énième version du Spontaneous Music Ensemble , ce trio de rêve est un groupe ad-hoc réuni par Stevens plusieurs soirs de suite entre novembre 73 et janvier 74 dans le légendaire théâtre expérimental Little Theatre Club de St Martin’s Lane. Situé au troisième étage d’un immeuble dans la cour du Garrick Yard à l’arrière du légendaire Garrick Theatre, non loin de Trafalgar Square, le LTC était le QG du SME, alors le duo « Face To Face » (cfr l’album culte Emanem) du (mini) percussionniste John Stevens et du saxophoniste Trevor Watts, ici au soprano, avec des invités. Cette sélection d’improvisations  réussies sont extraites de trois soirées en compagnie de Derek Bailey  à la guitare électrique et amplification stéréo et fait nouveau à la guitare acoustique  (Epiphone Blackstone)…. Ces trois sets avaient été heureusement enregistrés par Martin Davidson, le boss d’Emanem, lequel faisait un travail intensif de documentation de cette scène marginale (…marginale à l’époque).
Il y avait rarement plus de 15/20 personnes dans le public et les concerts commençaient fréquemment après la fin de la pièce de théâtre vers 22h et quelques pour se terminer vers 1h du matin. 1974 fut la dernière année du Little Theatre Club, lieu central qui verra évoluer la musique de la scène du free jazz londonien vers l’improvisation libre. Dès les premières notes, on réalise que le nouveau langage et la musique échangée, partagée et inventée par ces trois éclaireurs sont parvenus à maturité. Il s’agit bien sûr de la réédition de l’album éponyme publié par le label US Entropy il y a une dizaine d’années et passé relativement inaperçu vu la surface du label.
Que dire de la musique ? On est au cœur d’un work in progess dans la construction éphémère d’interrelations et de mises en commun d’idées, de formes de sons et d’inventions qui se bonifie d’un mois à l’autre. On été sélectionnés l’évolution progressive du trio d’un seul morceau de neuf minutes du 12 novembre 73, deux pièces de 16 et 8 minutes du 18 décembre et enfin trois du 17 janvier 1974 pour 14, 10 et 12 minutes. Vu le nombre extraordinaire  gigs réguliers (aux entrées) dans une multitude de lieux, les improvisateurs londoniens des années 60/70 se sont mis à essayer en public toutes les combinaisons possibles de personnalités et d’instruments. Sans ce foisonnement tous azymuts, l’improvisation libre européenne eût pris une toute autre tournure. Tout autant que l’extrême et singulière audace guitaristique de Derek Bailey, on appréciera le travail exploratoire de Trevor Watts au sax soprano, instrument requis par Stevens au sein du SME. Son registre est relativement voisin de celui d’Evan Parker à la même époque dans un tel contexte mais on reconnaît immédiatement sa voix singulière même si le discours est moins typé. Quant à la batterie minimale du leader, appelée aussi SME-kit, elle ne se déplacera quasiment jamais hors du Royaume Uni, le SME n’ayant quasiment jamais été invité sur le continent Européen pour des raisons à la fois explicables et inexcusables. Raison de plus de rattraper le temps perdu à quarante années de distance. Pointillisme, sérialisme, marge de l’instrument, multiplicité des lignes, des pulsations, interaction millimétrée, recherche sonore/bruitiste, contradictions, réponses ou prolongements. Selon Trevor Watts, John Stevens avait demandé à Bailey de jouer acoustique. Mais c’est en connaissance de cause que le guitariste avait hissé les deux amplis, les deux haut-parleurs et les deux pédales de son installation stéréo dans les sept volées d’escaliers légendaires après avoir du prendre un cab pour amener le matos à bon port. Tout çà pour un gig non payé avec la plus grande tête de mule de la scène européenne. Lequel se paye le luxe de souffler dans un improbable cornet (le deuxième morceau du 18/12). Quand on vous saurez que Watts et Bailey sont tous des « contrarians » originaires du Yorkshire et que Stevens était le roi de la provoc’ (son père aurait été boxeur), vous comprendrez pourquoi ces sessions sont considérées par les afficionados comme le fin du fin de la production discographique Baileyienne. Face à ces inventions la grande majorité de ses enregistrements du Bailey des années nonante et deux mille ne font pas le poids. A explorer encore et encore.

ISKRA 1903 GoldsmithsPaul Rutherford Derek Bailey Barry Guy Emanem 5013  A previously unissued concert 1972
 Bailey : guitare électrique amplifiée et non amplifiée, Guy : contrebasse et amplification électronique , Rutherford : trombone.

Je voudrais sincèrement attirer l’attention sur cet album exceptionnel qui arrive un peu tard dans la discographie de ces musiciens improvisateurs « incontournables » et du label Emanem. J’aurais dû le chroniquer il ya deux ou trois ans , vu qu’il a été publié en 2011. Le cédé n’est plus « façonnable » mais ce serait bête de passer son temps à télécharger des perles "rares" sur Inconstant sol, à traquer des albums introuvables sur les catalogues ou dans les bacs des disquaires d’occasion / vinyles (rescapés du marché du disque dignes de ce nom), alors que Martin Davidson propose un inédit d’une qualité absolument inattendue. Par rapport à l’album Iskra 1903« avec Derek Bailey » publié en triple cd par Emanem (4302), Goldsmiths offre réellement un plus qualitatif  et le concert concentre en un disque ce que l’auditeur pourra en écoutant ce groupe. Goldsmithsest en tout point indispensable pour qui aimerait jouir du niveau réel de qualité (superlative) pouvait se situer les plus doués parmi les inventeurs de l’improvisation libre. En 1972, un concert au Goldsmiths College dans la série Cohesion face à un public clairsemé. Au début des années septante, les improvisateurs radicaux ont fini de balbutier, on entend ici une musique improvisée inouïe jusqu’alors qui doit autant à l’évolution musicale « contemporaine » menée par les Cage Stockhausen et Xenakis et Albert Ayler Coltrane et Cecil Taylor. Pas de batterie, ni de saxophone, les liens avec le « free-jazz » sont apparemment rompus surtout au point de vue des sonorités. Ce qui sidère l’auditeur, même si plus de quarante ans plus tard on a pu effectivement écouter cette musique à satiété sous toutes ses coutures (ses occurrences), c’est l’extrême écoute, la concentration, l’invention, le flux d’idées et l’interaction. Tous les auditeurs qui s’intéressent à Derek Bailey, Barry Guy et Paul Rutherford et aiment à rassembler leurs albums, devraient absolument écouter Goldsmiths pour tous les univers sonores abordés. Le concert est composé de quatre parties nommées Cohesion 1A, 1B, 2A et 2B respectivement 29 :53, 8 :05, 16 :21 et 12 :43 et Martin Davidson a ajouté deux morceaux de provenance inconnue de 4 :30 et 3 :30. Cohesion 1B est une exploration qui ne ressemble à rien d’autre dans l’histoire de ces musiciens. A l’écoute, les connaisseurs ne devineraient à qui ils ont affaire. Conscients qu’ils avaient un style défini, ils prouvent qu’ils savent en sortir de manière magistrale. Dans Cohesion 2B, le trio atteint un niveau d’invention interactive et de construction de formes d’une cohésion rare (sorry pour la répétition !). Cela se clôture par deux OVNI sonores ( les deux morceaux plus courts de 4 :30 et  3 :30 qui démontrent l’esprit d’ouverture de ce trio : ils ont appris très tôt à ne pas se recopier, si je puis dire.

La dynamique et l’occurrence des événements sonores de cet album est absolument fabuleuse. Comme la qualité de l’enregistrement varie de uniformément lisible et bonne à plus que satisfaisante, on n’a aucune excuse si ce n’est celui du portefeuille. Rares sont les enregistrements de musique improvisée de cette époque qui ont autant de contenu créatif, d’ailleurs c’est indescriptible. On enregistrait très peu de musique improvisée libre au début des années 70, c’était alors un genre musical très minoritaire de la galaxie free-jazz et du monde contemporain. Je ne connais que Balance sur le label Incus qui pourrait rivaliser avec cet enregistrement dans la période considérée en terme d’invention sonore. Aucun album de Derek Bailey enregistré après les années 80’ n’offre autant d’intérêt que ce trio héroïque. Dans ce Goldsmiths, il se concentre sur le travail sur le son, carrément bruitiste sans faire étalage de technique guitaristique, avec son amplification stéréo. De même parmi les nombreux excellents albums de Rutherford pour Emanem que Davidson s’efforce de documenter de manière systématique, je ne vois que l’extraordinaire Berlin 1975 en solo (Emanem 4144) qui arrive à la hauteur. Bref si vous avez une lacune dans votre documentation et comme ce qu’on nous propose ces derniers temps n’est pas folichon, vous pouvez y aller sans arrière-pensée. Six étoiles pour ce faiseur d’or.

Henry Kaiser's Requia - Massimo Falascone - Thollem McDonas/Gino Robair - Gerold Guazzaloca Giust : Le Grand Frisson

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Henry Kaiser Requia and Other Improvisations for Guitar solo Tzadik 7645

Henry Kaiserprésente ici l’étendue de sa palette de guitariste en dédiant chacune de ses improvisations (compositions ?) à des guitaristes récemment disparus et dont la musique l’a influencé dans son parcours depuis les années 70. Des Requiems. L’album ouvre avec un voyage dédié à Basho Junghans (Basho’s Journey), les mânes de Derek Bailey et de John Fahey sont évoquées dans le même morceau (Blind Joe Death vs Charlie Appleyard du nom du personnage fictif inventé par Derek). Le souvenir de Sonny Sharrock côtoye celui de Pete Cosey dans Tandem Ghost Bike et on se demande quels sont les Many Worlds of Hubert Sumlin, le guitariste d’Howlin’ Wolf. Ships that Pass on the Night rend hommage au compositeur Toru Takemitsu et au guitariste free jazz noise Masayuki Takayanagi, association que je ne perçois pas bien tout comme celle de Bailey avec Fahey, ces artistes étant assez dissemblables. Jimi Hendrix est évoqué indirectement par Blue Spirits- forRandy California , guitar hero du groupe Spirit. Randy California jouait à l’âge de 17 ans avec Hendrix en 1966 à NYC avant que celui-ci commence sa carrière météorique en Grande Bretagne. Toutes ses références peuvent irriter ou intéresser les auditeurs, mais une chose est certaine, le talent de guitariste d’Henry Kaiser est aussi exceptionnel qu’éclectique. Free-folk, free-jazz noise, impro libre, contemporain, blues décalé, influences orientales sont les facettes du guitariste Californien. Pour cet album, il a sollicité toute sa panoplie de guitares, son tableau de chasse de collectionneur de la six cordes. Pour une autre pièce, Sun Ra Stockhausen and FeldmanWalk into a Bar on Saturn, on se demande comment il y arrive…
De prime abord, la lecture des titres où sont associés Takemitsu et Takayanagi, Bailey et Fahey, Sun Ra et Feldman fait un peu tiquer car ces rapprochements semblent superficiels. Par contre Cosey et Sharrock ont un background commun et ont même tous deux enregistré avec Miles « électrique ». La douze cordes de Basho’s Journey ouvre l’album et est vraiment superbe. D’influence folk, la musique est basée sur un ostinato ornementé de superbes accords dissonants explorés avec minutie jusqu’à friser l’atonalité lorsque le rythme est évoqué sur les notes aigües puis transposé dans une variante. Des battements naissent des accords aussi naturellement que des vagues de la houle. Le morceau suivant, acoustique et très court, Samadinha Requiem for Dr J.B, évoque un guitariste ou un artiste que je ne connais pas. Il n’en reste pas moins que c’est une des plus belles réussites de l’album, explorant un mode presqu’oriental avec un picking et un phrasé monodique et superbement travaillé. Curieusement, c’est un sept cordes électrique et Henry Kaiser a inventé un style très original. Ensuite Requiem for Fred Lieberman est une pièce très intéressante avec un instrument que je suis incapable de décrire : Alistair Miller Barncaster electric guitar avec True Temperament Neck. Excellent usage conjoint des doigtés et d’intervalles micro-tonaux en rythme libre qui évoque une harpe électrique accordée de manière très particulière. Utilise-t-il des effets électroniques, des retards, des boucles ? Ce n’est pas indiqué dans la pochette, mais ça s’écoute avec intérêt même si cela a un côté un peu New Age dans la première moitié. Heureusement il introduit des intervalles plus dissonants et des décalages dans la métrique et altère méthodiquement le caractère de la pièce dans une évolution très bien menée. Jusqu’à présent, si les trois premières pièces appartiennent à des univers différents, il y a un air de parenté, quelque chose qui les relie. On sent qu’il s’agit du même guitariste et celui-ci est un as. Depuis l’époque de What a Wonderful World (Metalangage années 80), Henry Kaiser s’est largement bonifié. La quatrième pièce, un opus contemporain rendant hommage à Sun Ra, Stockhausen et Morton Feldman développe une facette voisine de la précédente. Pas moins de 7 assorted acoustic guitars et une Spirit Totem electric guitar sont convoquées ici. Balancé par des clusters acoustiques, démarre un solo électrique torturé avec distorsion etc, le genre de chose qui me laisse toujours froid et une fois l’électricité éteinte, on enchaîne sur une variante  intéressante du dispositif de cordes acoustiques des 7 guitares acoustiques assorties. C’est pas mal, mais je ne sens pas bien ce que viennent faire là Sun Ra, Feldman et le Stock surtout dans un bar sur Saturne.
Cela dit, j’ai découvert personnellement la distortion et les effets de feedback à l’âge de quinze ans (en 1970) avec le Band Of Gypsies de Jimi Hendrix, plus exactement dans l’extraordinaire Machine Gun. Depuis lors, je ne me lasse pas d’écouter Hendrix, le quel n’avait pas de « rack », seulement trois pédales qu’il combinait en sautant dessus (dansant sur le rythme de la musique) et surtout des doigts qui contrôlaient en permanence les boutons le vibrato et le manche. Par contre, la grande plupart des ceusses qui distortionnent, je les écoute une fois et puis je classe le disque ad vitam aeternam. Veuillez m’excuser, je préfère trop la musique acoustique et il y a chez Hendrix un son organique, une voix naturelle dans laquelle on oublie l’utilisation de l’électricité. Je dirais pareil de Duane Allman et Dicky Betts. Le reste, on oublie. De même commençant avec un gros cliché quasi-métal, la strato saturée de Tandem Ghost Bike(pour Cosey et Sharrock) évolue mieux et contient des phrasés alternatifs subtils et bien enchaînés. Par contre, avec un drive intéressant en acoustique au démarrage, the Many Worlds of Hubert Sumlin utilise le procédé du multipiste avec un background acoustique blues et des solos un peu destroy à l’électrique qui me déçoivent. Ça sonne blues, mais on est un peu loin du feeling du blues. Je suis un fan d’Howlin’Wolf et comme Sumlin fut son lieutenant à la six cordes, ou bien je connais mal les Many Worlds de ce guitariste, ou bien le parti-pris de Kaiser est aussi subjectif qu’il me semble impénétrable. La pièce n° 8, Blind Joe Death vs Charlie Appleyard sonne comme du pur Fahey avec quelques mesures dodéca(pata)phoniques en clin d’œil à Derek Bailey. C’est excellent. Comme elle vient après la courte pièce acoustique de deux minutes dédiée à Takemitsu et Takayanagi, très concise et qui renvoie à l’atmosphère des premiers morceaux de l’album, il y a un intéressant effet de continuité. Pour finir les Blue Spirits pour Randy California avec la strato électrique avec le True Temperament Neck et des pédales s’échappent dans une atmosphère aquatique voire océanique. J’y retrouve une belle accointance avec des plages du double album de Randy, Spirit of 1976, publié en 1976, un des derniers albums de rock que j’avais acheté avant de me plonger à fond dans le jazz, l’improvisation libre, les musiques traditionnelles et la musique contemporaine. En résumé, c’est un bon disque éclectique joué par un guitariste fantastique qui a pris le parti de faire coexister plusieurs esthétiques / sources d’inspiration avec talent. Son travail à l’électrique me semble manquer de sensibilité à mon goût. Par contre, ce que j’entends au niveau acoustique me semble être le sommet de l’iceberg. A l’écouter, il semble que l’étendue de sa palette est exceptionnelle et qu’elle est servie par une musicalité intelligente nourrie par une pratique intensive et un amour encyclopédique de l’instrument. A écouter donc et à suivre, surtout s’il produit un album ou se produit entièrement à la guitare acoustique.

Massimo Falascone Variazioni Mumacs 32 short mu-pieces about macs Public Eyesore 126

Conçu et composé par le saxophoniste Massimo Falascone avec la participation de plusieurs musiciens parmi lesquels  le violoncelliste Bob Marsh - auteur des textes - les percussionnistes Fabrizio Spera, Filippo Monico et Marcello Magliocchi, le pianiste Alberto Braida, le clarinettiste Giancarlo Locatelli, des membres de sa famille , Leonardo et Giovanni Falascone etc… , Variazioni Mumacs est une suite d’événements sonores brefs, d’ambiances / field recordings, extraits de textes lus de conversations et de rires, de séquences improvisées, des sons électroniques etc…qui évoluent comme un journal dans lequel un voyageur (des sons) aurait confié ses impressions. Les parties improvisées avec Bob Marsh au violon et au violoncelle (The Doctor Goes), la présence remarquable des percussionnistes, les doigts de Braida grattant dans les cordes du piano, les interventions de Massimo Falascone au sax alto ou au baryton s’insèrent dans les collages sonores. Incantations est une pièce vocale en multipistes qui donne encore une dimension supplémentaire bienvenue où vient poindre la contrebasse de John Hughes. Immédiatement l’attention se resserre sur la guitare acoustique arpégiée d’Emanuel Segre perturbée par des effets où interviennent des échantillons de voix et des guitares électriques. Ensuite le violoncelle de Bob Marsh improvise seul et introduit des samples de voix (radio et conversations de pilotes d’avion en italien (??)). La clarinette de Giancarlo Locatelli et le sax de Falascone s’entrecroisent sur Light Blue (Thelonious Monk)dont un accord sert ensuite de prétexte à une intervention épurée d’Alberto Braida au piano à la quelle se joint la clarinette basse de Locatelli.  Cette alternance imprévisible d’effets, d’improvisations instrumentales aiguisées et pertinentes, de montages sonores avec des voix trafiquées et des boucles électroniques évolutives / éphémères tend a créer une écoute différente en fonction des changements abrupts ou des transitions qui s’opèrent d’un univers à l’autre. Ce concept particulier place la pratique de la musique improvisée radicale  dans un cadre préétabli de structures et de constructions sonores et permet sûrement de mettre en évidence ce qui rend l’improvisation totale et instantanée («non- idiomatique » selon Derek Bailey) être une démarche passionnante. L’inventivité de Marsh au violon et au violoncelle (et électronique)  lors du monologue « Did You Remember To Bring Your Hat ? », dit par Bob Marsh lui-même, joue avec la métrique et le flux de sa diction. La pièce suivante nous fait entendre la sculpture sonore de Marcello Magliocchi commentant une ballade déstructurée par le baryton de Falascone dans un ressac de vagues (An Intineracy). Un ostinato de cordes s’interrompt brusquement sur une nappe de vents synthétiques introduisant des voix.
Sans aucune prétention, ces Variations Mu Macs transcendent l’apparente dispersion éclectique de l’œuvre, ce qui pourrait être qualifié d’hétéroclite, grâce à la pertinence de chaque plage. Un auditeur occasionnel pourrait se concentrer sur chacune des vignettes instrumentales, très réussies, et, ainsi stimulé, voyager mentalement dans l’espace des suggestions sonores des montages. Ce travail fait appel à l’imaginaire et réunit avec bonheur plusieurs pratiques musicales et des improvisateurs d’envergure (Braida, Locatelli, Magliocchi, Marsh, Falascone). Excellent pour déboucher les oreilles des amateurs d’ambient et de bidouillages électros…

Le Grand Frisson : On / Off  Patricia Bosshard violin Laurent Bruttin clarinette, clarinette basse, Yannick Barman trumpet, Jean-Jacques Pedretti, trombone, Vinz Vonlanthen, guitare, Dragos Tara, contrebasse, electronique, Cyril Bondi, percussion, Christophe Berthet, soprano alto saxophones. Creative Sources CS 241.

Huit compositions/ improvisations pour un total de 43 minutes par un orchestre de huit instrumentistes improvisateurs radicaux. Deux cordes frottées, une guitare, une percussion, deux cuivres, deux anches, un équilibre instrumental. Pas de solos « individuels » , pas de thèmes etc… l’improvisation à l’état pur où chacun apporte des sons spécifiques sur la base de l’écoute mutuelle dans une imbrication collective qui bonifie l’apport de chaque individu. Point de démonstration virtuose, ce n’est pas le propos mais avant tout une construction où chaque son proposé trouve sa place et sa raison d’être dans un tout. Particulièrement basé sur les techniques alternatives, ces huit-là pratiquent le « stop and start » : on joue quelques sons et puis fait silence sur une durée approximativement équivalente, on répète un motif obstiné, on ajoute des textures, des frottements, s’y ajoute un bref élément mélodique. Ils sont quatre puis cinq puis trois, puis huit, six, deux et parfois on n’associe  pas l’instrument et le son entendu. Econome, précis, placé sur une scansion suggérée, elliptique, granuleux, silence abrupt. ON /OFF. Less is more. Donc pas de « solos ». Un point engendre une ligne , des courbes croisent un cercle et une oblique reste suspendue. L’orchestre explore avec un réel succès des trajectoires et des matériaux variés. Un grand sens de la dynamique qui permet à chaque voix de se faire entendre clairement. On frise parfois le murmure ou  une forme multilinéaire sur-active croît jusqu’au climax. Sans doute certaines consignes ont été données dans le but de se focaliser sur un territoire, une pratique spécifique qui permet à l’orchestre de s’exprimer de manière différente et complémentaire sur chacun des morceaux.  Pour les amateurs de musique improvisée « cognoscenti » On/Off s’écoutera avec plaisir. Ces musiciens comptent parmi les plus engagés parmi la nouvelle génération des improvisateurs helvétiques et cet enregistrement réussi est révélateur. Je ferais une remarque : il y aurait pu y avoir une pièce où l’action exprimerait la place du rythme dans une réaction en chaîne et où le son individuel se métamorphose au fil des secondes. Vitesse ne veut pas toujours dire avalanche de notes (Gunther Christmann, Phil Wachsmann). J’espère m’être bien fait comprendre. Malgré cette remarque, plusieurs bons points et toute ma sympathie. Il n’est pas fréquent qu’un groupe d’improvisateurs évolue aussi bien au-delà du quartet sur la base d’une véritable écoute mutuelle. Remarquable et vraiment bonne musique.


Thollem McDonas Gino Robair Trio Minus One (for Dennis Palmer)Setola di Maiale SM 2650

Pianiste extraordinaire, Thollem McDonas se fait entendre au piano électrique Rhodes et aux effets analogiques en compagnie du percussionniste Gino Robair, à la batterie et avec une panoplie de percussion métalliques, dans plusieurs séquences dynamiques et énergiques complètement improvisées. Le Rhodes fut un instrument roi dans la nouvelle vague jazz-rock et rock progressif des années 60/70 et McDonas s’en sert de manière ouverte et non conventionnelle. On a souvent entendu Gino Robair, un compagnon habituel de John Butcher et de la trompettiste Birgit Uhler, avec ses energized surfaces et des percussions électroniques. Ce n’est pas sans plaisir que nous le trouvons avec une vraie batterie dans un rôle un peu plus « conventionnel ». Huit pièces se détachent clairement par leurs propositions sonores, leurs directions in music, mettant en valeur les possibilités de cette formule inusitée. Après un démarrage assez « free-rock », nous avons droit à des échanges profonds, une belle collaboration dans laquelle le pianiste et le percussionniste construisent des espaces sensibles, mouvementés ou en apesanteur. McDonas, qui est un pianiste acoustique d’une virtuosité confondante, donne juste la bonne dose créant des ambiances envoûtantes et laissant le champ auditif  libre pour les détails du jeu percussif de son camarade. Il a trouvé un style original qui s’accorde bien avec la recherche improvisée et la nature de son instrument, le quel est associé au groupe de Miles Electrique (le Live au Fillmore East avec Corea, De Johnette, Holland et Grossmann).  On en retrouve ici quelques échos. On a oublié combien Robair est un percussionniste « classique contemporain » subtil et pertinent. Ils se répartissent les rôles de meneur, lanceur d’action, commentateur, soliste, accompagnateur, duettiste avec spontanéité et esprit de suite. Mc Donas et Robair ont des trouvailles sonores remarquables : dans quelques morceaux on a peine à deviner qui fait quoi. J’aime particulièrement ces instants où Robair fait vibrer une cymbale avec un archet secondé par l’exquise sonorité des effets électroniques de Mc Donas, simplissime : la note juste !!
Le titre du cd évoque un hypothétique trio avec le regretté Dennis Palmer, disparu en février 2013. Cette musique est surtout le plus bel hommage qui soit. Ce duo se suffit à lui-même et l’album contient un magnifique équilibre se laissant écouter avec plaisir et intérêt. L’album parfait pour accrocher des oreilles branchées plus « rock » ou post jazz électrique et les emmener dans un beau voyage qui les amènera sans doute à aimer une autre musique, plus audacieuse, libre et improvisée et cela sans la moindre concession. Excellent.

Nils Gerold Nicolà Guazzaloca Stefano GiustTransition at Mibnight Jazz FestivalSetola di Maiale SM 2640

Deuxième album de ce trio né d’une rencontre « ad-hoc » durant l’été 2011 à Bologne immortalisée sur le même label (Transition). Lors de ce concert de novembre 2012 à Bremen, la ville de Gerold, ce triangle flûtes (Gerold), piano (Guazzaloca) et percussions (Giust) s’est superbement bonifié créant des perspectives variées, des points de chutes, des modes de jeux aussi heureux que diversifiés. Stefano Giust, qui est aussi l’homme à tout faire de Setola di Maiale, a intégré une approche plus dynamique dans son jeu, donnant une plus grande lisibilité et plus d’espace au piano et à la flûte, instruments qui demandent de la part du percussionniste une certaine retenue. Guazzaloca est inventif à souhait. Qui avait écouté le premier Transitionsera surpris par le recueillement et les sons délicats et introspectifs de la flûte dès la minute 12 (Before the Second) dans un véritable consensus du trio. La construction qui en découle est un chassé-croisé avec ralentis et accélérés, silences, reprises, contrepoints multiformes, soliloque expressif, conversation, emboîtements, course poursuite, arcs tendus sur le vide, changement subits. Il s’agit d’un bel échange / partage / communion focalisé sur tous les aspects  du rythme développés et étirés avec une superbe maestria dans une dimension plus lyrique. La  deuxième pièce, Just One From the Third,  s’ouvre sur un autre univers où les cordes du piano sont mises à contribution.  Il y a une belle empathie combinée avec une indépendance assumée, j’entends par là qu’ils jouent ensemble à 100% en évitant le mimétisme. L’enregistrement favorise un peu trop les chocs de la batterie et moins les détails de la flûte, instrument délicat. D’ailleurs Giust corrige le tir en concentrant son jeu sur les cymbales et les bords de caisse. Nils Gerold n’est pas un flûtiste de formation mais au départ un saxophoniste qui a adopté la flûte comme premier instrument pour des raisons personnelles. Certains connaisseurs vous diront qu’il ne joue pas l’instrument selon sa conception intrinsèque. Bien d’accord, mais il crée de la musique intéressante et qui accroche immédiatement l’oreille par son dynamisme et sa maîtrise des pulsations tout en jonglant avec toute la gamme des coups de langue et des harmoniques. Ce n’est pas pour rien qu’il a joué  dans des festivals avec Paul  Lovens, Paul Lytton, Ulli Philipp et Urs Leimgruber et que Giust et Guazzaloca, un pianiste de classe internationale, se produisent avec lui et ont publié ce disque eux-mêmes.  Le pianiste Guazzaloca est le pianiste à suivre en Italie (et en Europe). Avec ses compatriotes Gianni Lenoci et Alberto Braida, Guazzaloca est un des plus convaincants sur son instrument dans l’univers de l’improvisation radicale, et quand on énumère les improvisateurs d’envergure et les talents péninsulaires, cela fait de l’Italie un terre d’élection pour les musiques improvisées. Le retard sur l’Allemagne ou l’Angleterre s’est largement comblé. Ce Transition at MIBNight le démontre parfaitement.  Tout ça sent bon la musique improvisée européenne. On songe aux groupes avec Irene Schweizer, Fred Van Hove, Ulrich Gumpert. Le problème de balance évoqué plus haut est bien le seul point sensible, tout le reste (musique, musiciens, groupe, cohésion, invention, etc) est parfait. Une manière de jazz libre qui rejoint la pratique de liberté totale des Evan Parker, Ivo Perelman, Paul Dunmall et leurs camarades. Passionnant !

La Chambre des Jeux SonoresAlessandra Novaga : Electric guitar. Setola di Maiale SM2690

Instrument de prédilection de la modernité, la guitare électrique a acquis un statut dans le monde de la composition contemporaine. Ça lui donne un côté rock, innovant, sans doute radical, sexy et dans le coup. Pour cette Chambre des Jeux Sonores(en français dans le texte), Alessandra Novaga joue des partitions de Vittorio Zago, Sandro Mussida, Paula Matthusen, Travis Just et Francesco Gagliardi. Le disque pourrait aussi s’intituler Jeux Sonores sur un Objet Sonore (guitare électrique)…. Chaque pièce s’attaque à un élément précis de cet instrument complexe et développe une idée avec un point de vue minimaliste (In Memoria de Vitorio Zago) sans solliciter les techniques de guitare conventionnelles. C’est justement cela qui fait de Derek Bailey, John Russell, Roger Smith ou des incroyables guitaristes du Magic Bandde Captain Beefheartépoque Trout Mask/ Decals (Zoot Horn Rollo, Winged Eel Fingerling, Rockette Morton) des guitaristes essentiels et incontournables. Cela dit In Memoriaest fascinant et mystérieux. La lettre M s’est en allée et cela a sans doute un sens si ce n’est pas une omission.  La troisième composition, Collaborating Objects de Paula Matthusen, commcnce avec un jeu sur les harmoniques s’y ajoute un effet de pédale de volume et puis fade out. Et puis un accord grave réitéré et parsemé de sons bruitistes après une respiration les harmoniques reviennent piquetant l’ensemble, ensuite ces éléments se combinent avec des effets divers créant un narratif sonore dominé bien vite par l’usage du vibrato de l’ampli. Alessandra Novaga a le talent de mener à bien le continuum et d’exprimer l’idée du compositeur. International Hash Ring de Travis Just, exploite de manière plus agressive l’effet vibrato en lui conférant un dimension sonore plus proche des claviers électroniques. N’étant pas un spécialiste des effets électroniques pour guitare (j’en suis resté au stade du Hendrix de 1969-70 qui jonglait avec la combinatoire de ses trois pédales, un ampli à fond et des pieds et des doigts omniprésents réglant le son avec les quatre boutons et le sélecteur de micro sur la guitare sans parler du manche tordu du vibrato), je suis incapable de décrire ou de deviner le processus. Tout ce que je peux dire c’est que ce quatrième opus a une belle énergie et un côté free-music mâtiné post-rock réjouissant. La guitariste contorsionne les sons et les attaques dans un beau climax sans pour autant faire tout péter. C’est quand même pas mal.

Pour ceux qui aime la guitare électrique dans un cadre expérimental. On espère qu’Alessandra Novaga puisse se produire, évoluer, se développer car elle a un potentiel musical réel.

A Glottal Allowance Jean - Michel Van Schouwburg 45rpm + Down Neck remix by Andrew Liles on Peter Strickland 's Peripheral Conserve pH23

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A Glottal Allowance Jean Michel Van Schouwburg / Down Neck Remix by Andrew Liles.
7" 45 rpm Peripheral Conserve pH-23 2014 . Download included. 

A Glottal Allowance is a solo voice performance of Jean - Michel Van Schouwburg recorded in Budapest by Puha Szabolcs in february 2014 , edited and produced by Peter Strickland and J-M Van Schouwburg. There is two multi tracked sequences ( two voices simultaneously) and the music is focusing on low throat voice (sung IN the throat), invented languages, fast articulation and some extended vocal techniques. Down Neck on side B  is a remix of the vocals of J-M VS by Andrew Liles www.andrewliles.com using his own dynamic processing.

Here the link to the sounds  https://soundcloud.com/jean-michelvanschouwburg/a-glottal-allowance
Down Neck Side B remix by Andrew Liles https://soundcloud.com/jean-michelvanschouwburg/down-neck-andrew-liles-remix-of-a-glottal-allowance

A solo performance Video of Orynx Voice Solo of Jean - Michel VS :
https://www.youtube.com/watch?v=4fW09-3sduI


The artwork is made by Kris Vanderstraeten, a belgian graphic artist who is also playing percussion with Jean-Michel Van Schouwburg and Jean Demey in their Trio SUREAU.

Available in Brussels in Hors Série rue du Midi 67 / Kosmyk Music Marché au Charbon 57 / Collector's rue de la Bourse 26 / "72" rue du Midi 72 à 1000 Bruxelles. In Paris's Souffle Continu rue Gerbier 22 75011 Paris.
Peter Strickland and Jean Michel Van Schouwburg during the shooting of Berberian Sound Studio's teaser in Budapest 2010
Also of interest : two very short tracks of the TRIO 876 of Marcello Magliocchi percussion Matthias Boss violin and myself J-M VS  voice



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