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Blaise Siwula / Brian Groder / Guido Mazzon & Roberto Del Piano / Jim Dvorak / Paul Dunmall/ Five Roosters

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Tesla Coils Blaise Siwula Harvey Valdes Gian Luigi Diana Setola di Maiale SM2620

Blaise Siwula est un saxophoniste de première, un musicien improvisateur avec un savoir faire et une expérience impressionnante, même s’il reste peu connu dans le réseau européen. Ici on l’entend au sax soprano, alto et ténor avec un excellent guitariste, Harvey Valdes et Gian Luigi Diana qui le suit comme son ombre avec son portable et son Real Time Sampling Sound Manipulation. Dès l’ouverture (Primary Coil 17:57), les volutes du soprano crée un univers volatile, élégant et complexe avec une belle technique « traditionnelle ». Donc pas de techniques avancées à la John Butcher, ni de travail du son à la Lacy, plutôt Trevor Watts au soprano. Une phase de deux minutes où chacun reste sur ses gardes, un silence et deux coups de becs, et l’échange commence. Alors que Diana  procède et transpose avec inventivité le jeu du saxophone en le miroitant et le contorsionnant, le guitariste propose des incartades atonales soniques maîtrisées ou un jeu mélodique subtil. Un solide guitariste, Harvey Valdes. Bonne écoute du trio et conception intelligente de l’improvisation où plusieurs champs d’investigation sont exploités tour à tour où simultanément avec logique et musicalité. Il est parfois difficile de distinguer le saxophone du processing de Diana. Vers la onzième minute, le ton change et ralentit vers le sonique exploratoire. Siwula démontre qu’il a de sérieux moyens. On passe rapidement d’une introspection rageuse vers un pandemonium électro saturé qui remplit tout le champ auditif, pour ensuite terminer sur quelques sons de guitare et des phrases de sax alto presque jazz. Secondary Coil 7 :51 : introduction au sax alto quasi jazz en rythme libre avec quelques piquetages de guitare qui évoluent vers des ostinatos décalés et alors le sax devient free et mâchouille / growle les sons. Un séduisant dialogue entre Siwula et Valdes se transforme en confrontation et Diana qui jouait sur le côté fait monter le ton. Passage étrange : deux sax se disputent l’espace : le réel et le virtuel. Il y a un peu de tout dans cette improvisation et aussi quelques trouvailles, les musiciens essayant plusieurs possibilités sans avoir peur de se planter.
Discharge Terminal6 :58, commence noise à la guitare et le sax soprano répond dans un registre extrême. L’électronique est inventive et des sons peu usités montent à la surface. Le guitariste se bruitise (noisifie si vous voulez) en accélérant et les volutes du sax s’envolent pour ensuite danser sur des ostinati fortuits lancés par Diana.
Le quatrième morceau Resonant Frequency of Secundary Circuit 6 :16 me semble être un des improvisations la plus réussie du disque. L’électronique est inventive, le saxophoniste joue sans haleter des échelles tarabiscotées avec triple coup de langue, respiration circulaire et des harmoniques bien placées avec la guitare frénétique en partageant un motif fragmenté. Mais il continue sur sa lancée alors que la guitare bifurque en frictionnant le son, rivalisant avec les trouvailles électroniques. Un belle énergie organique. Primary Tank Capacitor 2 :37 est une récréation lyrique du sax ténor avec un comping décalé du guitariste. Lorsqu’ils s’arrêtent, on entend l’électronique déjantée continuer un moment juste avant la fin. Spark Gap 6:43 contient quelques éclairs de lucidité, de rage et de folie et lorsque Siwula revient vers la mélodie, la guitare plonge dans un bain d’acide et le laptop est parvenu à son expression la plus convaincante comme s’il y a avait eu chez lui une maturation durant la session.
En bref, c’est OK mais au vu et au su de tout ce qui s’est fait et se fait sous la bannière de l’improvisation libre, ce n’est pas un manifeste que je ferais écouter à des auditeurs en disant : l’improvisation libre c’est çà ! Est-ce un rencontre ponctuelle ou un groupe qui « tourne » ? Cela dit Blaise Siwula est un saxophoniste très compétent qui a assimilé le challenge de liberté totale en relation avec les possibilités de son instrument, surtout à l’alto. Il a un sérieux bagage musical et tient à utiliser tout son spectre musical (du phrasé jazz aux techniques alternatives) dans une même improvisation. Gian Luigi Diana utilise avec brio son software de processing et cherche des sons originaux au risque de manquer de concision. Harvey Valdes est un très bon guitariste, mais plusieurs passages entendus ici voudraient qu’il utilise d’autres intervalles, d’autres pulsations. Schönberg ? Mais cette musique est faite pour évoluer, se dépasser, se transformer, s’écouter, rencontrer, découvrir, changer et tout recommencer. Et dans ce sens ces Tesla Coils, enregistrés en hommage au plus méconnu des inventeurs de l’électricité, est un témoignage convaincant.

Reflexology Brian Groder Trio avec Michaël Bisio et Jay Rosen Latham records 2014-08-17

Sur la pochette : la face inférieure d’un pied avec des les points de réflexologie illsutré en noir et blanc par les noms de nos musiciens de jazz préférés Miles, Dolphy, Ornette, Ellington, Mingus, Coltrane, Elvin, Monk, mais aussi Freddie Hubbard, Oliver Nelson, Hubert Laws et Joe Farrell. Le titre Reflexology est imprimé à l’intérieur de la pochette en carton blanc, le dessin du pied étant assez expressive. L’art de ne pas tout dire.
L’image de ce pied suggère sans doute que la musique a les pieds dans la tradition évolutive du jazz moderne dont Groder s’inspire pour créer ses thèmes complexes évoquant certaines compositions de Sam Rivers, de Wayne Shorter ou de Joe Henderson. Une personnalité originale à la trompette avec un style très personnel. Avec des coéquipiers inspirés et expérimentés comme le contrebassiste Michaël Bisio et le batteur Jay Rosen, la musique est généreuse, élégante et racée. Rosen et Bisio jouent régulièrement avec Ivo Perelman et Joe McPhee. Le batteur a été longtemps le batteur de référence de Dominic Duval et du tandem Sonny Simmons et Michael Marcus. On retrouve Bisio avec Matt Shipp. Dans cet album, ils se concentrent sur le swing et la cohésion nécessaires pour faire balancer les compositions du leader tout en ouvrant le jeu avec des échappées libres et articulées sur la pulsation. Groder pratique un jazz contemporain ouvert et phrase ses inventions mélodiques / improvisations sur la structure du thème d’une manière tempérée. Pas d’éclairs, mais un jeu d’ombres nuancé avec une certaine tendresse fragile. La rythmique respire sans pour autant ronronner. Il y a une réelle cohérence dans tout l’album, comme si c’était une suite homogène dédiée à un lyrisme élastique plein de fraîcheur. Comme on écrirait des nouvelles dans une atmosphère  ou une époque pour en faire un livre dont tous les pans se tiennent. Un tic free est récurrent, comme un agrégat de notes rapides qui ponctue un virage du trio. Brian Groder s’ingénie avant tout à jouer une musique qui ait un sens plutôt que de créer sous la pression d’une rythmique  pétaradante. On pense à  l’esprit de Jimmy Giuffre,  Jack Sheldon ou Bob Brookmeyer, plutôt qu’à Booker Little ou Clifford Brown. Un disque sincèrement attachant d’un jazz sincère et authentique. Pas pour rien que Sam Rivers s’est joint à son quartet pour enregistrer.

Il Tempo Non Passa Invano Guido Mazzon & Roberto Del Piano (+ Paolo Falascone) Setola di Maiale SM2590
Le trompettiste Guido Mazzon est un pionnier de l’improvisation radicale de la péninsule dès les années 70. Pour rappel, il a enregistré un superbe Duetti multi instrumentiste avec le fabuleux percussionniste Andrea Centazzo pour le mythique label L’Orchestra. Sur le même label , Sud, une très belle collaboration avec l’inoubliable acteur - saxophoniste Mario Schiano. Son Precarious Orchestra s’est produit au festival de Moers et il a travaillé intensivement avec Renato Geremia, Toni Rusconi et Gaetano Liguori, des incontournables de la scène free italienne ses seventies. Dans les années 80, alors qu’on ne se pressait pas au portillon pour jouer de la musique improvisée libre (non idiomatique, si certains préfèrent), il a joué dans le King Übu Örkestrü du clarinettiste basse et sax sopranino Wolfgang Fuchs en compagnie de Paul Lytton, Phil Wachsmann, Hans Schneider, Marc Charig, Radu Malfatti, Gunther Christmann, Peter Van Bergen, Norbert Moslang, Erhard Hirt et Alfred Zimmerlin.
Réputé à l’époque pour son approche radicale et extrême de l’instrument, Mazzon avait acquis une solide technique et de sérieuses bases musicales. Le titre de ce court album s’appelle en français « le temps ne passe pas en vain » et à l’écoute, on peut vraiment apprécier l’expérience des duettistes. Le bassiste électrique Roberto Del Piano, un véritable spécialiste de l’instrument, est un des rares que j’aie jamais entendu à avoir acquis une dimension lyrique spontanée et naturelle hors des conventions, clichés et autre ennui  musical que cet instrument procure dans (beaucoup) d’autres mains lorsqu’on sort du cadre rythmique. Un jeu tout à fait libre ancré dans une conception libertaire de la pulsation. Il y avait fort longtemps, Roberto Del Piano avait participé aux groupes de Mazzon, en compagnie, entre autres, de l’admirable tromboniste Angelo Contini. Dans ce très beau disque, Guido Mazzon assume la tradition lyrique et mélodique de la trompette en toute liberté, créant un superbe équilibre avec le phrasé inventif de Del Piano. Mazzon a un style très personnel introverti et subtil et il faut vraiment saluer l’expertise de Del Piano. Ces deux là ont véritablement intégré leurs jeux respectifs l’un à l’autre. Dans un morceau, le preneur de son (et contrebassiste) Paolo Falascone intervient discrètement au piano en actionnant l’intérieur « des cordes ». Un peu plus d’une demi-heure de bonheur.

Cherry Pickin’ Jim Dvorak Paul Dunmall Mark Sanders Chris MappSLAM CD 294

Américain arrivé à Londres par hasard au début des années 70, le trompettiste Jim Dvorak a été subjugué par la scène jazz libre et improvisation et s’est intégré immédiatement à la communauté des improvisateurs londoniens.  Proche de Keith Tippett, Keith Bailey, Marcio Mattos, Nick Evans, Gary Curson, Roberto Bellatalla, Louis Moholo, Francine Luce, Tony Marsh etc… Jim Dvorak est un véritable pilier de cette confrérie musicale, une des plus soudées qui existe. Il est aussi excellent vocaliste et j’ai un très beau souvenir d’un superbe duo avec Phil Minton. Depuis des décennies, il joue dans le quintet Dreamtime (Nick Evans, Gary Curson Dvorak, Bellatalla et le batteur Jim Lebaigue) auquel s’ajoute volontiers Keith Tippett comme dans Zen Fish, leur superbe album chez Slam. Bien que Paul Dunmall est un des musiciens les plus prolifiques, Cherry Pickin’ contient six compositions de Dvorak qu’on décrira comme étant « free-bop » et se termine improvisation collective. Bien que les noms des musiciens soient listés comme un collectif, il s’agit d’un projet de Dvorak. D’abord, je soulignerai la pertinence souple et aérienne du percussionniste  Mark Sanders avec qui Dunmall joue de plus en plus souvent, surtout depuis la regrettable disparition des deux Tony, Levin et Marsh. Le contrebassiste Chris Mapp assure remarquablement et très élastiquement le rôle de pivot du quartet. Quant à Paul Dunmall, un saxophoniste ténor avec des moyens exceptionnels, il trouve ici la voix / voie idéale qui s’intègre à merveille avec l’esprit et la forme de la musique voulue par Jim Dvorak, un trompettiste lyrique, vif-argent, libertaire avec un sens rythmique indubitable. A quatre, les musiciens réalisent une véritable « communion complète ». Spécificité britannique, les deux souffleurs ne donnent jamais l’impression de jouer un solo. Du début à la fin, toutes leurs interventions semblent être une invitation vers l’autre pour que celui-ci s’insère dans le jeu de son partenaire. Les idées, les motifs mélodiques s’échangent en un superbe jeu de passe-passe avec de l’espace dans le débit et les phrases. Je répète encore que l’attitude de Dunmall est absolument admirable et que pour ceux qui connaissent très bien ce musicien et ses très nombreux albums, découvriront une autre facette de sa personnalité. Une très belle cohérence de l’ensemble. Le cinquième morceau, Getty’s Mother Burg contient le texte de Lord Buckley, Gettysburg Address, dit avec une belle verve par Dvorak lui-même avec les trois autres. Dans le dernier morceau, au un titre assez british flagmatic humor, As Above, So Below, le quartet questionne l’improvisation totale avec un style sonore raréfié nous rappelant que l’improvisation libre radicale est bien née autour de St Matin’s Lane et de Gerrard Street pas loin de Charing Cross Road. De cette ascèse musicale s’établit une pulsation soutenue par la seule contrebasse dans laquelle Jim Dvorak développe son remarquable jeu vocalisé et tressautant à la fois doux et assuré. Spontanément, surgit un solo de Mark Sanders auquel se joint le bourdonnement de la contrebasse durant quelques instants avant que le quartet ne s’envole entraîné par la merveilleuse complicité des deux souffleurs. Vers la sixième minute, Dvorak laisse un répit au drive de Dunmall pour reprendre le fil des idées en articulant puissamment les notes pivot  du saxophoniste. Il semble que le temps indiqué sur l’album ne correspond pas à celui enregistré effectivement. Mais une musique pareillement inspirée a un air d’éternité.   


Five RoostersCinque Galli in Fuga (Per tacere del sesto)Mario Arcari Massimo Falascone Martin Mayes Roberto del Piano Stefano Giust Setola di Maiale  SM2470

Trois souffleurs, soit deux sax, Mario Arcari et Massimo Falascone et un cor, Martin Mayes, une basse électrique jouée par Roberto Del Piano et à la batterie, Stefano Giust, le responsable du label Setola di Maiale. Ce quintet et cette histoire de poulailler auraient pu être somme toute assez banale. La sacro-sainte formule orchestrale du free-jazz : un tandem basse batterie et des souffleurs. Fort heureusement, ces improvisateurs ont eu la bonne idée de remettre une série de poncifs en question en coordonnant leurs actions et réactions réciproques à l’aune de l’expérience collective de l’improvisation libre européenne. Donc pas de thème, pas de solo, pas d’accompagnateur, pas de section rythmique. On joue tous ensemble mais pas tous en même temps. D’abord le batteur percute une batterie sur laquelle sont réparties des objets percussifs, sollicite les cymbales amorties, le rebord de la caisse claire, ses frappes sont multiples et nous font entendre des timbres variés, voire contradictoires. Un crépitement organique qui accélère et ralentit autour d’une pulsation implicite et rarement soulignée. Il semble complètement concentré sur une logique délirante comme s’il se fichait du reste. Et pourtant, on entend clairement que ses tourneries ferraillantes et cliquetées font tenir l’édifice. Donc points de solos des souffleurs, mais de très courtes interventions conjointes, disjointes, télescopées ou sursautantes, coups de bec et bribes de mélodies distordues, ponctuées de silences répétés. Et une belle écoute. Au lieu de jouer tous ensemble et de surjouer au détriment de la lisibilité, on se relaie sur des demi-mesures, des points et des courbes. Eminemment collectif, un puzzle kaléidoscopique. Massimo intervient avec son IPad ajoutant une dimension électronique bruitiste bienvenue. Egos évacués, pas  de formule mais une idée originale par morceau. Une douzaine, courts pour la plupart et deux au-delà des 10 minutes. La basse électrique de Roberto Del Piano se tortille dans les tréfonds avec un son légèrement trafiqué dans une démarche vraiment improvisée. Voilà un musicien original sur un instrument réputé « limité » aux bons offices rythmiques. J’apprécie !! Evidemment, le cor de Martin Mayes (ancien compagnon de Steve Beresford il y a quarante ans au Little Theatre Club) semble faire office de trombone raccourci et se meut avec bonheur entre les coups de bec d’Arcari , sax soprano courbé, et de Falascone, alto et baryton. Dans les plages 10 et 11,  l’ingé son Paolo Falascone s’invite à la contrebasse.
Paolo est le maître de céans chez Mu-Rec studio, ex studio Barigozzi. Ce studio historique milanais, fondé en 1975,  a vu défiler Bill Dixon et Tony Oxley, Cecil Taylor, Dizzy, Chet Baker, Pieranunzi, Waldron, Lacy, Art Farmer, Paul Motian, Paul Bley et Gary Peacock, Konitz, Altschul et D’Andrea etc… Bref un lieu à tomber par terre où on enregistre encore avec des bandes magnétiques analogiques.

J’ai vraiment un grand plaisir à écouter ces Cinq Poulets déjantés. Un disque original où l’imbrication ludique et créative prend le pas sur l’exploit individuel.

FOU FOU FOU Kowald Lazro Nozati / Bailey Léandre Lewis Parker / Dean Dunmall Rogers Bianco/ Perelman Maneri

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Peter Kowald – Daunik Lazro – Annick Nozati instants chavirés  FOU Records FR CD 07

Groupe “de circonstance”  et rencontre de fortes personnalités  enregistré en  février 2000 à l’espace des Instants chavirés dans la banlieue parisienne  peu avant la disparition inopinée de deux d’entre eux (Nozati et Kowald), cet album “FOU” est vraiment FOU ! Personne ne s’attendait à ce que sorte un jour un témoignage aussi vivant de l’art d’ une chanteuse – actrice inoubliable, d’une véritable bête de scène, Annick Nozati et en compagnie de deux des plus purs camarades de l’improvisation totale, deux irréductibles : le saxophoniste baryton et alto Daunik Lazro , pilier incontournable de la scène hexagonale et le contrebassiste Peter Kowald, globe - trotter infatigable dont le cœur a lâché, trop tôt. L’enregistrement , réalisé par Jean-Marc Foussat,  reproduit fidèlement le développement du concert en duos et trios avec au milieu un solo absolu de la chanteuse. C’est bien le meilleur souvenir que je garderai d’elle, avec ses incroyables gesticulations , éructations et murmures en compagnie du pianiste Fred Van Hove , il y a … 30 ans à Bruxelles et ce bel album solo « La Peau des Anges » publié par Vandoeuvre.  Annick avait une voix très puissante qu’elle poussait jusqu’au cri désespéré en glissant immédiatement de l’explosion du larynx au sussurement intimiste d’une seule portée de voix. Une maîtrise supérieure de l’organe vocal et une résistance… au propre et au figuré !  Parfois , suite à l’excès durant quelques minutes enfiévrées et vécues comme si sa vie en dépendait, le timbre de sa voix se fêlait ensuite légèrement. Mais jamais on ne l’entendait lâcher le port de sa voix et le son. Un phénomène transfuge du théâtre qui ayant dû se mettre à chanter /vocaliser pour des créations dramatiques , s’est révélée être une  vraie improvisatrice , une chanteuse, une sorte de cant’actrice. . . Annick Nozati c’est plus que de la musique, qu’une «  porteuse de projet », un C.V. , une discographie etc.. C’était un être vivant qui ne s’encombrait pas de faux semblant ni de demi-mesure. On pense à  son amie Maggie Nicols avec qui elle partageait cette faconde insatiable et  un véritable sens pédagogique avec quiconque se présentait et essayait de musiquer. Bref, elle n’était pas coincée. Elle exprimait la rage et la raison, une extrême spontanéité et une réflexion profonde, le babil couineur et forcené ou  l’art du crescendo dans la nuance avec une voix qui ne devait rien à l’entraînement vocal d’un genre musical défini. Derrière la folie audacieuse, une maîtrise impressionnante, même si sa tessiture ne lui permettait pas de faire le rossignol du sol aigu. Et avec tout ça, pas de système, de schéma, de balise, rien que du pur jus, celui du peuple des marchés et des manifs. Bien sûr , je me rappelle les réflexions de collègues germaniques tâtillons et sérieux que ses débordements expressionnistes terrorisaient. Mais quelques géants de la scène improvisée étaient pleins d’admiration pour son art unique. Le pianiste Fred Van Hove (pianist number one in free improvisation) fit équipe avec elle depuis 1983 jusqu’à sa mort qui advint malheureusement cinq mois après ce gig.  Fred et Annick enregistrèrent plusieurs albums communs. En duo : Uit sur Nato (LP) et en trio avec Fred et Hannes Bauer sur les labels Amiga (LP) et FMP CD (Organo Pleno). Peter Kowald et Daunik Lazro étaient parmi ses camarades inconditionnels et, dois- je le rappeler (?),  Kowald joua un rôle primordial dans la découverte de cette autre chanteuse exceptionnelle : Sainkho Namchylak.  J’aime aussi beaucoup ce disque car on entend Daunik Lazro fragmenter des boucles à l’alto de manière super réussie et les pousser de son souffle intransigeant.  Dans le premier morceau, son baryton s’ébroue dans des harmoniques et un grain pictural reprenant le point de vue plastique sonore d’un Brötzmann de manière profondément originale, non saxophonistique.  La vie quoi !! En trio, les musiciens évoluent avec une indépendance individuelle assumée :  vitesses , débits , intentions, émotions différentes dans une véritable cohérence scénique, gestuelle, spatiale et imaginative. L’appel à l’imaginaire, au secret , à la poésie est intense. J’aime aussi ce disque parce que l’aventure d’un soir est assumée jusqu’au bout des doigts, de l’archet, du gosier et du bec. Et pour finir , je dirai que Peter Kowald  n’a jamais aussi bien joué qu’à la fin de sa carrière. Ici il crée un  véritable  espace pour laisser la voix humaine se mouvoir en toute liberté. Comme FOU vient aussi de publier un quartet de Derek Bailey Joëlle Léandre George Lewis et Evan Parker à Dunois en 1982 et des collaborations de son responsable, Jean Marc Foussat avec Joe Mc Phee, Ramon Lopez et Evan Parker, je décrète que ce label FOU est à suivre à la trace. FOU FOU FOU , FOU je vous dis ! Que vive la folie et que se taisent les rabat-joie formalistes et autres rats de conservatoire. L’art conversatoire de Nozati nous-a-dit ce qu’il fallait entendre : la VIE !!

Derek Bailey Joëlle Léandre George Lewis Evan Parker 28 rue Dunois juillet 82 Fou records CD06


Fou Fou Fou, Fou ! C’est Fou !  Voici que de façon tout à fait follement inattendue ce CD arrive dans ma boîte aux lettres en compagnie d’un autre CD tout aussi FOU,  « instants chavirés » millésimé 2000 de nos chers disparus : Peter Kowald et la cant-actrice chanteuse Annick Nozati avec notre ami Daunik Lazro aux saxophones. Je n’avais pas la moindre idée que Jean- Marc Foussat  qui suit ces musiques à la trace depuis plus de trente ans allait publier un tel trésor ( eh oui !!)
On me dira Evan Parker – Derek Bailey , on connaît pfff … , que Joëlle Léandre  est tout aussi documentée … et George Lewis nettement moins en ce qui concerne cette direction musicale, improvisée libre. Que les labels Incus , Psi, Emanem etc… ont produit ce genre d’albums à tour de bras
Soyons honnête, par rapport aux flux de cd’s de ces presque vingt dernières années, les enregistrements parus documentant l’improvisation libre radicale du début des années 80 se comptent sur les doigts d’une main par tête de pipe. Surtout des quartets ou quintets aussi généreusement homogènes. Gérard Rouy mentionne une série d’albums où nos quatre mousquetaires se croisent. Il a omis de citer l’extraordinaire duo « From Saxophone and Trombone » de Parker et Lewis publié à cette époque par Incus et réédité par Psi. Oui cet album FOU 28 Rue Dunois est FOU ! FOU , FOU , FOU !
Il nous permet d’entendre du début jusqu’à la fin une tentative de création collective totalement improvisée qui se déroule sur plus de 70 minutes dans un lieu parisien incontournable fréquenté par les afficionados de l’époque (Lê Quan Ninh, Jacques Oger, Jean-Marc Foussat). Si Parker et Bailey sont « Compatibles » (Compatible Recording and Publishing était le nom de la maison d’éditions de leur label commun Incus), l’ajout de George Lewis au trombone et surtout de Joëlle Léandre soulève plusieurs problèmes d’équilibre, de cohérence etc.. Trouver un champ commun , un partage qui dépasse le fait que des  personnalités d’envergure soient rassemblées un même soir de 1982 et soient sensées créer un chef d’œuvre.  Une communion réelle… Joëlle Léandre venait seulement de faire la rencontre de Derek Bailey et de George Lewis à New York l’année précédente et  elle commençait à s’investir dans l’improvisation libre après avoir déjà travaillé la composition contemporaine en tant qu’interprète de compositeurs tels que Cage et Scelsi , personnalités qu’elle a rencontré et fréquenté intensivement. Joëlle n’a alors pas encore les planches (expression du métier signifiant l’expérience) ni la technique ébouriffante (inégalée) de ses trois compagnons. Derek Bailey et Evan Parker font alors figure de chefs de file de l’improvisation radicale made in London mais dont l’influence et l’aura s’exporte de Berlin à Rome  et New York. Quant à George Lewis, il est considéré comme étant le tromboniste « jazz » numéro un après avoir travaillé intensivement avec Anthony Braxton dès 1976. Si elle n’a pas encore acquis l’expérience et l’aura de ses compagnons d’un soir, c’est une profonde musicienne qui sait ce qu’elle veut. On l’entend ici, ses propositions s’intègrent vraiment bien à l’ensemble, l’assemblage parfait de la spontanéité débridée et de la musicalité réfléchie, tour à tour et simultanément. Et même quand il lui prend l’idée de chanter, ce n’est pas en vain. C’est une touche bienvenue, rafraîchissante qu’une harmonique providentielle de la guitare de Derek prolonge et s’en fait l’écho instantané avec une précision et  une inspiration suprenantes. Et donc,  dans ce superbe album , nous avons l’occasion d’entendre un éventail insoupçonnable de possibilités , d’explorations variées avec une forme d’intensité sensuelle, une émotion supérieure à certains des premiers Company où Derek et Evan jouaient avec Anthony Braxton, par exemple, (Company 2 Incus). Moins abrupt que le mythique concert du Spontaneous Music Ensemble à l’ICA, « the Quintessence » qui, en 1974, rassemblait en  Stevens, Trevor Watts , Bailey, Parker et Kent Carter (Emanem) dans un continuum imprévisible, 28 Rue Dunois se « compose » de cinq parties :  intro de 7 minutes et quatre mouvements entre 11, 15 et 26 minutes, partagées par la pause entre les deux sets.
Bien sûr les duos de Bailey et Parker avec X Y et Z sont incontournables, mais  «leurs » très rares quartets enregistrés dans leur intégralité impliquant d’autres personnalités sont inoubliables même s’ils semblent moins réussis pour le comptable de la musicalité intégrale. Surtout, ils ont un surcroît d’âme. La part d’inconnues et de risques , les contingences ( histoire de chacun, instrument particulier, sentiments individuels, appétit musical ) sont nettement plus fortes, intenses. Les surprises sont surprenantes et corrigent l’idée qu’on a pu se faire de leur pratique en fonction des disques publiés à l’époque. Une telle rencontre pourrait déboucher sur un fiasco ou des ronds de jambe, mais ici il n’y a rien d’autre que l’approche de l’excellence. L’auditeur transite dans une multiplicité de paysages musicaux : explosions, irruptions de particules sonores inouïes du sax ténor de Parker, fractals de l’amplification baileyienne, réponses de Lewis, ses effet sonores sur les joues et les lèvres, langage fragmenté et ferraillant de Bailey le pied enfonçant la pédale de volume, courses poursuites effrénées ou stase introspective minimaliste, boucles mélodiques qui tournoient ou éclatement des notes, hachures surlignées  et courbes infinies, passages de relai dans un duo mouvant, répétitions d’intervalles distordus, fausses hésitations, proposition contrariante et avisée de Léandre, musique de chambre initimiste ou charge monstrueuse. Bien sûr, il y a deux ou trois flottements, une ou deux digressions superflues, quelques longueurs, mais sur plus de 75 minutes, on est largement récompensé d’une écoute attentive, fascinée. Et quel bonheur !! Moi-même, j’avais organisé la rencontre en quartet avec Evan Parker, Paul Rutherford, Hannes Schneider et Paul Lytton en 1985 et ensuite relancé Martin Davidson et Evan Parker  en connaissance de cause (avoir suivi et écouté la free – music européenne et américaine etc.. durant une vingtaine d’années finit par créer une sorte de sixième sens) pour que ce concert de ce groupe optimal soit publié. Il se trouve dans le CD Emanem 4030 « Waterloo 85 »  dans son entièreté. « Mon quartet de rêve » était une occurrence inespérée et ici le rêve de rencontre magique et de communion complète de Jean-Marc  FOUssat se matérialise en un beau miracle inattendu auquel je souscris à 200%. FOU , FOU, FOU,  je vous dis !

PS. Mise au point « historique » : dans les notes de pochette, Gérard Rouy fait mention de la rupture entre Parker et Bailey qui aurait eu lieu en 1985. Il y avait déjà un contentieux relationnel et « administratif » entre les deux compères (collaborant ensemble depuis 1966 !) à cette époque. Mais cela ne les avait pas empêché d’organiser ensemble deux éditions du festival Incus en avril 1985 et 1986 durant une semaine complète avec une affiche exceptionnelle. Outre les deux « directeurs » d’Incus, on y a entendu Han Bennink , Misha Mengelberg, Paul Lovens, Alex Schlippenbach, George Lewis, John Zorn, Steve Lacy, Phil Wachsmann, Maarten Altena, Paul Lytton, Barry Guy, Paul Rutherford, Kenny Wheeler, Alvin Curran, AMM au grand complet ! , les Alterations, soit Steve Beresford, Pete Cusack, David Toop et Terry Day, Ernst Reyseger et un tout jeune Steve Noble en duo avec Alex Mc Guire. Le tout enregistré par le génial Michael Gerzon, l’inventeur du micro Soundfield et le précurseur de la technique Surround 5.1. En outre, Evan Parker avait publié son dernier album solo « The Snake Decides » chez Incus et cet album avait été enregistré au début de l’année 1986 et vendu lors de ce festival. Ayant été en contact avec DB et EP à cette époque, je pense que la rupture finale est advenue dans le courant de 1987.

Elton Dean Paul Dunmall Paul Rogers Tony BiancoRemembrance No Business Records 2cd

Remembrance. Souvenir. Souvenir d’Elton Dean qui nous a quitté. Souvenir d’une session de 2004. Remémoration des sons et des gestes, des émotions d’une session oubliée qui surgit ici comme un formidable témoignage. Energie, partage de l’espace sonore et temporel entre les deux souffleurs dans un morceau sublime où aucun n’est « soliste » mais se complète avec la moindre note. Quatre morceaux : l’album s’ouvre sur un trio Dunmall, Rogers et Bianco sax ténor – contrebasse – percussion qui évoque les espaces Interstellaires… ( Coltrane – Ali Impulse)….  s’ensuit ce sublime quartet où la cohésion intime et les contrechants / invites réciproques des Deux Dean ‘n Dun ont quelque chose d’unique et de profondément touchant. Sur le deuxième cd, une duo contrebasse à sept cordes et batterie permettent à Paul Rogers d’imprimer sa marque. Fabuleux travail à l’archet… Energie et nuances … Le drumming de Tony Bianco foisonnant et intensément polyrythmique s’incarne avec une touche encore plus subtile et sensuelle qu’à l’ordinaire.
Pour finir, un trio caractéristique avec Elton Dean / Paul Rogers et Tony Bianco. Leur musique renouvelle un genre défini par le vocable free jazz qu’ils investissent en improvisant sans interruption de la première minute à la dernière. Le Coltranisme est Dunmallisé une fois pour toutes  ! Roger(s), je vous reçois cinq sur cinq !!  Ces quatre-là font B(i)anco !! Elton Dean s’en est allé il y a quelques années et cet album est un moyen incontournable de se souvenir de lui. Ce quartet qui figure dans le premier cd est absolument exemplaire du jouer et vivre ensemble qui est au cœur du jazz authentique et des musiques improvisées.  Le reste n’est que passion…..

Ivo Perelman Mat Maneri Two Men Walking Leo records CD LR 696

Souvenez vous, si vous y étiez déjà. Three Men Walking, paru sur ECM, il y a vingt ans nous faisait déjà découvrir Mat Maneri avec son père Joe , aujourd’hui disparu et le guitariste aventureux Joe Morris. Les torsions et glissements microtonaux des Maneri père et fils. Aujourd’hui, Two Men Walking réunit Mat Maneri avec le superbe saxophoniste brésilien Ivo Perelman. 10 morceaux intitulés Part 1 , Part 2 etc.. nous font découvrir le mystère infini des notes étirées, glissées, fractionnées dans une entente symbiose absolument merveilleuse. Une véritable communion microtonale.  C’est absolument sublime. « On » accusera le saxophoniste ténor Ivo Perelman de ressasser « le free –jazz » , mais c’est à tort, faute d’avoir écouté ces deux hommes promenants. Ça commence comme du Sonny Rollins mâtiné de Frank Lowe, et l’alto (violon !) électrique de Mat Maneri s’insère. Bien sûr, ce n’est pas tellement « musique de chambre car ces deux improvisateurs ont un cambrure rythmique, un drive même quand le timbre se fait lunaire. Je ne vais pas passer mon temps à vous décrire les pièces consécutives par le menu. Ce que je peux affirmer c’est la pertinence et la connivence du saxophoniste brésilien et du violoniste alto de Boston. Ils ont un talent fou pour enchâsser les idées communes et les associations de timbre,  d’intervalles, les sautes d’humeur et de rythme, les cris distendus et les glissandi les plus improbables. Cela respire, transpire et conspire la musique obstinément, gravement, lègèrement. Voici donc un superbe album qui vous fera entendre une face cachée des deux instruments respectifs. On oublie souvent qui joue du sax ou du violon tant le partage des volutes, des contrepoints, des accelerandi et du flux microtonal fonctionne dans une véritable osmose, une entente parfaite. Ces deux-là sont faits l’un pour l’autre comme par exemple l’étaient , dans notre jeunesse, Evan Parker et Derek Bailey dans the London Concert 1975 (Psi). Merveilleux !!


700 on Leo Daniel Thompson Tom Jackson Roland Ramanan Ivo Perelman Matt Shipp Paul Dunmall Tony Bianco Paul Rogers Mark Sanders

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Zubeneschamali  Daniel Thompson Tom Jackson Roland Ramanan Leo Records LR CD 700

Cette fois Leo Records a consacré son 700ème album à des artistes londoniens de la troisième et quatrième génération, alors que le label a des Braxton, Léandre, Maneri, Perelman, Gratkowski, Nabatov  et une ribambelle de Russes , Baltes etc…  Masis on ne peut pas toujours écouter les mêmes valeurs sûres ( héros, têtes de file, vedettes…). Roland Ramanan est un trompettiste remarquable  dont Emanem a produit deux albums de « jazz libre » en compagnie du batteur Mark Sanders,  du contrebassiste Simon H Fell et du violoncelliste Marcio Mattos  (Shaken et Cesura) , excusez du peu.  Il est, depuis le début, un pilier essentiel du London Improvisers Orchestra qui a rassemblé et rassemble encore un véritable who’s who de la scène radicale improvisée londonienne depuis 1999. Son excellent Tentet publié par Leo Records (LR  556) et qui comprenait Tony Marsh Alex Ward Robert Jarvis Dom Lash Simon Rose Javier Carmona Marcio Mattos Ian Smith et Ricardo Tejero ne laissait pas préjuger de son attirance pour la liberté intégrale , librement improvisée. Roland Ramanan a trouvé chez ses « cadets », le guitariste acoustique Daniel Thompson  et le clarinettiste Tom Jackson, une entente parfaite pour développer une musique de chambre libertaire faite de nuances , de couleurs et de traits tous azymuths. Dans la scène londonienne actuelle, Daniel  Thompson se révèle être un animateur  activiste de premier plan à travers les concerts qu’il organise dans les lieux plus excentrés que la partie Nord Est où se situent le café Oto, le New Vortex à Dalston – Hackney  et la Stoke Newington High Street . On l’a vu programmer les concerts à la Shoreditch Church à proximité de la City ou dans l’extrême Est ,  accessible par le nouveau métro aérien ( Arch One). C’est maintenant à Foley Street dans le lointain Ouest qu’il officie essayant d’étendre la toile de l’impro libre dabs cette ville grouillante.  Dans la mouvance de Daniel , on compte quelques musiciens vraiment passionnants parmi lesquels le violoniste alto Benedict  Taylor et le clarinettiste Tom Jackson dont le disque Songs for Baldly Lit Rooms est un des meilleurs duos improvisés « British Made » jamais enregistrés ( Incus Emanem Bead Ogun Matchless etc..).  Sans aucune exagération de ma part. Et donc ce beau trio est plus qu’une tentative. Daniel Thompson est en train de construire un univers personnel à l’écart des John Russell Roger Smith etc… dans une dimension collective. La guitare n’est pas un instrument facile et depuis qu’il s’est jeté à l’eau son évolution est concluante. Quant à Tom Jackson, il est devenu un clarinettiste de premier plan comme son collègue Alex Ward ou le français Xavier Charles. Et surtout, ce qui me réjouit ici c’est cette qualité d’écoute , cette construction collective qui échappe autant à l’univers régit par les valeurs / balises du jazz libre, au paramétrage « musique contemporaine XXème ou à la sacro-sainte vulgate « non-idiomatique » pour pigiste à la cuiller à pot ainsi qu’à tout genre musical qu’on veut définir.
Donc, voici un beau document qui met  en valeur le travail collectif au bénéfice de chaque individu. Pour y arriver, ils exploitent une excellente recette : chercher en soi-même ce qu’il y a de meilleur à offrir dans le moment même en utilisant toutes leurs ressources musicales et instrumentales et sans essayer de prouver quoi que ce soit.  Cela commence par un thème presque swinguant  lancé spontanément par le trompettiste et qui rebondit sur les phrasés aux intervalles disjoints de la guitare traitée comme une percussion libérée. Le clarinettiste a embouché la clarinette basse et s’en sert comme pivot harmonique / contrepoint affolé. Roland Ramanan ne se contente pas d’enfiler des chapelets de note mais phrase réellement avec un véritable lyrisme et un beau contrôle du son sur des intervalles inusités. C’est un trompettiste original, ce qui est assez logique, avec des collègues comme Harry Beckett, Kenny Wheeler, Henry Lowther et Ian Smith en ville, ça doit vous donner des idées.  Si vous ne comprenez pas ce que je viens d’écrire à propos de « phraser », un souffleur de haute volée et honnête vous l’expliquera. En plus c’est vraiment beau. Les 12 morceaux portent chacun des noms de constellations étoilées et développent des idées différentes au fil de la session.  La contribution personnelle de chaque personnalité et leurs différences s’interpénètrent avec une réelle bonne volonté assumée : Ramanan a eu une pratique du jazz contemporain confrontée à l’impro libre, Thomson fut un élève de John Russel l et a trouvé sa voie personnelle et Jackson a un parcours contemporain qui n’ignore pas le jazz. Ici sa contribution à la clarinette basse n’atteint pas les sommets instrumentaux d’un Jacques Foschia ou d’un Rudi Mahall mais apporte un son empreint d’une réelle corporalité et une couleur qui entre parfaitement dans l’univers du trio. Thompson trace ses arabesques décomposées sur  le découpage rythmique envoyé par Ramanan, en assument son style écartelé et cela fonctionne.  Non content d’établir un son de groupe, chaque musicien s’échine à le subvertir dans une ou deux pièces à l’allure minimaliste ou bruitiste. Au final, une belle expérience et comme je ne connais pas d’album avec guitare acoustique, trompette et clarinette qui poursuive un réel aboutissement de ce genre, ce Zubenschamali figurera en bonne place dans ma liste des bons albums de 2013-2014-2015. Un très beau numéro 700 pour Leo Records.

Ivo Perelman The Other Edge Matthew Shipp Michael Bisio Whit Dickey Leo Records LR 699

Leo Records aurait pu programmer ce disque-ci, The Other Edge, au numéro 700 de leur extraordinaire catalogue. Leo Feigin a été chic, il a laissé la place à ces musiciens britanniques que beaucoup ne connaissent pas encore(cfr chronique plus haut). Mais voilà, c’est le numéro 699 pour Perelman et son équipe ! Et quel numéro de lotterie ! Ivo Perelman est aujourd’hui un des saxophonistes ténor les plus attachants, les plus sensuels, avec une pratique tournée vers la libre improvisation d’essence jazz. Donc pas de thèmes, de rythmiques pré-établies, de solos etc… Sa musique en groupe, comme tous les duos , trios et quartets qu’il enregistre ( à la pelle, profitez-en) pour Leo est créée dans l’instant, sans fixer quoi que ce soit à l’avance, et basée sur l’écoute mutuelle, intuitive. Ses albums présentent chaque fois une nouvelle congrégation de ses fidèles, le pianiste Matthew Shipp, les batteurs Gerald Cleaver ou Whit Dickey, les bassistes William Parker, Joe Morris (aussi guitariste) ou Michaël Bisio. Cette session de janvier 2014 vient à la suite d’autres sessions très souvent réussies, et comme les précédentes, elle se concentre sur la qualité d’un dialogue intimiste, subtil où le saxophoniste sollicite la microtonalité de manière aussi authentique que feu Lol Coxhill et Joe Maneri. Je pense sincèrement que Perelman est un souffleur aussi singulier que peut l'être Roscoe Mitchell. Son phrasé, ses inflexions, son entêtement mélodique, son « système » se détachent entièrement de la vulgate du jazz-libre. Je vais pas faire de comparaisons avec d’autres artistes nommément, car c’est un procédé indigne des efforts consentis par ces combattants de la liberté musicale et du partage. Mais on ne risque pas beaucoup en déclarant qu’une telle originalité au saxophone se compte sur les doigts d’une main par décennie de l’évolution du jazz libre. Apparu dans les années nonante, Ivo Perelman s’était distingué par un expressionnisme exacerbé, tout en étant subtil et musical, et dont le paroxysme a été atteint dans l’inoubliable For Helen F de son Double Trio sur le label Boxholder ( Gerry Hemingway et Jay Rosen, Mark Dresser et Dominic Duval).  Soit une situation où ses collègues bassistes et contrebassistes le propulsent  en tant que souffleur soliste, cracheur de feu. Très rarement un souffleur a rallumé aussi bien la flamme d'Albert Ayler en personne. Depuis lors, son travail a évolué et s'est focalisé sur un dialogue, une conversation à trois ou quatre, où chaque instrumentiste surpasse les rôles respectifs d’accompagnateurs et de solistes vers plus d’égalité. Une démarche naturelle et logique voisine de celles des Evan Parker, Paul Lytton, John Stevens, Paul Rutherford et compagnie. Les structures créées spontanément transitent entre liberté totale assumée et déconstruite et des cadences rythmiques trouvées dans l’émotion de l’instant, produit ludique de l’improvisation collective, sans aucun calcul. Matthew Shipp est un pianiste extraordinaire avec une technique superlative et un énorme bagage musical. Avec Perelman, il fait presque oublier tout cela, car ce qui compte ici par-dessus tout est l‘émotion, la beauté fugitive, la spontanéité. Et l'équilibre de l'édifice ! Point ne sert de trop dire , il faut savoir parler à bons escient. L'art de la conversation en quelque sorte. Whit Dickey joue avec un drive impressionnant et une lisibilité maximale. Son foisonnement bien découpé reste translucide et révèle le superbe jeu de contrebasse de Michael Bisio et les nuances du toucher du pianiste. Le free-jazz peut se révéler être une musique à clichés et c’est bien tout l’intérêt, le charme et la beauté irrévocable des groupes d’Ivo Perelman. Ils incarnent l’essence de l’improvisation collective radicale dans l’univers du jazz afro-américain libéré. Un vrai plaisir.

Paul Dunmall Tony Bianco Spirits Past and Future Duns Limited Edition 062

Au ténor et au saxello (héritage de son ami Elton Dean), Paul Dunmall partage une nouvelle fois cet enregistrement de décembre 2007 avec le batteur polyrythmicien Tony Bianco. Le morceau titre Spirits Past and Future s’écoule durant cinquante minutes de pur bonheur intense « à-la- Coltrane & Rashied Ali dans  Interstellar Space. On va me dire que ce sont des vieilleries pour nostalgiques du « free-jazz ». Soyons sérieux, il n’y a pas dix saxophonistes ténor comme Paul Dunmall qui maîtrise toutes les facettes possibles du « post Coltranisme » et l’instrument en tant que tel comme notre héros à tous nous a quitté sans avoir trouvé beaucoup de challengers à sa suite, on se réjouira de pouvoir l’écouter  dans les infinies variations entièrement improvisées des dédales harmoniques et du travail du son. Les harmoniques encore , mais ce vocable désigne ici le son produit au-dessus de la tessiture normale en soufflant plus fort. Cette technique semble accidentelle et parfois erratiques chez de bons techniciens mais depuis Coltrane et aussi Steve Lacy, « la crème des saxophonistes ténor » jongle  avec elle ( cette technique dite des » harmoniques » ) car c ’est en fait une possibilité naturelle de l’instrument qui figurait sous forme de curiosités techniques dans les manuels. Parmi les « clients » de la descendance de Coltrane, on compte un Pharoah Sanders, un Joe Farrell, artistes qui se sont trop englués dans des projets « professionnels ». Parmi ceux qui ont gardé doit devant l’idéal exploratoire et révolutionnaire de Coltrane, on citera feu David S Ware aux USA et Evan Parker en Europe. J’ai surpris des conversations sur Face Book d’amis saxophonistes ténor incontournable et pour eux c’est clair : parmi les plus « grands saxophonistes » du « monde » , on cite un prof et Evan Parker. Evan Parker lui –même dit à ses camarades musiciens en riant dans sa barbe : Paul est le plus grand saxophoniste du monde. Son triple tonguing échevelé ne modifie jamais  le son droit durant la moindre infime fraction de seconde. Le son, les intervalles et tous les sons dans tous les intervalles à la vitesse lumière. Surtout on entend clairement qu’il improvise à 100%, ce qui n’est pas toujours le cas des pointures de l’instrument qui trustent l’intérêt des médias, en récitant des séquences prédigérées et avec une parcours quasi télécommandé. Dunmall invente ses séquences mélodiques sur le moment même et les développe avec une minutie maniaque. Dans ce Spirits Past and Future n’y a pas un recoin qui ne soit exploré , trituré, ressassé, sublimé . Incendiaire…Dès la huitième minute le son apaisé de l’intro s’est fait brûlant, hypnogène et torturé et le musicien conserve le matériau mélodique. Il enchaîne des variations sur toute la tessiture en sollicitant les harmoniques supérieures, les overtones.. en torturant de plus en plus les extrapolations des intervalles comme une armée de jongleurs. Et cela ne s’arrête.. pour ainsi dire jamais .. Je suis encore pantelant passé la vingtième et unième minute où ils se met à gémir – hurler  , choisissant quelques notes au hasard pour repartir et  conclure.. Solo de batterie à la 23ème   , polyrythmique en diable  et  prélude à un hymne jeté aux éléments… on est alors dans la transe de la sensibilité et de l’émotion dans la surenchère énergétique, flottant sur les vagues telluriques de Bianco.  Alors si vous ne l’avez pas encore écouté, Paul Dunmall, essayez de trouver cet album et vous allez tomber par terre. Il reste encore quelques copies de Spirits Past and Future, un des derniers cd’s encore disponibles du label personnel de Paul Dunmall et de Phil Gibbs, son fidèle compagnon guitariste. Cet album se concentre justement sur le sax ténor et  ayant écouté une très grande quantité de ses productions, je suis frappé de n’être jamais lassé de ses improvisations d’un disque à l’autre sur cet instrument. On peut aussi l’entendre en duo avec le batteur Miles Levin dans Miles Above, toujours disponible sur Duns. Plutôt que de créer un style « Dunmall » typé caractéristique, Paul tente avec le plus grand bonheur d’intégrer un éventail  très étendu de possibles liés aux spécificités du sax ténor et de son histoire. Des échos très denses de Trane (bien sûr) mais aussi de Wayne, Warne, Gordon, Griffin, Rollins, Evan Parker et, même, une synthèse de l’esprit de Jimmy Giuffre et de Sam Rivers dans un de ses albums sur le label FMR. Avec lui, un véritable monstre de la batterie dans une approche voisine de celle de Rashied Ali : profusion de rythmes croisés et de frappes en roulement infernal.  Tony Bianco a la capacité de jouer en 36ème de temps sans faiblir. C’est un des plus fantastique drumming free jazz qu’il est donné d’entendre. Evidemment cela va fort… et Dunmall souffle avec une puissance….  Pour conclure, une pièce de 5 minutes plus apaisée, Istah.  Un géant. Celui qui parle encore de Coltranisme, qu’il aille empester les jurys de conservatoires. Vive Dunmall et Vive Bianco !! Plus que ça tu meurs !!

Deep Whole Trio : That Deep Calling Paul Dunmall Paul Rogers Mark Sanders FMR 370-0214

Deep Whole trio est le nom du groupe constitué par Paul Dunmall, saxophoniste ténor et soprano exceptionnel, le contrebassiste à 7 cordes Paul Rogers et le percussionniste Mark Sanders. Les deux Paul faisaient partie du quartet Mujician avec Keith Tippett et le batteur Tony Levin, disparu il y a quelques années. Ce quartet moins Tippett se déclinait en un trio inoubliable immortalisé par le quadruple cd «Deep Joy »édité par Duns Limited Edition (à 100 copies) et enregistré au tournant des années 90 et 2000. Ce Deep Joy trio n’existe plus, mais voici le Deep Whole. Par rapport à Tony Bianco, un poids lourd de la batterie, Mark Sanders fait plutôt figure de poids plume. Mais quelle élasticité, quel drive tout en nerfs, soubresauts et démarrages au quart de tour, mais sans (presque) jamais interférer dans les fréquences du sax et de la contrebasse. Contrebasse ? Celle de Paul Rogers est une espèce d’hybride de la contrebasse, du violoncelle et de la viole de gambe. On se souvient de la puissance toute mingusienne de Rogers à la quatre cordes traditionnelle et de son coup d’archet supersonique. Dans le Deep Whole trio, il y a la puissance profonde, énorme et cette légèreté fluide qui permet les nuances de timbres  chères à l’improvisation britannique depuis les ateliers et gigs de John Stevens. Et donc à l’instar des trios d’Evan Parker avec Guy et Lytton ou de Schlippenbach avec Parker et Lovens, on atteint là le fin du fin de la liberté free-jazzistique assumée , celle qui a profité de l’expérience de l’improvisation libre sans se casser la tête avec le virus non-idiomatique, invention sémantique plus que réalité musicale. D’ailleurs Lovens Lytton et Parker ont été à l’avant-garde de ce mouvement et l’un n’empêche pas l’autre. Il n’y a que des imbéciles et de « moins bons » musiciens. Partagé en trois parties, cet enregistrement du 30 mai 2013 à la Lamp Tavern de Birmingham offre un excellent exemple de la pratique musicale la plus significative de Paul Dunmall avec Rogers et Sanders. FMR, SLAM et Duns Limited ont publié une quantité invraisemblable des « side projects » du saxophoniste avec Rogers  et le guitariste Philipp Gibbs, mais aussi  le flûtiste Neil Metcalfe, le batteur Tony Marsh qui lorgnent vers l’improvisation libre avec des guitaristes « à effets ». Dunmall semble ouvert à tout et aime se commettre avec des collègues jeunes et encore inconnus. Il faudrait presqu’un guide du Dunmall pour les nuls afin de s’y retrouver. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce prodige du saxophone et sur cet extraordinaire trio et que l’ étendue du catalogue dunmallien effraye, voici le maître achat.
Commençant comme un disque de jazz où il établit spontanément une thématique sans même y penser  et suivi par le tandem  Sanders – Rogers qui swingue à tout va. En toute indépendance l’un de l’autre et avec une cohésion profonde. On songe à Wayne, jusqu’à ce que le rythme se fasse plus pressant, que le motif se décline et se métamorphose, se dilate, se contracte…  Très vite s’installe l’exploration d’idées qui seraient advenues lors d’un précédent concert et qui s’imposent à nouveau. L’excellence de l’enregistrement  de Chris Trent permet de goûter les nuances de la frappe de Sanders alors que Dunmall étire ces notes de ténor une à une. Un court solo mi-basse mi-cello de Rogers, permis par son instrument à cordes sympathiques, introduit un trilogue éthéré d’où surgissent des pointes de triple tonguing avec lesquelles le bassiste dialogue en pizzicato. La pâte se lève et nos trois camarades racontent l’histoire jusqu’au bout. Ensuite, Rogers plonge dans le travail à l’archet dans plusieurs dimensions, propulsé par Sanders. Là-dessus, Dunmall trace un enchaînement aussi cartésien que sensible de volutes enchevêtrées avec un son de plus en plus chaleureux. That Deep Calling s’arrête après plus de 22 minutes sans que la durée se fasse ressentir. Deuxième morceau, Can You take it est introduit par Rogers à l’archet et le bassiste développe une improvisation où différents registres sont exploités jusqu’à ce qu’un rythme naisse. Le batteur se joigne à lui tout en laissant au cordiste l’initiative de tailler des sonorités lumineuses. Dunmall reprend avec le saxello hérité d’Elton Dean et le trio crée un univers sensible en rassemblant une à une chaque note nécessaire à son improvisation tandis que Sanders martelle ses toms en sourdine. Les spirales, stries, tangentielles, dérivées s’emboîtent dans un flux charnel et ludqiue….  Des perfectionnistes de l’improvisation qui prennent tous les risques sur la durée en ne laissant rien au hasard dans le relevé du terrain arpenté par la tangente ou l'hyperbole. Je vous laisse là : avec  cette musique on oublie les jazz magazine, les campagnes de com, le blah blah des critiques et les interviews bidon dont nous assaisonne la presse musicale… Deep Whole, profond et entier …Une musique libre et fascinante.

16/11 Cellule 133A Michel Doneda - Kostas Tatsakis + Guy Strale - Jean Demey - Mike Goyvaerts

Steve Lacy-Simon H Fell-Alex Ward-Joe McPhee-Jean-Marc Foussat-Sylvain Guérineau-

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Quod Jean-Marc Foussat Sylvain Guérineau & Joe Mc Phee FOU Records FR – CD 05
Une rencontre de deux saxophonistes, l’un ténor, Sylvain Guérineau, l’autre soprano, Joe McPhee avec un allumé du synthé aks, Jean-Marc Foussat. Si on ne présente plus Joe McPhee, un des artistes (afro-américains) et saxophonistes les plus demandés dans la scène « jazz libre » (avec Brötzmann, Gustafsson, Braxton, Evan Parker, William Parker, Roscoe Mitchell, Leo Smith, Matt Shipp etc… pour ceux qui écoutent assidûment les disques et cédés de musique improvisée, Jean-Marc Foussat n’est pas un nom inconnu. Certains des enregistrements de musique improvisée les plus essentiels ont été enregistré par ses soins, comme par exemple l’extraordinaire Aïda, le solo de guitare acoustique de Derek Bailey pour Incus, un sommet du genre et actuellement son label FOU relance l’intérêt pour la musique improvisée en CD : 28 Dunois 1982 avec bailey Lewis Léandre et Parker ou Annick Nozati avec Kpwald et Lazro aux Instants, excusez-moi du peu. Mais Jean-Marc Foussat est aussi un solide aventurier de la musique électronique versant improvisé. Tout comme Thomas Lehn utilise un vieux synthé analogique à fiches des années ’70, Foussat barbote avec des AKS et VCS 3, le modèle de Pete Townshend dans Won’t Get Fooled Again (1971). Bien sûr, si on compare avec le live signal processing de Lawrence Casserley, c’est un peu primitif. Mais avec de l’expérience et son imagination, Jean-Marc Foussat commet des facéties et des télescopages heureux avec les deux souffleurs qu’il a rassemblé dans son studio Pyjama ( sic !) pour une séance réussie. Le ténor rêveur et planté tangentiellement dans la tradition Hawkins Byas de Sylvain Guérinau, un allumé de la sphère free parisienne post 68, y croise les volutes du soprano de Joe Mc Phee. Deux belles voix du souffle dans le sillage afro-américain assumé. Bien que l’assemblage des trois personnalités est un tant soit peu disparate, la rencontre est initiée avec une remarquable alternance d’interventions équilibrées qui donne à chacun l’espace voulu, le choix du moment et nous rend lisible et évident le son et le phrasé de chacun. On appelle cela la démocratie musicale. En suivant l’évolution des échanges, on aboutira à des moments un peu fous où l’électronique  régurgite, saturée, la phrase musicale du sax ténor anticipant ou concluant avant que le soprano de Mc Phee ne lui réponde (au sax ténor ?), qui lui s’est soudain tu, par anticipation de l’instant où l’AKS ne veuille le suivre. Soit un étrange effet de miroir en trompe l’œil auditif. C’est à la fois subtil et faux premier degré et surtout efficace. Donc, un enregistrement  sincère et attachant de personnalités tranchées et qui  s’évertuent à coexister et dialoguer contre toute attente sans pour autant rechercher l’homogénéité à tout prix.  QuiproQuod sans quiproquos.

Gruppen Modulor  1 SFD Simon H Fell & Alex Ward Bruce’s Fingers BF123

Vendu sous forme digitale téléchargeable via Bruce’s Fingers et Bandcamp, Gruppen Modulor 1 et ses treize Cues numérotées de 1 à 13 est bien l’album indispensable pour quiconque révère un Anthony Braxton, mais aime les formes musicales plus épurées ou concentrées et est résolument « improvisation libre » Le lien ci-dessus vous permet d’écouter des extraits on ne peu plus convaicants. Avec des compositions courtes dont le temps moyen excède rarement trois ou quatre minutes et avec une seule pointe au-delà des six minutes à peine, l’écoute et l’attention sont concentrées sur l’essentiel, l’incontournable. Simon H. Fell est un contrebassiste exceptionnel du niveau Barry Guy, Mark Dresser, Barre Phillips et un compositeur parmi les plus profonds, les plus risqués de la sphère du jazz contemporain. Ou du contemporain qui sonne jazz de manière authentique. Son ami Alex Ward est un superbe clarinettiste qui rend parfaitement l’esprit et les nuances des intentions du compositeur et un improvisateur de haut vol. Art Blakey disait parfois méchamment de tel musicien de jazz « blanc » qu’il ne swinguera jamais aussi bien qu’au bout d’une corde. Au contraire, rarement un compositeur parfaitement au fait des subtilités de l’écriture des Boulez et Stockhausen n’aura jamais été aussi près du jazz qui swingue tout en étant à fond dans l’esprit de la musique contemporaine vingtiémiste du deuxième lustre ET de la Great Honky European Improvised Music (a/k/a GHEIM comme l’a baptisé feu Paul Rutherford). Il y a là tout ce qui peut dire et être dit avec une contrebasse et une clarinette. Chaque pièce développe une ou plusieurs idées, langages, moments, techniques, sonorités, silences, attitudes, combinatoires dans une veine polystyles d’un goût parfait. Et le tout concentré en une douzaine de pièces avec autant de poésie que d’efficacité. Le travail à l’archet du contrebassiste est supérieur et son approche rythmique au pizzicato est un modèle du genre dans l’alliage difficile de la complexité et de l’épure. Et son acolyte qu’on a entendu dans les fabuleux SFQ (Thirteen Rectangles BF 43) est un clarinettiste qui marie ou alterne le classique au free jazz le plus consommé. Un virtuose exceptionnel. Frank Zappa avait inventé, on s’en souvient, et montré l’exemple du concept de Xenochronicity. Simon H Fell est sûrement le compositeur et instrumentiste (et son propre interprète)  qui donne réellement vie à cette idée un peu folle. Donc ce tandem SFD est vraiment providentiel pour ceux qui aiment le sérieux et le profond dans la musique, sans l’esprit de  sérieux et le pathos qui va avec. Ici la musique excelle dans la légèreté, la nuance et l’invention, dans l’instant et dans la durée. On essaye vraiment de confronter des points de vue apparemment contradictoires  mais qui se complètent à merveille. Magnifique.

Steve Lacy CyclesHedges Sands Shots (1976-1980) double CD Emanem 5205


Après avoir publié l’intégrale du concert solo au Chêne Noir à Avignon (1972) avec des suppléments inédits (Avignon and Aftervol.1 Emanem 5023) et prolongé cet album par un volume 2 (Avignon and After vol.2 Emanem 5031, Martin Davidson continue son extraordinaire travail d’édition de la musique de Steve Lacy en solitaire, dédiée à son instrument, le saxophone soprano.
A l’époque où il parcourait le monde de Berlin à Rome, de Paris à Tokyo et d’Avignon à Montréal et New York, Steve Lacy jouait l’entièreté de ses compositions en solo. Les quelques albums édités dans les années septante ne retraçaient qu’une petite partie du répertoire très étendu de ces concerts, comme le disque Stabs (FMP SAJ) ou Clinkers(Hat Hut). Quant à son premier concert solo au Chêne Noir à Avignon, il fut très rarement disponible. En fait, je ne l’ai personnellement jamais vu dans un bac que ce soit neuf ou d’occasion. Donc si Steve Lacy est un artiste « archi-reconnu », il faut avouer que je découvre ici réellement l’étendue et la complexité magnifique de son univers musical « solitaire ».  Il aurait fallu  alors le suivre dans ses pérégrinations pour se rendre compte de la stature de son talent incomparable. Un très grand compositeur utilisant toutes les subtilités qui puissent être tirées d’un saxophone soprano sans jamais lasser l’auditeur. L’art de Steve Lacy rayonnait par une profonde chaleur humaine inscrite dans les timbres, les sons, les accents, les intervalles et un sens de la ritournelle réellement contemporain. L’expression de la réflexion sur la condition humaine. Le philosophe de la vie en musique.  Cette musique était arrivée à maturité entre 1973 et 1977 et on réalise aujourd'hui sa réelle importance. C'est à mon avis en solo qu'elle se distingue le mieux. Avignon volume 1 contient la série Clangs qui avait été enregistrée en duo avec Andrea Centazzo (Ictus 001 1976) et Emanem continue avec ce nouvel album Cyclesde dévoiler l’enchaînement de ces suites et leurs subtiles interconnections. Quelle surprise de parcourir un Cycle reconstitué avec les meilleures versions possibles de l’ensemble des compositions de Shots : Moms, Pops, The Kiss, Tots, The Ladder, Fruits, Coots et The Wire. Ces compositions avaient été enregistrées en duo avec le percussionniste traditionnel Masa Kwate pour le label Musica. On savait Steve Lacy le plus précis et le plus chatoyants des miniaturistes, on découvre un merveilleux architecte du temps et de l’espace dans la durée. Trois compositions de la suite Sands : Stand, Jump et Fall,  les cinq pièces du cycle Hedges, soit Hedges, Squirrel, Fox, Rabbit, Shambles et quatre morceaux « isolés », Follies Thought Wickets et Swoops complètent ce double album exceptionnel. Les cinq morceaux de Hedges avaient été publiés dans l’album Hat Art Ballets (1980). Le label Emanem rassemble une somme incontournable de l’œuvre de Steve Lacy qui s’élève aujourd’hui à cinq compacts.  Ceux que cette description intrigue ou inquiète seront médusés dès les deux premiers morceaux : Moms et Pops nous enfoncent et nous transportent dans le blues intégral. Steve Lacy fait figure d’intellectuel mais s’exprime avec ses tripes et une rare intensité.  Pas d’expressionnisme débordant, un lyrisme à la fois lunaire et ensoleillé. Je rappelle qu’il y a encore le merveilleux cd Hookyau catalogue Emanem qui contient la suite complète du Tao incluse dans un concert montréalais de mars 1976 particulièrement réussi. J’ajoute encore qu’Emanem publie l’historique Schooldays, un album mythique documentant le quartet de 1963 avec Roswell Rudd, Dennis Charles et Henry Grimes, consacré uniquement à des compositions de Thelonious Monk, parmi les moins jouées(Emanem 5016).  Arbre de Noël garanti !!





Canaries Foschia / Goyvaerts / Irmer / Georg Wissell @ "Resonare 10"

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“RESONARE 10”

- another evening presenting spontaneous composed nu music – 

November 29 – 8.30 pm (doors 8 pm)

ESPACE ÉTINCELLE
rue de la Victoire 158 Overwinningstraat
1060 Brussels (St Gillis / St Gilles)
metro : Porte de Hal / Hallepoort                                    
St-Gillis Voorplein / parvis St-Gilles

performed by :

CANARIES ON THE POLE

Jacques Foschia (be) clarinet, bass clarinet 
Mike Goyvaerts (be) flat drum percussion, objects, toys, voice
Christoph Irmer (de) violin
Georg Wissel (de) “prepared” alto & tenor saxes, objects, voice

This working band last around in Europe since twelve years now.
Every musician of this band has worked, recorded, with artists such as :
John Butcher, Michel Doneda, Jiji Duerinckx, John Edwards, Agusti Fernandez,
André Goudbeek, Tristan Honsinger, Peter Jacquemyn, London Improvisers Orch.,
Paul Lytton, Bart Maris, Gianni Mimmo, Jeffrey Morgan, Joker Nies, 
Tony Oxley, Evan Parker, Willy Van Buggenhout, J-M Van Schouwburg, 
Ken Vandermark, Fred Van Hove and so many beautiful musicians.

Income : 6 €
SPREAD THE WORD



Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz

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Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz
Leaving Knowledge Wisdom and Brilliance / Chasing the Bird ? 
8 CD Improvising Beings ib 25-26   
http://julienpalomo.bandcamp.com/album/leaving-knowledge-wisdom-and-brilliance-chasing-the-bird




Chronique premier jet dès le premier téléchargement.

Sonny Simmons
, sax alto légendaire rescapé de l’ère free-jazz et compagnon de route d’Eric Dolphy, Clifford Jordan, Charles Moffett, Elvin Jones, Prince Lasha etc.. avait disparu des écrans radar durant les années 80/90 jusqu’à ce qu’on retrouve sa trace avec Michael Marcus et Jay Rosen dans les Cosmosamatics qu’on a entendu sur le Vieux Continent avec quelques belles traces discographiques. Les labels Bleu Regard, CIMP, Soul Note, Boxholder, NotTwo ont livré neuf beaux témoignages de cette belle collaboration. Julien Palomo, le responsable du label improvising beings, et Roy Morris (Homeboy) avaient exhumé un extraordinaire témoignage de ses années de purgatoire en Californie du Nord. Live at Olympia and Cheshire Cat Club (Hello the World 2-3 /Homeboy) est un véritable brûlot tournoyant, une véritable musique de transe … comme peu des petits frères et cousins des McLean, Ornette et Dolphy auraient pu graver dans le … digital ou le vinyle… . Cet engouement transcendantal pour la spirale infinie fait de Sonny Simmons un être à part. Il avait co-dirigé un quintette très actif avec sa compagne Barbara Donald entre la fin des années 60 jusqu’en 1980 et collaboré avec Juma Sultan, leader de l’Aboriginal Music Society, ces deux groupes ayant été laissé pour compte par les critiques-organisateurs de poids en Europe. On le retrouve avec Brandon Evans à San Francisco et les deux compères enregistrent des gigs extraordinaires qu’Evans, élève émérite d’Anthony Braxton, publiera sur son label maison Parallactic, entre autres avec Anthony Braxton et un musicien indien.
Sentant son ami vieillir, Julien Palomo crée son label improvising beingspour produire les enregistrements d’artistes « historiques » écartés des circuits en Europe et ailleurs. Outre Simmons, il y a au catalogue François Tusquès, Itaru Okiet Alan Silva, de véritables pionniers du jazz libre et même de l’improvisation libre. Alan Silva et Burton Greene avaient co-dirigé un groupe avant-coureur dès 1963 et les idées d’Alan ont eu une influence prépondérante sur l’évolution de Cecil Taylor (cfr enreg. tournée européenne du Cecil Taylor Unit de 1966). De même, Palomo est un inconditionnel de Sabu Toyozumi, le percussionniste « free » le plus demandé au Japon et le seul batteur non afro-américain qui a fait réellement partie de l’AACM vers 1971-72. S’ il semble assez compliqué de s’y retrouver dans la masse des enregistrements de Toyozumi, afin d’en extraire d’autres albums révélateurs (avec Brötzmann, John Russell …), Palomo a veillé à peaufiner des sessions de Tusquès et de Sonny Simmons allant jusqu’à publier un bel album en duo (Near Oasis) de ses deux artistes fétiches. On trouve aussi Tusquès dans un double cédé solo inoubliable (L’Etang Change), Simmons avec la harpiste Delphine Latil (Symphony of the Peacocks) Itaru Oki en solo dans Chorui Zukan (admirable) et en duo avec le contrebassiste Benjamin Duboc, auteur lui d’un autre solo vraiment remarquable, St James Infirmary et collaborateur son du label. Julien Palomo nous prévenait qu’il était sur un gros coup discographique. Patatras, je recois un e-mail m’invitant à visiter Bandcamp et , incroyable, un coffret 8 cd à télécharger pour 18 eur ou plus selon votre générosité avec au centre Sonny Simmons, souffleur héros du label (à juste titre !).
Que faut-il en penser ? Et bien Leo Smith a tracé une série d’hommage à Miles électrique, Brötzmann a navigué avec le super groupe LastExit (w Bill Laswell, Sonny Sharrock et Shannon Jackson), Rob Mazurek et son Chicago Duo /Trio , sans oublier les initiatives d’Ashley Wales et John Coxon avec Evan Parker, Matt Shipp, Bennink etc… Pourquoi pas ? Sûrement ….
Un public « électrique »post-rock , psych-noise, ambient, …. y trouvera son compte. Car le travail est soigné, les différents participants créant de véritables tapis volants sonores pour le sax alto et le hautbois de l’alerte octogénaire, souvent très inspiré. Other Matter est un duo de Michel Kristof et Julien Palomo avec guitares et claviers trafiqués et un esraj in strument qui donne des allures Indiennes ( du Nord). Ils sont secondés par Bruno Grégoire. La musique se passe de rythmique basse batterie et se situe dans un autre temps que celui du « free-rock-jazz ». D’autres cédés nous font entendre les artistes électroniques Aka Bondage et Anton Mobin, très branchés free improvisation. J’ai croisé Aka Bondage avec plaisir : c’est un improvisateur sérieux. Car bien qu’Improvising beings soutient mordicus des artistes qu’on aimerait cataloguer « free-jazz », il ne faudrait pas s’étonner de les voir sortir un manifeste radical comme la collaboration de Sabu Toyozumi avec des musiciens belges, allemands et français publiée sous le titre Kosai Yujyo(ib008-009), soit « Vive l’Amitié » dans lequel on peut entendre votre serviteur ! (le britannique John Russell et la chinoise Luo Chao Yun n’y jouent que dans une plage mais pas n’importe laquelle).
Ici, on se perd dans les méandres des plages, le nombre étant augmenté par le fait que le site Bandcamp ne permet pas des morceaux supérieurs à 28 minutes tant que l’artiste n’a pas atteint un quota de vente de… 200 € ( !). J’ajoute encore que lorsque vous téléchargez des musiques sur Bandcamp, vous avez la garantie que les artistes sont le mieux payé possible par rapport à bien d’autres sites. En outre, ils respectent la qualité sonore des enregistrements originaux tant que faire se peut. Interdit au format mp3, Bandcamp exige le format wav. reproduisant le plus fidèlement possible la qualité du mixage et la dynamique sonore des musiciens.
Alors pour 18 eur pour plus de sept heures de musique à ce régime, c’est donné. Il me faudra du temps pour écouter tout cela, mais à partir du moment où cette esthétique vous intéresse et étant donné que ce travail fignolé est couronné par une belle prise de son, tant pour un Sonny Simmons inspiré que de ses partenaires qui n’ignorent rien des techniques de studio, on ne risque pas grand chose. J’ai fait des coups de sonde auditifs pour découvrir l’architecture et les détails de l’ensemble et une véritable cohérence se dévoile au fil des plages prises au hasard.
De la part de Sonny Simmons, rien d’étonnant. Il aurait déjà depuis longtemps produit de telles aventures si on lui en avait donné les moyens. En 1969/70, son studio à NYC était voisin de celui de Jimi Hendrix, le plus grand expérimentateur de studio de la musique afro-américaine de l’époque, et les deux hommes se fréquentaient comme le font tous les musiciens afro-américains d’envergure au-delà des esthétiques… les deux artistes ayant été tous deux marqués à vie par le bouillonnement coltranien. Hendrix ne présentait-il pas son batteur Mitch Mitchell comme « son Elvin Jones », batteur avec qui Simmons a enregistré pour Impulse ! . Cette initiative monumentale de Simmons, Palomo et leurs amis participe d’une entreprise de déconditionnement de l’appréciation de la musique, consciente que les problèmes de son, de rythmes, d’intervalles – harmoniques etc.. se posent d’une manière similaire quelques soient le style de musiques pratiquées. Derek Bailey avait initié une rencontre au-delà des styles – étiquettes – pratiques autour de l’improvisation libre faisant se rencontrer Steve Lacy et Lol Coxhill, des pianistes classiques ou des compositeurs avec George Lewis ou Fred Frith, permettant aussi à des activistes peu connus ou des insituables de se faire entendre au-delà des hiérarchies et surtout de l’image que le quidam ou le critique se construit avec sa grille d’analyse personnelle. C’est grâce à Company que Joëlle Léandre a eu le pied à l’étrier vers 1980. Palomo, Kristof, Anton Mobin et co se livrent à une démarche voisine mais dans un sens diamétralement opposé. La présence de Simmons et ses incantations apportent une véritable authenticité à cette boîte magique. Aussi, les albums des Cosmosamatics me font dire quel musicien nuancé, Sonny Simmons se révèle au fil de leur écoute attentive. Mis à part le phénomène Braxton, je ne connais que Jimmy Lyons et un Trevor Watts comme saxophonistes altistes à ce niveau de musicalité aussi fin… jazz « libre » s’entend.
Voilà je passe l’information, à vous de découvrir un OVNI discographique qui dépasse l’imagination ou l’imaginaire des puristes et si vous préférez le format physique, il y a 180 coffrets de 8 CD  à disposition chez improvising beings– Julien Palomo présentée dans un écrin vintage et un luxe de détails. Julien Palomo fait partie de ces incorruptibles et généreux enthousiastes qui ont nom Jacques Oger, Gérard Terronès et autre Bertrand Gastaut (Dark Tree, un nouveau venu) et dont qualifiera l’élan créatif jamais en défaut avec le nom d’un autre label idéaliste hexagonal, Amor Fati . Au diable l’avarice et les a-priori esthétocards : plus on est de fous plus on s’amuse et c’est bien le but.

Après rumination :

on frise le délire, l’indigestion, la redite,    et pourtant au fil des 46 plages téléchargées (dont les 8 premières sont des échantillons, samples en anglais) , on se rend compte que toutes les sessions ont été supervisées et conduites par Sonny Simmons avec un réel fil conducteur qui transcende avec fascination les différents stades du projet, ou plus exactement ses métamorphoses. On retrouve un peu partout des motifs mélodiques, des tournures et des accents qui se rappellent les uns aux autres comme dans un grand-œuvre prémédité. Au sax alto, Simmons se contente de jouer des motifs mélodiques au centre des dispositifs qui transitent du blues électro au free folk, du post-rock à l’ambient, de l’improvisation électronique à une musique d’Inde du Nord fantasmée (l’esraj de Michel Kristof). Il y a aussi des improvisations surprenantes dignes de quelqu’un qui a réellement compris au plus profond le message et le son de Charlie Parker de vivo.
L’Inde, dites-vous. Mais bien sûr ! Si Sonny Simmons joue du hautbois (excellement) c’est parce qu’il a été fasciné par Bismillah Khan , le maître du shenaï de la musique classique d’Inde du Nord. Ecoutez-le dans ses improvisations infinies des années septante et soixante et vous découvrirez qu’il est un maître des modes (échelles de notes dites modales) à l’instar d’un Coltrane, et tout comme Trane, fortement inspiré par la musique d’Inde du Nord. Coltrane n’a t-il pas baptisé son fils Ravi en l’honneur du sitariste Ravi Shankar ? Et bien, dans l’équipe à Palomo, son pote Michel Kristof voyage fréquemment en Inde afin de parfaire sa connaissance de la musique indienne.
La musique de ce coffret 8 cédés aurait pu être banale, bancale, ininspirée, un véritable bric-à brac. Mais l’obstination, l’amour du travail bien fait, la connaissance et la pratique de plusieurs univers musicaux, et des centaines d’heures d’enregistrements, de réunions, de mises au point, de séances de mixages font de cette suite créée entre 2007 et 2014 un labyrinthe onirique, une exploration d’univers en expansion qui se transcendent et se complètent tout en se distinguant. Au point de vue rythmique, on a évité les métriques, pulsations et surtouts beats et autres pilonnages coutumiers. Cette musique coule, s’étale, flotte, se répand quels que soient les univers abordés avec le même abandon. Il y a une grande différence entre le psychédélique exacerbé de Michel Kristof aux guitares et le travail du son contemporain et millimétré du sound processing d’Anton Mobin ou la guitare d’Aka Bondage reconstruite au travers de MxMsp. Quand la musique devient « abstraite » et éclatée , ce n’est pas avec demi-mesure et si elle est lyrique, c’est sans pathos. Un disque entier est consacré à Palomo himself aux synthés en duo avec Sonny Simmons.
J’avoue que généralement ce genre d’esthétique toute électrique, post-rock psyché etc.. ne m’intéresse pas beaucoup, mais il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas considérer la  valeur intrinsèque d’un travail magistral comme celui de Sonny Simmons, Julien Palomo, Michel Kristof, Anton Mobin, Nicolas AKA Bondage, Bruno Grégoire et nobodisounz. Je dois encore ajouter que le producteur Julien Palomo, une personnalité aussi modeste qu’idéaliste, ne s’est encore jamais produit sur scène avec le duo Other Matter ni un autre groupe d’ailleurs. Mais je peux vous dire que quantité de « pros » branché « poly-musiques » qui s’y croient n’ont pas le tiers du quart de son envergure d’artiste. La musique est faite pour nous enchanter et aussi pour ouvrir les esprits. Il existe sûrement un frange de public sensible à ces sonorités qui seront sans doute projetés « au-delà du miroir d’Alice »… et profondément touchés…
Chapeau Bas , la scène hexagonale peut être fière de zèbres pareils , c’est pas tous les jours..


Jean Michel VS acteur de la scène improvisée et vocaliste improvisateur ayant performé dans toute l’Europe sans avoir jamais suivi un seul cours de chant et stage à la con .

Everybody Digs Michel Doneda, The Recedents & Sven - Åke Johansson 's 80's Concerts cd box SAJ

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Everybody Digs Michel Doneda Relative Pitch RPR1027


  La pochette de ce superbe album solo de saxophone soprano fait référence à (et pastiche) l’album Riverside du pianiste Bill Evans « Everybody Digs Bill Evans » que Miles Davis, Ahmad Jamal, Canonball Adderley avaient préfacé de manière dithyrambique pour faire sortir leur ami et collègue du relatif anonymat dans le quel il se trouvait vers 1958. Ici, pas moins de sept saxophonistes "soprano" de jazz ou d’improvisation exploratoire, le domaine de prédilection de Michel Doneda, soulignent tout le bien qu’ils pensent de la démarche musicale de ce spécialiste français du saxophone droit et la qualité superlative de son travail instrumental. Un maître du saxophone soprano ! Evan Parker, John Butcher, Dave Liebman, Sam Newsome, mais aussi son compagnon de scène Bhob Rainey et deux sopranistes très remarquables qui ont travaillé tout leur Steve Lacy : l’italien Gianni Mimmo et l’américain Joe Giardullo. On a alors une pensée émue pour Steve Lacy, leur grand frère à tous et pour Lol Coxhill avec qui Doneda avait enregistré un bel album en duo, Sitting on your stairs(Emanem 5028 2011). Pour caractériser la musique de Doneda en schématisant, on pourrait dire que son point de départ se situe dans les avancées révolutionnaires de l’Evan Parker des Aerobatics(Saxophone solos de 1975 – Incus 19 réédition Chronoscope et ensuite Psi 09.01)  et de son duo sauvage et insaisissable avec Paul Lytton. La démarche de Michel Doneda se particularise par l'exploration sonore radicale où l’aspect mélodique (la régularité des intervalles) et la construction logique (le propre de John Butcher, un prof de maths) sont mises de côté au profit du son « pour le son ». Dès les premiers sons de la première plage, on a peine à croire qu’on entend un  saxophone et que les suraigus et la vibration presque métallique proviennent d’une colonne d’air … Une quête à la fois introspective  et sauvage où les timbres multiples rendus possibles par le jeu (des techniques de souffle alternatives et aléatoires) semblent livrés à l’état de nature non domestiquée.  L’instrument est particulièrement difficile à contrôler et, vu sous cet angle, M.D. en est un des grands maîtres vivants. Les paramètres du jeu de saxophone sont ici tordus, contorsionnés, les sons sont fragmentés, étirés, tire-bouchonnés, ou avalés/ recrachés à une vitesse exponentielle ou flottent dans une stase hyperbolique. Les timbres se succèdent sous des formes contradictoires, antinomiques… On a parfois le sentiment que la bande son est subitement accélérée ou savamment ralentie. Une forme de retenue contrôlée et une dynamique sonore surréelle se font jour, privilégiant les détails infimes, « microsons », multiphoniques, glissements entre les hauteurs de notes, harmoniques sifflées, morsures, bruitismes des clés, du bocal et de la colonne d’air. Parfois au bord du silence... comme dans ce fantômatique Canal…Et quand on a fait le tour de cette grammaire et de sa syntaxe, on oublie qu’elles évoqueraient un nouveau langage. Car la fascination des signes, des gestes, des mouvements du corps fait voyager l’imagination et touche au sensible le plus aigu. L’intérêt de la démarche de Doneda est qu’elle s’exprime comme dans un voyage au travers d’un paysage inconnu qui se développe et se métamorphose en nous d’une façon éminemment poétique. La logique du compositeur, de l’instant composer ou de l’improvisateur « à programme » s’est évaporée au profit des sens et leur quête instantanée. Dans la foulée des années 80 et 90, Michel Doneda était devenu « un musicien à suivre » notoire. On regrette que d’autres propositions musicales « improvisées », plus « énergiques », « commerciales » (disons-le), « productivistes », « médiatisées », etc… aient occulté un tel talent. Michel Doneda est un artiste improvisateur essentiel, aussi peu occupé de « concessions » que cette musique « improvisée-radicale» est sensée l’être.
Magnifique. Notons encore que le label CCAM Vand’Oeuvre vient de publier un fantastique et rare duo avec Fred Frith (guitare électrique) et Doneda (saxophones soprano et sopranino). Référence : Vand’œuvre 1440.  A ne pas rater !!

The Recedentswishing you were here : Lol Coxhill - Mike Cooper – Roger Turner Coffret 5 CD Free Form Association. Enregistrements de 1985, 1995, 2000, 2002, 2003 et 2008.
Les quatre premières plages du premier CD me sont familières, car non seulement j’étais présent lors du concert à Waterloo le 17 août 1985, mais qu’en plus … j’en fus l’organisateur. Le CD Emanem Waterloo 1985 d’Evan Parker, Paul Rutherford, Hans Schneider et Paul Lytton provient du même festival. Mike Cooper est un des trois explorateurs de base de la guitare « couchée » , traitée et manipulée avec des objets en tout genre, morceaux de verre ou de bois, vis, gommes, ressorts, boîtes, tiges métalliques, lames etc….  avant que cette pratique soit devenue une mode. Les deux autres sont Keith Rowe et Fred Frith qui ont tous deux joué et enregistré avec Lol Coxhill, un incontournable du saxophone soprano, inimitable. Notre saxophoniste adoré disparu a en commun avec Cooper une pratique « alternative » du blues, proche du jazz libéré. Ils se sont croisés durant les années soixante. Roger Turner est un explorateur de la percussion libérée comme il y en a quatre ou cinq dans cette scène (Lovens, Stevens, Lytton, …).  Le mélange improbable, parfois tangentiel ou explosif, de leurs trois pratiques et sensibilités différentes, si pas dissemblables, procure un état permanent d’anarchie et de surprise exploratoire et s’ajuste à l’écart de toute logique. Evacuons le définitionnisme et la mesure de toute chose vue sous la lorgnette du pseudo-rationnel… et amusons-nous ! The Recedents fut un groupe à nul autre pareil et pareil à rien d'autre et cette série d’enregistrements qui le prouve est complètement décoiffante. Les trouvailles sonores et accélérations de roulement tous azimuts de Roger Turner accrochent l’oreille et entraînent l’imagination dans un dédale volatile… Pendant qu’il ferraille avec un sens de la dynamique hors norme, Mike Cooper redéfinit la guitare sur table « amplifélectronoise ». C’est dans ce contexte que Lol Coxhill nous livrait son approche la plus sonique, la plus radicale… et puis tout à trac, un air caraïbe s’insinue… A la recherche des sons dans l’instant here and now… Au fil des ans, ce trio a peaufiné son approche en équilibre instable jusqu’au dernier concert … Mike Cooper met en vente ce magnifique coffret avec un livret contenant des photos improbables, des anecdotes, des textes, des reproductions de coupures de presse et d’affiches  qui nous replongent dans l’esprit de cette musique rebelle. Ecrivez-lui à cooparia@mac.com pour lui commander ce coffret ou adressez-vous à Improjazz.

The 80’s Concerts Sven Åke Johansson coffret 5 CD SÅJ 33/34/35/36/37
Rimski Wolfgang Fuchs / Mats Gustafsson / Sven-Åke Johansson Berlin 1990
ErkelenzdammRichard Teitelbaum /Sven-Åke Johansson Berlin 1985
Splittersonata Gunther Christmann / Wolfgang Fuchs / Sven Åke Johansson / Tristan Honsinger / Torsten Müller / Alex von Schlippenbach Bremen 1991
Umeà Gunther Christmann / Wolfgang Fuchs / Sven-Åke Johansson / Tristan Honsinger Umeà 1989
BBBQ Chinese MusicSteve Beresford / Rudiger Carl / Han Reichel /Sven Åke Johansson Paris Dunois1982



Excellemment enregistrés, ces albums livrés en coffret par Sven-Åke Johansson sur son label SAJ CD sont bien plus que des documents de l’époque glorieuse où la free-music improvisée libre européenne (et le « free-jazz ») connut une désaffection du public et des organisateurs festivaliers. Un événement ! Le suédois Sven-Åke Johansson est à la fois batteur de jazz à risques, improvisateur libre, compositeur, musicien expérimental, poète diseur spécialiste du sprechgesang, accordéoniste, artiste graphique et tout cela à la fois. Il fut parmi les premiers compagnons de Peter Brötzmann et de Peter Kowald durant les années 60, une aventure immortalisée par les albums légendaires For Adolphe Sax et Machine Gun. Il entretient une très longue relation de jeu et d’amitiés avec le pianiste suédois Per Henrik Wallin, un artiste fascinant qui nous a quitté trop tôt. Son duo avec Alex von Schlippenbach a enregistré à plusieurs reprises sur le label FMP (Live at Quartier Latin, Drive, Kung Bore) SAJ, le label frère de FMP a été baptisé de ses initiales après que son album solo l’ait inauguré (SAJ-01 Schlingerland Schwingungen). Il a travaillé aussi avec le saxophoniste Alfred Harth qui, à 16 ans, fut le premier pionnier recensé de l’improvisation tout à fait libre (Just Music Francfort 1965) sur le continent (Canadian Cup of Cofee SAJ). Trois des cd's de ce coffret nous le font entendre avec le saxophoniste sopranino Wolfgang Fuchs, aussi géant de la clarinette basse, un des plus grands souffleurs de cette scène. Le personnel de la Splitter Sonata est presque celui du disque Idyllen Und Katastrophen (Sven-Ake Johansson Po Torch 9). Idyllen und Katastrophen est l’album préféré de Gérard Rouy, le spécialiste afficionado FMPiste – inconditionnel des Brötz Kowald Schlipp Fred Lovens Fuchs Christmann Rutherford Parker Coxhill etc… -  le plus insigne de la francophonie. Gérard a vécu cette aventure en première ligne en suivant les festivals et concerts comme photographe et journaliste pour Jazz Magazine. Découvrir le coup d’archet oblique et le son extraordinaire de Tristan Honsinger survolé par les morsures explosives du sopranino de Fuchs, le chahut décalé des rimshots et friselis de SAJ au hi-hat, les grommèlements sussurés par Gunther C. dans la coulisse est le summum de la délectation. Entre eux s'installe une collaboration télépathique évitant le vulgaire "call and response" gestuel. Oubliez Company, AMM et trois kilos de CD’s des Brötzm et MatsG avec PNL…  Découvrez Fuchs et un Mats Gustafsson trentenaire citant Rimsky-Korsakoff scandé par le batteur dans un fameux squat Berlinois avant de s ‘éclater. J’aime par dessus tout le sens de l’espace dans les interventions percussives disruptives de SAJ, un batteur virtuose qui décale et décompose les gestes et rudiments traditionnels de la batterie attirant irrévocablement l'écoute et questionnant l'instant musical. Son jeu d’accordéon est plus que mélancolique et le gesprechgesang qu'il maîtrise à la perfection crée une dimension théâtrale vivante qui place la musique "abstraite" des Christmann, Fuchs et Honsinger dans un univers aussi ludique que familier. Le vécu de SAJ crée du sens complémentaire, supplémentaire avec la justesse de tons des  meilleurs acteurs. Du grand art. L'avant-garde pour tous ! Le Britisch Bergisch BrandenburgischQuartet avec Steve Beresford, Rudiger Carl au ténor, Hans Reichel et sa guitare et Johansson à l’accordéon vaut son pesant de schnaps et de schnitzel !! Dialogues et écoutes merveilleux entre ces personnalités que tout semble opposer !! Une musique chaleureuse et poétique. On est ici au cœur de la fabrique «musique-improvisée-européenne-radicale» dans ce qu’elle a d’irremplaçable. Vous rendez-vous compte ? TROIS CD’S AVEC WOLGANG FUCHS ! Fuchs est à Dolphy, ce que Evan est à Coltrane  !!!  FUCHS et un TRISTAN Honsinger épuré avec les facéties rythmiques de Sven Ake ………  Idyllen und Katastophen…. Et deux CD’s avec Tristan et Gunther Christmann, rejoints pour un cd par Alex von Schlippenbach et le contrebassiste Torsten Müller .... pffff ....  dingue !
J’arrête : plus que ça tu meurs … …… !!   John Corbett est un snob  !! 
Consultez : http://www.sven-akejohansson.com/de/ et commandez cela bien vite ...



Burton Greene, François Tusquès Red Dahl : Welcome to Europe

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Memento Mari : Welcome to Europe  18/12/14
Notre performance Memento Mari : Welcome to Europe s’est super bien déroulée devant un public ravi pour la Journée des Migrants ce 18 décembre à la Cellule 133A à St Gilles.
Ce spectacle mettait en scène le destin difficile et périlleux des migrants qui traversent la Méditerranée pour atteindre l’Europe, fuyant guerres civiles (Syrie, Lybie, Soudan), dictatures féroces ( Erythrée) et victimes de discriminations insupportables ou d’agressions terroristes violentes (Boko Haram)….  Et avec une pensée pour les 23.000 personnes qui ont disparu dans les flots de la Mare Nostrum. Une équipe de Memento Mari a séjourné à Lampedusa en septembre 2014 pour y présenter leur performance – installation – concert y jouer chaque jour et rencontrer réfugiés, migrants, travailleurs sociaux et artistes impliqués : Guy Strale, Marco Loprieno, Patrizia Lugo et Christian Vasseur. 
La performance Welcome to Europe  suit le fil d'émouvants témoignages vécus de plusieurs personnes ayant migré d’Afrique ou du Moyen-Orient et beaucoup souffert durant leur périple. Un poème de Guy Strale lu par l’auteur en introduction. Chacun des textes / extraits de dialogues sont lus par Patrizia, l’initiatrice de MM, l'actrice Laetitia Yallon et J-M Van Schouwburg, alors que des interventions improvisées s’insèrent naturellement dans le flux. Les musiciens : Christian Vasseur, luth, Marco Loprieno sax et clarinette contralto, Jean Demey, contrebasse et clarinette turque, Claudia Cancellotti violon, Macisse Vieira, guitare et balafon, Guy Strale, piano et percussions, Patrizia et J-M VS, voix. Une installation : des dizaines de bandes de tissus colorés imprimés de textes pendent sur les murs latéraux : tracés dans le tissu, des témoignages de parcours individuels de migrants rencontrés par les membres de MM ou rapportés par des témoins. Chaque tissu raconte une histoire souvent tragique. Sur un écran sont projetés des photos de Lampedusa : plage, mer bleue, bateaux, migrants, lieux, personnes, le cimetière… Soudain, une personne masquée, recouverte de vêtements et armée d’un sac de SDF pénètre sur scène et occupe l’espace durant les 45 minutes de la performance : la présence de la danseuse Sofia Kakouri transforme ce qui pourrait être une représentation en un moment de vie. Elle retire ses survêtements et occupe l’espace et l’attention des spectateurs par sa gestuelle, sa danse, son corps et son regard, vêtue d’une robe de chambre rouge de prisunic. La musique se métamorphose d’un thème rythmé joué par les cordes jusqu’à des improvisations dérivantes, un solo de sax sopranino. Nasser, Abu Bakar, Iyad, Victoria les dialogues et tranches de vie défilent jusqu’à ce que les noms repris en boucle débouchent sur « Welcome To Europe » Selon les spectateurs, le spectacle était émouvant, riche, rempli de sens et d’idées et a profondément touché chaque auditeur pour sa dimension humaine.
Après une rencontre avec le public, les musiciens se livrèrent à une improvisation collective où chacun apportait sa part comme une auberge espagnole où on sait partager, rire, écouter et terminer ensemble. Une réussite qui a reposé sur les épaules de Patrizia Loprieno et Marco Loprieno avec l'aide de chacun, danseur, musicien, diseur.... 

Georg Wissell - Joker Nies  Corpus Callosumhaha 1301  acheulian handaxe
Le label du guitariste Hans Tammen a frappé fort ! Joker Nies, un expert de l’improvisation électronique « sérieuse » ou « véritable », a longtemps travaillé avec un autre saxophoniste alto de Cologne, le californien Jeffrey Morgan, dans l’excellent duo Pair’a Dice (Snake EyesRandom Acoustics et Near Vhana Ninth World). C’était durant les années nonante. Corpus Callosum nous fait entendre son évolution vers plus de nuances et de raffinements sonores en compagnie de Georg Wissell, un des meilleurs saxophonistes alto improvisateurs de la scène germanique, et sûrement européenne. Un langage audacieux et contemporain et une technique superlative. Cela ne se sait pas, Wissell joue très régulièrement avec Paul Lytton dans la collaboration la plus risquée du légendaire percussionniste. Treize vignettes aux titres latins scientifiques (Facialis, Opticus,  Callosum, Vestibulocochlearis, Vagusetc.) nous font découvrir les possibilités infinies des saxophones préparés de Wissell et l’invention sonique de Joker Nies. Ces deux-là partagent le temps et l’espace en improvisant par la tangente, l’ellipse, sans sacrifier aux formules et au dialogue téléphoné, ni à la virtuosité gratuite. Un équilibre précaire, une cohésion dans la discontinuité assumée, sans verbiage. Un duo original qui cultive la recherche vers l’inconnu ! Remarquable.

Burton Greene – Lawrence Cook  A 39 Year Reunion Celebrationstudio 234 011

Présentés l’un à l’autre par Paul Bley il y a fort longtemps, le pianiste Burton Greene et le batteur Lawrence Cook cultivent ici l’art du dialogue anguleux dans une superbe construction collective. Tout comme Paul Bley et dans une voie moins éclatée que Cecil Taylor, Burton Greene utilise tout un savoir / expérience pianistique traditionnel dans une dimension étendue en cultivant l’aspect mélodique et rythmique tout le libérant des rythmes réguliers et redondants du jazz moderne. Greene a été un des pionniers de la libération du jazz aux côtés d’Alan Silva et de la légendaire chanteuse Patty Waters à une époque où cette musique était jouée dans des lofts poussiéreux et des salles d’arrière bar. Il trouve en la personne de Lawrence Cook, lui-même un pilier incontournable de la scène de Boston et collaborateur de Bill Dixon, un partenaire idéal pour mettre en évidence son jeu subtil et inventif, concis et aux intentions limpides. La substance plus que les effets pianistiques racoleurs. Une partie des compositions sont signées  par la chanteuse Silke Röllig avec qui Burton Greene collabore régulièrement et le pianiste les a arrangées pour ce beau concert. Cook est un batteur qui sonne comme un vrai batteur de jazz ayant vécu de l’intérieur toutes les mutations de cette musique. Sa sonorité est aussi authentique que superbe. Mark IV, une composition de Greene et du saxophoniste Jon Winter (compagnon de B.G. des temps héroïques), nous offre un beau développement polymodal remarquablement construit où la mélodie et le rythme s’enchâssent et se subliment avec un goût réel. Dans Insider Trading, Greene se penche sur la table d’harmonie pinçant les cordes de manière réitérative en privilégiant les nuances dans un beau dialogue avec le percussionniste, tout en questionnant les intervalles au clavier. Un pan entier de l’aventure du jazz et de sa remise en question par deux artistes sincères et sans compromis. Un beau moment.

Red Dahl SextetFrank Paul Schubert Paul Dunmall Hillary Jeffery Alex von Schlippenbach Mike Majkowski Yorgos DimitriadisFMR
Ces musiciens basés à Berlin ont profité du passage de Paul Dunmall dans leur ville pour faire une session. Frank Paul Schubert est un excellent saxophoniste alto incandescent qui chauffe son bec à blanc avec un style tout à fait personnel ! Propulsé par un tandem contrebasse batterie en symbiose et le comping enlevé de l’éternellement jeune Alexander von Schlippenbach, Schubert fait tournoyer les notes en les pliant et les retroussant hors de leur gangue tonale. En chemin, il est relayé par le trombone virevoltant de Hillary Jeffery, alors que le trio change de cap laissant un espace bienvenu au ballet des doigts du pianiste sur le clavier. Des moments intimistes émaillent la suite colorée des Dhal (White Dahl, Orange Dhal, Purple Dahl, Red Dahl, Turquoise Dhal et Scarlet Dhal) à la limite de l’évanescence ce qui permet de goûter aux magnifiques timbres des souffleurs et du contrebassiste et au tournoiement limpide des modes sur l’ivoire. Le jazz libre collectif qui évite les clichés du genre en donnant à chaque musicien le moment idéal pour développer son univers propre tout en secondant chaque partenaire dans un remarquable équilibre, toujours en péril. Dans le beau avant-dernier morceau, ils sortent des sentiers battus. Une belle rencontre.

François Tusquès Mirtha Pozzi Pablo Cueco Le Fond de l’Air improvising beings 31


Julien Palomo documente avec passion les multiples aspects de l’œuvre François Tusquès, un pianiste pionnier du jazz libre sans concession dès les premières années soixante et qui ces dernières années s’est trouvé complètement délaissé par les organisateurs, médias, clubs , collègues etc… Il a trouvé en Julien Palomo un ardent supporter de sa sensibilité musicale et de son humour. Vouloir cadrer Tusquès dans la scène improvisée et jazz contemporaine actuelle me semble aussi vain que stupide. On sent bien que trop d’incultes se permettent d’avoir un avis sur tout avant d’avoir vécu une expérience bien réelle dans cette aventure. Bien que issu organiquement de la pratique du jazz moderne tel qu’il était vécu à Paris vers la fin des années cinquante et durant les belles années soixante, François Tusquès ne s’est pas contenté d’assumer l’explosion du « free-jazz » mais de transcender cette aventure musicale et de la dépasser. Contemporain des Han Bennink, von Schlippenbach, Brötzmann, Evan Parker, Paul Rutherford et Derek Bailey (etc…) qui ont prolongé les avancées afro-américaines en faisant évoluer l’interactivité au sein de la musique libre pour lui donner une identité nouvelle (européenne ??) avec réel un contenu esthético-politique, et contrairement à eux, Tusquès s’est moins attaché à la création de formes radicalement nouvelles qu’à utiliser un matériau musical traditionnel, populaire, hors-champ du jazz moderne, pour servir la cause des travailleurs en lutte et de tous les laissés pour compte de la planète. C’est l’aventure de l’Intercommunal Free Dance Music Orchestra avec Jo Maka, Adolf Winkler, Michel Marre, Guem, Sam Ateba, Carlos Andreu, … qui a inscrit sa trajectoire dans une multitude de lieux de lutte plutôt que dans les festivals de jazz, même d’avant-garde. Le nom même du groupe fait allusion à la danse car il était plongé dans des rythmes tirés de traditions musicales celtiques, africaines, caraïbes, etc.. rythmes souvent endiablés, surtout dans le feu de l’action. Plus qu’une musique de scène, l’Intercommunalétait une musique de la vie et d’un combat social. C’est dans le prolongement de cette pratique de l’Intercommunal  que se situe ce très beau CD du Fond de l’Air en compagnie des percussionnistes Mirtha Pozzi et Pablo Cueco. Bâtissant un substrat polyrythmique mouvant et riche au moyen d’instruments « manuels » (n’tama, bombo, tamboril pour Pozzi et zarb, berimbau, càjon, quijada pour Cueco), les deux percussionnistes laissent le champ libre à François Tusquès pour tisser un remarquable tuilage polymodal sur la base de ces belles compositions. Il y a un Come Sunday pour se souvenir des grands mouvements syncrétiques du Duke qui ont ouvert, jadis, la voie à l’inspiration du pianiste. Et donc c’est un album puissamment ressenti par un pianiste inspiré et dont le style a acquis une cambrure très personnelle, une articulation jouée au plus fin de toutes les nuances pulsatives des trente doigts ici en activité. Dans la galaxie du jazz on trouve aujourd’hui (plus qu’hier) une quantité de pianistes au toucher mirifique, à la virtuosité confondante. Mais dans le domaine qui est le sien, François Tusquès est un musicien unique et très attachant qui se distingue du tout venant et surtout, un artiste qui dégage une qualité humaine profonde. Après l’Etang Change en solo sur le même label, voici un très beau et rare trio.


Guests : Nate Wooley & Paul Lytton Ikue Mori & Ken Vandermark Peter Evans PP Bon William Parker Tiziano Tononi Daniele Cavallanti

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En période de fêtes de fin d’année, on reçoit des invités pour se retrouver après une année bien remplie. Des invités ! Cela vient à l’esprit qu’il existe une tradition bien ancrée dans la musique improvisée d’accueillir ou d’inviter un troisième ou quatrième larron dans un groupe constitué pour un deuxième ou troisième set. Qu’il s’agisse d’un nouveau challenge et d’assumer son appétit d’improvisateur créateur avec un « risque » supplémentaire. Ou simplement faire preuve de courtoisie avec un camarade présent avec qui l’un d’entre eux a déjà une relation musicale. Quand ce n’est pas de se commettre avec un invité de marque, qui soit « fait monter le niveau » ou prouve que ceux qui invitent sont largement des alter-ego. Dans un univers artistique où une bonne partie des auditeurs et des critiques cultivent les références, c’est une manière de se constituer un C.V. appréciable. Il fut un temps lointain où les jazzmen US d’envergure ou « notoires » en tournée jouaient avec la fine fleur de la scène « locale » et les musiciens s’adaptaient. On pense à Han Bennink et Misha Mengelberg enregistrant le Last Date d’Eric Dolphy.
J’ai donc rassemblé quelques exemples d’invitations « sur disque » en m’attachant au simple bon sens du plaisir de l’écoute.

The Nows Paul Lytton & Nate Wooley + Ikue Mori & Ken Vandermark Clean Feed CF260cd

Fantastique trompettiste et percussionniste hors-pair ! Mais ce qui rend le jeu de Nate Wooleyintéressant et passionnant, c’est son expressivité sur les accents à contre-temps, le timbre volontairement saturé, ces notes tenues dans un growl indéterminé et cette articulation pleine de contrastes et d’aspérités. Semblant moins acrobatique et époustouflant que son ami Peter Evans, qui lui joue fréquemment avec Evan Parker, l’alter-ego du percussionniste, son travail n’en est pas moins tout aussi remarquable. Toujours sur le fil du rasoir, son jeu est tendu et s’envole dans plusieurs affects sonores presque divergents tout en poursuivant une construction obstinée. Il est suivi par l’imagination folle de Paul Lytton, virevoltante, aléatoire, basée sur un découpage décoiffant de la polyrythmie avec une logique imparable, mais surprenante. Les objets secoués, frottés, jetés,  les battements décomposés, accélérés, l’hésitation, le nonsense ludique, le souci extrême du détail et de la diversification des frappes jusqu’à l’absurde, rendues semi muettes en raison de l’encombrement des caisses par les objets (ressorts, blocks, boîtes, grattoirs, métaux, tubes etc..), tout contribue à créer le mouvement, un mouvement qui repose non pas sur des points d’appui, mais dans l’espace, la lévitation. La gestuelle se fait ténue lorsque le souffle s’immobilise dans le grain de l’air pressé au ralenti. Ces deux personnalités focalisent communément leur recherche sonore à travers un sens aigu du rythme. Une conscience/expérience exceptionnelle de toutes les permutations possibles des pulsations.  La dynamique du son est aussi au centre des préoccupations et la musique développe un autre univers que celui du Trio avec Barry Guy et Evan Parker. Ici, Paul Lytton se révèle plus léger mais tout aussi puissant, tout en restreignant sur le volume. Sur deux morceaux chacun, l’électronique millimétrée d’Ikue Mori et le souffle charnu de  Ken Vandermark s’ajoutent au Stone (NYC) et au Hideout (Chicago) respectivement. On rencontre Nate Wooley dans une multitude de projets, mais Lytton se concentre soit sur le trio avec Parker et Guy et ses ramifications ou dans ce super duo avec Nate Wooley. On lui connaît encore une association avec le brillant saxophoniste Georg Wissell. Mais ces trois "commitments" sont essentiels et se suffisent à eux-mêmes. Paul Lytton n’a jamais eu besoin de s’éparpiller pour exister. Ayant toujours été fasciné par la trompette, et on lui a connu des épisodes remarquables avec Kenny Wheeler, Marc Charig et Toshinori Kondo, Lytton a trouvé chez Nate Wooley un interlocuteur parfait. Et il semble bien que dans ces échanges qu’éclot de la manière la plus convaincante, la vision originale, vivante et acérée de l’embouchure de ce trompettiste amplifié. Elle est mise en valeur par le sens de l’épure du percussionniste, du genre à faire quatre choses à la fois mais sans jamais encombrer l’espace sonore, et par sa capacité à réorienter le discours au départ d’un simple incident, comme s’il tirait son inspiration des accidents de son propre jeu. Ce n’est pas leur premier disque, mais on trouve dans The Nows une dimension à la fois chercheuse, insaisissable et majestueuse. A suivre absolument, après creak 33 (Psi) the Seventh Storey Mountain (avec David Grubbs, Important Records), Paul Lytton – Nate Wooley (Lp Broken Research) et Six Feet Under (avec Christian Weber, No Business lp), les 35 minutes de Free Will Free Won’t live at The Stone synthétisent et résument tout ce que ce duo fantastique a à nous donner. La première écoute terminée, on en jetterait les autres disques. A l’époque du vinyle, cet unique set de concert aurait fait un imparable album dans les catalogues Incus ou Po Torch, une merveille entre The London Concert et Live at The Unity Theatre ou à côté de the Was it Me et de The Last Supper.  Dans ce Free Will, leur histoire se métamorphose dans des permutations insoupçonnées créées par leur sens inné et ingénu de l’improvisation et la magie de leurs techniques alternatives. Avec le format du cédé, on a droit à un concert complet et l’intérêt de leur duo est qu’il s’ouvre à d’autres artistes en remettant en cause toutes les données et la dynamique de leurs échanges. Les boucles soniques colorées d’Ikue Mori tournoient dans le champ auditif, cernées par les effets des pistons et la pression des lèvres sur une colonne d’air saturée dans le diaphragme du haut parleur de l’ampli.  L’électronique trace des giclées qui se meuvent avec grâce dans le spectre sonore alors que les frappes du percussionniste feignent l’hésitation. Dans ce contexte, le jeu haché, sifflant et vrombissant de Wooley avec les sourdines qui en découle est une pièce d’anthologie. S’établit un trilogue remarquable où accents, libres contrepoints, éclats, tensions, grondements, ponctuations, se diffusent sans arrière-pensée comme une dérive assumée. Faisant suite au tour de force – manifeste de Free Will Free Won’t, sa réplique sur le CD 2 (live à Chicago), où le déroulement et la stratégie est remise entièrement à plat, se régénère au point que la musique du duo ne sonne vraiment pas pareil d’un disque à l’autre (Men Caught Staring).  Les autres séquences en trio témoignent de la capacité de créer de nouveaux équilibres, quelque soit le style de l’invité, ici un Vandermark « plus jazz ». Celui-ci a fort heureusement bonifié son jeu à la clarinette basse au point de vue de l’articulation et de la maîtrise du son,  libérant réellement une émotion véritable. Lorsque j’avais découvert KV jouant de la clarinette basse à la fin des années nonante, son jeu semblait en deçà de ce lui de ses partenaires (Hamid Drake dans DKV « Baraka » ou Lytton dans les English Suites/ Wobbly Rail),  maintenant, il impressionne tout autant que Rudi Mahall ou Paul Dunmall. Donc un double cédé très stimulant avec trois univers différents en fonction des personnalités musicales impliquées. La pratique de la musique libre n’a pas de frontières pour les musiciens, seulement pour les exégètes des signes. 
A consulter : http://natewooley.com/pottr 

The Freedom Principle Rodrigo Amado Motion Trio & Peter Evans No Business NBRCD 067
Piero Bittolo Bon‘s Lacus Amoenus The Sauna Session Long Song Records LSRCD 132/2014 (avec Peter Evans).

Deux cédés featuring Peter Evans coup sur coup en compagnie de groupes de l’Europe du Sud, au free-jazz aussi différent qu’il est possible. Rodrigo Amado est un puriste du sax ténor libre lié au jazz libre afro-américain avec un jeu un brin staccato qui évoque les idées de Roscoe Mitchell et les Dewey Redman  et Frank Lowe de notre prime jeunesse. Il a un coeur gros comme ça et trace sérieusement un sillon fertile avec une belle méthode et une émotion engagée et sincère.  Le batteur Gabriel Ferrandini et le violoncelliste Miguel Mira forment avec lui le Motion trio, le violoncelle étant joué principalement en pizzicato. Piero Bittolo Bon, lui, joue du sax alto et du « mighty contrabass dubstep pocket reed trumpet » ce qui fera dire à certains que c’est un rigolo, chose que confirmerait la pochette style bédé potache en trois couleurs. Lacus Amoenus est un groupe free-jazz relativement punk qui ne se prend pas au sérieux avec le guitariste Simone Massaron (electric et acoustic guitars, fretless guitar, lapsteel guitar, effects), Glauco Benedetti au tuba, le batteur Tommaso Capellato et Peter Evans, crédité trompette et piccolo trumpet. Quand on tend l’oreille, Bittolo Bon est un sérieux client qui a une bonne culture pratique du jazz. Le groupe dépote et déménage avec ou sans clin d’yeux avec une réelle efficacité. The Freedom Principle a l’avantage de laisser toute la latitude à Peter Evans pour nous esbaudir de la plus musicale des façons. C’est à mon avis, du point de vue de la créativité du trompettiste, une situation plus ouverte que celle du MOPTK, groupe avec lequel Evans a pas mal enregistré et qui se consacre aux compositions entre le free et le « bop » du bassiste Moppa Elliott dans une optique assez sarcastique-fun (avec Jon Irabagon, Elliott et Kevin Shea). Comme les cd’s auto-produits de Peter Evans ne sont pas aisés à se procurer, on ne reniera pas le plaisir intense de parcourir les slaloms pyrotechniques du trompettiste et leur grande musicalité / complexité émaillés d' accidents de parcours imprévisibles . On peut difficilement comparer un tel phénomène et son style est absolument unique en son genre. Cette technique hallucinante est à la hauteur d’une imagination inventive. D’ailleurs, durant l’improvisation de Shadows, Amado joue une manière de riff, ressassant des sons bien timbrés en boucle sur un motif de deux notes, laissant le champ libre à son invité. Dans Pepper Packed, où le trio prend l’initiative, Evans termine sobrement avec une seule note et un effet de sourdine. En ce qui concerne Amado, j’aime particulièrement le cheminement de son improvisation dans le premier morceau de 26 minutes qui donne son titre à l’album où il travaille un motif épuré fait de riches intervalles avec une sonorité chaleureuse et une belle détermination un peu monastique. Il se conquiert une belle liberté et finalement, c’est un bon disque.
Le projet Lacus Amoenus est un croisement entre une approche  savante et éduquée du jazz libre (PB Bon et Evans) et un esprit punk (la guitare de Massaron) où le côté parfois noise du trompettiste trouve un exutoire. Onze morceaux où on ne se prend pas au sérieux tout en jouant solide et dans lesquels Evans s’intègre parfaitement. Les titres sont à coucher dehors mais la musique est vraiment bonne et la capacité à jouer « lisible » et efficace du batteur et du guitariste apporte une dynamique bienvenue. Des changements fréquents de registre et de rythmique et l’utilisation intelligente des effets stimulent l’écoute et l’attention, mettant en valeur la présence de Peter Evans. Il y fait son travail avec la plus haute conscience musicale enrichissant chaque séquence où il intervient par des nuances toujours renouvelées et des idées remarquables. Comme ce beau duo guitare acoustique et trompette dans le troisième morceau. Excellent! Un beau travail collectif ! Et Evans se révèle l’héritier le plus sérieux de Booker Little, Kenny Wheeler et du Toshinori Kondo de 79/80/81 et un des musiciens les plus originaux d’aujourd’hui.

The Vancouver TapesUDU CALLS featuring William Parker. Long Song Records LSRCD 135/2014

Image très floue sur la pochette (peinture ??), enregistrement à Vancouver en 1999, nom de groupe improbable. Les titres : Subterranean Streams of Consciousness, Shadows of the Night. Un moto dans le texte de pochette : My Roots are in my record player. Ne vous fiez pas aux apparences, William Parker joue ici avec deux grands du jazz libre européen en apportant toutes les couleurs requises (flûtes, guimbri) : le batteur Tiziano Tononi auteur de la longue suite de 42 minutes de Streams et de Shadows et son acolyte de toujours, le saxophoniste Daniele Cavallanti. Superbe, épique, intense et du point de vue du saxophone ténor, de haute volée. Quant au sax baryton, c’est vraiment du solide ! William Parker a souvent joué avec les regrettés Glenn Spearman, David S Ware et Fred Anderson, sans oublier Edward Kidd Jordan. Cavallanti tient la comparaison à son avantage : son abattage et l’articulation de son jeu s’imposent naturellement. L’enregistrement n’est sans soute pas idéal, mais la qualité de la musique jouée est indubitable. Quand Tononi empoigne ses congas, on entend assez clairement la basse de Parker vrombir et tressauter d’aise dans ses grands écarts africains. Il y a une réelle dimension africaine et caraïbe dans leur musique libérée des carcans du jazz de festival bien-comme-il faut. Une authentique célébration du rythme et de la frénésie de la musique afro-américaine  des Coltrane, Blackwell, Cherry. Des types avec un tel métier pourraient se contenter de faire du jazz rondouillard pour magazine cucul et sillonner tous les festivals bien-pensants. Ils ont choisi une voie authentique, engagée et difficile (tenir la scène avec un morceau de quarante minutes !) dans une musique mouvante qui se réfère à la Great Black Music militante. Et qui se teinte d’orientalisme dans la deuxième partie (Shadows of the Night, 33 :31) avec le ney de William Parker (ou Cavallanti) et le tabla de Tononi pour retrouver ensuite des accents africains inédits. Malgré la durée en dizaines de minutes, le temps passe très agréablement. C’est un peu dommage que le son de l’enregistrement n’est pas tout à fait à la hauteur, surtout pour pouvoir goûter l’interaction batterie et basse, mais suffisant pour que le plaisir de la découverte reste intact. Cavallanti évoque un penchant rollinsien avec une puissance et un mordant qui ne trompent pas. Et finit par évoquer Albert Ayler le plus simplement du monde dans l’esprit de la fameuse suite de Don Cherry. C’est dire ! Remarquable !! 

François Tusquès Françoise Toullec Eric Zinman Laissez l'esprit divaguer studio 234 

Enfin pour la bonne bouche, un production du pianiste Eric Zinman (du Massassuchetts), où dans un double cédé du label studio 234"Laissez l'esprit divaguer" (en français dans le texte), le pianiste pionnier du free-jazz hexagonal François Tusquès rencontre successivement la pianiste Françoise Toullec et Zinman lui - même. Un enregistrement réalisé à France - Musique par Anne Montaron et une rencontre dans chez le réparateur de pianos Fred Mudge où les deux pianistes se partagent alternativement un "9ft Concert Grande Mason Hamlin and a 1880's 85 notes 7ft Steinway A". Goutte à goutte, par vagues ou en perlées, avec le bruissement des préparations, dodécaphonismes ou bartoquées, anguleux ou arpégiés, voici chaque fois deux pianistes qui s'invitent l'un ( ou l'une) à l'autre dans une belle synthèse / symbiose / communion. C'est en tout point remarquable, car il y a très peu d'occasions enregistrées où des pianistes vraiment intéressants jouent en tandem. On connaît les duos d'Alex Schlippenbach et Aki Takase ou ceux d'Howard Riley et Keith Tippett. le titre Laissez l'esprit divaguer suggère que les musiciens ont laissé venir naturellement les choses et tirer parti à la fois des instruments et de leurs spécificités musicales respectives. Outre le fait qu'ils partagent un prénom dans les deux genres de la langue française, Françoise Toullec a un sérieux parcours dans la musique contemporaine et François Tusquès a travaillé le piano préparé dans l'improvisation à une époque où c'était peu courant dans le jazz libre. En outre les deux pianistes voulaient se rencontrer pour partager leurs musiques et leurs émotions. Une fontaine de jouvence... pi-Ann'-eau ou pie à nô, ou Pi-anneau ! Je fais mon FrançoisTusquès ! J'aime particulièrement les sons de leur rencontre ( 2007 , déjà !). Avec Eric Zinman, c'est la face cachée du jazz qui est sollicitée. L'esprit des pianistes new yorkais soutenus par le label Chiaroscuro de Hank O'Neal , comme l'inclassable Dave MC Kenna où rode l'esprit de leur inventeur à tous, le génial Earl Hines. La pochette est ornée d'une belle toile de Linda Clave. Je m'arrête pour souper des restes des invités et aussi pour goûter de cette belle musique de claviers en toute quiétude sans devoir agiter mon clavier virtuel. 
Bonne écoute ! Joyeux Noël et Bonne année.
  

Guazzaloca/Magliocchi/ Viegas, Denhoff/Philipp/Fischer, Nate Wooley, Günther Christmann

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Live at Leggere Strutture  Joao Pedro Viegas Nicolà Guazzaloca Marcello MagliocchiWhite Noise Generator (Bari Italia)

Trio souffleur piano percussions comme au bon vieux temps de la free-music teutone (ou testostérone !), mais avec une réflexion, un temps relâché, le sens de l’espace, une profondeur. Savoir prendre le temps de jouer, d’écouter, de répondre, de questionner, de chercher, de risquer. Une dimension aérienne, cagienne, une dissection des échanges. La vitesse est mise de côté pour la finesse dans ces deux pièces de 13 et 22 minutes.  Enregistrées dans un lieu appelé Leggere Strutture, soit structures légères, le titre de l’album et l’affect de la musique évoque la fragilité précaire de notre scène improvisationelle. Equilibres instables en perpétuel rétablissement à la recherche de l’infini.  Le pianiste Nicolà Guazzaloca, un véritable virtuose, joue ce qui doit être joué et laisse ainsi l’espace et le temps nécessaire au percussionniste Marcello Magliocchi de laisser mourir dans le vide la résonnance de ses gongs frottés sous les ondulations de la colonne d’air de la clarinette basse de Joao Pedro Viegas. Celui-ci fait chanter et osciller les harmoniques en crescendo du piano pp jusqu’au mezzoforte d’une seule respiration. Jamais démonstratif, un lyrisme à la fois austère et chaleureux. Quand vers la 14èmeminute, le pianiste prend l’initiative avec des ostinatos mouvants, les deux acolytes créent des commentaires discrets comme s’ils jouaient sur la tangente. Un momentum intense intervient vers la fin du deuxième morceau et les baguettes fouaillent sur la surface des peaux et des objets s’immisçant dans le clair du clavier mobile. Chaque mouvement passe par une phase transitoire au bord du silence où un des membres du trio (et jamais le même, ni de la même façon) introduit la séquence qui suit. Ce processus naturel s’apparente à la composition instantanée où la spontanéité et la logique d’une construction musicale ne font plus qu’un. Il y a une saveur méditerranéenne dans cette musique, jouée par un portugais et deux italiens. Une véritable communion sonore et musicale par trois acteurs incontournables d’un mouvement de fond qui s’étend à l’ombre de la scène médiatisée des festivals et clubs importants. Ciao !

Trio Improvisations for campanula , bass & percussionMichael Denhoff, Ulrich Phillipp Jörg Fischer sporeprint 1408-3 (a/b) 2CD


Quand vous lisez le nom du contrebassiste Ulrich Phillip sur un cd de musique improvisée, vous pouvez être sûrs qu’il s’agit de musique de haut niveau et qu’il y a quelque chose de spécial, une approche qui transcende et dépasse la lingua franca de l’improvisation libre. Michael Denhoff, aussi compositeur contemporain, joue principalement du violoncelle « campanula » créé par le luthier Helmut Bleffert (http://www.bleffert.eu/html/the_campanula.html ). Il s’agit d’un violoncelle auquel on a jouté seize cordes sympathiques. Le nom de l’instrument se réfère à  la fleur du même nom. Produit par l’excellent percussionniste Jörg Fischer (qui a aussi enregistré avec Peter Brötzmann pour le label NotTwo), ces Trio improvisations développent une superbe interaction entre une percussion aérée et colorée avec subtilité et deux instruments à cordes frottées qui nous font entendre le grain délicat et les chatoiements du travail minutieux à l’archet de ces deux orfèvres que sont Ulrich Philipp et Michael Denhoff. Uli Philipp a un des plus beaux coups d’archets de la musique improvisée et est aussi un explorateur sonore remarquable. Il est sûrement un des cordistes les plus appropriés pour jouer et improviser avec Michael Denhoff et son instrument très particulier. Les couleurs et nuances pleines d’harmoniques que ce très remarquable musicien obtient, grâce à l’action des cordes sympathiques, confère une aura féérique à la musique du trio. La campanula est un instrument idéal pour l’atmosphère de la musique de chambre. Jörg Fischer traduit cette approche à merveille par des sonorités choisies et un sens de l’espace remarquable. J’ai écouté les deux cédés sans me lasser et il serait vain de vouloir décrire le déroulement des pièces tant la musique surprend et coule de source. Les trois musiciens prennent le temps d’y développer de belles idées avec une richesse sonore somptueuse, jouant « lentement » en y incluant la vitesse de manière subtile. Un titre s‘intitule FreMuCo et fait référence au label et au collectif Free Music Communion des premières années 80, dont le contrebassiste Torsten Müller fut un membre actif.  Ce label FreMuCo n’est même pas listé dans la galaxie des labels du site http://www.efi.group.shef.ac.uk . Il a fort à parier que ce sera le cas de Sporeprint, si trop peu d’entre nous ne cherche à les écouter. Sporeprint a aussi publié Free Music on a Summer Evening du trio du trompettiste Marc Charig avec Jörg Fischer et le contrebassiste Georg Wolf, celui-ci ayant aussi enregistré en duo avec Ulli Phillipp (Tensid Nur Nicht Nur).  Une petite merveille à dénicher via Improjazz.

Seven Storey Mountain III & IVNate Wooley Pleasure of the Text / POTTR 1301
Seven Storey Mountain I réunissait Nate Wooley, Paul Lytton et David Grubbs à l’harmonium (Important Records). Ce double cédé présente les chapitre III et IV de cette Montagne de Sept Étages, concept composition en évolution avec orchestre à géométrie variable qui s’inspire et ou synthétise les univers de La Monte Young, Steve Reich, le free jazz et le noise. Outre Wooley, Lytton et Grubbs (à la guitare électrique), le batteur Chris Corsano, C Spencer Yeh au violon électrique, Matt Moran et Chris Dingman aux vibraphones. Le premier cédé contient les 60 minutes de Seven Storey Mountain III qui débute par quelques notes des vibraphones et leurs résonances énonçant lentement note par note un thème qui se construit peu à peu en faisant entendre chaque intervalle et sur lesquelles viennent se poser un unisson de la trompette et du violon qui disparaît en decrescendo et réapparaît de même un peu plus tard. Au fur et à mesure que défilent les intervalles et le son suspendu des lames métalliques, l’unisson trompette (amplifiée ?) et violon reparaît et s’efface sonnant  ensuite comme l’harmonium de Grubbs dans SSM I  et le motif du vibraphone s’égaie et diminue laissant l’espace à un drone aérien. La trompette acoustique et la bande magnétique ( ?) reprend ensuite une note continue suive ensuite par le violon électrique qui émet un drone très légèrement mouvant sous laquelle sourd un battement de caisse presqu’inaudible et de faibles grésillements. Les deux vibraphones se sont tus. Petit à petit, les deux percussionnistes font croître un échange improvisé poussant le drone du violon de C Spencer Yeh à plus d’expressivité. Entre en scène la guitare électrique indéterminée et dès lors le violoniste inclut une ou deux autres notes en activant le mouvement de l’archet alors que le duo de percussions se fait de plus en plus présent. On est passé insensiblement d’une musique minimaliste à un continuum post-rock noisy(je ne dirais pas bruitiste) où coexiste stase et mouvement, déchirures de la guitare saturée et sciage obstiné du violon. La trompette amplifiée ( ou je ne sais quoi) produit un effet d’harmonium et les percussions virevoltent. A mon avis Lytton ou Corsano tout seul aurait suffi et surtout la percussion n’est pas bien enregistrée ou alors c’est voulu à l’instar de certains disques mythiques du rock alternatif qui ont été mixés à toute vitesse, créant un effet sonore non voulu, mais apprécié dans la légende. Impossible de mesurer le temps et aussi parfois de distinguer qui fait quoi ce torrent de sons, percussions, guitares noise et électro, lequel devient ennuyeux lorsque j’atteins la 25 éme minute dans un capharnaum noise relativement informe. Il y a un effet de crescendo qui n’est pas bien rendu par l’enregistrement, mais ce n’est pas grave. Disons que cela fait branché. A la minute 28, je me dis : il reste encore 11 minutes. La trompette est traitée noise avec un ampli. Ah oui, à la minute 30, il semble que les sept étages de la montagne sont gravis : on croit entendre des clochettes (les lames de vibraphones assourdies), un son électronique planant et le violon jouant une note continue... A la fin, quand le drone décroît, les vibraphones réitèrent les notes du départ. Une bonne branchouille pour des auditeurs qui ont une expérience musicale différente de la mienne. Vous pouvez en faire un cadeau à un branché et vous reportez au merveilleux duo creak 33 de Lytton et Wooley sur Psi et leur récent double cédé The Nows (Clean Feed) si c’est l’improvisation radicale qui vous intéresse. Là, je vous garantis de l’excellente musique comme je l’ai décrit dans une précédente chronique. Enfin, il faut de tout pour faire un monde. Si j’ai le courage, je chroniquerai le cd deux… (Ecrire prend du temps).

dialog(ue)s,  interaction of music and drawingGünther Christmann  cello & trombone JörgHufschmidt drawing on snaredrum.  Ed Explico 17 un cédé et un dvd. 80 copies limitées et numérotées et 14 copies en édition spéciale avec 14 reproductions laser des dessins de JH dans une boîte en bois recouverte d’un verre réalisé par GC. Enregistrements les 7 et 8 mars 2013.

47 minutes pour 16 dessins de Jörg Hufschmidt sonorisés par le violoncelle ou le trombone de Günther Christmann, les dessins 10 à 16 étant visibles sur le dvd de 16:30. Dans le jewel box, on trouve quelques reproductions des dessins au format pochette cd. La musique est à la fois faite par le dessinateur et le musicien de manière à ce que ces dialog(ue)s  en soient vraiment un , ou des. Les sons de la caisse claire de Hufschmidt sont émis par son travail sur le papier par frappes, coups, grattages, frottements etc… mais ce n’est pas de la « batterie » La dynamique mouvante et superbement nuancée du violoncelle et son sens inné du crescendo/ decrescendo sur la moindre note rendent cette interaction éminemment musicale. Comme toujours, Christmann a le sens de la forme de l’instant. Son esprit et sa sensibilité insuffle une émotion retenue, une aura sonore unique quelque soit l’aspect de son travail au violoncelle au pizzicato ou à l’archet « écrasé » ou tendu en passant de l’un à l’autre. Dans le n°6, il y a un véritable dialogue rythmique entre les deux. Intervient alors le trombone et ses sussurements, , sauts de registres, percussions de l’embouchure, effets de souffle, tremblements de lèvres, suraigus, vocalisations étouffées, harmoniques fugaces, articulations rapides de quatre sons aussi éloignés qu’il est possible, suraigus sifflés, etc... Epure du mouvement et sonorisation du geste, son improvisation, qui semble décousue, crée une structure qui se superpose au gestes du dessinateur et crée un grand moment musical (4 :58). Le n° 8 va encore un peu plus loin pour répondre aux grattages du dessinateur qui fait carrément grincer et siffler la peau ou l’outil. Les gestes et le trombone ne font parfois plus qu’un. Et puis l’articulation du tromboniste assemble les morceaux épars de son trombone et des timbres hors champ. On est vraiment gâté car le trombone continue dans la pièce suivante, plus courte (1 :08) et offre encore une autre configuration de la déconstruction du langage de la coulisse et du pavillon.  La partie de violoncelle en pizzicato du n° 11 est à la fois mouvante, fluide et compose avec les bruitages du dessinateur jusqu’à s’effacer.  Dans la pièce suivante, la tension monte encore sans pour autant que le violoncelliste n’aie à jouer plus vite ou plus fort. L’attaque de la corde est soudain ultra-rapide mais se concentre sur quatre sons pour suspendre le mouvement dans un vide silencieux un très bref instant et repartir de manière surprenante. La maîtrise rythmique est remarquable car il singularise une dizaine de valeurs musicales temporelles différentes et parfois contradictoires dans le moment le plu bref qui soit. Il dit tout en cinq secondes. La qualité de l’enregistrement n’est sans doute pas parfaite, mais suffisante pour apprécier un des plus grands créateurs de l’improvisation libre radicale. Et les deux reproductions de dessins montrent clairement la véritable osmose qui unit les deux pratiques, musicales et graphiques dans l'action, ici réunies. Exemplaire ! 
Hors de son label auto produit (à peu d’exemplaires) Edition Explico, on entend trop peu Christmann, tant sur scène hors du Nord de l’Allemagne qu’en disque. Alors c’est le moment de découvrir ou redécouvrir cet acteur essentiel en s’adressant directement à lui. (Pas de site internet)
Ed Explico Weserweg 38  D-30851 Langenhagen.
(NB les improvisateurs libres « praticiens – collectionneurs » connaissent son adresse par cœur).


my listening improvised musics CD's list of 2014

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As many critics and writers in the jazz or improvised music circles, I like to get listed my favourite albums of the year. Of course there are recordings and labels that I can't write about because i don't get them. Also I am focusing on free improvisation although I appreciate other kind of musics like contemporary composition or early classical (baroque or renaissance), much traditional musics (Indian (Southern and Northern), Persian, Turkish, Central Asia, Chinese, Japanese, Indonesian, African and so on), jazz musics etc... But I don't write about it because I think that I am not competent enough and also it should take too much time. Also being myself a practician and performer of free improvised music, I suppose that it helps writing on this subject.
I am buying a good deal of the recordings which are reviewed here and I receive also from some labels. Thanks a lot ! But I can't afford for more CD's and my listening and writing time is limited. I dislike writing for other magazines or blogs other than french Improjazz because no one else than Philippe Renaud and his colleagues allow me to write as long as I wish without any censoring or cutting. 
Some musicians love to send me their recordings and I am trying to get the right kind of words their music and talent deserve, even if there is the kind of albums that I would have not bought for my collection. Sometimes I get some very nice discoveries. I buy cd's of some improvisers with the purpose to listen and to write about. Even, I do prefer buying them as it is sometimes embarassing to get a cd from a very nice person and not being able to appreciate and translate in the kind words his work eventually deserves.
There are also free improvisers' musics whose albums I don't review much or not at all, because their CD's are reviewed very often elsewhere and even everywhere else.  I think that the interest in improvised music lays in its great diversity. There a huge numbers of great players who are remaining unknown because, by example, they are not touring much, they have a side day job or they live in the middle of nowhere. Not being very codified free improvisation is allowing the musicians to get into very individual (and collective) expression. I wouldn't also make too much distinctions in my appreciation between what we call "free-jazz" and the so called "free improvisation" or "non-idiomatic music", although the sequencing of events and the role of soloists and rhythm team bass and drums seems often boring to me. My awareness of the music grew in the seventies at a time when very innovative players of the free jazz scene were performing in unusual instrumental configurations like Steve Lacy and Anthony Braxton solo performances and AB's duos with George Lewis, Roscoe Mitchell's Noonah album, Joe Bowie and Oliver Lake duo, Barre Phillips' Journal Violone and his duo with Dave Holland or the Dialogue of Andrew Cyrille and Milford Graves. And there was the great european scene with Bennink, Bailey, Brötz, Parker,  Rutherford etc..
At the time, the hard-core listeners were enjoying the concerts and recordings without dabbling what should be it. So by now, you have quite specialized players in a sort of attitude / focused musical direction like the harpist Rhodri Davies and others who are developing a multiple choice search as trombone maestro Paul Hubweber.
So :
my favourite solo wind albums : Cycles of Steve Lacy on Emanem 5205, Everybody Digs Michel Doneda on Relative Pitch and Veracity of Trevor Watts on FMR.
Without drum  and quite microtonal : Two Men Walking of Mat Maneri and Ivo Perelman on Leo.
From the Jazz tradition and beyond : That Deep Calling of Deep Whole trio Paul Dunmall Paul Rogers and Mark Sanders FMR CD 370 and Le Fonds de l'Air François Tusquès, Mirtha Pozzi and Pablo Cueco, improvising beings 31.
Nice intersection point between free jazz and free improvisation  : Clocks and Clouds of Luis Vincente, Rodrigo Pinheiro, Fausto Hernani and Marco Franco FMR CD 371. 
The Trio Box of the Year : I Wish You Were Here by The Recedents : Lol Coxhill, Mike Cooper and Roger Turner on FreeFormExpression.
The 80's Concertson SAJ : 5cd's of Sven Åke Johansson with Wolfgang Fuchs, Gunther Christmann, Tristan Honsinger, Mats Gustafsson, Alex von Schlippenbach, Torsten Müller, Richard Teitelbaum, Steve Beresford, Rudiger Carl and Hans Reichel.
Vario 51 : Gunther Christmann, Alberto Braida, Michael Griener and Elke Schipper. Edition Explico.
Dialog(ue)s : interaction of music and drawing Gunther Christmann and Jörg Huffschmidt. Edition Explico.
A nod to contemporary and exceptional, SFD : Gruppen Modulor , Simon H Fell and Alex Ward Bruce's Finger 123 download.
With two lost voices et vraiment fou : Instants Chavirés of Peter Kowald, Annick Nozati and Daunik Lazro, FOU records.
Little Theatre Club 73/74 reissued : Dynamics of the Impromptu, Trevor Watts, Derek Bailey and John Stevens FMR 
Clockwork free improvisation : Gateway ’97 WTTF  Phil Wachsmann Pat Thomas Roger Turner  Alexander Frangenheim Creative Sources and Zuebeschanali by Roland Ramanan, Tom Jackson and Daniel Thompson Leo 600.
Psychédélique boîte du jour  :  Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz
Leaving Knowledge Wisdom and Brilliance / Chasing the Bird ?  
8 CD Improvising Beings ib 25-26 .
Bohmans noise : Secluded in Jersey City Secluded Brontë  Adam and Jonathan Bohman, Richard Thomas Pogus Production.

Trane Tribute number one : Tribute to John Coltrane et Thank You John Coltrane  Paul Dunmall and Tony Bianco SLAM 290 et 292.
Most wanted musician's future recording not yet issued : Paul Hubweber.
Most sought after but not in my collection because I can't afford these very expensive items : Triple Points supreme wax quality vinyle boxe of New York Art Quartet of John Tchicaï Roswell Rudd and Milford Graves and various bass players and double lp OUT LOUD of Frank Lowe with Joe Bowie William Parker and Steve Reid.

Lucien Johnson Alan Silva Makoto Sato Peter Brötzmann Jörg Fischer Marc Charig Georg Wolf Stefano Pastor Charlotte Hug

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Stinging NettlesLucien Johnson Alan Silva Makoto Sato improvising beings ib29


Continuant sur sa lancée, le label improvising beings de Julien Palomo ne faiblit pas dans son engagement à documenter les artistes improvisateurs « qu’on ne trouve pas sur les autres labels » et cela dans un rayon d’action esthétique assez large qui va du free-jazz enraciné à l’improvisation la plus actuelle. Du pianiste François Tusquès et du légendaire Sonny Simmons aux violoncellistes Hugues Vincent et Yasumune Morishige, dont le superbe Fragment ne ferait pas tache dans l’austère et passionnant catalogue Potlach. L’arrêt ou le ralentissement des parutions chez de nombreux collègues (Psi, FMP, Emanem, etc…) fait d’IB un Allumé de choc incontournable. IB ne se  consacre pas aux rééditions et unreleased d’un autre temps et soigne remarquablement la qualité du son et celle des pochettes.  Alors pour la bonne bouche et encadré par la contrebasse d’Alan Silva et la batterie de Makoto Sato, voici un saxophoniste ténor néo-zélandais inconnu, Lucien Johnson, qui nous livre une musique inspirée et passionnée dans la tradition jazz libre la plus authentique. La session fut enregistrée par J-M Foussat en novembre 2006 et était restée dans les archives. Comme Alan Silva, artiste IB par excellence, joue et enregistre le plus souvent de son synthé orchestral, alors que de nombreuses personnes le réclame à la contrebasse, ce beau trio les satisfera pleinement. Toutes les compositions sont dues à Lucien Johnson, et sa sonorité, son phrasé et le cheminement de chaque pièce font de Stinging Nettles, un album attachant et expressif où les musiciens ne craignent pas d’explorer le temps d’un morceau une dimension minimaliste où les harmoniques introspectives de l’archet d’Alan Silva livrent toute leur identité malgré une prise de son un peu distante (Ice Shelf). Burnt Fingers, le morceau suivant évoquerait plutôt le format David Murray / 3D Family des années 70’s, le trio sax ténor / basse / batterie étant le cheval de bataille de notre Zélandais. L.C. s’est construit un univers en écoutant des disques comme le Capersde Steve Lacy avec Dennis Charles et Ronnie Boykins (Hat Hut 1979), 3DFamily de David Murray / Johny Dyani / Andrew Cyrille (Hat Hut 1978) et les Lower Manhattan Ocean Club de David Murray avec Lester Bowie, Fred Hopkins et Phil Wilson (India Navigation 1977). Quant on sait que Lucien Johnson est né en 1981, on se dit qu’il a échappé à la marsalisation du jazz de la période suivante, comme si le Père Noël lui avait laissé un paquet cadeau du Loft Jazz made in Soho à sa naissance. Au final, une très belle atmosphère et un saxophoniste chaleureux et sincère dans une empathie mutuelle avec un tandem basse – batterie chevronné !

Peter Brötzmann & Jörg Fischerlive in Wiesbaden NotTwo MW877-2


Enregistré à Wiesbaden en juin 2009 par Ulli Böttcher durant un concert de la Kooperative New Jazz de la ville, cette rencontre se déroule sous des auspices favorables et sous l’œil et l’oreille exercée des « gardiens du temple » de l’improvisation libre de cette ville, les Ulli Böttcher, Ulli Philipp, Wolfgang Schliemann, et autres Uwe Oberg et Dirk Marwedel. Un tel environnement fait que Peter Brötzmann soigne particulièrement ses improvisations avec une logique plus pointue et plus de concentration qu’à l’accoutumée. Jörg Fischer est un percussionniste vraiment remarquable avec une palette très large, révélée dans ses autres albums, Trio Improvisations et Free Music on a Summer Evening sur son label Sporeprint et son très beau solo Spring Spleen (gligg). Avec Brötzmann, le Capitaine Fracasse du free jazz « hirsute », il faut que cela carbure et Fischer s’est construit  un langage percussif dynamique qui évoque la folie démesurée d’Han Bennink des Nipples et autres Balls vers 1970 et la polyrythmie endiablée de Milford Graves. PB est un inconditionnel du binôme souffle / percussions et le batteur doit avoir assez de pêche pour l’inspirer. Ça cogne sec dès Productive Cough au ténor hargneux et Brötzmann fait péter le bocal de son alto dans Buddy Wrapping après avoir virevolté avec le taragot. Outre la puissance pulmonaire, on y trouve des échanges intelligents alors que le batteur change de régime et surprend le souffleur. Brötzmann conclut de manière pensive comme le ferait un Joe Mc Phee et cela débouche sur une Song For Fred (Van Hove ?) avec cette manière toute Brötz de jouer la mélodie, elle même signée Brötzmann, alors que les autres morceaux sont crédités aux noms des duettistes. Et puis le style de Fischer a la sonorité, le drive, la dynamique juste qui crée une empathie authentique avec le colosse de Wuppertal. Je chronique rarement un disque de Brötz, alors que les Balls, Outspan Ein und Zwei et FMP 0130 ont bercé ma jeunesse, simplement parce qu’il y a assez de collègues qui s‘y collent. Mais ce Live in Wiesbaden a son pesant de choucroute et  de Chimay au fût, je n’ai donc pu résister. On y trouve une authenticité qui atteint son nadir dans Cute Cuts où les spirales et les cris du souffleur s’endiablent sous les tournoiements des frappes en déséquilibre instable et permanent du batteur. Celui-ci accompagne les accents avec des coups redoublés ou nous fait un solo de roulements contrastés avec une réelle dynamique tout en conservant le côté agressif et cela introduit un thème introspectif et inachevé de Brötzm. Cette prière progresse lentement vers une situation de crise avec les interventions graduelles et inventives du batteur et le bec du ténor que se met à chauffer. Le jeu du percussionniste engage un beau dialogue avec le saxophone au point que l’entrelacs de ses frappes mesurées obtient autant de flammes, de sifflements enragés que de traits subtils de notre Teuton, autant que s’il avait été submergé par un Bennink en folie comme au bon vieux temps. Avec en prime, une qualité de son et de timbre supérieure au sax ténor dû au savant dosage des décibels du batteur. C’est tellement excellent que ces seize dernières minutes illuminées ont paru trop courtes et qu’on en redemande. Puisse Peter Brötzmann trouver encore de tels compagnons sur sa route !! Le cd de Brötzmann pour les connaisseurs.

Charig / Fischer / Wolf  Free Music On a Summer Evening spore print 1312-01


Le percussionniste Jörg Fischer préside aux destinées du micro label sporeprintet n’a pu résister à produire le magnifique trio enregistré avec deux piliers de la Free Music lors d’une Soirée d’Etéréussie en 2010. On connaît trop peu l’excellent bassiste Georg Wolf, inconditionnel militant de l’improvisation totale talentueux dont j’apprécie beaucoup les superbes duos Tensid avec son ami contrebassiste Ulli Philipp et pas appât avec le tromboniste Paul Hubweber (tous deux sur l’incontournable label NurNichtNur). Par contre, nombre d’entre vous parmi ceux qui suivent la free music depuis la fin de leur adolescence, se demandent qu’est devenu le trompettiste britannique Marc Charig ? Il fut un membre éminent de la Brotherhood of Breath et des groupes légendaires de Keith Tippett, d’Harry Miller et d’Elton Dean, jouant ensuite dans le Globe Unity Orchestra. Il fit longtemps partie du London Jazz Composers Orchestrade Barry Guy depuis le départ, sans oublier les grandes formations de Tippett, Centipede et Ark. Avec Phil Wachsmann, il fut un des deux alter ego de Fred Van Hove dans les formations du pianiste anversois, et souffla régulièrement dans le Maarten Altena Octet (Quotl, Riff). Avec Paul Lytton, Wachsmann et Malfatti, on l’entendit dans le King Übü Orkestrü de Wolfgang Fuchs. Il a aussi enregistré avec Soft Machine (Fourth) et King Crimson (Lizard, Red). Ogun vient de rééditer son très bel album Pipedreamavec Keith Tippett à l’orgue et la chanteuse Ann Winter. Après avoir sillonné toute l’Europe de l’improvisation pendant deux décennies, Marc Charig, une personnalité modeste et enjouée, s’est établi à Aachen et joue avec les musiciens locaux. Prière de ne pas traduire « locaux » par « dilettantes », car en Allemagne, les musiciens improvisateurs radicaux ont un niveau égal à celui de la scène britannique. Je me dois de souligner l’excellence de deux enregistrements de Quatuohravec le percussionniste Wolfgang Schliemann, le saxophoniste Joachim Zoepf et le bassiste Hans Schneider, [KJU:]'et [kju:]', too. Il y a là plus de musique et d’inspiration à mon goût que chez certains musiciens qui furent ses compagnons de route et qui aujourd’hui se répètent ou s’égarent. Et c’est à un vrai régal que nous convient le trio de  Free Music On a Summer Evening dans un équilibre entre jazz tout à fait libre et improvisation totale. Entre dérapage contrôlé sous la pression de lèvres folles et explorations mélodiques d’un goût parfait. La contrebasse boisée rebondit dans les entrechocs d’objets percussifs et roulements clairsemés et sur cette trame, le cornet surfe avec aisance légèreté, regard en coin et coups de lèvres saccadés jusqu’à la note aiguë finale. Ayant joué pendant des années avec des créateurs du calibre de Fred Van Hove et Paul Lytton en improvisant quasi sans interruption durant des concerts de plus d’une heure, Marc Charig  a acquis une faconde jamais prise en défaut, une capacité d’invention étonnante. Une suspension au bord du silence alternant avec un spleen éthéré ou une effervescence bouillonnante en un clin d’oeil. Au détour d’une improvisations dans 2/ Cat and Mouse and Cheese, il cite spontanément un thème mythique de Chris Mc Gregor (ou Dudu Pukwana ?). Georg Wolf  joue volontiers un backdrop assuré et bourdonnant plutôt que de partir à l’aventure. Dan 3/ Pot Pourri for Harribee, le thème évoqué du répertoire « Brotherhood » est développé en le construisant et le déconstruisant, le bassiste produisant de belles variations sur les notes du thème. Le cornet n’étant pas une trompette, impossible d’y briller comme ses collègues et amis aujourd’hui disparus (Beckett et Wheeler). Mais là n’est pas le but, le cornet est un instrument plus populaire et intimiste, procurant une chaleur bonhomme et un autre type de phrasé, moins délié et plus ombrageux.  Le percussionniste est parfait pour cette équipée, nous faisant découvrir l’usage alternatif de la percussion libérée dans une configuration plus conventionnelle. Il joue remarquablement avec la dynamique et le son requis en respectant l’équilibre voulu par la situation. Son excellent solo au milieu de ce troisième morceau sert de point de relance pour la persévérante exploration qui s’installe au fil des minutes qui suivent, sans aucune précipitation. Se superposent des lento majestueux et des fulgurances retenues du cornet et de l’alto horn. Des envolées à trois qui retombent sur la pointe des pieds. Un véritable équilibre/ coexistence entre recherche et création mélodique / thématique instantanée est la marque de fabrique d’une conception universaliste de la musique improvisée libre où  l’auditeur se délecte tant de la musicalité profonde et de la connivence sincère que des plongées sonores. A l’heure où le nombre de trompettistes « improvisateurs libres » font florès (Evans, Wooley, Ho Bynum, Uhler, Hauzinger etc…), voici un album poétique, léger, rafraîchissant et subtilement musical. Ceux qui préfèrent quelque chose de plus « non idiomatique » impliquant Marc Charig, les deux albums NurNichtNur[KJU:]'et [kju:]', too, sont deux véritables merveilles hautement recommandables.

Paragone d’Archi  Stefano Pastor & Charlotte Hug  Leo Records.



Deux personnalités aussi dissemblables que leur pratique musicale respective est profondément personnelle et inscrite dans la nature de leur instrument, ici à l'archet, comme le titre Paragone d’Archi se plaît à le rappeler. Durant une douzaine de pièces bien calibrées, la violoniste alto de Zürich et le violoniste de Gênes jouent le jeu de l’improvisation totale. Stefano Pastor a gardé dans les doigts des phrasés modaux évoquant la musique indienne ou même Mahavishnu Mc…. Charlotte Hug se singularise par des frottements de clusters et des harmoniques fantomatiques. Et quel timbre !! La proximité des deux instruments, l’amplification du violon de Pastor avec son grain inimitable et les audaces sonores de Hug font que la collaboration fonctionne, un peu pour démontrer que l’hypothèse fondatrice de la Company de Derek Bailey est toujours d’actualité. Savoir créer un instant de connivence et de surprise avec des musiciens avec qui un improvisateur n’a pas (prétendument) des affinités etc… Paragone d’Archi est donc truffé de moments passionnants, entre autres lorsque Charlotte Hug vocalise. Et il y a une plénitude du son qui s’étend dans une infinie finitude. Une véritable fascination à découvrir les espaces sonores créés par les deux archettistes se fait jour, une vocalité de l’instrument particulière et, née de la congruence des sonorités, des timbres et des fréquences, un territoire commun fécond. Un très bon disque réalisé par des artistes que tout semble opposer. 

A Life journey in free improvisation as unsuspected vocal performer etc.. Jean Michel Van Schouwburg by himself

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Some people know about  myself , Jean-Michel Van Schouwburg,  as a sort of free – music / improvised music activist and vocal improvising performer or “organizer” and critic based around Brussels. The truth is that I evolved from free-music supporter, buyer of vinyl albums of all the Incus FMP ICP Po-Torch Bead Ogun Ictus Hat Nato Black Saint ESP of the world and also wanna-be amateur  improviser in the eighties to vocal - improviser / trained singer  but completely autodidact performing currently in 9 European Countries  as UK , Italy , France, Hungary, Slovakia, Czech Republic, Germany, and both once in Madrid and Rotterdam.

This would  haven’t  happened  if:

1 / I hadn’t been exposed MASSIVELY  to the Coltrane, Ornette, Lacy, Taylor, Ayler , Art Ensemble of Chicago, Evan Parker, Derek Bailey, Han Bennink, Fred Van Hove and Brötzmann the Paul trilogy of the Lovens Lytton and Rutherford, Barre Phillips’ Journal VioloneGunther Christmann and Phil Wachsmann a.o… +  everything else from Ocora to Wergo , Dagar family’s Dhrupad, Pygmy or Chinese music, Varèse or Xenakis… Jimi Hendrix and Captain Beefheart and  His Magic Band

2/  I hadn’t met and cooperatedwith some other Brussels individuals who inspired me and supported me along the years, I wouldn’t have developed my musical personnality. They were many people and, among them,  I would love to express my eternal gratefulness to some of them specifically, after quoting all their names. Guy Strale, Michael W Huon, Kris Vanderstraeten, Daniel Van Acker, Mike Goyvaerts, Jan Huib Nas, Adelheid Sieuw, Jacques Foschia, Jean Demey, José Bedeur, Peter Jacquemyn, JJDuerinckx, Willy Van Buggenhout,  Marco Loprieno, Pat Lugo, Audrey Lauro,  Peter Deprez, Marjolaine Charbin, Frans Van Isacker, people like Alain Bolle,  Jean-Louis Hennart and also in foreign countries  John Russell, Peter Strickland, Zsolt Sörès, Sabu Toyozumi,  Pascal Marzan, Lawrence Casserley, Marcello Magliocchi, Matthias Boss, Jozef Cseres and the people at Ateliers Mommen etc..

 Without the interaction, understanding and trust of most of these individuals and artists , one has to stop immediately to exist artistically. So I think interesting to present some of these individuals because they  generously worked on the Brussels scene helping to establish free improvisation in a creative  way.

The first man who introduced me to practice improvisation and connecting me to the then blossoming  improvised music scene is Guy Strale. Born 1943, explorer of the innards of the piano, builder of instruments, photographer, movie cameraman, recording engineer,  intellectual, political activist, founder of the Brussels longest living improvised music workshop ( 1975-2007)and the Inaudible association, Guy Strale welcomed so many people to try improvising on the spot, being trained classical musicians, jazz guys, poets, non-musicians, wanna-be singers and improbable sound makers. Nothing was allowed, everything could happen. If one could say that some of Inaudible’s  actions and musical moments inspired by Guy’s very generous philosophy and attitude would have been misunderstood by some people, the overall balance of the proceedings along decades helped many people to develop their music, to present their projects and to be involved in the improvisational scene, and all this was doubtless quite positive. During some seventeen years, I practiced improvised music in private sessions and workshops mainly with Guy Strale and whoever showed up.  In 1993, Mike Goyvaerts, a drummer, came into the picture and he helped to attract capable musicians.  And of course I did a lot of visits to percussionnist Kris Vanderstraeten  and multi instrumentalist Daniel Van Acker and this ended up with a duo with Kris Vanderstraeten. Both Kris and I played around some one hundred of sessions  in his successive homes. I was travelling by train around three hours go and back each time and we listened to improvised musics; jazz or traditional music  in the intermission. Kris has a large artist workshop place suitable for music practice, books reading , hi-fi listening and his great drawing and graphic works.  We were focusing on playing with very very few performances. I was playing guitar in a sort of Bailey Russell way which was documented in our DIY cassette Almost Free Fall  which cover art is a marvellous item.  My brother Luc Van Schouwburg ( an expert video and movie sound engineer) made the  duo  recording in between the local trains’ passages as Kris’house is actually the housing part of a railway station on the way to Hasselt. This years’practice build my skills as an improviser long  before my more recent staging as a performer. So when I thought that my vocals were worth enough to make gigs, I called Kris to share some concerts and one festival . Indeed,  I was sure that his “soft and dynamic” percussive conception was in sync with one singer’s requests.

 

If Guy hadn’t welcomed them,  offered them  space and time in our workshop and stages, and  also documented himself each  stage meeting on cassettes and CD’rs , secured funding with the art administration, and dealt with official venues etc.. , I have some doubt that the players we met  would have become interesting focused improvisors as they became since : JJ Duerinckx, Jean Demey, Kris Vanderstraeten, Jacques Foschia, Adelheid Sieuw Jan Huib Nas  etc… and  myself, Jean -Michel Van Schouwburg, My personal experience  is the living proof that Guy Strale’s belief that non-musicians or “amateurs” could be involved in free improvisation   was right from the start. The similar belief that the late and legendary John Stevens , his friends Terry Day and Maggie Nicols fondly assessed .  Among the individuals who trade with this workshop and Inaudible and morphed in authentic improvised music scene artists, I would love to quote some of the players. The pair of Jacques Foschia, a master of the bass clarinet, and percussionist Mike Goyvaerts who share the Canaries on the Pole group with Wuppertal violinist Christoph Irmer and  Köln saxophonist Georg Wissell since more than  12 years. Jacques is an outstanding clarinet master having worked in the field of classical and contemporary music such as in the Orchestre Philarmonique de la RTBF and who I had introduced  into the London Improvisors Orchestra . Jacques performed and recorded with the LIO from 2000 to 2010 and was then  considered by his peers as “the” bass clarinet player in the London scene. He has a great inspiration for very subtle intonations and pitch placement , also with the smaller clarinet in B flat (sopranino). Mike had a central position in the workshops and concerts of Inaudible from 1991 until 2000 and he helped us to grow attracting new players , while being a WIM’s member. WIM was the historic association run by Fred Van Hove , Ivo Vanderborght, André Goudbeek , etc from the early seventies to the 2000’s . They were absolutely crucial in the development in Free Music in Belgium. Two other classical formed players had a prominent role in Inaudible as improvisors of note and committee members : flute virtuoso Adelheid Sieuw and guitar maestro Jan Huib Nas both partners in life and Academy of Music teachers, like their mate Foschia. Personally as Jacques encouraged me to improve and to develop my vocals, the couple of Jan Huib and Adelheid took me very generously under their very subtle tutelage / wing for to work and perform together with Guy Strale. What could be said about these two great free spirits ? Adelheid is a real instant reflexive composer who is juggling with all parameters of free improvisation and musical construction where spontaneity and sound exploration are balanced with logic and progressive development of forms , silence and and alternative techniques. This can be said also about Jacques Foschia.  Jan Huib has a fantastic sound projection with his acoustic classical nylon stringed guitar that he doesn’t need to amplify even in front of + 100 in large rooms. Jan Huib has great sure hands to make music in various genres. Without both of them , Guy Strale and the fatherly encouragement of cellist José Bedeur, one of the great  jazz bass players and cello virtuoso in our country, who shared our enthusiasm and played in our concerts, I would have never evolved as a singer.

So, Lawrence Casserley, the great live signal processing wiz, called me in 2007 for to make a gig in Belgium and I secured a show in a local art school with trombone player Paul Hubweber, as my mate Adelheid couldn’t make the date. Before and after the gig, I was so fond of the proceedings that  I practiced more than ever , diving daily in my own vocal sounds  and reaching a quite euphoric cathartic state. Focusing with a better concentration, I was  trying to achieve diphonic singing (à la Mongolian) and shaping the low  voice in the throat (C sharp 2)… resonating in my mouth cavity. During a duo concert  with John Russell in Adam Bohman’s Bonnington place in 2005, I kept the ululating high falsetto on the spot (Mercelis Concert cd). John had offered me my very first solo performance in his Mopomoso serie in june 2001 which is issued in my first solo  CD Orynx,  the ending of the performance being  included in the soundtrack of Peter Strickland’s Berberian Sound Studio . Timo Van Luyck recorded the first tracks of this CD in 1997 in his flat and it was on the basis of these first recordings that I was hired here and there a little.

During the weeks after the Casserley gig in late spring and early summer 2007, I was  practicing hardly and I miraculously got a clear distinct falsetto moving on all intervals with the greatest ease, like I would have passed through Alice’s Mirror to  Voiceland  Strangely all the registers of my voice took place unexpectedly and my falsetto range shifted in unexpected twists and colours. I ignored completely how it happened. Invited by free – music mecene /supporter John Rottiers to perform the A’pen Festival for the Radio Centraal in Antwerpen in august 2007, I called my dear friend percussionist and poster artist Kris Vanderstraeten, because both Adelheid and Jan Huib couldn’t make the date. We had to perform in an open air space by a summer afternoon on a strange stage bandstand close to the river. A larger crowd than usual  was spread between the stage area and the bar. As our friend Jean Demey found himself alone as his colleague didn’t show up, Kris and I proposed Jean to play together as an impromptu ad-hoc trio. Jean and Kris were part of Guy ‘s workshop, Kris during the eighties - early nineties and Jean since 1999, but they never met musically. As Kris lives far away from Brussels , he stopped to come. But I travelled regularly to his home along the years to play as a duo or as a trio with multi - instrumentalist Daniel Van Acker. Since the beginning of our relationship around 1985, Kris and I became friends- in – the- music, sharing our love for jazz and improvised music as buyers – listeners – supporters. We did a guitar- percussion duo and after we recorded a self-produced cassette, I took the resolution to focus on voice around 1996. This shift was under the questionment of Kris who, like the other workshopgoers , couldn’t believe me as becoming  a vocalist… as he liked my guitar work.

Anyway, on the Antwerpen stage, our ad-hoc trio  delighted the audience who liked my personal mad man antics, Kris’ crazy DIY drum set-up and Jean musicianship. It was the first time of my life I actually sung jodels with falsetto , sounds almost unbeknownst to me until I stepped on this memorable stage. So as two famous musicians in the audience congratulated both of us three and my vocals, Jean proposed us to continue as a trio. But he said :  “Man don’t stay always on this staccato endless. You have to sing in different ways ! “ Jean’s  stature as a performing musician is so impressive and he is so experienced that he literally “engueule” dilettantes like myself as a father would have done with a schoolboy’s bad report. As John Russell says : “Sometimes I feel like being an idiot”. I have to trust in Jean’s musical instinct and experience as a blindman does with his guide. Not only he is a very competent bass player loving the wooden acoustic quality of his double bass Aldegonde,  Jean is a master derbouka player, a skill he honed while working with master lutist Hasan Erraji with whom he toured endlessly in the nineties with the Arabesque trio. More recently, he became a nice bass clarinet player. In his youth , Jean Demey  opened for Brötzmann /Van Hove /Bennink and the Schlippenbach quartet w Lovens, Parker and Kowald during the WIM 1973 and 1974 festivals in Anterpen and Ghent. He was the bass player in the trio of the legendary saxophone player Kris Wanders, the brother-in- law of Peter Kowald. Wanders, a strong Dutch carachter vanished in Australia around 1975. Wanders was listed in the first Globe Unity recording and Fred Van Hove’s Requiem on MPS. He reemerged recently in the company of our friend Peter Jacquemyn, bass player and spiritual heir of the late PK . Peter, an autodidact like me, sawed his bass frenetically as early in 1985 while I was organising the concerts which surfaced as Waterloo 1985 on EMANEM 4030 of Evan Parker Paul Rutherford Hans Schneider and Paul Lytton and as some tracts of the recent 5cd box of The Recedents, the trio of Lol Coxhill Roger Turner and Mike Cooper, on Free Form Association. These concerts were remarkably recorded by Michael W Huon, an exceptional recording engineer and dedicated lover of improvised music since the early seventies. Michaël supported us since the very start, recording spontaneously many gigs and festivals. This  1985 Waterloo thing poster was already made by Kris Vanderstraeten and this Waterloo festival was my first step as one free-music- involved.

Since 1999, my work in the collective was mainly focused on the concert organization of the funded Inaudible series in Théâtre Mercelis, ULB concert hall and the recent cooperation with Ateliers Mommen’s artists residence and, until then, I was considered more as an organizer than as an artist. I am not a foolish  guy .  I was first an improvised music listener and I couldn’t be interested of my own music , only if the listener in me and some experienced practicioners would have been interested. When I came back from my well appreciated 2001  Red Rose solo gig to Veryan Weston ‘s home in  Welwyn Garden City  in the late train,  I said to him that I was feeling to be far of actually being successful  musically and that I have to achieve my skills in a more musical way. How to find out a way to relate all the sounds that I could produce to each other with developments and pathways uniting them in one original universe. I didn’t know yet. In 2001, my reputation as “an organizer” grew a little bit because Jean- Louis Hennart agreed to welcome some improvised music concerts in his  bar L’Archiduc, an authentic Art Deco place in the heart of Brussels , where Frank Sinatra , Nat King Cole, Jacques Brel  performed after WWII. Jean Louis  got the place from Stan Brenders ‘s widow, Stan being a famous jazz pianist and Belgian bandleader in the forties and fifties. Also we organized interesting performances though the Inaudible association.

Our cooperation with Hennart & L’Archiduc  worked very  well also because Kris Vanderstraeten offered to draw the posters  and because we dealt with advertising and accommodating the musicians (thanks Joëlle and Marjolaine). We begun with the duos of John Butcher and John Edwards , Veryan Weston and Lol Coxhill , both acts issued by Emanem label : Optic and Worms Organising Archdukes on Emanem.  Along the years , we had among others  Fred Van Hove, Paul Lytton & Michel Doneda, André Goudbeeck, Han Bennink & Peter Jacquemyn, Paul Dunmall & Paul Rogers ,  Evan Parker, Paul Lovens  &  Alex von Schlippenbach twice, Paul Hubweber and Phil Zoubek ( Emanem L’Archiduc Concert CD) Damon Smith & Peter Jacquemyn with Van Hove, John Russell, Thomas Lehn, Trevor Watts, Jim Denley and one of the very first European gig of Peter Evans . Not only I booked some famous improvisors, but I arranged that the local players could meet their visiting friends from abroad.  So Mike Goyvaerts and Jacques Foschia met Butcher &  Edwards for this first Archiduc gig and later with Georg Wissell and Christoph Irmer. Alto saxist  Audrey Lauro and pianist Veryan Weston duetted  , Kris Vanderstraeten played with John Russell and Stefan Keune who missed the first memorable John Russell gig. For John’s early gig, we all played with him in a Qua-qua like meeting with short duos and trios. Our trio Sureau ( J-M VS , Kris and Jean Demey ) opened our most attended concert with the Alex von Schlippenbach trio with Lovens and Parker. Personally, I sung also with Paul Dunmall, pianist Marjolaine  Charbin and Jean Demey and met there Sabu Toyozumi  for the first time with both Audrey and Marjolaine. This led me to invite Sabu Toyozumi in our festival Sons Libérés 2011 and to sing with him in a friendly peanuts tour from Paris to Brussels , Provence and Toulouse. The label Improvising Beings of Julien Palomo issued a double cd Kosai Yujyo (Enjoy friendship) documenting Sabu performing with a little help  from MY friends. There is now a cd duo project with Sabu and trio with drummer Luc Bouquet on the pipeline recorded in Provence. Sabu is an amazing drummer having performed with Mingus , Roscoe Mitchell and Joseph Jarman (in Chicago), Brötz, Bailey , Leo Smith and John Russell in lengthy tours of Japan . He is also one of the less egotic and selfish – “business” performer I ever met. Sons Libérés took place regularly  in the Ateliers Mommen , the gallery space of a Cité d’artistes with appartments and workshops . Besides this two more established places, we set up gigs in various locations among them  in the friendly loft of Patrizia Lugo and Marco Loprieno who experimented with wind instruments finding more recently his way on the tenor and sopranino sax and a metallic Turkish clarinet.

Importantly as our workshop vanished because of the increasing renting price of the famed La Vénerie Cultural Center , which was our main spot during our neglected years’ tunnel between 1986 and 2000, I proposed around 2011 to the Loprieno’s to hold permanently a voice workshop at their place. Fortunately, the first members stayed and became enthusiasts attracting other people and more female voices. In this workshop I try to transmit some basics of the voice development and the discovery of its possibilities creating pieces out of simple exercises like singing one sustained note without loosing the pitch until out of breath and making all sorts of mouth sounds without the vocal chords ! In October 2007, our trio with Kris, Jean and myself met in Michaël Huon’s recording studio and begun spontaneously to play  42 minutes without stop but with some silences  just after the red light went. We edited some noisy bits and put that on our first CD Sureau on Creative Sources, this title because my then tired voice needed “sureau” or elder tree fruit ‘s juice to be protected. Since then we perform together about twice a year, making only one date in Germany at Essen free Festival 2009 and in some fringe concerts organized by artists like the Werkhuys in Antwerpen, the Useum.be of poet and sculptor Peter Deprez in Ghent’s Botanic garden, Rinus De Vos for this summer 2014 Gentse Feesten or Leuven Oratorienhof in 2009. This latter gig was issued on Setola di Maiale as” the Leuven concert” with Enzo Rocco and Gianni Mimmo duet on half the CD . We recorded also concert sets in the Pianos Maene concert hall and in Michael W Huon ‘s Odeon studio in Brussels, this time with saxist Audrey Lauro.

Among the interesting collaborations which fortunately happened, there was a recording  session with Gianni Mimmo John Russell Andrea Serrapiglio and Angelo Contini as Five Rooms for Gianni’s Amirani label in February 2008. This was issued as Five Rooms : No Room for Doubt on Amirani amrn 020. The session took place in Paolo Falascone famous Mu-Rec studio (ex Barigozzi studios) in Milano. Mu rec was home for Cecil Taylor, Bill Dixon, Tony Oxley, Paul Bley, Steve Lacy, Chet Baker, Mal Waldron recordings since the mid-seventies. Around the same time, I went to Bristol to record with the great saxophone hero Paul Dunmall, guitar wizard Phil Gibbs and a sympathetic bass player Peter Brandt in a session which surfaced asBionic Beings Beginnings on Paul Dunmall’s Duns Limited Edition. Paul played mainly soprano and there was a dangerous track with his bagpipes. I have a fond memory of an ad hoc trio with sax player Heddy Boubeker and bass supremo Simon H Fell during a small festival in Paris run by Pascal Marzan who himself was invited in Brussels to meet  violinist Christoph Irmer.  Along the years, I went to share the stage with some quite interesting friends like Lawrence Casserley   in our MouthWindproject (MouthWind Cd on Jozef Cseres’s heyemears label). Lawrence was a Professor in the Royal College of Music having developed electronic music and musical instruments. His ever evolving live signal processing is among the most complex system existing and his skills as technical expert in the Evan Parker Electro Acoustic Ensemble is unmissable. We did very interesting concerts as a duo and with other musicians like Phil Wachsmann and pianist Yoko Miura. The main task for a singer working with Lawrence’s live signal processing is to use different approaches simultaneously : to feed the system with interesting or catacteristic sounds (even a snippet), to solo like in a concerto situation, to interact with or against the processed sounds of your own vocal sound. When a third instrumentalist goes in the proceedings it becomes more complex. So this kind of performance with Lawrence is a fantastic experience improving my skills. If people love it , good ! I am considering to perform  improvised music firstly as an attempt to create something and I am not fetichising “my” project.

Another great experience came when I met Zsolt Sörès, a Budapest viola player , in march 2000 when Peter Stricklandmade his first essays of shooting his much awarded  cult movie Berberian Sound Studio. As Adam Bohman and I were invited in Budapest to be involved in  the teaser of BSS, Zsolt put a gig with both of us and the British vibist Oliver Mayne, since then a BP resident. It happens that I witnessed firstly Oliver in London’s Freedom of The City 2002 when he throwed his vibraphone two meters in the air above the stage as a kind of reaction about the Eddie Prévost’s workshop and some of the guys involved. This ad-hoc gig in a remote squat inside a Budapest wrecked industrial area went fine and since we perform from time to time in Hungary.  The quartet, enchristened as “I Belong To The Band” is among the strangest band I ever met . Crazy amplified objects’s capharnaum  on a table were  handled by Adam Bohman , the jazz tinged vibraphone of Oliver Mayne and his electronic effects, Zsolt Sörès’s electronic toys and bending circuitry circumventing a viola “on the table approach” and my vocals with microphone could be tagged as transdanubian electro noise psych improve. We recorded some of the concerts and in a studio and its is quite impossible to say what is our specific musical area. We don’t focus on a specific focused esthetic : we just play sincerely, hating esthetic  narrowed “cup of tea” labelling whatever onehear following what he thinks that he has in mind. Music is actually a collective experience.  Fortunately, artists and listeners in Budapest enjoy what they hear in a very open minded attitude , because they know the price of freedom. This made me invite Zsolt with Slovakian composer, pianist and teacher Julius Fujak and Austrian trumpet hero Franz Hautzinger in Brussels at Michaël Huon ‘s Odeon 120 studio. The recording went issued as The Brussels Concert by the Slovak Hevhetia label.  My work as free improviser is also concerned by making other people / friends working together in a creative way. So when pianist Yoko Miura asked me where she could perform in Brussels, it was absolutely impossible for me to organize myself again with a visiting musician in a venue where I map only two or three concerts a year. So Yoko performed with bass and contrabass clarinet virtuoso Ove Volquartz and Jean Demey in the Archiduc bar and this memorable concert went issued on Stefano Giust ‘s Setola di Maiale as the TAG trio “Discovery of Mysteries”.  On the same batch of Setola’s cd was also issued a duo with alto saxist Audrey Lauro tagged as the Systers. We rehearsed often together and I appreciate her sensitivity and her well  connected sound resources. Our best concert went in Michael’s studio as did also our trio Sureau with Audrey as a guest. This trio augmented meets my conception of improvised music where you are trying to mix personalities on the same moment without any rehearsal and succeeding in the whole concert. This challenge of meeting people who you never met made me singing in Germany with a dynamic reed player now focusing on flute , Nils Gerold. We performed once with acoustic  guitarist and zheng player Mano Kinze in Bremen and then with Berlin based Klaus Kürvers, a retired scholar in Archtecture History who is actually a great contrabass player and a longlife supporter of our music and huge jazz vinyle collector. Mano performed for the first time abroad in our Sons Libérés festival 2012 and I put Nils in connection with Nicolà Guazzaloca and Stefano Giust in Bologna. They performed  and recorded together as a trio for Setola di Maiale, surely one of the safest and largest “musician’s” label.

The last and very fruitful collaboration came recently meeting and sharing with percussion master Marcello Magliocchi, a veteran drummer of the Italian jazz scene, percussion and music teacher and metallic plates percussion designer etc.. and violin wizard Matthias Boss, who is the violinist I hear with the strongest sound projection –still full of nuances after the boss himself , the Australian maverick composer and Violin total art visionary Jon Rose. Thanks to Jon Rose, I was introduced in the East to semiotician composer and Professor Julius Fujak and  Professor in Esthetics Jozef Cseres and consequently I met Peter Strickland who himself was interested in my vocal performances and proposed me to appear in his Berberian Sound Studio. Jozef was very instrumental in presenting western alternative avant-garde composers performers in his country and Czech Repulic creating a fantastic following with the students of the Universities where he is teaching. Jozef is the Director of the Rozenberg Museum , once located in the Slovakian village of Violin, and myself a somewhat Ambassor of the R.M with the E.U. I helped to the concerts , sessions and recordings of the duo Temperaments of Jon Rose and Veryan Weston ( Temperaments  double CD on Emanem and Tune and Tunings on Jozef Cseres hermes – heyeremears label).  Veryan is the musician who I invited in Brussels the more often and I will again when a nice piano will be available. The list of the best Rosenbergian appreciated strings – improvised music recordings is by now the most read page of this blog. So all this is a good introduction to have the pleasure to sing with a violinist like Matthias Boss. Matthias can follow the intricacy of the ornament of the voice in a very fantastic and authentic way. Also, only one thing counts for Matthias : to play music with good friends – like minded enthusiasts without any consideration for status, career, business and so on. We decided  to found our trio after  the two first gigs with the very creative and master of percussion, Marcello Magliocchi who thought about reuniting all three in his very nice Puglia region in  South Italy.  Marcello was instrumental establishing free music in the very south of Italy, touring with Steve Lacy at the age of 19. Since then he learnt to play classical percussion, jazz drumming, composing, becoming a teacher of note and a musician in demand. His designed metallic percussion plates (cymbals, gongs etc) and seven  tuned incredible resonating bells (unlike anything else) in collaboration with the renowned U.F.I.P company.  For me working with Marcello is going back to the time period when the percussion sounds and free – drumming fascinated me the most decades ago : discovering Bennink, Lovens, Lytton, Oxley, Jamie Muir, Roger Turner, John Stevens, Andrea Centazzo, Barry Altschul, Andrew Cyrille and Milford Graves on head phones . During a tour in December 2014 , us three ( trio 876) take profit of a free day on tour to make a recording in the above mentioned Mu-Rec studio in Milano.  But I was very touched by this very kind and friendly guy who held an electric bass during our jam- meeting in Milano after our trio set : Roberto Del Piano, a veteran of the pianist and Italian pioneer  Gaetano Liguori’s trios and groups.  The electric bass is among the less revered instrument inside the improvising community, but Roberto is a very sensitive instrumentalist and a guy –committed-to –the group and this quartet made fine short vignettes and some lengthier sound explorations very well focused. Improvising Beings will issue a new CD of trio 876+ of the Boss/ Magliocchi/Van Schouwburg  plus Del Piano quartet selecting the tracks with an addition of recording engineer Paolo Falascone playing the innards of the grand on two tracks.  We never thought this trio with electric bass could happen and succeed, but it worked actually and this challenge and the music recorded enthused Julien Palomo, one of the most respectful  producer existing not unlike the great Martin Davidson. So trio 876+'s Otto Sette Sei is due to be issued end of february as ib33.

To end up the survey : I am now working with singers – non singers in vocal workshopsbased on various focus. To discover the possibilities of human voice in relationship of his / her personality and capability using basic exercises (crescendo), my phonoetry concept and off the wall proceedings. To work collectively of various sound areas from one note everchanging drones to invented languages and mouth sounds. To lead the choir with hand signs and symbols in order to create collectively ensemble an individual pieces of music. Not far of a therapy or serious glimpse about the voice and the singing. My workshops were held in Brussels,  Nitra  in Slovakia, Budapest, Liverpool and Torino and they performed publicly.

Now our Brussels circle members and related  friends who  are still active here is : Guy Strale, Kris Vanderstraeten, Jean Demey, Jacques Foschia, Mike Goyvaerts, Marco Loprieno saxophone and clarinets, Pat Lugo, multimedia artist , Pierre Michel Zaleski , voice, Kostas Tatsakis, percussion, Sofia Kakouri, dance, Willy Van Buggenhout,  analog synth,  Audrey Lauro alto sax, Frans Van Isacker, alto sax, Jan Pillaert tuba, Jiji Duerinckx, sopranino and baritone sax, Peter Deprez , poetry anf others

Fred Lonberg-Holm & Frode Gjerstad, Hugues Vincent & Yasumune Morishige, Vario 51 - Günther Christmann, Ninni Morgia & Marcello Magliocchi

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Fred Lonberg-Holm Frode Gjerstadlife on sandpaper FMR FMRCD379-714
Encore un album qui passerait inaperçu, si je ne l’avais trouvé dans un beau paquet envoyé par le label FMR en sus des cd’s commandés ! Merci Trevor Taylor ! Fred Lonberg-Holm et Frode Gjerstad sont deux improvisateurs qui parcourent les scènes d’Europe et d’Amérique et il arrive fréquemment qu’ils se croisent. « Life on sandpaper » suggérerait une ambiance  râpeuse, écorchée ou abrasive. Mais il n’en est rien. Cela commence par une belle musique de chambre relativement douce et lyrique, ce qui étonnera ceux qui connaissent FLH avec Vandermark ou son disque avec Brötzmann. Mais durant cette session, que ce soit à la clarinette ou au sax basse, Frode Gjerstad, lui aussi expressionniste à ses heures, est dans un mood pastoral, très cool (« west-coast »), lumineux, intime,si pas introverti. Après trois plages à ce régime, Lonberg-Holm prend l’initiative dans of a book et se met à voyager dans les possibilités de son violoncelle en improvisant dans un va-et-vient entre « je fonce» et « me voici, j’arrive ».  Gjerstad ne se départit pas de son flegme et continue à explorer ce mode rêveur. C’est dans le morceau suivant que les choses s’animent : I read in. A la clarinette basse, le souffleur a un jeu original, articulant des glissandi avec les harmoniques et faisant grasseyer les aigus avec bonheur. Avec Altadena in, le son du violoncelle a l’air préparé face au sax basse bien clair et moëlleux. On ne dira pas que Frode Gjerstad est un super pro du sax basse, plusieurs artistes notoires s’en étant servis comme d’une couleur supplémentaire, il faut entendre un Tony Bevan s’époumoner avec l’instrument pour se faire une idée. Mais Gjerstad, avant tout un sax alto, sait rendre intéressant son jeu sur l’instrument et on écoute cela avec plaisir. De même, la clarinette basse dans the summer est gargouilleuse, grailleuse et volatile à souhait, et son exploration vocalisée des registres revêt une dimension profondément touchante. La dynamique de chaque instrument est bien accordée l’une à l’autre, l’écoute et l’inter-indépendance est naturelle directe. Une belle rencontre entre deux belles personnalités qui font vivre cette musique et sa pratique par leur engagement à tout point de vue.

FragmentHugues Vincent – Yasumune Morishige improvising beings ib28


Deux violoncelles en parallèles, en tangentes, ou en lignes croisées dans une multitude d’angles. Un travail sur le son aussi lent que possible, relâchant harmoniques, graves sourds et pointes d’archets, interférences et quelques ponctuations en pizz, au bord du silence ou cordes vibrantes. Dans la discographie de l’improvisation totale, je n’ai pas encore eu connaissance d’un duo de violoncelles et, donc, voici de beaux exemples de l’univers sonore de cet instrument avec son double. La troisième des neuf pièces, numérotées de I à IX, est faite de percussions d’archets sur les cordes avec une invention rythmique remarquable. Le IV a une émission ténue  presque sous la limite de l’audible si vous ne profitez pas d’une hi-fi convenable mais quelle concentration ! Par contre, le V est une belle improvisation libre qui se métamorphose de glissandi en pizzicati suspendus dans le vide, de contrechants lumineux vers un momentum engagé et qui paraît frénétique au regard de l’atmosphère du disque.
Le territoire de ce Fragmentsemble se trouver au confluent d’une recherche sonore minimaliste et de la complexité, en évitant le débit torrentueux auquel l’impro libre nous a habitué.
D’excellents musiciens improvisateurs pour une musique superbe et magnifiquement retenue. Ils ont pris soin de proposer ici un panorama assez large de leur recherche / pratique musicale avec une remarquable unité de ton. Un album qui tranche dans la production actuelle.

Vario-51Alberto Braida Günther Christmann Michaël Griener Elke Schipper ed explico 18

Publié par son label maison edition explico, cet enregistrement du 8 novembre 2013 du groupe à géométrie variable Variorestreint à un quartet, nous offre le plus beau témoignage de l’esprit que Günther Christmann veut insuffler à son projet fétiche dont c’est la cinquante-et-unième édition. Le n° 50 avait rassemblé pas mal de monde, dont certains avaient collaboré par le passé (Paul Lovens, Paul Hubweber, Thomas Lehn, Mats Gustafsson, John Russell, Torsten Müller, Alex Frangenheim etc..), et cette réunion s’était étalée sur plusieurs soirées à Berlin. Pour le n°51, il s’agit d’une affaire plus intime sur une seule soirée dont cet album intitulé « push n’ pull » relate l’entièreté en conservant l’ordre des morceaux improvisés durant le concert. Alberto Braida est crédité clavier et clavicorde, instrument curieux, et c’est un plaisir d’entendre ce qu’il en fait en duo avec la vocaliste – poétesse sonore Elke Schipper. Deux morceaux en quartet préliminaires  cadrent la dynamique du concert et introduisent une qualité d’échanges fluide et concentrée. On dénote un sens du timing très particulier et un recours à une notion du silence dans le son. Le deuxième duo entre la percussion clairsemée de Michael Griener et le jeu à la fois intense et étonnamment mesuré et la manière introvertie de Christmann au trombone est en soi une pièce d’anthologie. Les tenants de l’improvisation « minimaliste » reprochent souvent le jeu continuel, dense et fourni et les grands effets « dépassés », voire la logorrhée de l’improvisation libre « historique » (rappelons la polémique de Radu Malfatti vs Evan Parker trio). Je ne sais pas ce qu’ils vont trouver à dire en écoutant cet échange de cinq minutes qui semble ne durer qu’une seule… Savoir exprimer autant d’idées et de formes en si peu de temps avec une telle assurance en combinant une telle variété « temporelle », esquissant un rythme avec un seul son, faisant crier le pianissimo, etc… On trouve d’ailleurs chez le percussionniste Michael Griener une concision et sens de l’épure qui aiguille la musique là où elle se développe le mieux.
 Viennent ensuite trois pièces en quartet qui font voyager la musique dans de multiples dimensions entrecoupées de fausses conclusions, d’arrêts brusques, de changements de registres et de dynamiques incessants, de silences, … comme si l’improvisation pouvait revêtir des formes multiples, divergentes, s’écouler en une succession d‘événements sonores peu prévisibles, de styles qui convergent vers une qualité d’écoute et d’invention. Un seul coup d’archet frappant les cordes ou une frappe subite dans les cordes du piano, suffit pour créer une véritable tension. Christmann joue aussi du violoncelle en pizzicato en faisant déraper un tempo imaginaire que dérèglent les arpèges dissonants de Braida. Elke Schipper joue de la bouche, de la langue, des lèvres et de la gorge transformant et inventant des phonèmes dans une version ludique abstraite du sprechgesang. Son duo avec Michael Griener est un beau moment tout comme le dialogue du violoncelle et des cordages du piano qui évoquent une harpe folle… Ces quatre-là ont l’art de faire se suspendre le temps et peuvent donner au moindre geste qui aurait un air insignifiant la même importance que la tirade la plus sentie.
Edition explico n’a aucun site internet et leurs albums garnis de tirages photos signés (par les artistes) ou d’objets collés sur la face transparente du jewel-box ne sont pas distribués. Il faut absolument leur écrire pour obtenir ces disques. Alors que Günther Christmann a eu un rôle pionnier dans l’improvisation libre absolument incontournable et a joué (et joue encore souvent) avec Paul Lovens, Maarten Altena, Sven-Ake Johansson, Schlippenbach,  Van Hove, sans parler du Globe Unity Orchestra dont il fut un des piliers, il n’y a que de très rares enregistrements disponibles en cd’s autre que les Ed explico. Citons un Trio de 1991 avec Lovens et Gustafsson publié il y a quatre ans sur le label FMP et Core avec Schipper et Frangenheim sur Creative Sources. Pour ceux qui suivent l’improvisation radicale d’un peu près et ne connaissent pas bien (du tout) ce musicien unique et la manière singulière dont on joue dans ses groupes, Vario 51 est vraiment un album subtil tout en nuances à recommander. Je pense personnellement que Christmann est un artiste aussi important qu'Eddie Prévost et AMM, Derek Bailey ou Evan Parker, Paul Lovens ou Fred Van Hove. 
En outre, il a fait vivre cette musique en organisant une foule de concerts dans la région de Hannovre.

Ecrire à : edition explico D-30851 Langenhagen Weserweg 38.  

Sound GatesNinni Morgia & Marcello Magliocchiultramarine UM009


Une fois n’est pas coutume, un vinyle. La photo de pochette évoque celle d’ Obscured By Clouds, la bande son d’un film de Barbet Schroeder par Pink Floyd en 1972. Le guitariste Ninni Morgiaprovient (pour schématiser) du rock progressif / noise et le percussionniste Marcello Magliocchi a un solide métier à la fois jazz contemporain et percussion classique. Le guitariste utilise des pédales, mais il a aussi un solide contrôle de l’instrument avec lequel il développe un langage sonore articulé, précis et coloré, en évitant soigneusement de saturer. Le percussionniste est un fin technicien et un improvisateur inspiré que ce soit aux cymbales ou avec des rythmes multiples. J’apprécie particulièrement le mouvement spacieux et « a-rythmique » de la deuxième face lorsque les sonorités des grands gongs croisent avec précision les hauteurs des timbres électriques des effets de guitare. Sous ces arcs sonores éthérés, Magliocchi fait mouvoir les peaux avec une pulsation aussi flottante qu’elle est parfaitement assurée. Le son de la guitare se transforme en morsures et l’électricité s’intensifie jusqu’à un deuxième mouvement « a-rythmique » plus bruitiste côté guitare et le dialogue change alors de nature avec un travail précis sur des objets / instruments métalliques.

Vient ensuite des notes égrenées dans l’espace traversées par des résonances de gongs et cymbales jouées à l’archet et de percussions secouées ou frottées avec discrétion. Encore un tour sur les peaux avec une classe remarquable. Magliocchi a ceci de chic qu’il joue la cymbale à l’archet en produisant des notes précises. Il enchaîne toutes ses actions avec un vrai naturel sans se forcer. Cela respire sans étalage de technique, mais on sent un grand savoir-faire. Au final, une rencontre réussie entre deux personnalités contrastées qui savent s’écouter et construire un univers commun. Un bon disque et l'envie de connaître mieux le travail de percussions à part entière de Magliocchi (un album solo ??)

700 on Leo Daniel Thompson Tom Jackson Roland Ramanan Ivo Perelman Matt Shipp Paul Dunmall Tony Bianco Paul Rogers Mark Sanders

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Zubeneschamali  Daniel Thompson Tom Jackson Roland Ramanan Leo Records LR CD 700

Cette fois Leo Records a consacré son 700ème album à des artistes londoniens de la troisième et quatrième génération, alors que le label a des Braxton, Léandre, Maneri, Perelman, Gratkowski, Nabatov  et une ribambelle de Russes , Baltes etc…  Masis on ne peut pas toujours écouter les mêmes valeurs sûres ( héros, têtes de file, vedettes…). Roland Ramanan est un trompettiste remarquable  dont Emanem a produit deux albums de « jazz libre » en compagnie du batteur Mark Sanders,  du contrebassiste Simon H Fell et du violoncelliste Marcio Mattos  (Shaken et Cesura) , excusez du peu.  Il est, depuis le début, un pilier essentiel du London Improvisers Orchestra qui a rassemblé et rassemble encore un véritable who’s who de la scène radicale improvisée londonienne depuis 1999. Son excellent Tentet publié par Leo Records (LR  556) et qui comprenait Tony Marsh Alex Ward Robert Jarvis Dom Lash Simon Rose Javier Carmona Marcio Mattos Ian Smith et Ricardo Tejero ne laissait pas préjuger de son attirance pour la liberté intégrale , librement improvisée. Roland Ramanan a trouvé chez ses « cadets », le guitariste acoustique Daniel Thompson  et le clarinettiste Tom Jackson, une entente parfaite pour développer une musique de chambre libertaire faite de nuances , de couleurs et de traits tous azymuths. Dans la scène londonienne actuelle, Daniel  Thompson se révèle être un animateur  activiste de premier plan à travers les concerts qu’il organise dans les lieux plus excentrés que la partie Nord Est où se situent le café Oto, le New Vortex à Dalston – Hackney  et la Stoke Newington High Street . On l’a vu programmer les concerts à la Shoreditch Church à proximité de la City ou dans l’extrême Est ,  accessible par le nouveau métro aérien ( Arch One). C’est maintenant à Foley Street dans le lointain Ouest qu’il officie essayant d’étendre la toile de l’impro libre dabs cette ville grouillante.  Dans la mouvance de Daniel , on compte quelques musiciens vraiment passionnants parmi lesquels le violoniste alto Benedict  Taylor et le clarinettiste Tom Jackson dont le disque Songs for Baldly Lit Rooms est un des meilleurs duos improvisés « British Made » jamais enregistrés ( Incus Emanem Bead Ogun Matchless etc..).  Sans aucune exagération de ma part. Et donc ce beau trio est plus qu’une tentative. Daniel Thompson est en train de construire un univers personnel à l’écart des John Russell Roger Smith etc… dans une dimension collective. La guitare n’est pas un instrument facile et depuis qu’il s’est jeté à l’eau son évolution est concluante. Quant à Tom Jackson, il est devenu un clarinettiste de premier plan comme son collègue Alex Ward ou le français Xavier Charles. Et surtout, ce qui me réjouit ici c’est cette qualité d’écoute , cette construction collective qui échappe autant à l’univers régit par les valeurs / balises du jazz libre, au paramétrage « musique contemporaine XXème ou à la sacro-sainte vulgate « non-idiomatique » pour pigiste à la cuiller à pot ainsi qu’à tout genre musical qu’on veut définir.
Donc, voici un beau document qui met  en valeur le travail collectif au bénéfice de chaque individu. Pour y arriver, ils exploitent une excellente recette : chercher en soi-même ce qu’il y a de meilleur à offrir dans le moment même en utilisant toutes leurs ressources musicales et instrumentales et sans essayer de prouver quoi que ce soit.  Cela commence par un thème presque swinguant  lancé spontanément par le trompettiste et qui rebondit sur les phrasés aux intervalles disjoints de la guitare traitée comme une percussion libérée. Le clarinettiste a embouché la clarinette basse et s’en sert comme pivot harmonique / contrepoint affolé. Roland Ramanan ne se contente pas d’enfiler des chapelets de note mais phrase réellement avec un véritable lyrisme et un beau contrôle du son sur des intervalles inusités. C’est un trompettiste original, ce qui est assez logique, avec des collègues comme Harry Beckett, Kenny Wheeler, Henry Lowther et Ian Smith en ville, ça doit vous donner des idées.  Si vous ne comprenez pas ce que je viens d’écrire à propos de « phraser », un souffleur de haute volée et honnête vous l’expliquera. En plus c’est vraiment beau. Les 12 morceaux portent chacun des noms de constellations étoilées et développent des idées différentes au fil de la session.  La contribution personnelle de chaque personnalité et leurs différences s’interpénètrent avec une réelle bonne volonté assumée : Ramanan a eu une pratique du jazz contemporain confrontée à l’impro libre, Thomson fut un élève de John Russel l et a trouvé sa voie personnelle et Jackson a un parcours contemporain qui n’ignore pas le jazz. Ici sa contribution à la clarinette basse n’atteint pas les sommets instrumentaux d’un Jacques Foschia ou d’un Rudi Mahall mais apporte un son empreint d’une réelle corporalité et une couleur qui entre parfaitement dans l’univers du trio. Thompson trace ses arabesques décomposées sur  le découpage rythmique envoyé par Ramanan, en assument son style écartelé et cela fonctionne.  Non content d’établir un son de groupe, chaque musicien s’échine à le subvertir dans une ou deux pièces à l’allure minimaliste ou bruitiste. Au final, une belle expérience et comme je ne connais pas d’album avec guitare acoustique, trompette et clarinette qui poursuive un réel aboutissement de ce genre, ce Zubenschamali figurera en bonne place dans ma liste des bons albums de 2013-2014-2015. Un très beau numéro 700 pour Leo Records.

Ivo Perelman The Other Edge Matthew Shipp Michael Bisio Whit Dickey Leo Records LR 699

Leo Records aurait pu programmer ce disque-ci, The Other Edge, au numéro 700 de leur extraordinaire catalogue. Leo Feigin a été chic, il a laissé la place à ces musiciens britanniques que beaucoup ne connaissent pas encore(cfr chronique plus haut). Mais voilà, c’est le numéro 699 pour Perelman et son équipe ! Et quel numéro de lotterie ! Ivo Perelman est aujourd’hui un des saxophonistes ténor les plus attachants, les plus sensuels, avec une pratique tournée vers la libre improvisation d’essence jazz. Donc pas de thèmes, de rythmiques pré-établies, de solos etc… Sa musique en groupe, comme tous les duos , trios et quartets qu’il enregistre ( à la pelle, profitez-en) pour Leo est créée dans l’instant, sans fixer quoi que ce soit à l’avance, et basée sur l’écoute mutuelle, intuitive. Ses albums présentent chaque fois une nouvelle congrégation de ses fidèles, le pianiste Matthew Shipp, les batteurs Gerald Cleaver ou Whit Dickey, les bassistes William Parker, Joe Morris (aussi guitariste) ou Michaël Bisio. Cette session de janvier 2014 vient à la suite d’autres sessions très souvent réussies, et comme les précédentes, elle se concentre sur la qualité d’un dialogue intimiste, subtil où le saxophoniste sollicite la microtonalité de manière aussi authentique que feu Lol Coxhill et Joe Maneri. Je pense sincèrement que Perelman est un souffleur aussi singulier que peut l'être Roscoe Mitchell. Son phrasé, ses inflexions, son entêtement mélodique, son « système » se détachent entièrement de la vulgate du jazz-libre. Je vais pas faire de comparaisons avec d’autres artistes nommément, car c’est un procédé indigne des efforts consentis par ces combattants de la liberté musicale et du partage. Mais on ne risque pas beaucoup en déclarant qu’une telle originalité au saxophone se compte sur les doigts d’une main par décennie de l’évolution du jazz libre. Apparu dans les années nonante, Ivo Perelman s’était distingué par un expressionnisme exacerbé, tout en étant subtil et musical, et dont le paroxysme a été atteint dans l’inoubliable For Helen F de son Double Trio sur le label Boxholder ( Gerry Hemingway et Jay Rosen, Mark Dresser et Dominic Duval).  Soit une situation où ses collègues bassistes et contrebassistes le propulsent  en tant que souffleur soliste, cracheur de feu. Très rarement un souffleur a rallumé aussi bien la flamme d'Albert Ayler en personne. Depuis lors, son travail a évolué et s'est focalisé sur un dialogue, une conversation à trois ou quatre, où chaque instrumentiste surpasse les rôles respectifs d’accompagnateurs et de solistes vers plus d’égalité. Une démarche naturelle et logique voisine de celles des Evan Parker, Paul Lytton, John Stevens, Paul Rutherford et compagnie. Les structures créées spontanément transitent entre liberté totale assumée et déconstruite et des cadences rythmiques trouvées dans l’émotion de l’instant, produit ludique de l’improvisation collective, sans aucun calcul. Matthew Shipp est un pianiste extraordinaire avec une technique superlative et un énorme bagage musical. Avec Perelman, il fait presque oublier tout cela, car ce qui compte ici par-dessus tout est l‘émotion, la beauté fugitive, la spontanéité. Et l'équilibre de l'édifice ! Point ne sert de trop dire , il faut savoir parler à bons escient. L'art de la conversation en quelque sorte. Whit Dickey joue avec un drive impressionnant et une lisibilité maximale. Son foisonnement bien découpé reste translucide et révèle le superbe jeu de contrebasse de Michael Bisio et les nuances du toucher du pianiste. Le free-jazz peut se révéler être une musique à clichés et c’est bien tout l’intérêt, le charme et la beauté irrévocable des groupes d’Ivo Perelman. Ils incarnent l’essence de l’improvisation collective radicale dans l’univers du jazz afro-américain libéré. Un vrai plaisir.

Paul Dunmall Tony Bianco Spirits Past and Future Duns Limited Edition 062

Au ténor et au saxello (héritage de son ami Elton Dean), Paul Dunmall partage une nouvelle fois cet enregistrement de décembre 2007 avec le batteur polyrythmicien Tony Bianco. Le morceau titre Spirits Past and Future s’écoule durant cinquante minutes de pur bonheur intense « à-la- Coltrane & Rashied Ali dans  Interstellar Space. On va me dire que ce sont des vieilleries pour nostalgiques du « free-jazz ». Soyons sérieux, il n’y a pas dix saxophonistes ténor comme Paul Dunmall qui maîtrise toutes les facettes possibles du « post Coltranisme » et l’instrument en tant que tel comme notre héros à tous nous a quitté sans avoir trouvé beaucoup de challengers à sa suite, on se réjouira de pouvoir l’écouter  dans les infinies variations entièrement improvisées des dédales harmoniques et du travail du son. Les harmoniques encore , mais ce vocable désigne ici le son produit au-dessus de la tessiture normale en soufflant plus fort. Cette technique semble accidentelle et parfois erratiques chez de bons techniciens mais depuis Coltrane et aussi Steve Lacy, « la crème des saxophonistes ténor » jongle  avec elle ( cette technique dite des » harmoniques » ) car c ’est en fait une possibilité naturelle de l’instrument qui figurait sous forme de curiosités techniques dans les manuels. Parmi les « clients » de la descendance de Coltrane, on compte un Pharoah Sanders, un Joe Farrell, artistes qui se sont trop englués dans des projets « professionnels ». Parmi ceux qui ont gardé doit devant l’idéal exploratoire et révolutionnaire de Coltrane, on citera feu David S Ware aux USA et Evan Parker en Europe. J’ai surpris des conversations sur Face Book d’amis saxophonistes ténor incontournable et pour eux c’est clair : parmi les plus « grands saxophonistes » du « monde » , on cite un prof et Evan Parker. Evan Parker lui –même dit à ses camarades musiciens en riant dans sa barbe : Paul est le plus grand saxophoniste du monde. Son triple tonguing échevelé ne modifie jamais  le son droit durant la moindre infime fraction de seconde. Le son, les intervalles et tous les sons dans tous les intervalles à la vitesse lumière. Surtout on entend clairement qu’il improvise à 100%, ce qui n’est pas toujours le cas des pointures de l’instrument qui trustent l’intérêt des médias, en récitant des séquences prédigérées et avec une parcours quasi télécommandé. Dunmall invente ses séquences mélodiques sur le moment même et les développe avec une minutie maniaque. Dans ce Spirits Past and Future n’y a pas un recoin qui ne soit exploré , trituré, ressassé, sublimé . Incendiaire…Dès la huitième minute le son apaisé de l’intro s’est fait brûlant, hypnogène et torturé et le musicien conserve le matériau mélodique. Il enchaîne des variations sur toute la tessiture en sollicitant les harmoniques supérieures, les overtones.. en torturant de plus en plus les extrapolations des intervalles comme une armée de jongleurs. Et cela ne s’arrête.. pour ainsi dire jamais .. Je suis encore pantelant passé la vingtième et unième minute où ils se met à gémir – hurler  , choisissant quelques notes au hasard pour repartir et  conclure.. Solo de batterie à la 23ème   , polyrythmique en diable  et  prélude à un hymne jeté aux éléments… on est alors dans la transe de la sensibilité et de l’émotion dans la surenchère énergétique, flottant sur les vagues telluriques de Bianco.  Alors si vous ne l’avez pas encore écouté, Paul Dunmall, essayez de trouver cet album et vous allez tomber par terre. Il reste encore quelques copies de Spirits Past and Future, un des derniers cd’s encore disponibles du label personnel de Paul Dunmall et de Phil Gibbs, son fidèle compagnon guitariste. Cet album se concentre justement sur le sax ténor et  ayant écouté une très grande quantité de ses productions, je suis frappé de n’être jamais lassé de ses improvisations d’un disque à l’autre sur cet instrument. On peut aussi l’entendre en duo avec le batteur Miles Levin dans Miles Above, toujours disponible sur Duns. Plutôt que de créer un style « Dunmall » typé caractéristique, Paul tente avec le plus grand bonheur d’intégrer un éventail  très étendu de possibles liés aux spécificités du sax ténor et de son histoire. Des échos très denses de Trane (bien sûr) mais aussi de Wayne, Warne, Gordon, Griffin, Rollins, Evan Parker et, même, une synthèse de l’esprit de Jimmy Giuffre et de Sam Rivers dans un de ses albums sur le label FMR. Avec lui, un véritable monstre de la batterie dans une approche voisine de celle de Rashied Ali : profusion de rythmes croisés et de frappes en roulement infernal.  Tony Bianco a la capacité de jouer en 36ème de temps sans faiblir. C’est un des plus fantastique drumming free jazz qu’il est donné d’entendre. Evidemment cela va fort… et Dunmall souffle avec une puissance….  Pour conclure, une pièce de 5 minutes plus apaisée, Istah.  Un géant. Celui qui parle encore de Coltranisme, qu’il aille empester les jurys de conservatoires. Vive Dunmall et Vive Bianco !! Plus que ça tu meurs !!

Deep Whole Trio : That Deep Calling Paul Dunmall Paul Rogers Mark Sanders FMR 370-0214

Deep Whole trio est le nom du groupe constitué par Paul Dunmall, saxophoniste ténor et soprano exceptionnel, le contrebassiste à 7 cordes Paul Rogers et le percussionniste Mark Sanders. Les deux Paul faisaient partie du quartet Mujician avec Keith Tippett et le batteur Tony Levin, disparu il y a quelques années. Ce quartet moins Tippett se déclinait en un trio inoubliable immortalisé par le quadruple cd «Deep Joy »édité par Duns Limited Edition (à 100 copies) et enregistré au tournant des années 90 et 2000. Ce Deep Joy trio n’existe plus, mais voici le Deep Whole. Par rapport à Tony Bianco, un poids lourd de la batterie, Mark Sanders fait plutôt figure de poids plume. Mais quelle élasticité, quel drive tout en nerfs, soubresauts et démarrages au quart de tour, mais sans (presque) jamais interférer dans les fréquences du sax et de la contrebasse. Contrebasse ? Celle de Paul Rogers est une espèce d’hybride de la contrebasse, du violoncelle et de la viole de gambe. On se souvient de la puissance toute mingusienne de Rogers à la quatre cordes traditionnelle et de son coup d’archet supersonique. Dans le Deep Whole trio, il y a la puissance profonde, énorme et cette légèreté fluide qui permet les nuances de timbres  chères à l’improvisation britannique depuis les ateliers et gigs de John Stevens. Et donc à l’instar des trios d’Evan Parker avec Guy et Lytton ou de Schlippenbach avec Parker et Lovens, on atteint là le fin du fin de la liberté free-jazzistique assumée , celle qui a profité de l’expérience de l’improvisation libre sans se casser la tête avec le virus non-idiomatique, invention sémantique plus que réalité musicale. D’ailleurs Lovens Lytton et Parker ont été à l’avant-garde de ce mouvement et l’un n’empêche pas l’autre. Il n’y a que des imbéciles et de « moins bons » musiciens. Partagé en trois parties, cet enregistrement du 30 mai 2013 à la Lamp Tavern de Birmingham offre un excellent exemple de la pratique musicale la plus significative de Paul Dunmall avec Rogers et Sanders. FMR, SLAM et Duns Limited ont publié une quantité invraisemblable des « side projects » du saxophoniste avec Rogers  et le guitariste Philipp Gibbs, mais aussi  le flûtiste Neil Metcalfe, le batteur Tony Marsh qui lorgnent vers l’improvisation libre avec des guitaristes « à effets ». Dunmall semble ouvert à tout et aime se commettre avec des collègues jeunes et encore inconnus. Il faudrait presqu’un guide du Dunmall pour les nuls afin de s’y retrouver. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce prodige du saxophone et sur cet extraordinaire trio et que l’ étendue du catalogue dunmallien effraye, voici le maître achat.
Commençant comme un disque de jazz où il établit spontanément une thématique sans même y penser  et suivi par le tandem  Sanders – Rogers qui swingue à tout va. En toute indépendance l’un de l’autre et avec une cohésion profonde. On songe à Wayne, jusqu’à ce que le rythme se fasse plus pressant, que le motif se décline et se métamorphose, se dilate, se contracte…  Très vite s’installe l’exploration d’idées qui seraient advenues lors d’un précédent concert et qui s’imposent à nouveau. L’excellence de l’enregistrement  de Chris Trent permet de goûter les nuances de la frappe de Sanders alors que Dunmall étire ces notes de ténor une à une. Un court solo mi-basse mi-cello de Rogers, permis par son instrument à cordes sympathiques, introduit un trilogue éthéré d’où surgissent des pointes de triple tonguing avec lesquelles le bassiste dialogue en pizzicato. La pâte se lève et nos trois camarades racontent l’histoire jusqu’au bout. Ensuite, Rogers plonge dans le travail à l’archet dans plusieurs dimensions, propulsé par Sanders. Là-dessus, Dunmall trace un enchaînement aussi cartésien que sensible de volutes enchevêtrées avec un son de plus en plus chaleureux. That Deep Calling s’arrête après plus de 22 minutes sans que la durée se fasse ressentir. Deuxième morceau, Can You take it est introduit par Rogers à l’archet et le bassiste développe une improvisation où différents registres sont exploités jusqu’à ce qu’un rythme naisse. Le batteur se joigne à lui tout en laissant au cordiste l’initiative de tailler des sonorités lumineuses. Dunmall reprend avec le saxello hérité d’Elton Dean et le trio crée un univers sensible en rassemblant une à une chaque note nécessaire à son improvisation tandis que Sanders martelle ses toms en sourdine. Les spirales, stries, tangentielles, dérivées s’emboîtent dans un flux charnel et ludqiue….  Des perfectionnistes de l’improvisation qui prennent tous les risques sur la durée en ne laissant rien au hasard dans le relevé du terrain arpenté par la tangente ou l'hyperbole. Je vous laisse là : avec  cette musique on oublie les jazz magazine, les campagnes de com, le blah blah des critiques et les interviews bidon dont nous assaisonne la presse musicale… Deep Whole, profond et entier …Une musique libre et fascinante.

RPR : Birgit Uhler Leonel Kaplan BPA : Henry Kaiser Damon Smith Jaap Blonk Sandy Even Chris Cogburn Alvin Fielder David Dove Jason Jackson and Clocks and Clouds on FMR

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Birgit Uhler & Leonel Kaplan Stereo Trumpet Relative Pitch Records RPR 1030

Relative Pitch est en train de construire un catalogue qui fédère les initiatives musicales les plus contrastées que d’aucuns auraient voulu diviser dans des courants contradictoires. Alors quand le même label US aligne des artistes aussi radicaux que Birgit Uhler, Michel Doneda (en solo) ou Roger Turner, des pointures New Yorkaises comme Joey Baron et Bill Frisell et réunit dans le même enregistrement la dépositaire en chef du piano tristanien, Connie Crothers, et un soul brother de la Great Black Music tel que Jemeel Moondoc, on se dit que vraiment la musique est un langage universel pour le bonheur d’une bonne partie des auditeurs qui aiment à écouter et à découvrir tout le spectre de la musique improvisée qu’elle soit d’obédience afro-américaine ou européenne, jazz libre ou improvisation libre peu ou prou détachée du jazz au point de s’évaporer dans un minimalisme bruitiste « soft noise ». C’est bien cette dernière option qui prévaut ici. Leonel Kaplan joue exclusivement de la trompette en focalisant son approche sur le bruissement de la colonne d’air, la métaphysique des tubes en quelque sorte (pour paraphraser Amélie Nothomb) : en jouant avec de multiples niveaux de pression des lèvres et l’obturation minutieuse des orifices avec les pistons, il obtient un éventail de nuances, de dynamiques, de bruits parasites, des timbres plutôt plombés que cuivrés, tant il évoquent la tuyauterie. Birgit Uhler, lui répond en ajoutant à son remarquable travail à la trompette, l’utilisation d’une radio, d’un haut-parleur et d’objets comme générateurs de sons. L’un dans le canal droit et l’autre dans le canal gauche, d’où le titre Stereo Trumpet. Ce qui m’a toujours fasciné chez Uhler, c’est cette remarquable articulation rythmique avec laquelle elle fait vivre cette expression sonore introspective et presque désincarnée. Avec Heddy Boubaker, Gregory Büttner, Gino Robair, etc via des micro labels. Leonel Kaplan avait gravé, il y a exactement dix ans, un beau manifeste avec Axel Dörner et Diego Chamy, Absence où les scories étaient filigranées au plus près du micro d'Olivier Boulant. Stereo Trumpetétablit plutôt des drones statiques où s’inscrivent de lancinants changements de tons, des vibrations cotonneuses, un souffle livide. La juxtaposition des timbres individuels crée un courant sonore où disparaît la marque de l’acte personnel et celle de la virtuosité. Parce que cette virtuosité n’apparaît qu’aux praticiens qui connaissent la difficulté du crescendo parfait sans bavure. Au lieu que chaque duettiste reste sur ses gardes en se distinguant de son partenaire avec sa personnalité musicale propre dans un give and take bien délimité, on plonge ici dans un tout fusionnel dans lequel l’auditeur distingue clairement les sons sans pouvoir en attribuer l’origine à l’un plus qu’à l’autre. Une musique qui évoque une électronique austère, une grisaille bleutée à travers laquelle il faut tendre l’oreille pour saisir le cheminement des lents changements de densité, de couleurs, de vitesse, et l’irruption d’un gargouillis imprévisible. Tout comme un Rhodri Davies, un Jim Denley, un Ernesto Rodrigues ou un Axel Dörner, Birgit Uhler et Leonel Kaplan créent avec talent les conditions d’une autre écoute dans une dimension temporelle et auditive renouvelée. Vraiment remarquable.

Relations Henry Kaiser & Damon Smith Balance Point Acoustics BPALDT505



Duo acoustique entre (ou avec) la contrebasse de Damon Smithet la guitare (1998 Monteleone Radio Flyer 7-String Guitar) d’Henry Kaiser. Smith est aussi le responsable du label BPA et celui-ci retrace ses aventures musicales dans différents contextes improvisationnels avec des improvisateurs incontournablescomme Phil Wachsmann, John Butcher, Frank Gratkowski, Wolfgang Fuchs, Birgit Uhler, la superbe chanteuse Aurora Josephson. A travers les disques BPA on aborde avec bonheur Il y a une dizaine d’années BPA avait publié un hommage d’Henry Kaiser à Derek Bailey (Domo Arigato Derek Sensei) suite à sa disparition et avec de multiples invités dont un intéressant duo Kaiser-Smith qui appelait un prolongement, voire un document. Kaiser est connu pour ses multiples appétits musicaux qui naviguent entre des croisements « musique du monde », le projet YoYo Miles avec Leo Smith  (sorte de re-make des Bitches Brew et Agarthadu Miles Davis électrique), un Wonderful World en solo quasi New Age,  de l’improvisation radicale (l’excellent Acousticsavec Mari Kimura, Jim O’Rourke et Jim Oswald chez Victo). Dead Head assumé, il a joué des covers alternatives du Grateful Dead, mais aussi pastiché le Magic Band de Captain Beefheart. Son Wireforksen duo avec Derek Bailey m’est resté en travers de la gorge, alors que c’est un excellent guitariste et musicien engagé dans l’improvisation depuis des décennies. Bref, il a autant de cordes à son arc que sa collection de guitares est vaste. Dès la fin des années 70’s , il avait fait fort avec son album Protocol en duo avec le percussionniste Andrea Centazzo et le trompettiste Toshinori Kondo, deux artistes superlatifs qui avaient quitté la scène improvisée quelques années plus tard. Donc, pour moi, Kaiser est un musicien que j’apprécie et pour lequel je n’hésite pas à chroniquer avec plaisir un opus qui me touche comme son solo Requia dont vous trouverez une chronique dans une page de ce blog (août 2014). Mais ce n’est pas un artiste que je suis à la trace comme Veryan Weston, Paul Hubweber, Roger Turner, Charlotte Hug, Gunther Christmann etc... Alors bien sûr, avec cette approche spécifique à la guitare acoustique, plane ici l’ombre du grand Derek Bailey, celui des Domestic Pieces (Emanem 4001), d’Aida (Incus 40) et de Lace (Emanem), acoustique. Ou l’opiniâtreté radicale de John Russell, un de ses bons copains. Car dans cet enregistrement, Henry Kaiser joue avec les harmoniques, technique par excellence de Bailey et Russell. Il y a donc heureusement des moments superbes, sauvages, des trouvailles au niveau guitare et le duo fonctionne comme dans ce Garden Not A Garden où le contrebassiste frotte le plus lentement possible l’archet sur la corde grave en bloquant la vibration. Recherches, écarts, évidences, congruences, échappées, flottements. Au niveau guitare proprement dit, il faut vraiment écouter dans une excellente hi-fi, pour apprécier ce que Kaiser apporte de particulier à la lingua franca post-Bailey. Cette guitare convient-elle à cette technique qui utilise les harmoniques produites en bloquant subrepticement la vibration de la corde un bref instant au moment précis où le plectre tire la corde ?? Cela nécessite des cordes particulièrement tendues, accordées au plus juste à toutes les hauteurs et un instrument à la projection exceptionnelle. Comme on l’entend à merveille dans Annoyance is the Joke That Drives the Music, Kaiser dégringole des cascades d’accords abrupts et dissonants quand son acolyte fait grincer sa basse. Damon Smith a une tendance à se tenir légèrement en retrait comme s’il se mettait au service de la guitare. Parfois, j’ai le sentiment que la logique ou le charme fantaisiste de l’improvisation en cours se dissipe. Un peu trop posé. Ceux qui ont jamais écouté la demi-face de vinyle complètement folle de Derek Bailey et Maarten Altena dans Improvisors Symposium Pisa 80, tiendront là matière à disserter. Malgré ces remarques, Relations contient d’excellents moments et est un témoignage vivant de ce penchant qu’ont les improvisateurs d’essayer des choses dans l’espoir de créer un momentum qui captive l’attention. Et cela passe plutôt bien. Il y a des albums de Damon Smith qui sont quasiment parfaits, au sens improvisation, s’entend.

North of Bianco Jaap Blonk Sandy Even Damon Smith Chris Cogburn bpa016

Jaap Blonk est un des rares vocalistes masculins proéminents de la scène improvisée au même titre que notre cher Phil Minton à tous et que le prodigieux Demetrio Stratos, trop tôt disparu (1978). Stratos avait d’ailleurs précédé Minton dans l’ordre d’apparition sur la scène internationale comme chanteur vocaliste expérimentateur de quelques années. Tous deux sont de vrais chanteurs avec des voix aux dimensions et à la texture exceptionnelles et une capacité phénoménale à déguiser leur organe d’attributs multiples et complètement incroyables. J'espère moi-même ne pas perdre mon temps en me produisant ici et là en qualité de chanteur improvisateur. Digne héritier de la tradition « poésie sonore » des Kurt Schwitters et Henri Chopin, Jaap Blonk ne se montre pas tel un chanteur, mais plutôt comme un formidable bruiteur de l’impossible. Un performance solo de Blonk est un pur moment de magie. D’excellents témoignages de ses capacités d’improvisateurs figurent dans les cd’s Improvisors (avec Michael Zerang et Mats Gustafsson/ kontrans) et First Meetings (avec Zerang et Fred Lonberg Holm /Buzz records) enregistrés en 1996, alors que le profil de la musique improvisée libre radicale se redressait à vive allure, vingt ans après l’explosion de 1976 / 77. Et donc vingt ans encore après, quoi de plus naturel de retrouver Jaap Blonk dans l’exercice difficile du quartet avec guitare électrique, contrebasse et percussions. Qu’à cela ne tienne, Sandy Even détient la clé de la réussite de l’entreprise, son approche étant bruitiste à souhait avec le dosage subtil nécessaire. En effet, on n’entend quasiment jamais une inflection issue de la pratique, même subliminale, du chant, dans le babil crypto-langagier, les borborygmes et bruits de bouche du Hollandais et l'option de la guitariste se meut dans une perspective idéale. Même quand sa plainte ondule au-dessus du pandémonium électronique guitare électrocutée et percussion enchevêtrée. La musique est en fait un bel hommage au Keith Rowe d’avant (le minimalisme). BPA avait déjà publié il y a un an un excellent duo « digital » de Sandy Ewen  et Damon Smith, Background Information(BPA-1), un travail sonique qui allie une aspect brut avec la plus grande finesse. Ce North of Bianco en est son prolongement légitime. Toutes les possibilités sonores sont exploitées, le percussionniste Chris Cogburn bruissant à merveille (où est passée la batterie?), utilisant son instrument comme résonateur de manipulations d’objets et d’instruments détournés de leur fonction première et le vocaliste se moule et coule dans les interstices ou quand le silence point ou que le jeu s’aère, prend la relève du bruitage sans qu’on se dise qu’il y a une voix humaine. Une machine, un gros bourdon ou des monologues improbables à la diction infernale. Il y a un texte poétique de PascAli, le tandem de contrebassistes, dans les notes de pochette. J’aurais aimé y voir figurer une notice avec qui et quoi fait quoi, question instrumentation. Mais peut-être ainsi, le mystère est conservé. Les groupes documentés par Damon Smith sur son label BPA se suivent et ne se ressemblent guère. Et c’est une bonne raison de suivre l’évolution de ce label dédié à l’improvisation libre à 100% et sans oreillères.

Clocks and CloudsLuis Vincente Rodrigo Pinheiro Hernani Faustino Marco Franco FMR CD371-0214

Iridescence, Ophidian Dance, Strangely Addictive, Compression Test, etc… avec des titres pareils, on s‘attend à un jazz intellectuel et imagé, à une démarche subtile. Et à l’écoute, on n’est pas déçu. Il arrive encore souvent qu’on se dise que le groupe enregistré X ou Y est moins réussi que la qualité intrinsèque de ses membres. Ici, c’est tout le contraire et à cet égard c’est une belle réussite collective basée sur la phraséologie de chaque individu, trompette (Vicente), piano (Pinheiro), contrebasse (Faustino), batterie (Franco) et leur capacité à coordonner leurs interventions, à doser la dynamique dans un équilibre instable dans une manière de swing décalé qui fait le grand écart avec les lois du genre. Le bassiste est l’intelligent pivot de l’ensemble, le pianiste crée constamment des espaces dans le flux du clavier afin de permettre la lecture des nuances du percussionniste, lequel a retenu la leçon d’un Paul Lovens (sans pour autant être aussi audacieusement extrême), et de relancer les étoiles filantes du trompettiste. On va au plus loin de la structure du jazz libre sans certains des poncifs du genre avec l’expérience d’une pratique de l’improvisation totale, radicale. C’est un travail absolument remarquable et sa qualité se bonifie au fil des écoutes répétées. Vicente a des lueurs dignes d’un Bill Dixon et Pinheiro est un excellent pianiste jazz contemporain qui a intégré comment diriger ses improvisations au piano avec la structure d’un quartet tel que celui de Clocks, qui porte très bien ce nom vu la cohésion millimétrée. Marco Franco gère très bien la dynamique en alliant retenue et agressivité. Il y a un peu de tout dans le catalogue FMR et il arrive qu’on ait d’excellentes surprises telles que celles-ci. Un excellent album qui a quelque chose de très particulier. A recommander.

From to FromAlvin Fielder David Dove Jason Jackson Damon Smith Balance Point Acoustics BPA 015



Souvenez – vous ! Alvin Fielder est un des batteurs qu’on a entendus dans les premiers enregistrements du futur Art Ensemble of Chicago alors qu’ils n’avaient pas encore rejoints Paris en 1969. Il y eut Phil Wilson, Robert Crowder et Alvin Fielder. Et puis seulement Don Moye. Fielder est un Néo Orléanais et c’est à l’aune de cette filiation qu’il faut apprécier le quartet de From-To-From. Il forme le moteur de l’ensemble et lui imprime une couleur et une impulsion rythmique Louisianaise typique même si les deux souffleurs, le tromboniste David Dove et le saxophoniste Jason Jackson s’envolent en toute liberté avec une bel expressionnisme Great Black Music secondé par la walking basse imperturbable de Damon Smith. C’est la belle impression qu’ils donnent dans le premier Ut. Dict., amplifiée par la fausse nonchalance soul funky du trombone, une voix originale et relativement voisine de celle de Roswell Rudd. Mais dès le début des vingt minutes de From To From, le swing du premier morceau se métamorphose dans une belle recherche de sons, d’ébauches, de commentaires, de rubato lyriques ou inquisiteurs où s’entrecroisent des lignes pleines d’une vraie richesse musicale. Le tempo démarre vers la septième minute et se décale pour soutenir le solo chaleureux du trombone. Il y a dans cette équipe un sens collectif, une joie de jouer décontractée dans une forme d’allégresse en mode mineur, une alternance sax/trombone et Jackson tire parti de l’alto, du ténor et du baryton en fonction de l’orientation de la pulsation. C’est avec surprise qu’on voit le temps défiler à l’aune de la rédaction de ce texte et c’est dire que la musique n’est point ennuyeuse. B,B,B x 6/8 est l’occasion d’ouvrir avec la contrebasse improvisant en avant et les souffleurs voletant en suspension dans l’espace. La configuration instrumentale est mouvante et en constante évolution et l’intelligence du jeu collectif fait de ce quartet un groupe gagnant, sans qu’il sacrifie à la démonstration – étalage technique, virtuosité et tempos d’enfer. Quand ils s’envoient en l’air à tout berzingue, c’est l’affaire de trois minutes créant la diversion parfaite. Le jazz, c’est l’art consommé du temps. On pense au New York Art Quartet (album ESP et Mohawk pour Fontana). Lyrisme, cohésion, équilibre, blues authentique. Une musique pareille ne se cote pas : Vous prenez ou vous laissez ! Moi, je prends tout cela à 100% : la musique du cœur et de la sensibilité !!

the Thirty and one piano part I , part II & part III and free flight by Jacques Demierre

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the thirty and one pianos , jacques demierre piano (on free fight), composition, conductor.   flexion records :  flex 008 
thirty pianos : recorded live on september 9 , 2012 , cave 12 @ le galpon  geneva switzerland during cataclysme piano , three days of events curated by cave 12 , théâtre le gallon and boxing piano 
free fight edited by jacques demierre from a piano solo concert recorded live on october 15, 2000 , at CCS , paris, france 
etc...

jacques demierre did a great cd with two pieces, titled One Is Land on Creative Sources. the first piece is the biggest noise possible with 88 keys ever committed to record ( I heard ) and the second piece is my favourite recording of piano innards - carcass of strings machine in front of which many practitioners look like idiots...

so I got from Jacques D this recording of thirty pianos ( dirty ? , thirsty...) yes thirsty ... on this micro label flexion on which are issued some accordion player jonas kocher recordings with michel doneda ( fortunately ) 

the first piece is one of the craziest thing you could hear like giant distuned distorted harp as anything else you can't believe after decades of free music it is very fortunate one is thinking about that 
so it is great like were the two paul's duetting in the early eighties in a dusty gallery or derek acoustic strums in the middle of the night in a small place ... or maarten bowing like mad ... 

the second piece is an eternal wave waving minimal droning as nothing else 

the third piece is scraping scratching thirty sound boxes like madnesses and some plucking notes here and where ...

you can't even not listening to jacques' piano piece afterwards 

thirsty we are for such events , noises moving to silence 

the free fight ostinato string machine  (recorded 2000 at CCS Paris)

cage is cage and forget all you read about random 
and hear the 14 minutes of noise playing fingerings hammerings 
kontrapunkt soundbox klank wave    limitless 

the one piano piece is such the best piece like were  gentle harm and was it me and saxophone solos and journal violone 

great and amazing   14:08    i do prefer them than 4:33  

the very best   :  nothing else like this before, more is no more less 



Witold Oleszak - Roger Turner / Alison Blunt-Ivor Kallin-Hannah Marshall / Mikolaj Tzraska-Ollie Brice-Mark Sanders / Trevor Watts -Veryan Weston / Pat Moonchy-Lino Liguori

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Witold Oleszak & Roger Turner Fragments of Part Freeform  Association cd FFA651

Voici le deuxième acte enregistré du tandem piano – percussion de Witold Oleszak et Roger Turner. Pas moins de 16 morceaux dont neuf autour des deux minutes et quelques-uns de 4 ou 5 minutes. Echanges vifs, explorations du cadre, piano préparé, sens en éveil, espaces ajourés, poésie du son, … Roger Turner est sans doute un improvisateur relativement insituable qui peut se révéler aussi intimiste et secret avec Phil Minton qu’explosif et ultra-polyrythmique avec Hannes Bauer et Alan Silva… Avec le pianiste Witold Oleszak, il vise la pertinence du propos soulignant ou commentant les digressions du clavier via les mécanismes, le cadre et la résonance de la « caisse » ou en poursuivant les vagues des doigtés. La musique est concise, sèche, et elle va droit au but, cultivant l’essentiel d’une belle idée par morceau. C’est un beau témoignage d’improvisations qui respirent et se meuvent dans l’évidence sans en faire trop. Le piano imprime souvent les pulsations et le percussionniste a un malin plaisir à les contourner avec légèreté et subtilité. L’attention est captée la plupart du temps avec des arrêts sur image et une foultitude de détails qui stimulent l’écoute. Alors que nombre de ses collègues essayent de se commettre avec ceux qui comptent sur la scène (notoriété et visibilité), Roger Turner montre encore une fois qu’il a plaisir à jouer avec des amis rencontrés sur la route et qui comme lui ont la plus haute idée de la musique et de la scène improvisée radicale : prendre un réel plaisir avec un excellent partenaire avec qui la communication et l’échange est une manifestation de la vie et le langage du cœur en ne souciant guère du reste. Un excellent enregistrement. On doit aussi à ce label une somme fantastique du trio légendaire the Recedents (Lol Coxhill Mike Cooper Roger Turner) en cinq cédés : Wish you were here !!

Barrel : live at artfactsAlison Blunt / Ivor Kallin / Hannah Marshall Idyllic Noise IDNO 009



Ceux qui avaient fait confiance au choix du label Emanem de publier Gratuitous Abuse du trio Barrel seront récompensés. Ces trois praticiens de la musique improvisée londonienne et piliers du London Improvisers Orchestra en ont été tellement encouragés que leur concert de St Johann In Tirol nous les révèle dans une forme et une inspiration encore supérieure à leur premier opus. Il y a là une série de séquences, d’interactions, d’idées développées ou seulement suggérées, d’élans ou de retenue dans plusieurs dimensions qui sollicitent l’écoute attentive et ne laissent pas l’imagination choir ne fut ce que cinq secondes. Johannes Rosenberg a souligné ô combien les improvisateurs cordistes sont faits pour jouer ensemble corde à corde, archet avec archet. C’est l’évidence-même. Voici des artistes qui ne sont peut être pas aussi « impressionnants » que certains de leurs collègues (on pense au violoncelliste Tristan Honsinger ou aux violonistes Carlos Zingaro et Jon Rose) mais qui, une fois réunis, finissent par vous remuer, interpeller et enthousiasmer tout autant. Leur trio est devenu bien plus que la somme du talent de chacun d’eux.  La synergie de leurs qualités bonifient l’apport de chacun dans un tout fascinant.Vraiment magnifique. Querelleur ou lyrique, micro tonal ou sonique, intimiste ou énergétique. Contorsionné ou avec un supplément de nuances. Des pizz en pagaille ou l’alto qui déraille avec un certain humour et puis tout se termine avec un filet de son quasi vocalisé. On a droit à toute la gamme des sentiments et des expressions. Unique dans le genre. Parcourez les magazines et les blogs, les catalogues : il n’y en a que pour les saxophones, trompettes, piano ou guitare ou le sempiternel axe souffleurs-avec (ou sans) piano, basse et batterie. Sans parler des effets électroniques. Toujours la même quadrature du cercle. Un duo ? Ce sera saxophone et percussion voire saxophone et contrebasse ou le sempiternel trio piano-basse-batterie. On ajoute parfois un trombone, un vibraphone ou un violoncelle. Au mieux, on enlève la batterie. Et finalement le paysage de la (pseudo) avant-garde ou du free jazz « sans composition » dit « libre » devient une lingua franca récurrente avec le personnel qui tourne dans tous les festivals ou lieux en vue (parfois presque pour des peanuts, je sais !) et qui se voient recyclés au fil des parutions. Moi, en musique je déteste m’ennuyer et je suis sidéré qu’il n’y ait pas plus de configurations instrumentales originales. Au moins ici avec Barrel,Hannah Marshall (cello), Alison Blunt (violon) et Ivor Kallin (alto), vous avez l’assurance que la musique sort des sentiers battus parce qu' un trio de cordes en folie comme cela, vous n’êtes pas prêts d’en trouver un pareil dans les vingt cinq piles de cédés labellisés « musique improvisée libre » où on retrouve ces configurations instrumentales relativement formatées etc… sans parler de l’invasion électroïde... Si ce n’est l’excellentissime Stellari Quartet de Phil Wachsmann, Charlotte Hug, Marcio Mattos et John Edwards, lui aussi publié il y a quelques années par Emanem. Il y a aussi chez Barrel un aspect joyeusement ludique qui évite le côté souvent sérieux ou austère des quatuors à cordes « contemporain». Bref le trio Barrel, c’est une cuvée unique en son genre. Heureusement à St Johann in Tirol, un organisateur éclairé a compris tout le parti qu’on pouvait tirer de trois cordistes aussi enjoués et complices. Un vrai régal !

Inem gortn Riverloam trioMikolaj Trzaska Ollie Brice Mark Sanders FMR

La pochette de ce digipack indique seulement riverloam trio et le titre  inem gortn. Au rythme soutenu des sorties du label FMR (et des labels frères Clean Feed, No Business, NotTwo), cet album risquerait bien de passer inaperçu. Au verso, on découvre les noms de Mikolaj Tzraska sax alto, clarinet et bass clarinet, Ollie Brice double bass et Mark Sanders percussion. Sanders est connu comme un vieux sou aux côtés d’improvisateurs incontournables comme Evan Parker, John Butcher, Veryan Weston, Trevor Watts, Elton Dean, Paul Dunmall, John Edwards, Paul Rogers. Ollie Brice est devenu récemment un des contrebassistes qui comptent en Grande Bretagne, rejoignant avec une remarquable spécificité la confrérie britannique visible dans la scène « free-music » : les Barry Guy, Paul Rogers, John Edwards, Simon H Fell, John Edwards, Dom Lash et Guillaume Viltard. Un sérieux client avec un son imposant, une puissance qui pousse et soulève qui évoque un Charlie Haden. Quant à Mikolaj Trzaska, il est un des principaux acteurs dans la scène polonaise du jazz libre. Son nom apparaît dans une collaboration discographique avec Lester Bowie vers la fin des années 80’s et plus récemment, dans une série d’enregistrements publiés par le label polonais NotTwo. Entre autres, il y joue avec Ken Vandermark, Peter Brötzmann et Joe McPhee. Ceux qui sont accros à Brötzmann et il doit y en avoir pas mal, si on doit faire le comptage de tous les albums qui paraissent sous son nom et qu’il devient de plus en plus impossible de relever (de mon jeune temps, c’était facile : on appuyait sur le bouton FMP et le tour était joué), feraient bien de jeter un coup d’oreille. On va pas quand même écouter toujours les mêmes. Puissance, rage, charge émotionnelle, mais aussi sens des nuances, goût pour la mélodie. Avec un percussionniste polyrithmicien aussi nuancé au niveau de la frappe et du métal et créateur d’équilibres à la fois aérien et terrien comme Sanders, le son de contrebasse aussi balancé dans le grave et l’émission du pizzicato énorme de Brice sans parler de la largesse du frottement à l’archet, c’est un trio gagnant. Cela dit, la qualité de la prise de son est un régal. Ce qui rend cette musique agréable et sa puissance irrésistible se trouve dans la manière naturelle où et comment l’énergie se libère sans que les protagonistes en rajoutent une couche. Un bel équilibre qui rend opérants au mieux les différents paliers expressifs du souffleur entre le cri expressionniste et la retenue pensive. La pince puissante du contrebassiste emmène l’imagination dériver dans un autre univers, élégiaque celui-là et le percussionniste trouve en permanence le ton juste et la dynamique la plus appropriée. Dans plusieurs moments, on quitte le sentier balisé du trio souffleur/basse/batterie pour un questionnement du temps suspendu dans elephant trees. Fort heureusement, le temps se déroule dans l’essentiel de la communication musicale sans qu’il se fasse sentir : une heure à toute vitesse pour des musiciens qui prennent le temps de jouer avec un sentiment d’urgence, cela mérite d’être souligné. Pour le final, Trzaska a gardé la saveur particulière du son de sa clarinette et Brice un festival de doigtés ponctué à merveille par le cliquetis piaffant des cymbales de Sanders : le trio nous emporte dans un swing irrésistible. Il aboutit au seul solo de batterie (assez court) qui relance dans un groove peu usité, lequel permet au batteur de démultiplier les frappes sans surjouer alors que le clarinettiste jongle avec deux notes dans un appel modal suggérant des mélodies balkaniques. L’art de terminer un disque. Une belle performance ! 

Veracity Trevor Watts FMR cd377
Hear and NowTrevor Watts- Veryan Weston avec Mark Sanders John Edwards DVD  FMR DVD05 réalisé par Mark French.




Trevor Watts est le saxophoniste alto, alto, par excellence, un maître incontournable, la pureté du son et l’intensité naturelle alliée à une émission … parfaite ! Et aussi, un grand maître des rythmes, qui se révèle dans ce domaine plus sûr que ceux qui sont sensés personnifier cet aspect fondamental dans la musique : batteurs et percussionnistes. Durant des décennies, sa musique a trouvé un aboutissement dans ces groupes Amalgam et Moiré où le rythme démultiplié était le centre d’intérêt. Avec l’âge venant (passé la septantaine), ce routier toujours alerte revient à ses premières amours : le libre jazz libre, la free music où le musicien à la fois sollicite tous ses moyens, ses expériences et son imagination pour inventer une musique entière et complète dans l’instant. Lorsque son premier album solo fut publié (World Sonic / Hi4Head cd 004), Trevor Watts m’avait confié l’avoir enregistré à la demande insistante du producteur.  Il estime que la musique soit surtout être partagée avec un partenaire et il a d’ailleurs trouvé en Veryan Weston (qui fut son alter ego dans Moiré), le partenaire idéal. Aujourd’hui, voici un deuxième album solo, Veracity et c’est formidable ! Un chapelet d’idées mélodiques, de constructions rythmiques et modales, de danses secrètes, un syncrétisme d’une cohésion et d’un pluralisme inouïs servis par la sonorité la plus classe qu’il soit donné d’entendre. Egale à un Art Pepper, un Johny Hodges. Dans la fratrie des saxophonistes alto qui ont libéré le jazz les prénoms d’Ornette, Eric et Jackie ont écrit l’histoire avec des lettres de feu, accompagnés par des géants : Anthony Braxton, Jimmy Lyons, Sonny Simmons, Mike Osborne, Roscoe Mitchell, Oliver Lake, Elton Dean… et puis Marco Eneidi, Rob Brown, Gianni Gebbia… Ouf !! La concurrence est rude ! On a l’embarras du choix ! Avec ses tournées extra européennes dans les festivals musique du monde (son Drum Orchestra réunissait des percussionnistes africains), Trevor Watts, LE  sax alto pionnier du free européen depuis le milieu des années soixante, s’est fait un peu oublier de l’univers « musiques improvisées ». Veracity mettra les pendules à l’heure. Trevor Watts a par dessus tout une sonorité qu’on peut présenter comme un modèle pour sa beauté et pour sa singularité. Il a d’ailleurs toujours voulu être un musicien paradoxal. Son matériau musical est à la fois simple et complexe, basé sur une combinaison intelligente de motifs mélodiques et de séquences rythmiques articulés et distribués avec une perfection formelle qui séduira aisément les amateurs de jazz de plusieurs écoles pour autant qu’ils veuillent sortir un tout petit peu de leurs habitudes. Avec seulement deux ou trois notes jouées et tirées de leur contexte, Trevor Watts n’a aucun mal à faire naître dans l’imagination subconsciente de l’auditeur toutes les combinaisons mélodiques. Le lyrisme à l’état pur et, c’est cela qui le rend intéressant, à mille lieux de la doxa jazziste (stakhanoviste) qui découle des standards de Broadway, genre pour duquel il a fait une place tout à fait nette dans son œuvre : dehors ! Rien ici ne fait allusion au parkerisme ou même au dolphysme. Trevor Watts, c’est un saxophoniste  alto 100 % musical avec une technique optimale et où le rôle créatif de cette dernière passe au second rang avant l’émotion. On pense à Art Pepper. D’un point de vue purement technique, il faut quand – même souligner aa remarquable projection sonore. Dans une grande salle et sans micro, il ne faut pas tendre l’oreille pour l’entendre, alors qu’il semble ne pas souffler plus fort que dans un studio d’enregistrement. Chez Watts, la technique n’est seulement que le vecteur de l’émotion indicible et de l’invention pure. Dans l’exercice solitaire de Veracity, il donne la quintessence de son inspiration et, ce faisant, il raconte de belles histoires. Une fois au feu de l’improvisation avec des camarades de choix, Trevor Watts nous révèle combien son engagement est sincère, lucide, intense et poétique.  Et à cet égard, Hear and Now est un beau témoignage. Le DVD alterne interviews subtiles et sincères et extraits d’un concert, son propos est intelligent et on sent toute la modestie du personnage. Les séquences musicales en duo avec le pianiste Veryan Weston volent haut par leur surprenante interactivité loin des clichés et le quartet qui enchaîne est un modèle du genre. John Edwards et Mark Sanders ayant déjà tracé avec Weston une belle histoire de connivences (cfr Mercury et Gateway /Emanem), à quatre, ils renouvellent cette formule instrumentale par la singulière vivacité des échanges et leur capacité à secouer les poncifs et les idées toutes faites avec une étonnante cohésion. Une aventure dans le droit fil des fabuleux duos Watts – Weston publiés par Emanem : Six Dialogues Emanem 4069 et Five More Dialogues Emanem 5017 et Hi4Head : Dialogues in Two Places. Dialogues ? Dans l’histoire discographique du jazz libre,  Watts &Weston personnifient au plus haut point la quintessence du  dialogue entre un saxophone et un piano, Weston étant un pianiste superlatif, unique pour savoir créer les conditions du dialogue optimal basé sur l’improvisation permanente. Je n’en connais pas d’autres. Le secret des deux partenaires, une absence totale d’égo «musical » et une entière disponibilité dans l’instant, oublieux de leurs marottes individuelles (absence de plan séquences prédigérés *), tout en étant fidèle à leur personnalité propre. Ils affectent de s’ignorer ou de se répondre, d’anticiper ou de prolonger le développement l’un de l’autre en utilisant tous les paramètres et les ressources de leur immense savoir-faire sans aucune arrière-pensée. La musique totale de l’instant, l’invention.
Si vous suivez certains improvisateurs à la trace, vous vous rendez compte que quoi qu’il arrive, quelque soient leurs partenaires, ils resservent les mêmes petites choses qu’ils vont puiser dans leur petit sac à malices et les resservent plic-ploc comme pour meubler le temps qui passe. 

Pat Moonchy & Lino Liguori Scatola di Scarpe  Setola di Maiale SM2630



La scène de la musique improvisée est redevable à la chanteuse Pat Moonchy et à son compagnon, le guitariste Lucio Liguori, d’avoir animé pendant une vingtaine d’années le club Moonshine, un bar du centre de Milan, dédié aux musiques improvisées et expérimentales. Quant au batteur Pasquale  « Lino » Liguori (orthographié aussi Pascale), c’est un musicien de la génération swing – bebop qui n’a pas hésité à suivre son fils Gaetano Liguori, pianiste pionnier du new jazz de la péninsule des années 70’, lorsque la scène ronronnante du jazz transalpin s’est trouvée secouée par la déferlante « free » et improvisation fin des années soixante. En 1975, Lino a participé comme batteur au fabuleux et historique Concerto della Statale de Mario Schiano publié par le label Red Records quand celui-ci était vraiment rouge. Les Liguori et Pat Moonchy forment une famille musicale avec le bassiste Roberto Del Piano qui lui, a œuvré durant des années, dans les groupes de Gaetano Liguori (Terzo Mondo Palcoscenico Records 1980) et des musiciens comme Filippo Monico, Guido Mazzon, Massimo Falascone, le fameux photographe Roberto Masotti et l’ingénieur du son Paolo Falascone etc… Cette connivence amicale fait que le Moonshine avec son magnifique décor « home made » a été un des lieux les plus chaleureux pour que cette expression musicale puisse s’épanouir. (Il va devoir malheureusement fermer sous peu). Alors cette boîte à chaussures est un duo touchant et très réussi. Pat Moonchy n’est sans doute pas une chanteuse de l’envergure des Maggie Nicols, Julie Tippets, Jeanne Lee ou Ute Wassermann et Shelley Hirsch. En comparaison, elle a un registre limité et un manque de « puissance », mais cela ne l’empêche pas de faire une performance vraiment épatante en assumant et en sublimant ses limites avec intelligence et sensibilité. En effet, elle a créé son propre style en fonction de ses capacités avec une réelle maîtrise et de la suite dans les idées. Sa présence scénique semble sophistiquée (habillement, port de tête, expression du visage et du corps, maquillage) et sa voix fluette évoque celle d’une enfant de bandes dessinées ou d’une série TV surréaliste. Un contraste déroutant. Le jeu de la batterie est tout en nuances, le sensible Lino frottant et faisant tinter les cymbales et résonner les peaux avec une remarquable variété de frappes et un beau sens de la dynamique sonore qui est le complément parfait pour une voix féminine. Sept morceaux autour des deux à cinq minutes et un seul qui s’écoule sur une douzaine de minutes. Un bel échange- communion ludique. Etant moi-même vocaliste improvisateur, je peux vous dire que Pat Moonchy a dû travailler d’arrache-pied et apprendre la concentration maximum , la force mentale, pour parvenir à naviguer dans une performance de quarante minutes comme celle qu’on entend ici. On y trouve une forme d’humour, une distanciation, un goût sûr sans faux pas, une réelle capacité théâtrale et un sens inné de la retenue dans une forme d’expressionnisme. Elle affectionne un aigu fantomatique, une diction gazouillante ou une voix de gorge famélique qui créent un personnage facétieux, une fée Clochette décalée et vraiment touchante. Lino Liguori nous fait entendre sa compréhension profonde et vécue des possibilités expressives de la batterie dans une liberté rythmique authentique. La classe ! Ces deux musiciens n’ont aucune prétention « professionnelle » (carrière), mais vivifient tout ceux qu’ils touchent par leur rayonnement amical et leur amour de la musique libre sans compromis. Maintenant que le Moonshineva fermer après autant d’années, je garde précieusement cette Scatola di Scarpe comme un talisman pour préserver le souvenir de ce lieu de rêve éveillé.

Lawrence Casserley and the Live Signal Processing

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There are many ways in electronic music and one of them is the Live Signal Processing, a Real Time practice linked to free improvisation where the performer is using the sounds of his performing partner simultaneously as a sound source , processing it with his sound installation  and as a co-performer improviser like another instrument. Along the years, I had the pleasure and fortune to sing in performance with Lawrence Casserley, one of the most interesting improvisers / live signal processing inventor. We did some interesting duo performances and this is exemplified in our CD MouthWind on the Hermes eye-ear label. We played also in different combinations with other improvisorslike pianist Marjolaine Charbin, clarinettist Jacques Foschia, flutes Adelheid Sieuw, violinist Phil Wachsmann, bassoonist Mick Beck and pianist Yoko Miura. So, I think the following text written by Lawrence about his work is quite relevant.


Improvisation with Real Time Computer Processing
The Signal Processing Instrument   by Lawrence Casserley 

I have been making music with real time (live) processing of sound for many years. I have also been making improvised music for many years. Although the live processing has also been used for pre-composed music, and I have made improvised music without electronic processing. For me the two things, live processing and improvising, are completely intertwined. I do both for exactly the same reasons, and I couldn’t imagine one without the other.

The core of this is my respect, even reverence, for the sound itself. In the late 1960s, when I first had the opportunity to work with electronic sound, it was the ability to work with the sound itself, rather than the representations of sound in notated music, which was one of the great attractions. Another was the ability to move out of the prison of equal temperament, which seemed to me to be fundamentally anti-musical.

I began to form an ideal of sounds which could be taken on a journey of transformation, and for me transforming the sounds made by another musician became the key activity. In the 1970s this was very difficult, and I spent many years trying to develop systems that would make my dreams come true. It was not until the 1990s that the tools I needed began to become available. At that time I developed the basis of a real time digital transformation instrument, which became the Signal Processing Instrument (SPI) that I use today.

The crucial epiphany was the time I spent at STEIM in Amsterdam with Evan Parker in 1997, which is documented on our CD “Solar Wind” (Touch TO:35). This was the first time that a series of interesting concepts formed into something resembling a real instrument, the SPI. Of course there have been many developments since then, but the fundamental concept has remained the same. I am capturing the sound of my collaborator(s) and responding directly to their gestures with my own. They, of course, respond to my sounds, and the loop continues.

The nature of this is very interesting; on one level it is the same as the interaction between any two or more improvising musicians, the interplay of gesture and counter-gesture in a constantly varying continuum; but there is another layer of interactivity when the sounds of gesture and response are so deeply interwoven. Unlike many live processing performers, my instrument is not based on sampling technique, but on delay line technique; because the system is recording all the time, my responses can be very immediate, allowing very close relationships where gesture and response are like one entity, a “collective simultaneity” as one of my colleagues has described it.

At other times, because the short and long delays are part of the same structure, I can take a longer view, where the “now” and the “then” become confused in a complex mix of immediate responses and their multiple echoes. In describing the new instrument in 1998 I talked of a triangle of sound sources, those clearly originating from the source musician, those clearly emanating from the processing musician and a third category, sounds whose origin is no longer explicit. The important thing about this model, and a key characteristic of the SPI, is that these are not fixed points; I move freely between them without needing to cross boundaries from one to the other.

A key element of the SPI is the manipulation of musical time, and the Signal Processing Instrument might be likened to a kind of musical time machine:
What is “musical time”? How does it behave? How is this “continuum of continua” perceived? Time is at the core of our understanding of the world; and memory is at the core of our understanding of time. Both are fundamental to our perception of music. What happens to this understanding when “artificial memory” interferes with our perceptions? In Borges’s “Garden of Forking Paths” he imagines a Labyrinth of Time - "an infinite series of times, in a growing, dizzying net of divergent, convergent and parallel times”, "...an enormous riddle, or parable, whose theme is time". Why does this concept seem so natural, and so musical? In his essay "A New Refutation of Time" he states, "I deny the existence of one single time, in which all things are linked as in a chain." Then later, "Time is a river which sweeps me along, but I am the river; it is a tiger which destroys me, but I am the tiger; it is a fire which consumes me, but I am the fire." What indeed is time? When and how is it “musical”?

Finally, I return to the opening theme, my respect for the sound itself; the same colleague has said: “You were always revealing some (even to me) hidden aspect of what I was doing, using me as a source but never reducing me to a mere resource. Conversely, I get the feeling that interacting with you, on the model that your approach demands, serves to reveal your performance as that of an autonomous instrumentalist rather than an extension of your sound source. As the process of mutual interaction unfolds we both reveal something of each other; I find we have opened up a space or a world where we co-exist, which can emerge to other listeners, who can also co-exist there. It's not the everyday world where we all began. When we return, things are somehow different, changed from when we left.”


Lawrence Casserley

last revised October, 2014
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MouthWind Project  
video : http://www.youtube.com/watch?v=IriH7fyIrZE 
https://www.youtube.com/watch?v=qRUiEh_j_hs     both in the Vortex Mopomoso

Lawrence Casserley live-signal processing & Jean-Michel Van Schouwburg extended voice.

Mouthwind is a project initiated by Belgian vocalist Jean-Michel Van Schouwburg and British live processing expert Lawrence Casserley. The core of Mouthwind is their duo, with Lawrence transforming the remarkable sounds of Jean-Michel’s voice into a dynamic and kaleidoscopic fusion of textures. Often they integrate other performers into their work – in 2007 a trio with Paul Hubweber, in 2009 a quintet with Marjolaine Charbin, Jacques Foschia and Adelheid Sieuw, in 2010  they are focusing on the core duo and performed in The Vortex, London, in Brussels and in the Pohyb – Svuk – Prostor festival in Ostrava and Opava (CZ).

For both these musicians the voice, vocal utterance and communication are at the centre of what they do and believe, as well as the transformative and emergent powers of these utterances. Lawrence’s electronic transformations intensify and enhance these properties. The musicians they gather around them project these same qualities in their music; the Mouthwind is the emergent and transforming flow of communication from the voices of their instruments.  CD MouthWind (Heyermears Discorbie HD 012)

Lawrence Casserley (born London 41) was one of Britain’s earliest pioneers of live electronic music, from his student work in the 1960s, through the intermedia groups “Hydra” and Peter Donebauer’s “VAMP” in the 1970s to the Electroacoustic Cabaret in the 1980s. For the last twenty years he has been a Director of the Colourscape Music Festivals, and since taking early retirement from his Professorship at the Royal College of Music, London in 1995, he has focused on the development of live computer processing in free improvised music. The original version of his Signal Processing Instrument was developed during a residency at STEIM, Amsterdam in 1997, where he was assisted in his work by Evan Parker and Barry Guy. Since then he has become a key member of Evan’s Electro-Acoustic Ensemble and has performed with many of Europe’s foremost improvisers. Projects w Phil Wachsmann, Adam Linson, Charlotte Hug, Gianni Mimmo & Martin Mayes. He has CDs released on Konnex, Leo, Maya, Psi, Sargasso and Touch.

Jean – Michel Van Schouwburg (born Belgium 1955) is an improvising singer extending the sonic limits of the human voice. Since the 80’s, J-M is involved in experimental music and free improvisation as an organizer, performer and writer. His solo sound poetry « ORYNX », (phonoetry as coined by J-M) was performed in London, Liège, Brussels, Lille and Nitra. He develops techniques like throat singing, harmonics, larynx vibrations, mouth sounds, acrobatic falsettos and invented languages over a range of three octaves and the help of a fast articulation. Jean-Michel sings currently in SUREAU with Jean Demey, bass and Kris Vanderstraeten percussion (Sureau cd) and in trio 876 w Marcello Magliocchi, percussion and Matthias Boss, violin. His duo with pianist Marjolaine Charbin (CD Quelles Bouches Voleront en Eclats) has worked with electronic musicians Dario Palermo and L Casserley. Palermo’s « Trance. Five Abstract Stations fr Male Voice and Electronics » was premiered by J-M VS in Norwich in 2009.
J-M VS performed with John Russell, Adelheid Sieuw, Paul Dunmall, Gianni Mimmo, Dan Warburton, Sabu Toyozumi, Phil Minton, Ute Wassermann, Adam Bohman, Zsolt Sörés, Nils Gerold etc…. Recordings released on Emanem, Inaudible, Creative Sources, Amirani, Duns, Setola di Maiale, Improvising Beings, White Noise Generator. « An uncomparable palette » (Gérard Rouy Jazzmagazine Paris) « Extraordinary performer » ( Massimo Ricci Touching Extremes)
Lawrence Electronic Operations - www.lcasserley.co.uk   J-MVS  www.myspace.com/orynx
        

More info on Lawrence Casserley

Lawrence Casserley (born UK, 1941) has devoted his professional career, as composer, conductor and performer, to real time electroacoustic music. In 1967 he became one of the first students of Electronic Music at the Royal College of Music, London, UK, on the new course taught by Tristram Cary. Later he became Professor-in-Charge of Studios and Adviser for Electroacoustic Music at the RCM, before taking early retirement in 1995.

He is best known for his work in free improvised music, particularly real-time processing of other musicians' sound, and he has devised a special computer processing instrument for this work (picture above). He has worked with many of the finest improvisers, particularly Evan Parker, with whom he works frequently as a duo partner, in various larger groupings and in the Evan Parker Electro-Acoustic Ensemble. He also works as a soloist, processing sounds from voice, percussion and home-made instruments. CDs have been released by ECM, Konnex, Leo Records, Psi, Sargasso and Touch.

Much of Casserley's work has involved collaboration with other art forms, including poets, eg Bob Cobbing, and visual artists, including Colourscape artist Peter Jones. He is a Director of the Colourscape Music Festivals, presenting contemporary music in the unique environment of the Colourscape walk-in sculpture. He also collaborates with Peter Jones on sound/light installations.

Casserley's "instrumental" approach to live computer sound processing is the hallmark of his work; the Signal Processing Instrument allows him to use physical gestures to control the processing and to direct the morphology of the sounds. This is the culmination of forty years of experience in the performance of live electronic work; his earliest live electronic pieces were performed in 1969, and he has performed many of the live electronic "classics" of the 20th century; he has also collaborated with other composers to realize their electronic performance ideas. He is noted for the breadth and variety of his collaborations, which cross styles and generations.
Here an interesting page of the visual score of Sette Pagine devised and written by Lawrence Casserley : http://www.lcasserley.co.uk/Sette_Pagine.html 

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