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Channel: Orynx-improv'andsounds
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More stuff from the beginning of Spring

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Mill HillAdrian Northover & Daniel Thompson Raw Tonk Records RT011

Again ! Daniel Thompson devient un guitariste acoustique incontournable de la scène britannique et il a trouvé avec Adrian Northover, un excellent collaborateur au niveau du souffle avec ses saxophones sopranino, soprano et alto. Mais pas que ! Adrian et Daniel comptent parmi les activistes les plus impliqués à créer les conditions  du développement et de l’extension des musiques improvisées dans sa pratique au jour le jour. Tous deux contribuent à organiser des lieux et des soirées dédiés à la libre improvisation avec une réelle continuité dans l’agglomération londonienne. Adrian Northover co-organise le Horse Improv Club dans la banlieue sud (Vauxhall, Kennington) avec la saxophoniste Sue Lynch et l’incontournable Adam Bohman, artiste dont le Café Oto a réalisé une très belle exposition des œuvres graphiques (à quand une publication de sa littérature délirante ?). Daniel Thompson est le responsable de la série Foley Street dans le West End et intercède aussi à la Hundred Years Gallery et à Arch One pourque des projets intéressants puissent se concrétiser.
Mill Hill … ? Enregistré à Mill Hill par Ian Hill, les titres des morceaux se réfèrent au processus de la minoterie (moulins à moudre…). Colloid, Arrastra, Huller, Grist, Buhrstone font allusion à des techniques précises décrites dans les notes de pochette, laquelle est une belle enveloppe de papier fort gris avec une sérigraphie à l’encre noire, sans mention des artistes. La musique, elle, évoque on ne peut mieux cet esprit fait-main artisanal fait de cordes pressées et tirées, d’accords distendus, de zigzag dans les harmonies, de souffle libéré des conventions et d’une écoute mutuelle interactive. On est surpris d’entendre un guitariste qui s’avance sur le terrain des Derek Bailey et John Russell en trouvant des solutions très personnelles et originales aux innombrables questions posées à la six-cordes lorsqu’on s’y aventure totalement sans regarder derrière. Adrian Northover développe une démarche introspective de la respiration continue à une variété de murmures contrôlés et infrasons retenus au bord du silence. La combinaison souffle cordes fonctionne à merveille dans le dialogue permanent et Mill Hill est un bien beau disque qui mérite des écoutes répétées.

Noi Credevamo (e crediamo ancora)Gaetano Liguori Idea Trio avec Roberto Del Piano & Filippo Monico BULL 060


Disque divisé en deux parties du même trio en 2011 et en ….. 1972 (!!) quand ils étaient jeunes et beaux et CROYAIENT (Noi Credevamo). Le pianiste Gaetano Liguori est un pionnier incontournable en Italie de la transformation du jazz libertaire d’essence afro – américaine vers une identité européenne assumée. Giancarlo Schiaffini, Giorgio Gaslini, Marcelo Melis, Andrea Centazzo, Guido Mazzon, Mario Schiano, Toni Rusconi, sans oublier le photographe Roberto Masotti à qui on doit leur portrait en 1974. Aujourd’hui, ils croient encore dans tous les idéaux progressistes malgré certaines désillusions. Pêle – mêle, les Beatles, Marx, Lénine, le Viet Nam et le peuple Palestinien, Albert Ayler, Sergio Leone, Mingus, les Partisans, Woodstock et le Néorealisme  etc… La liste exhaustive dans la pochette se termine par les mots résister, résister, résister. Enregistrée au légendaire studio Mu-Rec (ex-Barigozzi) de Milan par Paolo Falascone, la suite E Crediamo ancora incorpore entre autres une série d’hymnes comme le Chant des Partisans qui surgissent au détour d’une improvisation et sur lesquelles le pianiste improvise avec goût et un doigté formidable propulsé par les rythmes croisés de Filippo Monico et la basse électrique virevoltante de Roberto Del Piano. Les spécialistes à l’écoute aveugle vous diront que le pianiste est italien, même si certains passages évoquent le « Cecil Taylorisme » des critiques des seventies. Remarquable par sa logique musicale, Liguori transite aisément d’un bouillonnement free à plein clavier vers la musque tonale  swinguante en reconstruisant d’une manière lumineuse ce qu’il a démantibulé énergiquement. Ces deux compagnons n’ont rien perdu de la verve de leurs jeunes années. Au total huit morceaux sans titres mais aux sentiments forts et un brin nostalgiques.
La deuxième partie « Noi Credevamo » enregistrée comme démo en mai 72 est un vrai morceau d’anthologie historique datant d’une époque où les Brötzmann, Parker, Van Hove, Schweizer et Schlippenbach comptaient chacun à peine une demi-douzaine  d’enregistrements au compteur et passaient pour des sous-fifres de deuxième ordre aux yeux de la critique européenne et demeuraient complètement inconnus outre Atlantique. A prendre aussi au sérieux que les témoignages du suédois Per Henrik Wallin  ou ceux de François Tusquès. Cinq morceaux sans titre pour un total de vingt cinq minutes.  Débutant avec un thème proche de l’esprit des trios de Paul Bley époque Carla et Annette dans une veine plus rhapsodique, le trio construit un univers mystérieux où le thème est exploré en plusieurs sections sur divers tempos qui s’accélèrent. La batterie introduit le deuxième morceau avec une déflagration et le pianiste démarre aussi sec dans une veine agressive et clusterisée à coups de manche et de poignets, on pense à ses collègues Van Hove, Schlippenbach et Schweizer. Je dois dire qu’il exprime merveilleusement un contenu mélodique dans ce déluge de notes. Le troisième commence dans un jeu sur le silence où la basse électrique de Del Piano se place au centre et développe son phrasé avec les accélérations subites du pianiste. J’aime particulièrement le morceau quatre pour ces enchaînements surprenants. Un free maîtrisé et construit avec une énergie libératrice et des surprises de parcours. Les morceaux sont ici joués avec une limite temporelle entre quatre et sept minutes sans doute pour caser cinq compositions (ouvertes) dans le temps d’une bande magnétique. Mais on imagine bien le développement possible sur scène. Pour un premier album, ces trois jeunots d’alors étaient vraiment talentueux. Pas étonnant que le trio Liguori fut dans la ligne de mire de Philippe Carles et Daniel Soutif de Jazz Magazine durant les années septante.
Spécialement pour ces enregistrements d’archives, ce cédé est à recommander pour quiconque  veut retracer les enregistrements marquants de la scène improvisée / free-jazz européenne par des musiciens qui se sont engagés très jeunes pour que cette conception révolutionnaire de la musique vive et n’ont jamais failli depuis.

DoublegangerAmarillo Setola di Maiale SM2610


Deux guitaristes noise post-rock, batterie swinguante et free, chanteuse mystérieuse et bruissante, et bassiste solide. Après le vacarme de Warrior, une minute rassurez-vous, un Tomahawklancé dans un mode swinguant et aéré avec la voix fantomatique de Pat Moonchy. Les cinq de Doubleganger privilégient les effets de guitare dans un mode abrasif et expérimental et une lisibilité remarquable, un sens de l’exploration sonore alternant avec des tempos renouvelés et jamais pris en défaut. Columbus est le moment féérique où le babil dans des langages imaginaires de Moonchy rencontrent la batterie bruissante de Pascale « Lino » Liguori, pilier du jazz milanais et grand-père du guitariste Lucio Liguori. Les rythmiques impaires n’ont pas de secret pour ce jeune homme de 88 ans comme on peut l’entendre Sorachi où, après que la chanteuse ait contribué dans le tempo idéal, les deux guitaristes s’échappent dans des échanges vif-argent (Lucio et Amaury Cambuzat). Il y a aussi des changements de cap à l’humeur du moment qui respirent bon l’improvisation assumée. Au total un album aéré, aventureux et sans prétention qui a le bonheur de relier le swing (du grand-père), la vocalité alternative avec le noise des gamins de la manière la plus naturelle qui soit. Aussi les deux guitareux et le bassiste (Angelo Avogadri) ménagent la dynamique sans forcer le volume, heureusement. Cela mérite son écoute !! 
Lucio e Pat ont été durant de longues années les animateurs du Moonshine , un lieu amical et exceptionnel, dédié aux musiques improvisées à Milan. Quand à Lino Liguori, c’est un pilier du jazz italien de l’ère swing-bebop qui a suivi ses enfants dans leur quête de la liberté jazzistique : il a joué avec son propre fils Gaetano Liguori (album Terzo Mondo label Palcoscenico) et fut le batteur du Concerto della Statale avec le saxophoniste légendaire Mario Schiano  et le bassiste Roberto Bellatalla enregistré lors de l’occupation de l’Università Statale de Milan et paru sur le disque du même nom, et que tous les schianologistes et autres férus de free considèrent comme le témoignage de cette époque héroïque et troublée.

Hesitancy Ensemble Progresivo Ricardo Tejero  Alison Blunt  Adrian Northover  Marcio Mattos  Ricardo Sassi  Creative Sources CS 266

Voici un groupe assez particulier de praticiens de l’improvisation engagés dans la vivace scène londonienne et rassemblés ici par le saxophoniste et clarinettiste Ricardo Tejero autour de ses compositions propres, conçues comme des structures pour improvisateurs libres et intitulées Progresion numérotées de 20 à 29 dans le désordre. Plusieurs plages en quintet dont le mouvement central culmine à 19 minutes et quelques duos courts de Tejero avec le violoncelliste Marcio Mattos, la violoniste Alison Blunt et le guitariste Ricardo Sassi s’intercalent entre les ensembles et l'énergique duo Northover et Tejero clôturent  le disque. Chaque pièce en quintet a une couleur, une dynamique une manière de réguler les échanges ou de sourdre la spontanéité. J’apprécie particulièrement les intercalements subtils de la troisième plage, Progresion 29, Ida y Vuelta 5:48 avec une rythmique suggérée auquel chaque instrument contribue de manière contrastée et personnelle avec une belle lisibilité. Roberto Sassi privilégie les effets qui colorent son jeu de guitare et dont le minimalisme achevé et concis est mis en évidence dans le duo Double R, les deux Ricardo, en somme. La pièce de résistance, Progesion 20, Dilema, développe une entrejeu faits de phrases brèves, de notes tenues, de tons suspendus, de legato monochrome, de voicings vaporeux au bord du silence. Un cheminement mène à une improvisation du sax soprano sur un ostinato électronique (Mattos) avec guitare électrique. Les sections improvisées s’enchaînent avec une vraie logique impliquant successivement chaque musicien, clarinette, guitare , sax ou violoncelle comme meneur de jeu en suivant un cheminement préétabli. Tout cela sonne de plus en plus spontané, vivant et engagé tout au bénéfice de la structure de Ricardo Tejero qui équilibre les interventions de chacun pour en optimiser la variété et l’ensemble des couleurs, dynamiques et trouvailles sonores. Bref, c’est vraiment réussi. Quand arrive la marche qui marque l’introduction du troisième mouvement faits de pulsations brisées ou de cloche-pied enfantin. Passé les deux tiers de Dilema, on est surpris que le temps passe si naturellement. Tejero, musicien sensible et secret, préfère la qualité des échanges et des équilibres, sans devoir rendre trop complexe son écriture. Je me serais attendu à plus de mordant et de conviction dans le final de cette pièce de 19 minutes qui fonctionne pourtant bien jusque là. Progesion 21 , Mannock entame un rythme de ginguois solutionné par des legatos monochromes des cordes et le soft noise de la guitare , enchaîné par une cadence légère du violoncelle suivie par l’ensemble dont se détache un solo de clarinette. Une musique de chambre parfois à la limite d’un folk cubiste un brin noise et minimal. Les intentions du compositeur sont évidentes : comment structurer l’improvisation par une succession d’événements sonores.  La plage 8 se rapproche d’un jazz contemporain de chambre qui vire vers le noise. Cette musique est bien et j’apprécie chacun des musiciens ensemble et séparément. Mais l’Hesitancyà incarner une forme de vitalité dessert un peu le projet malgré ses qualités oniriques et le développement intéressant de chaque mouvement… J’ai un excellent souvenir du groupe de Ricardo Tejero au Boat Ting avec une musique similaire et la présence de son compatriote, le batteur Javier Carmona.  

Solos recordings of Yoko Miura, Marcio Mattos and Evan Parker's Monoceros re-issue

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Cielo 2 Yoko Miura Setola di Maiale SM 2710


Le piano est par excellence l’instrument auquel on s’attend naturellement à en entendre une performance solo ou une composition consacrée à lui seul.  Les possibilités permises par la multiplicité des doigtés possibles et simultanés en font l’instrument orchestral qui, dans les conventions musicales ou la musique conventionnelle, se suffit à lui-même. Cela a toujours semblé nettement moins évident pour le trombone ou le tuba. Il a vraiment fallu attendre la deuxième partie du XXème siècle pour entendre des concerts entiers dévolus au seul saxophone (Anthony Braxton), trombone (Albert Mangelsdorff)  ou au violon (Malcolm Goldstein) etc… . Enregistré à Milan et New York en 2013 par l’excellente pianiste Yoko Miura, Cielo 2 rentre tout-à-fait dans la démarche qu’on est en droit d’attendre de la nature instrumentale et musicale du piano. Pour qui ignore son parcours, on peut noter de belles collaborations au top niveau avec le contrebassiste Teppo Hauta – Aho, le live sound processor Lawrence Casserley ou le clarinettiste Ove Volquartz. Cielo 2 fait suite à un premier album Cielo et j’ai presque envie de parler de Cielo puissance 2, vu l’excellence du chemin parcouru depuis cette première expérience d’enregistrement. Ce qui est particulièrement remarquable est sa capacité à assumer jusqu’au bout un ensemble d’idées, de langages, d’affects et d'orientations musicales durant les deux séances d’enregistrements successives. Pour qui connaît Yoko Miura de l’avoir entendu in vivo, la surprise pourra venir du fait que sa pratique de l’improvisation est à la fois multiple et très flexible, mais sans aucune compromission ou facilité. Selon son humeur et ses moods, son jeu peut se cabrer jusqu’avant l’emphase, ou se contraindre à un jeu minimal et subtil. Haikus pointus ou suite magnificente et lyrique des quatre mains. Poly-modalité ou abstraction sérielle.  Clavier ou cordes. On se souviendra d’une session avec un piano préparé et bruitiste avec de jeunes improvisatrices très contemporaines. Il ne faudrait pas enfermer un tel tempérament dans une boîte, car son talent réside dans le fait qu’elle se mesure au challenge d’assumer et de transcender son choix du moment et que sa musique est celle de l’instant, des instants multiples et différents qu’elle habite avec la même force. Même si sa mine studieuse et énigmatique laisserait penser qu’elle ne puisse évoluer que dans l’univers d’un concert où elle semble nager comme un poisson dans l’eau, elle se révèle à son aise dans des aventures aussi disparates les unes que les autres.
Donc cinq pièces composées dont le déroulement par l’improvisation instantanée est à chaque fois menée de main de maître et qui créent une suite, un enchaînement – prolongement du travail accompli dans chaque morceau précédent. Dans Boogie Woogie Wonderland (plage 3) et dans une sorte de joyeux interlude,  elle fait la démonstration amusante que son approche rythmique complexe accommode un genre musical aux antipodes des deux morceaux précédents dont un Epilogue qui ouvre l’album !  La plage 4, Windy Heath, démarre avec l’ambiance et la pulsation de la troisième (Boogie) pour les faire évoluer dans son univers de va-et-vient dans les méandres des intervalles. Souvent dans le flux et ressac des combinaisons infinies de pulsations arpégiées aux confins du lyrisme et de l’abstraction, de la mathématique et du plaisir charnel, son piano chante un univers fait d’espérances, de lueurs des découvertes, de désillusions, de réitérations sans atermoiement et de la renaissance alors que tout semble s’effondrer. L’esprit subtil de Yoko Miura fait coïncider, se questionner et se répondre des pans entiers de chacune de ses improvisations, trace d’une réflexion musicale profonde.

SOL(Os) Marcio Mattos Emanem 5035


A la fois contrebassiste et violoncelliste et actif dans la scène improvisée londonienne et européenne depuis 1969, Marcio Mattos a tracé un remarquable parcours avec un bon nombre de personnalités et de groupes de premier plan. Spontaneous Music Ensemble « The Source », Elton Dean, Chris Briscoe, Eddie Prévost, Larry Stabbins, Veryan Weston, Georg Gräwe à la contrebasse et Phil Wachsmann, Jim Denley, Martin Blume, Axel Dörner dans le groupe Lines, Carlos Zingaro, Simon H Fell, Mark Sanders, Phil Minton, Fred Van Hove, Evan Parker et le quartet de Roland Ramanan au violoncelle en ce qui concerne les enregistrements. Quand on se penche avec attention sur ceux-ci au violoncelle, on réalise que son travail couvre un spectre très important de possibles et que son jeu a une dimension rythmique à l’écart de tous les clichés et trouvailles ressassées depuis le bon temps où s’étaient affirmé successivement Jean – Charles Capon et Ernst Reyseger. Le sommet est atteint par le Stellari Quartet ou son violoncelle se joint au violon de Phil Wachsmann à l’alto de Charlotte Hug et à la contrebasse de John Edwards. Leur cédé Gocce Stellari publié aussi chez Emanem est une véritable merveille. Alors, cet album de solos me fait bien plaisir ne fut ce que par le fait que Martin Davidson ait fait appel après autant d’années de carrière à Marcio Mattos pour son premier album personnel, SOL(os), dédié à l’astre du jour et à son observation scientifique. On l’entend donc à la contrebasse et au violoncelle, avec ou sans électronique. Commençant par trois morceaux à la contrebasse acoustique stylés et focalisés sur un aspect remarquable de l’instrument, Mattos nous livre une succession de  six pièces au violoncelle en alternant successivement l’instrument entièrement acoustique et le violoncelle modifié par le truchement de l’électronique. Certains doigtés en pizzicato évoque une musique traditionnelle imaginaire, ailleurs le frottement de l’archet évoque l’espace intersidéral. Pour clôturer, un mini-concert récent d‘une bonne vingtaine de musique à la contrebasse augmentée par un traitement électronique, Prominence. L’artiste utilise l’électronique de manière subtile et parcimonieuse pour altérer, enrichir ou transformer le son du violoncelle et de la contrebasse et sa couleur tout en restant fidèle à la tessiture et au timbre de l’instrument. Donc, son usage particulier de l’électronique est un bel enrichissement de la palette et de la dynamique. Marcio Mattos dispose d’une solide technique et d’une grande aisance de jeu, mais il évite de surjouer et d’en faire une prouesse. Son approche spontanée est très ludique et le développement musical / enchaînement des séquences des sons et traitements sonores est purement le fruit d’une sensibilité heuristique, d’un abandon des sens (écoute, plaisir) dans l’instant et la découverte. Son parcours à travers les possibilités des cordes frottées, tirées, percutées et bruissantes est vraiment remarquable. On trouve des correspondances et une même pensée musicale dans le travail du son pour chacun des deux instruments, lesquels sont acceptés comme étant l' extension de l'un vers l’autre et réciproquement. Une oeuvre du musicien orne la pochette : il s'agit d’un disque ou plat en céramique qui évoque le soleil. Pour résumer, il s’agit d’un excellent travail et une belle carte de visite d’un improvisateur majeur de la scène londonienne historique. Un grand nombre de ses collègues ont acquis une notoriété incontournable et parmi ceux-ci, Marcio Mattos a le chic de se commettre systématiquement dans des aventures de premier plan alors que sa personnalité est relativement passée inaperçue à l’échelle européenne. Et donc, très souvent, quand vous lisez le nom de Marcio Mattos dans le line-up d’un album de musique improvisée, spécialement crédité au violoncelle, vous pouvez le marquer d’une croix blanche, car ses projets ne se répètent pas et méritent quasi toujours une écoute très attentive. Bref, Marcio Mattos est un artiste que je suis encore à la trace comme les Fred Van Hove, Paul Lovens, Paul Hubweber, Michel Doneda, Charlotte Hug, Veryan Weston, Roger Turner, Gunther Christmann, Phil Minton, Phil Wachsmann, Evan Parker, Stefan Keune, Furt, Jacques Demierre, Franz Hautzinger etc…

Evan Parker Monoceros psi 15.01 1978


Vers la fin des seventies, le fin du fin en matière d’enregistrement acoustique était le procédé «direct-cutting», soit la gravure immédiate sur le disque - maître sans passer par la bande magnétique et la console. Bon nombre de duos de  pianistes et contrebassistes de jazz ont sacrifié à cette vogue, surtout parce qu’elle garantissait la plus grande fidélité sonore en conservant au maximum les fréquences et la dynamique. La difficulté était qu’il était alors impossible de retoucher et de couper dans le développement temporel de l’œuvre enregistrée et qu’il fallait que la balance initiale soit la plus optimale possible. C’est ainsi que le deuxième album solo « absolu » d’Evan Parker, Monoceros, fut réalisé en studio, le premier album étant l’enregistrement de sa première performance solitaire en 1975 (Saxophone Solos). Publié initialement par son label Incus en 1978, Monoceros avait été réédité en 1998 par Chronoscope. Cette édition sera bien vite sold-out et il n’y a aucune forme de fétichisme collectionnite dans ce fait. En effet, après avoir fait éclater et transgresser la pratique improvisée du saxophone « free-jazz » qu’il soit ténor ou soprano, telle qu’elle a été proposée par Coltrane, Ayler et Steve Lacy, Evan Parker  est parvenu à nous surprendre successivement à trois reprises dans sa démarche solitaire. Disons le franchement, une fois que des artistes aussi essentiels qu’Ornette Coleman, Albert Ayler ou Steve Lacy, (et un tas d’autres) sont arrivés à maturité,  la forme sonore et la structure de leur langage instrumental ne varient plus, bien qu’ils éblouissent toujours par la haute qualité musicale de leurs prestations et de leurs enregistrements. De là toute la fascination qu’exerce Coltrane, par l’évolution permanente de son style d’années en années et des mutations accomplies. C’est aussi en quoi Evan Parker est un artiste unique. Saxophone Solos a/k/a Aerobatics(Incus 18)était considéré lors de sa sortie comme une rupture, un point de non-retour. Mais lorsque nous découvrîmes Monoceros(Incus 27) deux ans plus tard, nous avions été sidérés par un extraordinaire bon en avant sonique, une extension vers l’impossible. Lorsque Six of one (Incus 39) fut publié en 1981, et bien que l’intérêt pour cette musique commençait à tomber au creux de la vague, ceux qui prirent encore la peine d’y jeter une oreille furent époustouflés qu’Evan Parker puisse encore, après Monoceros, jongler et croiser avec autant de lignes mélodiques, de sons inouïs, de timbres impossibles à juxtaposer avec cette aisance surhumaine. Il mêle à ce chassé croisé de sonorités extrêmes, des entrelacs mélodiques. Dois – je en rajouter ? Un Steve Lacy s’est montré capable en quelques années d’étendre son langage, épuré par excellence et fait d’une feinte simplicité monkienne, dans une multitude d’occurrences, créant des dizaines de compositions aussi familières que profondément originales. Evan Parker a fait littéralement exploser le potentiel du saxophone soprano, et ses ressources sonores inconnues jusqu’alors. L‘écoute attentive de chacun des albums précités (Solos 1975, Monoceros et Six of One et / ou les suivants comme The Snake Decideset Conic Sections) sont nécessaires pour réaliser l’étendue de son talent immense et la capacité inouïe à se dépasser dans l’inouï. Sa pratique du saxophone a contribué puissamment à faire découvrir un champ d’action musical pour des artistes essentiels comme Michel Doneda, Wolfgang Fuchs, Urs Leimgruber, John Butcher, Mats Gustafsson, Larry Stabbins, John Zorn, auxquels il faut ajouter de toute évidence, un Stefan Keune ou John Oswald.
Cet album a marqué aussi la génération des comtempteurs de la musique dite alors « répétitive » durant les seventies et auquel le travail d’Evan se réfère tout en se démarquant par sa physicalité extrême… Son jeu au soprano est fait de doigtés croisés par lesquels il obtient des sons « fantômes » qui en se mêlant aux notes jouées (à toute vitesse) créent des sons supplémentaires. Il ajoute à ce procédé  la respiration circulaire et des variations à la fois violentes, très dosées et (paradoxalement) infimes obtenant ainsi des harmoniques dont il contrôle l’émission au niveau de la magie pure. En utilisant simultanément ces techniques, il crée une véritable illusion de polyphonie sur un seul instrument et cela n’est possible qu’au saxophone soprano, parce que c'est un instrument conique. Sa musique se réfère à celle d’un Steve Reich ou d’un Terry Riley, mais aussi au pibroch écossais, aux launeddas sardes ou aux doubles flûtes du Rajasthan, voire les chants collectifs des pygmées. L’usage de fréquences extrêmes fait littéralement vibrer les tympans au point qu’on sent l’oreille interne bouger dans son alvéole. Par la suite, d’un concert à l’autre, il est parvenu à colorer chaque performance de manière spécifique en rendant sa musique universelle. En plus, si vous écoutez un de ces premiers enregistrements, Karyobin (Spontaneous Music Ensemble avec John Stevens/ Derek Bailey/ Dave Holland/ Kenny Wheeler 1968) alors qu'il était encore loin de maîtriser cette technique, vous réalisez qu'alors ces improvisations évoluaient en suivant un phrasé et des structures intervalles qui n'appartenaient déjà qu'à lui. Plus que ça, tu meurs. Entre cette phase de 1968 et celle de Six of One en 1981, il y a eu l'expérience de Music Improvisation Company et des duos avec Bailey et Lytton, où la frontière entre la "note instrumentale" et le bruit est abolie. Certaines des techniques utilisées, comme la respiration circulaire et le phrasé atomisé,  ont été travaillées dans le but de suivre (ou anticiper) la guitare de Derek Bailey ou la percussion de Paul Lytton sur leur terrain.  Donc pour conclure, Monoceros s'agit d'une trace unique, fugitive dans un parcours exceptionnel qui permet de saisir la construction et l'évolution de la musique d'Evan Parker dans une phase cruciale de son développement avec un plaisir de l'écoute intense et un choc esthétique sans précédent.
Absolument fascinant !!   

About Spontaneous Music Ensemble Forever

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Chronologie du Spontaneous Music Ensemble 1965-1994 -1994 incluse dans mon article SME & John Stevens publié par Improjazz en février et mars 2007

1 / 65/66 Débuts / Premières rencontres & retrouvailles
The Watts Rutherford Quartet avec Trevor Watts, Paul Rutherford et John Stevens se forme après un séjour de quatre ans dans la RAF, entre autres à Cologne où ils croisent un jeune Alex von Schlippenbach qui "jouait comme Bill Evans".
Le TW PR quartet devient le Spontaneous Music Ensembleà la suggestion de Paul Rutherford.
Les bassistes seront successivement l'australien Bruce Cale, Jeff Clyne, Harry Miller et Chris Cambridge.  Lieu : The Swan dans Drury Lane.
LP  Challenge en 1965 sur le label Eyemark avec Kenny Wheeler Trevor Watts Paul Rutherford Jeff Clyne et John Stevens.
Le SME joue au Little Theatre Club & Betterbook Basement (où officie Bob Cobbing le poète sonore) avec Watts, Stevens, Rutherford, Kenny Wheeler, Barry Guy, Evan Parker et Derek Bailey. Le LTC est un théâtre expérimental au quatrième étage d'un bâtiment à l'arrière du Garrick Theatre. John Stevens y organisera régulièrement des gigs de 1965/66 à 1974.
Break : Stevens et Parker vont jouer à Copenhagen entre autres avec John Tchicaï , Hugh Steinmetz et le groupe qui deviendra Cadentia Nova Danica (cfr album MPS SABA avec Breuker)
Selon Evan, ils étaient plus "free" et plus aventureux.

2/ 67/68 SME avec Evan Parker
Seeing sounds and hearing colours : nouvelle direction initiée par John Stevens suite à l'expérience danoise.
SME en trio Watts /Parker/ Stevens puis duo de Parker et Stevens. Parker au sax soprano car John désire un instrument plus aigu et propice au détail pour la mini-batterie à la quelle Evan Parker a contribué en sélectionnant tambours chinois, crotales cloches et en la construisant.
Trevor Watts quitte le SME et fonde Amalgam avec Paul Rutherford et Barry Guy. Invités du SME : Wheeler & Bailey. EP & JS jouent fréquemment en duo en1967 (Summer  1967 Emanem) et successivement avec les bassistes Peter Kowald, Barre Phillips & David Holland au sein du SME 
Stevie Winwood introduit Evan Parker chez Island , un nouveau label. LP Karyobin pour le label Island enregistré avec John Stevens Evan Parker, David Holland, preneur de son : Eddie Kramer l'ingé son de Jimi Hendrix. Présente : Yoko Ono.
Va-et-vient entre le LTC & Ronnie Scott’s Old Place. Chris Mc Gregor, Dudu Pukwana, Louis Moholo,  Mongezi Feza & Johny Dyani s’établissent à Londres et jouent avec ceux du SME.
Tony Oxley est batteur maison au Ronnie Scott's et joue avec Ben Webster, Lee Konitz, Bill Evans... Joseph Holbrooke trio ( Bailey Oxley et Gavin Bryars) donnent un unique concert au LTC.
John et Evan aux journées de Baden Baden et rencontre avec Don Cherry Albert Mangelsdorff Fred Van Hove Brötzmann etc...  Le SME est invité à Berlin en avril et novembre 68.
Session avec Rashied Ali, David Holland, Peter Kowald, Stevens, Watts et Parker pour Island. Parker quitte le SME après la tournée allemande de Machine Gun avec Brötzmann en mai 68 et fonde Music Improvised Company avec Bailey Jamie Muir et la participation de John Tilbury .

3/ SME avec Trevor Watts a/ 1968/71 & b/ 1972-76
a/ 1968/71  SME = Trevor Watts (alto), Maggie Nicols, Johnny Dyani & John Stevens augmenté de Bailey, Peter Lemer, Pepi Lemer, Carolann Nicols, Kenny Wheeler, Mongezi Feza, Rutherford, Norma Winstone. LP SME – Oliv 69 produit par Giorgio Gomelsky pour son label Marmalade Ingé son : Eddie Offord.
Le SME joue au Total Music Meeting à Berlin : Stevens Watts Maggie Nicols et John McLaughlin en invité.
Composition : Familie avec différents SME en studio et concerts.
Session avec Steve Swallow Trevor et John prévue pour le label ECM et refus de John pour l' editing suggéré par Eicher.
Extraordinaire version du SME avec Johny Dyani Trevor Watts Mongezi Fesa John Stevens qui joue au festival de Molde. Jam avec Lennon et Yoko Ono, John Tchicaï, Watts et Stevens au festival de Cambridge publiée par Apple (Battle of the Lions).
Débuts des workshops avec débutants et vocalistes etc..
SME / CND happenings et concerts de trente à soixante  participants (Montreux Festival).
Preneur de son : Bob Brown et Trevor Watts
Amalgam : LP Prayer fr Peace (Trevor Watts Clyne Stevens et Barry Guy) pour Transatlantic.
 LP SME  The Source et naissance de Louise Stevens
et Source concerts avec Ray Warleigh, Wheeler, Smith, les frères Pyne Marcio Mattos etc….
LP So What Do You Think avec Watts, Bailey, Wheeler & Holland /Tangent.
Les pièces des ateliers Sustain et Click deviennent les morceaux du SME.
SME 1971: Julie Driscoll (Tippets) voix / T. Watts soprano / Ron Herman basse / J. Stevens perc. LP Birds of Feather pour le label Byg. Concerts en Norvège, France, Italie. Au Festival Pop de Palerme devant des milliers de spectateurs, le SME joue sous les huées en recevant des projectiles que Trevor évite en sautant de côté tout en jouant. A la fin du concert, on doit les enfermer pour leur sécurité.
Bobby Bradford rencontre le SME et enregistre le contenu de deux albums réédités par Nessa. Julie Tippetts quitte le groupe fin 1971 et le SME joue à Berlin avec Irène Schweizer, Arjen Gorter et Radu Malfatti.

b/ 1972/76 SME duo au LTC.
Bethnal Green & Ealing Workshops hebdomadaires Search & Reflect. Free Space avec Terry Day, Herman Hauge etc…
Deux concerts par semaine au LTC : SME duo + trio avec Bailey, Kent Carter ou Parker (cfr CD Dynamics of the impromptu)   et des dizaines de groupes.
Deuxième génération : David Toop, Paul Burwell, John Russell, Steve Beresford, Nigel Coombes, Larry Stabbins, Roger Smith, Colin Wood, Robin Musgrove, David Solomon, Gary Todd, Herman Hauge, Marcio Mattos, Marc Meggido, Lindsay Cooper, Phil Wachsmann, Peter Cusack etc…
Preneur de son : Martin Davidson.
A Records label de Watts et Stevens : SME For You to Share 1970 & Amalgam Plays Higgins & Blackwell
Label Emanem :SME Face to Face, The Crust avec Lacy et Bailey, Love’s Dream avec Bobby Bradford Watts Stevens et K Carter et tournée de ce quartet avec Amalgam auquel participe Keith Tippett . Amalgam se compose de Trevor Watts, Stan Tracey puis Keith Tippett, Lindsay Cooper, Kent Carter, Terry Quaye, Watts et Stevens. Album Innovation pour Tangent.
1974 Concert à l' ICA 14 jan 74 : SME : Bailey Parker Watts Kent Carter et John Stevens ( cd Quintessence Emanem). SME/SMO += à St John Smith’s SquareChurch janvier 75 et LP du concert SME/SMO += sur A Records. 
1976 SME =TW + JS + Roger Smith. Amalgam devient électrique et John lance le groupe « jazzrock » Awayà partir du personnel d'Amalgam qui continuera avec le batteur Liam Genockey et ensuite le guitariste Keith Rowe. Trevor quitte définitivement le SME.

4/ 77 / 94 SME String / avec Roger Smith & Nigel Coombes.
77 SME String : ColinWood violoncelle, Nigel Coombes violon, Roger Smith guitare espagnole, John Stevens SME percussion kit
LP SME Biosystem Incus. Colin Wood quitte en 1978.
John Stevens a beaucoup d’autres projets hors de SME : Away, Dance Orchestra, Splinters avec Pete King, PRS (avec Simon Picard & Paul Rogers), Freebop avec Gordon Beck , Folkus, Detail avec Dyani & Frode Gjerstad, Fast Colour avec Dudu Pukwana, Pinise Saul, Annie Whitehead, Nick Stephens et Ernest Mothle.
Sessions au pub the Plough à Stockwell avec Barry Guy, Watts, Parker, Mike Osborne, Brötzmann etc…. Watts /Guy/ Stevens LP No Fear& InteractionEndgame avec Riley. Disques chez Vinyl en Allemagne.
1981 SME / SMO en concert à Notre Dame Hall et LP de ce concert sur SFM avec Watts, Maggie Nicols, Rutherford, Coxhill, Riley, Nicols, Coombes et Smith.
Les concerts du SME se raréfient durant les années 80.
John tourne avec Charlie Watts, Courtney Pine, Dyani et ses groupes.
90’s : nouvel intérêt, mais Coombes quitte en 92 après Surfaces (CD Konnex).
Duos avec Bailey “Playing” et Parker “Corner to Corner
92 John Butcher / Smith/ Metcalfe Stevens
93 Karyobin réédité par Chronoscope
May 94 Concert Conway Hall : SME trio avec Butcher au sax ténor, Roger
Smith et Stevens SME-kit & A New Distance CD Acta.
Last Detail avec Kent Carter et Gjerstad. Keep on Playing en duo avec Gjerstad.
Novembre 94 : décès de John Stevens.
1995 Martin Davidson entreprend son programme de rééditions et d’inédits du SME et de Stevens sur le label Emanem.


FOR JOHN STEVENS

After a well-meant eulogy
which tries to be specific
but almost reduces you
to everybody's virtues

and after you've been rendered down
to a handful of ashes and bonedust,

It is finally time to drink your
local, a closed world
of noise, and smoke,
and booze, and awkward humour.

'tis chucking-out time
it hasn't really happened:
this is a gig, no more. And you?
Stuck in the traffic somewhere,
Cursing God and man.

Out in the night, though,
the truth makes itself known to us:
you have been indispensable,
but now we must learn to manage.

Funeral-rites are the start
of a slow letting-go.

Memory is salvage, or invention;

and bereavement, a powerless fury.

by RICHARD LEIGH

Guests.
Le père du British Blues, « Le » Mime, Le Mac et l’Architecte.

Une tradition bien ancrée dans le monde du jazz consiste, pour les musiciens à l’affiche, à inviter des artistes présents dans la salle durant un passage en club, généralement vers la findu concert. John Stevens l’a poussée à un point ultime de sophistication provocante et aventureuse. Durant l’été 67, le SME, réduit au duo Evan Parker & John Stevens, assure la première partie du duo Alexis Korner (guitare et chant) et Victor Brox(cornet et chant) au club «Les Cousins». C’est dans ce club et au LTC que le concept de la SME – Music vit le jour et où le duo rencontra Peter Kowald. Alexis Korner est le personnage central du revival du Blues en Angleterre. Il invita Muddy Waters et Otis Spann à s’y produire, fut le coresponsable de la fondation des Rolling Stones, et ses enregistrements sont remarquables …
En 1967, tout comme John Stevens avec le free-jazz, Korner s’émancipe des contraintes formelles du blues pour en donner une version « free ». Pour clôturer le concert les quatre musiciens forment un quartet surprenant avec guitare, cornet, sax et percussion. Dès le départ, si la SME music marque une coupure avec les conventions du (free) jazz, c’est aussi un processus ouvert et cette jam en est l’illustration.
Lors d’une soirée aux Cousins, Stevens invite l’extravagant mime Lindsay Kempà se joindre au groupe. Kemp deviendra le maître à penser de David Bowie et Kate Bush, ses élèves, et se taillera une réputation sulfureuse avec ses créations décadentes, orgiaques et sanguinolentes et son homosexualité théâtrale. On imagine le trio Kemp – Evan Parker – Stevens un soir d’août 67 ! Le mime fait un sort d’un mannequin de plâtre qui se trouve près de la scène en le détruisant complètement et transforme le club en foutoir. Le SME se fait évidemment virer illico des Cousins.
A la même époque, John McLaughlin habite à Ealing dans la même maison que la famille Stevens. Comme Jack Bruce, Graham Bond et beaucoup d’autres, il joue au Little Theatre Club. Il
essaye volontiers de jouer « free ». Fred Van Hove se souvient avoir fait un concert avec John McLaughlin à Malines vers 1967 (avec Peter Kowald et Barry Altschul). Lors du premier Total Music Meeting de novembre 1968 à Berlin, le Spontaneous Music Ensemble est au programme avec John Stevens, Trevor Watts, Maggie Nicols et Carol Ann Nichols (aucune relation de parenté). Trevor se rappelle très bien de deux chanteuses « inexpérimentées ». John McLaughlin se joint au groupe et une photo de Maggie et du guitariste prise lors du TMM 68 se trouve sur le site de la chanteuse. Au même programme, le Peter Brötzmann Octet (avec Evan Parker), et la présence de Pharoah Sanders et Sonny Sharrock dans le public.
Quelques années plus tard, au pub The Plough de Stockwell (le deuxième quartier général de Stevens après le Little Theatre Club), John Stevens, Stan Tracey, Ron Herman et Trevor Watts chauffent la baraque un vendredi soir. Un jeune couple,Paul Shearsmith et Ann Mc Donald sont en train de vider des pintes de bière sous le charme de la musique. Soudainement, ils se mettent à crier, complètement ivres, en essayant de dialoguer avec les improvisateurs. Après un dernier verre, John Stevens leur demande s’ils jouent tous les deux d’un instrument. Paul Shearsmith a bien un vieux cornet fuité dans un coin et aucune formation musicale, mais répond à l’invitation. La semaine suivante, sur la scène du LTC, il se rend compte qu’il lui est très difficile de contrôler les sons. Il achètera un meilleur cornet pour suivre les ateliers de Stevens à la Rochelle School de Shoreditch durant années 72/73. Ann et lui deviendront des piliers du Little Theatre Club. On peut l’entendre dans le disque Together Again (Face Value FVR 001) avec Roger Smith, Alan Smith, Jerry Bird et Robin Musgrove, des anciens des ateliers de John. Depuis cette époque, il est architecte de profession et c’est ainsi qu’il est connu par les improvisateurs de sa génération (« Paul Who ? » -«The Architect ! » -« Oh Yes ! »). Lors de l’hommage rendu à John Stevens par le Gathering au Freedom of The City 2003 (un incroyable assemblage d’une trentaine de performers et improvisateurs !), j’entendis Paul Shearsmith souffler des perles aux moment les plus opportuns avec une rare émotion. Comme quoi, John Stevens n’a pas perdu son
temps.

Trios Unlimited First recordings : Butcher Durrant Russell - Milo Fine Free Jazz Ensemble - Taylor Jackson Thompson - Schlippenbach Parker Lovens

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ConceitsJohn Butcher Phil Durrant John RussellEmanem 5036

Réédition du premier album de ce trio incontournable des années 80 et 90 qui cristallisa à cette époque l’improvisation made in London. Conceits fut le premier album publié par Acta en 1988, label co-dirigé par Butcher et Russell. Guitare pointilliste et chercheuse, violon introverti et saxophone pointu. Pas de batterie, pas de contrebasse, une gestuelle des sons, un trilogue elliptique, des haikus dans les fréquences rares, une complémentarité insoupçonnée. A l’époque, John Russell ne jouait quasi-jamais en Europe continentale qu’avec Gunther Christmann et Paul Lovens ou Luk Houtkamp. John Butcherétait alors prof de math et physique (brillant) et absolument inconnu sauf par ceux qui suivaient l’évolution de la scène londonienne à la trace. J’avais acheté Conceitsà Londres (Ray’s Jazz dans Shaftesbury avenue) en mai 1988 et je le fis écouter à certains camarades qui me firent remarquer : « Ah oui, c’est du british… ». Comme si on avait fait le tour de cette démarche musicale. Je crois bien qu’à l’époque la vague improvisation libre radicale était passée de mode. Si je me souviens bien, c’était, ou bien trop far-out« intellectuel », ou pas assez en phase avec les électriqueries No-Wave Downtown (lisez NYC). Bref, surtout en Belgique ou en France, ça ne pouvait pas tomber plus mal. Question musique, c’est quasiment le sommet de ces trois musiciens ensemble : les deux Johnsont déjà à maturité. Phil Durrants’essaye encore au trombone (et évoque Radu Malfatti), mais au violon il avait trouvé sa voie. Un des premiers enregistrements où le travail spécifique du son entraîne la musique vers l’épure, une réduction dans les effets expressifs se limitant à souligner le mouvement, à mesurer l’espace. Onze improvisations courtes pour deux faces de LP avec cinq morceaux autour des deux minutes), et à l’intérieur de chacune d’elles, une succession évolutive de séquences qui s’articulent sur des  interconnections renouvelées d’éléments individuels de chaque instrumentiste à des points ou des angles précis. Par rapport au duo Parker-Bailey, c’est plus retenu, plus délicat, moins complexe et emporté, plus schématisé, voire silencieux. Une autre école se dessinait. C’est de là que viennent le tandem Rhodri Davies et Mark Wastell avec Burhard Beins ou Simon H Fell, dont Mark publie et réédite toute la saga sur son micro-label Confront (IST et The Sealed Knot). Ces trois musiciens, Butcher/Durrant/Russell ont beaucoup répété et travaillé en partageant une réflexion sur le processus de jeu collectif et les formes qui en découlent. Pour ceux qui veulent la quintessence de ce trio, le cd Concert Moves sur le label Random Acoustics est à mon avis leur meilleur opus. Mais il faut le trouver ! Fort heureusement, leur notoriété s’améliora quelque peu au fil des ans et ils furent invités à Stockholm en 1992. Il en résulte un beau morceau de 15 minutes proposé ici  en conclusion – bonus et enregistré dans l’Antikvariat Bla Tornet par Mats Gustafsson, l’endroit-même où Mats G et Paul Lovens enregistrèrent Nothing To Read, il y a déjà 25 ans. On mesure déjà le mûrissement et l’accomplissement dans les échanges. A la même époque, le trio s’associait avec Radu Malfatti et Paul Lovens pour former le groupe News From the Shed et dont l’album publié chez Acta un peu plus tard a été réédité également par Emanem. Ces deux enregistrements sont un témoignage quasi-unique d’un véritable renouvellement de l’improvisation radicale à une époque où elle était perçue par les défaitistes de tout poil comme étant moribonde et stérile. Pour rire un peu : on entendit à l’époque un musicologue en herbe dire à la radio belge au programme culturel que Derek Bailey était le guitariste du refus.

The Milo Fine Free Jazz Ensemble featuring Steve GnitkaEarlier Outbreaks of Iconoclasm Emanem 5206.

Music from three Sessions : HAH ! 1976 (Hat-Hut E), issued 1977. The Constant Extension of the Inescapable Tradition 1977 (Hat-Hut H), issued 1978. When I as Five Years Old, I Predicted Your Whole Life 1978 (Horo HZ 13) scheduled for release 1981.
Bien qu’il s’intitule Free Jazz Ensemble, la musique du groupe s’apparente à l’improvisation libre dite « non-idiomatique". Le Milo Fine Free Jazz Ensemble est un groupe à géométrie variable qui a rassemblé plusieurs improvisateurs des cités soeurs St Paul et Minneapolis depuis le début des années 70. Lorsqu’il est featuring Steve Gnitka, il s’agit du duo entre Milo Fine, percussions, piano et clarinette et Steve Gnitka, guitare électrique. Milo Fine apporte son expérience du jazz qu’il a contribué à libérer de fort bonne heure dans sa ville. Il est à la fois un excellent clarinettiste, un superbe batteur et percussionniste et manie le piano avec une réelle dextérité. Le jeu électrique de Steve Gnitka évoque une pratique du rock expérimental et une approche intuitive. Ces deux musiciens étaient très tôt parmi les rares improvisateurs américains à être complètement branchés sur les courants d’improvisation européenne dès le début des années 70, contemporains des Henry Kaiser, Eugène Chadbourne, John Zorn, Greg Goodman, Davey Williams et La Donna Smith. Martin Davidson écrit dans ses notes de pochette que c’est Steve Lacy qui le mis en contact avec Milo Fine car celui-ci écrivait des chroniques pertinentes et engagées sur la nouvelle musique et sur ses formes les plus audacieuses avec une curiosité insatiable. Il écrivit d’ailleurs durant presque vingt ans pour Cadence. Hah ! exprime sa réaction face à la proposition de disque du label Hat Hut, alors à ses débuts. Le conseiller musical d’Hat Hut était alors Joe McPhee et un double album Live In Minnesota publié chez Hat Hut rassemble McPhee, Fine et Gnitka. En 1979, le duo croisa à nouveau la route de Joe McPhee et cette deuxième rencontre se retrouve sur l’album de Joe « Old Eyes » auquel participent Pierre-Yves Sorin, Jean-Charles Capon, Raymond Boni et André Jaume !!
C’était l’époque où tout était possible et les musiciens se jetaient à l’eau. Par la suite, un Philippe Carles, le rédac-chef de JazzMagsignala avoir écouté avec intérêt « Meat with Two Potatoes » et «Against The Betrayers » du MFFJE f SGpublié par le label Shi-Shi-Wu-Ai. J’informe que le premier album de ce label Shi-Shi Wu-Aiétait « Blue Freedom’s New Art Tranformation » (1972), une curiosité recherchée. La pochette d’Against the Betrayers annonçait la publication de « When I Was Five Years Old » sur le label Horo sous la référence HZ 13, mais ce label italien fit naufrage après avoir publié un tas d’albums de jazz (George Adams, Dannie Richmond Don Pullen, Massimo Urbani, Mal Waldron, Ran Blake, Enrico Rava) et de jazz libre (Sam Rivers, Lester Bowie, David Murray, Sun Ra, Steve Lacy, Burton Greene, Musica Elettronica Viva et un Mario Schiano avec Rutherford, Bennink et Mengelberg). 
C’est donc cet album inédit When I Was Five Years Old, complété d’enregistrements du même concert, qui couvre presque tout le CD 2, alors que le premier contient les deux albums Hat-Hut plus deux ou trois morceaux supplémentaires de l'inédit précité. Musicalement, le duo est essentiellement ludique, surtout dans le premier disque Hah ! Le deuxième album Hat Hut (The Constant Extension) se compose principalement de solos et de deux duos. Solos de guitare abrupts de Gnitka avec quelques effets, deux solos de percussion et un superbe solo de clarinette de Fine, intitulé Ballad for d. J’apprécie particulièrement son jeu de clarinette car Milo Fine n’hésite pas à « charger » le son de l’instrument (une clarinette en mi-bémol) et à le « torturer » alors que de nombreux improvisateurs clarinettistesrestent sagement classiques « contemporains ». Outre l’aspect ludique, s’impose une démarche exploratoire qui n’hésite pas à publier les tentatives et les engouements pour l’idée qui s'impose à eux dans l’instant. Un sens de la dérive  instantanée… L’esprit est assez proche des enregistrements Company pour lesquels Derek Bailey n’hésitait pas à publier l’improbable. Comme pianiste, Milo Fine a intégré une dimension libertaire, qui tire autant parti des avancées du free-jazz que du domaine contemporain. Comme il documente essentiellement les concerts de son Free Jazz Ensemble  (et pas en studio, par honnêteté artistique) avec les pianos à sa disposition dans les lieux où il joue. Comme ces pianos laissent parfois à désirer, ses enregistrements en pâtissent même si cela sonne authentique et vivant. Ansi s'exprime un sens de l’éthique radicalement « musique improvisée » et une volonté d’assumer toutes sortes de contradictions. Une forme élevée d’honnêteté intellectuelle et factuelle en quelque sorte.
La musique du duo est une pérégrination-dérive à travers toutes les combinaisons instrumentales : piano solo, duo guitare et clarinette, solo de guitare, duo guitare et percussions,  clarinette seule ou piano et guitare tout cela dans une optique radicale et éclatée. La guitare est remarquablement spontanée et surtout moins empesée ou éclectique que nombre de contemporains qui enregistraient alors. Direct, avec les tripes et sans façon ! Il y a bien un thème ou l’autre (on est en 1976 ou 78). Même si Milo Fine adore commenter et faire commenter par le menu sa pratique musicale et les circonstances de manière désabusée, lucide et ironique et que cela fait un peu trop sérieux (et il faut dire que nombre de ces collègues se passent de commentaire) sa musique chasse l’esprit de sérieux et toute forme de prétention. C’est de la bonne ou très bonne musique improvisée caught in the act.  Pour l’époque, c’était vraiment super et je dois dire que sa musique actuelle, qu'on peut entendre sur ces enregistrements Shi-Shi-Wu-Ai récents, reste toujours aussi intransigeante et pointue pour l’oreille presque 40 ans plus tard.
Après autant d’années, Milo Fine et Steve Gnitka sont restés des marginaux de la scène improvisée internationale, alors qu’ils avaient réussi à se faire connaître parmi les initiateurs de l’improvisation libre radicale aux USA et à avoir tourné en Europe. Le fait de vivre en plein Nord MidWest n'arrange rien. Lors de son séjour à Londres en 2002, Milo Fine avait été accueilli par la scène britannique, jouant au Freedom of The City avec Hugh Davies et Tony Wren et au Flim-Flam avec Derek Bailey, rencontre publiée par Emanem dans l’excellent duo Scale Points on the Fever Curve. Donc si c’est bon pour Derek Bailey, cela devrait sans doute vous intéresser… Alors pourquoi ai-je intégré ce double cd du duo dans une rubrique dédiée aux trios ? Simplement, si Milo Fine et Steve Gnitka se lâchent complètement et spontanément dans leur Free Jazz Ensemble en duo, il y a une troisième personne, Milo Fine, le philosophe de l’instant de la musique spontanée … et ses commentaires lucides ... Un beau document de la grande époque… 

The Hunt at The Brook : Daniel Thompson Benedict Taylor Tom Jackson FMR fmrcd 389-0115




Jouer en trio est une des options principales de la musique improvisée libre. Le clarinettiste Tom Jackson, l’altiste Benedict Taylor et le guitariste Daniel Thompson se sont créés une empathie mutuelle où coexistent leurs univers sonores individuels et un très large éventail des permutations interactives possibles de la clarinette, du violon alto et de la guitare acoustique. Une science du glissando et une attaque spécifique de l’archet à la fois acide,grasse et irisée contrastent et complètent la dynamique bruissante et pointilliste de la guitare percutée et virevoltante et les volutes goûteuses et sursauts rengorgés de la clarinette. Sans nul doute ce trio chambriste figure parmi les combinaisons instrumentales - sans percussion – les plus réussies dans le sillon de Bailey - Guy- Rutherford (Iskra 1903 Mark 1) et de Butcher -Durrant - Russell. Le partage des idées, le dialogue intense et le recyclage permanent des options et trouvailles de tous par chacun fait de leurs six ouvrages éphémères une somme de tous les affects suscités par leur connivence et leur amour de jouer ensemble. Sonores et harmoniques, constructions et désarticulations, humeurs et rires, rêves et réflexions. Des signes : stries, pointillés, ellipses, tangentes, lueurs, ombres, suites, conclusions et rebondissements. Il serait vain d’en vouloir suivre et mémoriser l’évolution pas à pas, minute après minute, ce serait sans fin. Et elle finit où elle commence. Et recommence sans que ce soit fini dans un réel accomplissement. Plusieurs pratiques (post-classique, jazz libre contemporain, traditionnel vivant) sont assumées et sublimées avec émotion, engagement sincère et une retenue généreuse. On évite résolument l’expressionnisme dans une débauche d’occurrences expressives. Cette nouvelle génération d’improvisateurs, entendus à la Shoreditch Church, au Horse Club, à Arch One et dans Foley Street, redessine patiemment de nouvelles destinées aux idées d’invention, de découverte et d’inouï collectif de la scène improvisée londonienne. Une synthèse aussi vivante est tout aussi légitime et, surtout, authentique, talentueuse et passionnante. Voici une musique qu’on écoute sans se lasser encore et encore.


First RecordingsAlex von Schlippenbach trio avec Paul Lovenset Evan Parker Trost TR 132

Non pas le premier album du trio légendaire d’Alex von Schlippenbach, mais le premier enregistrement jamais réalisé par cette association historique en avril 1972, sans nul doute un des plus anciens groupes de free-jazzencore en activité avec les membres originaux.

Fantastique, inoubliable. A l’époque, le très jeune Paul Lovens démarquait déjà son jeu du génial Han Bennink qu’il imitait au point de se tondre le crâne comme le batteur batave. Si vous n’avez pas encore écouté PakistaniPomade réédité par le label Unheard Music Series / Atavistic, çà vaut vraiment la peine de  se replonger dans l’univers de ces trois improvisateurs superlatifs qui repoussaient les limites du jazz libre vers l’inconnu.

Kind Of Dali  Luc Bouquet Jean Demey & Ove Volquartz improvising beings ib35 


Ayant déjà beaucoup chanté avec mon ami Jean Demey, contrebassiste belge immémorial de la première heure de la Free-Music à Anvers, Bruxelles etc... j'ai aussi quelque peu contribué à cette rencontre après avoir improvisé avec le clarinettiste contrebasse et basse de Göttingen à quelques reprises et avoir partagé la scène avec le sensible et pertinent percussionniste Luc Bouquet, entre autres dans un autre mémorable gig avec Sabu Toyozumi dans un coin perdu de Provence.

Et donc, si je prends ici la plume, c'est bien plus que pour soutenir trois bons amis, mais avant tout pour souligner la beauté profonde et indicible du partage de l'instant et de l'espace de ces trois improvisateurs. Luc Bouquet détient un secret rare : l'expression de la plus haute sensibilité dans la frappe, les frappes et touchers infiniment variés dans la vibration des instruments de percussions dans une configuration de "batterie". On peut avoir plus de technique que Luc, même s'il en possède une très affirmée et sûre comme un vrai poème qui ne ment pas, mais peu ont cette sensibilité à fleur d'âme. Celle de la vérité la plus nue. Et cette magnifique qualité se marie parfaitement avec la sensibilité et la profonde  honnêteté musicale et la sagesse du métier de contrebassiste improvisateur de Jean Demey et son goût du son et de la phrase, de la note qui fait vibrer le bois et gémir le chevalet. Un soir que nous "ouvrions" un concert du Schlippenbach trio avec Jean Demey et Kris Vanderstraeten (trio Sureau), le saxophoniste, Evan Parker, fit spontanément la remarque que Jean était un véritable digne héritier de Gary Peacock, celui du trio magique d'Albert Ayler. Meilleur sang ne saurait mentir !  Leurs lignes parallèles, excentrées, tangentielles, introverties, la mesure du temps et du son émis qui se meurt dans l'espace sont le commentaire le plus juste de la voix intérieure et lyrique d'un rare clarinettiste, Ove Volquartz. Faites le tour de la discographie universelle et vous n'entendrez jamais un clarinettiste contrebasse qui fasse vibrer et chanter l'anche et ce tube infini et gigantesque avec autant de lyrisme. Comme clarinettiste basse, son cheminement est tout aussi particulier. Alors voici un beau disque produit par Julien Palomo, un producteur qui n'a pas froid aux yeux et a de bonnes oreilles. Admirable  !! 

NOUTURN Bobby Bradford & John Carter Quintet Live in Pasadena 1975 Dark Tree Roots Serie

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NOUTURN Bobby Bradford & John Carter Quintet Live in Pasadena 1975 Dark Tree Roots Serie   http://www.darktree-records.com 


On sait Bertrand Gastaut, le fanatique du jazz libre et des musiques improvisées, friand de galettes rares et toujours pleines de sève. Voici que son label Dark Tree qui nous a offert les  deux beaux cd’s du trio Lazro-Duboc-Lasserre, très contemporains et vivifiants, inaugure une Roots Serie qui ne pouvait pas mieux commencer qu’avec le tandem John Carter et Bobby Bradford enregistré in situ en Californie avant que ces deux artistes essentiels ne viennent jouer et enregistrer en Europe. Essentiels, car avec Perry Robinson et Jimmy Giuffre, John Carter est LE clarinettiste inspiré du jazz libre. Tout comme Giuffre, Carter était enseignant et s’est peu produit en concert, du moins sauf en Californie. Il a fallu attendre 1979 pour qu’il vienne jouer en Europe. Et il a fallu qu’Ornette Coleman s’obstine à exiger des cachets élevés, trop élevés pour qu’un organisateur se risque à l’inviter sérieusement, avec la conséquence que Bobby Bradford, qui avait alors remplacé Don Cherry dans le Quartet historique d'Ornette, s’en est retourné dans son Texas natal faute d’engagement. A l’époque, 1961, Bradford était un des rares trompettistes et musiciens capables et ayant le goût, le sens du risque et l’audace de jouer la musique d’Ornette Coleman. Un artiste peu commun, en somme. Le sort a donc voulu que Bobby Bradford n’ait pas enregistré avec Ornette, ni fait de concert mémorable à NYC. Il est donc resté quasi inconnu jusqu’au début des années septante. Ornette le mit en contact avec John Carter, un autre texan avec qui le « pape » du free jazz partageait quelques affinités. Le large public du jazz découvrit ensuite l'existence de Bradford dans Science Fiction, l’album de Coleman pour Columbia et les plus pointus se procurèrent Bobby Bradford & The Spontaneous Music Ensemble produit par l’ineffable Alan Bates. On l’y entend à son grand avantage en compagnie de John Stevens, Trevor Watts et Julie Driscoll, devenue Tippets quelques mois plus tard.
Mais croyez bien que ces deux musiciens n’ont pas attendu qu’on vienne les chercher. Préférant une vie stable dans l’enseignement musical de niveau universitaire, Carter et Bradford formèrent un groupe régulier dans la région de Los Angeles jouant et créant un espace pour le jazz libre et créatif. Le batteur William Jeffrey et les bassistes Roberto Miranda et Stanley Carter complètent ce Quintet soudé et inspiré.  Ils enregistrèrent quatre albums pour les labels Revelation  et Flying Dutchman de Bob Thiele, le producteur militant qui contribua au succès de Coltrane chez Impulse, d’Ayler, Shepp etc… Mosaïc a édité un coffret en édition limitée reprenant ces albums californiens et Hat Art a réédité Seeking. Mais mis à part les albums réunissant Bradford et Carter sous le leadership du clarinettiste pour BlackSaint ou Moers Music, oubliés depuis quasi un quart de siècle, lorsque celui-ci nous a quitté, en 1991, on n’a pas grand chose de leur collaboration à se mettre sous la dent. Tout cela rend cette belle prise de son d’un beau concert de novembre 1975 du Quintet de John Carter et Bobby Bradford indispensable et rafraîchissante à l’écart de la production des Brötzmann, Vandermark, Gustafsson, Mc Phee etc… dont la liste des vinyles et cédés s’entasse imperturbablement sur les sites de vente en ligne … (vous avez le temps d’écouter tout çà, vous ?).  Sans parler de Keith, Miles , Herbie etc..  dont nous abreuvent la presse spécialisée subventionnée par les majors et cornaquées par les attachés de presse. Donc, NoUTurn  est un vrai événement discographique à ranger à côté de Conference of the Birds de Dave Holland, de Birds of the Undergroundd’Albert Mangelsdorff, Live At Donaueschingen d’Archie Shepp, Prayer for Peace de l’Amalgam de Trevor Watts ou des Nice Guys de l’Art Ensemble et CircleParis Concert . L’article original. J’ajoute encore qu’Emanem a réédité récemment ses deux cédés Tandem volume 1 & 2 en double cd réunissant Bradford et Carter en duo interprétant leurs plus belles compositions  au sommet de leur art en 1979 (Emanem 5204). En 1979, Carter avait mis de côté son saxophone soprano, présent dans le concert de Pasadena et en se concentrant sur la clarinette, le tandem a acquis une cohérence incontournable merveilleusement documentée par l’album Tandemhttp://www.emanemdisc.com/E5204.html 


Même si Tandemest mon premier choix pour sa singularité, le swing intense et la communion complète dans la musique, cela n’enlève rien à la magnificence de ce merveilleux inédit Live In Pasadena 1975 publié par Dark Tree sortant ainsi de l’ombre un beau mystère musical. Il faut se replonger dans la situation du jazz libre et de ces musiciens en 1975 pour saisir en quoi ce Quintet Bradford – Carter avait de particulier pour leurs contemporains. A cette époque, Steve Lacy n’avait quasi plus joué aux States depuis dix ans et ses albums européens y étaient quasi introuvables. Très peu de musiciens free US jouaient du sax soprano, instrument voisin de la clarinette, au niveau de John Carter. Il y a bien sûr Anthony Braxton, qui joue aussi du soprano, et cette année-là ce prodige défraie la chronique avec son Quartet (Kenny Wheeler, David Holland et Barry Altschul), ses compositions et leur extraordinaire virtuosité, à une hauteur stratosphérique. Et Eddie Brackeen qu’on ne va pas tarder à découvrir brièvement avec Paul Motian deux ans plus tard. Sans parler de Sam Rivers ou des Grossman et Liebman dans l’orbite coltranienne. Donc le sax soprano de John Carter est alors un instrument neuf et il lui permet de jouer avec une énergie et un tonus qui contrebalance le drive parfois envahissant du batteur William Jeffrey dans les compositions les plus enlevées : Love’s Dream et Comin’On. On ne saurait faire tournoyer les notes et les intervalles aussi puissamment avec une clarinette, instrument plus doux. Carter a un style original au soprano qui ne ressemble en rien à son jeu de clarinette ni à ceux des  Coltrane, Lacy. Et à la clarinette, John Carter est unique !!  Il joue des deux instruments dans She et se concentre sur la clarinette dans les deux compositions où les formes évoluent pour créer l’espace nécessaire et bienvenu pour le chalumeau : Come Softly et Circlede la plume de Carter. Les trois autres compositions sont des « classiques » de Bradford enregistrés par celui-ci avec Trevor Watts, John Stevens et Kent Carter (Love’s DreamEmanem 4096). La critique a tendance à considérer Bradford comme un «sideman » et Carter comme un « leader» en fonction du  nombre d’albums parus au nom de l’un ou au nom de l’autre. Mais détrompez-vous, ils sont aussi essentiels dans le paysage du jazz libre de cette époque et ils se complètent  aussi bien que Mulligan et Baker, Ornette et Don, Bird et Diz. Question entente et dialogue, c’est miraculeux. Si la rythmique est complètement free, le jeu de William Jeffrey offrant des similitudes avec celui de Don Moye dans l’Art Ensemble à la même époque, et  les deux bassistes naviguent en dialogue permanent, les deux souffleurs explorent méthodiquement et spontanément le thème et toutes les ramifications possibles permises par une compréhension magistrale des harmonies et des valeurs, intervalles et nuances de la trame mélodique qu’ils examinent sous tous les angles tout en surfant sur la polyrythmie. Magistral ! Une des compositions est tout à fait Colemanienne et c’est pour le meilleur ! Les tenants du be-bop sectaires ont souvent fait remarquer que « des » ou « les » free-jazzmen ne connaissent pas leurs grilles et fonnt n’importe quoi. Ici, ils auraient affaire à des vrais pros (des Prof’s de musique au plus haut niveau). Emportés par l’effervescence de la batterie et l’emportement des deux bassistes (qui n’hésitent pas à explorer des textures à la Alan Silva / Peter Kowald lorsqu’ils se trouvent en duo), les deux amis tiennent le cap dans une composition aussi difficile que Love’s Dream, Bobby au cornet y réalise un exploit instrumental similaire à la performance de Benny Bailey dans le Berlin Concert d’Eric Dolphy paru chez Enja dans les années 80. Le cornet est un instrument moins malléable mais plus chaleureux que la trompette. Bobby Bradford phrase à merveille même quand les notes défilent à toute vitesse : un prestidigitateur de la colonne d'air avec un style qui n'appartient qu'à lui ! Et John au soprano est très impressionnant. Une pêche pas possible avec un sens de la construction remarquable. Cela dure 21’13’’ avec des improvisations  à la fois échevelées  et super bien fignolées dans le détail. Le dernier morceau, Circle est introduit en duo clarinette – cornet telle qu’on peut l’entendre dans Tandem et le chalumeau s’envole avec le swing des trois rythmiciens… L’entre jeu de ces deux- là est une merveille. Un régal ! Dark Tree frappe fort et ces deux souffleurs personnifient à qui mieux-mieux  la connivence, l’écoute et le dialogue comme peu. NoU Turn : le free- jazz «vrai » par excellence qui échappe aux définitions pour se concentrer sur la musicalité. En prime, un beau livret avec des photos d'époque et un texte rédigé par un spécialiste du tandem, Mark Weber. De nos jours Roberto Miranda, William Jeffrey et Bobby Bradford jouent toujours régulièrement dans la banlieue de Los Angeles au sein du Mo'tet, le groupe de Bradford qui publia Lost in L.A. chez Soul Note il y a une trentaine d’années. A (re) découvrir d’urgence.



Le temps de l'improvisation

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Du temps au temps… et dans l’espace… sonore
Remarque de l'auteur : il s'agit d'un texte "généraliste" et qui pour certains praticiens semblera enfoncer des portes ouvertes. Impossible de tout dire en quelques paragraphes.

L’improvisation libre dans la pratique musicale ou la musique improvisée libre semble pour beaucoup une aventure marginale, très marginale même face à l’explosion planétaire des genres musicaux médiatisés et aux ventes colossales d’albums … et pourtant cette approche librement improvisée, immédiate, spontanée, apparue en Europe occidentale il y a plus de quarante ans, est aujourd’hui partagée par un nombre incalculable d’individus répartis sur tous les continents et qui souvent partagent une éthique et une philosophie commune,  collective et égalitaire basée sur l’écoute de l’autre.

Une des rares caractéristiques de cette musique improvisée est que les auditeurs en découvrent les formes et les sons à l’instant même comme les musiciens qui la jouent. Nous n’affirmons pas : Voici ce qu’est notre musique ! Nous lui laissons le temps de vous exprimer ce qu’elle est. Nous la découvrons ensemble. C’est une expérience révélatrice que nous partageons avec les auditeurs au moment où la musique se crée et se déroule dans le temps *. Sur la différence entre l’improvisation et la composition : le compositeur a tout le temps nécessaire pour créer une pièce de musique de cinq minutes et l’improvisateur n’a que cinq minutes **.

Une musique collective de l’écoute où, idéalement, l’espace et le temps sont partagés de manière à ce que chaque musicien participant au groupe ait le temps et l’espace nécessaire pour s’exprimer comme individu avec sa voix personnelle et originale, chacun veillant à ce que les autres puissent se faire entendre dans l’espace sonore et dans l’évolution de la musique jouée au fil du temps. Et l’ensemble de leurs sons forme un tout qui échappe à l’analyse et aux prévisions. Les sons du groupe se déploient en tenant compte spontanément de l’espace quelques soient les qualités acoustiques du lieu : chambre, studio, théâtre, bar, église, plein air… 
Les improvisateurs  vivent une démocratie véritable illustrant un modèle social utopique sans hiérarchie où chacun est libre, autonome et responsable. À la fois soliste, compositeur et chef d’orchestre. Action et réaction. Multiplicité des modes de jeux. Duos, trios, quatre ou cinq… qui se décomposent en sous-groupes, grand orchestre, combinaisons infinies. Mais le musicien peut créer sa musique improvisée seul, en « solo absolu », cultivant un « style personnel » qui peut, lui, se rapprocher de la composition. Paradoxes.

Il n’y a aucun style propre à cette musique improvisée, mais une découverte de sons nouveaux et une manière créative de les faire vivre en relation avec l’invention de ses partenaires dans l’instant. Le guitariste Derek Bailey a créé le vocable de musique improvisée « non-idiomatique », car il n’y a pas d’idiome, de genre et de style établis à l’avance comme dans les musiques nées ou conservées dans une tradition ou une culture nationale, religieuse, etc… Chacun est libre d’y apporter sa contribution personnelle sans devoir se référer à un maître ou un guru. Se dessine une orientation multiculturelle qui se réfère aux ultimes avancées du jazz libre afro-américain, à l’évolution de la musique contemporaine « sérieuse » et aux particularités des  musiques populaires et traditionnelles des cultures d’Asie, d’Afrique etc..

Tous les instruments acoustiques ou amplifiés et la voix humaine peuvent être sollicités dans toutes les combinaisons possibles pour autant qu’elles fassent sens. Les improvisateurs libres explorent les possibilités sonores et expressives de leurs instruments en se basant sur la logique de l’instrument et sa réalité physique pour obtenir des sons inouïs, inusités ou imprévisibles. Harmoniques des instruments à vent et des cordes, instruments inventés ou détournés de leur usage conventionnel, multiplication des instruments de percussion, percussivité, textures, le bruit sonore et la note de musique sont à égalité. La tradition musicale jazz, classique, … peut être recyclée, détournée, broyée ou régurgitée avec humour. C’est autant un chantier, un laboratoire, qu’une discussion entre amis ou la construction d’une œuvre musicale, l’échec d’une tentative contenant  souvent les clés de la réussite. On peut autant y faire naître l’harmonie des tempéraments ou creuser ce qui ressemble à un conflit.
Créant très souvent eux-mêmes les concerts et les espaces où leur musique est jouée, les improvisateurs ont proliféré de manière exponentielle dans les villes et les campagnes de nombreux pays créant un réseau inextricable de relations et de lieux où se croisent des musiciens venus du monde entier : France, Japon, Grande-Bretagne, Espagne, Chili, Québec,  Californie, Silésie, Laponie, les Pouilles, la Provence, Amsterdam, Londres, Berlin, Cologne, Chicago, Vienne, Zürich, Toulouse, Budapest, Beyrouth …


Musiciens, groupes et instruments de référence : Eddie Prévost et AMM, John Stevens et le Spontaneous Music  Ensemble, Derek Bailey et Company, Gunther Christmann et Vario, Fred Van Hove et Musica Libera`…, Terry Day et le People Band , Paul Rutherford et George Lewis, trombone, Barre Phillips et Peter Kowald, contrebasse, Paul Lovens, Paul Lytton et Roger Turner, percussions, Evan Parker, Lol Coxhill et Michel Doneda , saxophone soprano, Van Hove, Misha Mengelberg, Alex Schlippenbach et Irene Schweizer, piano, Phil Wachsmann, Jon Rose et Carlos Zingaro, violon , Hugh Davies, objets amplifiés etc…  Cecil Taylor, Ornette Coleman, John Coltrane, Albert Ayler, Steve Lacy, Anthony Braxton, Art Ensemble of Chicago, Milford Graves, Paul Bley, Sun Ra. John Cage, Stockhausen, Ligeti, Xenakis, Berio, Feldman, Scelsi.

* John Russell, notes de pochette de With Emanem 5037.
** Steve Lacy, cité par D. Bailey dans Improvised Music Its Nature and Practice in Music.






Duos du haut : Itaru Oki & Axel Dörner / Benedict Taylor & Anton Mobin / Frode Gjerstad & Louis Moholo / Paul Dunmall & Tony Bianco

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Axel Dörner  & Itaru Oki  Root Of Bohemian  Improvising beings ib 36


Le label Improvising Beings se distingue encore par son imprévisibilité. Réunir les deux chercheurs de la trompette Itaru Oki et Axel Dörner pour un album duo, il fallait y penser et même plus, dans le conformisme ambiant  des préjugés qui consiste à mettre ensemble des musiciens qui ont la même étiquette, il faut oser ! Surtout en France, pays du rationalisme et de la discussion à propos de tout.
Axel Dörner est faut-il le rappeler, le parangon de la trompette du réductionnisme des années 2000, du New Silence etc…  représentée en France par le label Potlatch. Itaru Oki est un bohême japonais qui fit partie du cercle rapproché des Frank Wright, Alan Silva, Noah Howard,  Bob Reid, américains émigrés qui hantaient l’American Center durant les seventies. Il fut de l’aventure du Celestrial Communication Orchestra d’Alan Silva à l’époque de l’IACP. Son travail sur la trompette et ses instruments inventés avec pavillon fou et tubes extravagants sont remarquables et plein d’ingéniosité. Ecoutez son très beau Chorui Zukan en solo (Improvising Beings ib23). À Paris, on ne l’entend guère qu’avec Abdou Bennani, Makoto Sato, Alan Silva… On se souviendra d’un article de Jean- Louis Chautemps intitulé « la crise du bœuf » qui déplorait le manque de rencontres et de tentatives de jouer à Paris et cela datait des années septante. Mais n’épiloguons pas… Voici une très belle rencontre, une mise en commun improvisée de l’espace sonore, un dialogue subtil mettant en évidence les techniques alternatives, voire aléatoires de la trompette. Différents et semblables, évitant les clichés de la trompette « free », nos deux chercheurs trouvent le moyen de tenir l’auditeur en haleine par toutes les occurrences sonores, interactives, la prodigue multiplicité des effets de souffle et mises en parallèle des singularités. Il arrive bien qu’Oki dornérise et  qu’Axel le rejoigne sur son terrain des aigus flageolants et des glissandi. On évite la virtuosité au bénéfice d'une complicité de deux musiciens qui sont tout l'un pour l'autre. Vraiment original et inattendu.

Anton Mobin & Benedict Taylor Stow / PhazingRaw Tonk Records RT008


Violon alto  providentiel de la scène londonienne, Benedict Taylor collabore ici avec l’artiste bruitiste/sonore Anton Mobin, crédité aux prepared chambers. Ces sons évoquent le travail de feu Hugh Davies et ses ShoZyg ou la table d’objets  amplifiés d’Adam Bohman. Une ferraille amplifiée et légèrement traitée par le dispositif crée un riche univers sonore pleins de vibrations électroïdes, de frémissements métalliques brumeux, de cordages bourdonnants, de ressorts vibrants. Le jeu d’archet à la fois délicat, bruissant et coloré de Taylor se conjugue à merveille avec les inventions de son acolyte, lequel a effectué le mixage, excellent. L’inventivité sonique de l’altiste est sans relâche et le rapproche de la démarche de Malcolm Goldstein.  Vu la difficulté de l’instrument, le violon alto, on peut d’ores et déjà affirmer que notre violiste est un musicien rare, comme sa collègue Charlotte Hug. Il y a peu d’altistes qui atteignent le niveau d’excellence des grands violonistes et certains d’entre eux hésiteraient fortement à s’exhiber avec un alto ! Les sons et la dynamique d’Anton Mobin font de lui un artiste de premier plan dans le domaine des objets amplifiés. Son travail n’a rien à envier à Hugh Davies. Que du contraire ! Sa capacité à faire se mouvoir un flux d’idées et de propositions qui font jeu égal avec un instrumentiste improvisateur aussi exceptionnel que Benedict Taylor fait de lui un artiste à suivre, autant que son partenaire.  Une belle indépendance assumée avec une écoute pointue de part et d’autre. Une exploration des timbres, du frottement de l’archet dans ses derniers retranchements,  des doigtés les plus out, un jeu bruitiste animé par une énergie folle et contrôlée: c’est ce qu’autorise une technique fabuleuse à laquelle répond le sens de l’invention très sûr du chambriste préparé.  Donc, pour conclure un superbe dialogue requérant et assumant tous les risques et écueils de l’improvisation.


Frode Gjerstadt Louis Moholo Sult FMRCD 369-0214


Conversations sur la pointe des pieds et toutes en finesse de deux poids lourds du jazz libre. Le sud-africain Louis Moholoest connu pour son drumming intense et chargé depuis l’époque où il jouait avec Mike Osborne, Dudu Pukwana, Irene Schweizer, Brötzmann il y a fort longtemps. Mais comme Frode Gjerstad, il a fréquenté le légendaire John Stevens et en qualité de confrère de la communauté improvisée radicale londonienne, ce batteur africain en connaît un rayon en matière d’improvisation libre. Il crée ici un univers percussif en tenant compte du silence et de la dynamique et en phase avec ses racines africaines. Une superbe qualité de frappe sur les peaux qui évoque presque les zarbistes iraniens et leurs tambours sur cadre soufi.  En effet on croirait entendre une batterie à main nue. Les cymbales complètent discrètement les roulements et battues mettant en évidence la légèreté dynamique, un peu comme la tampura dans la musique indienne. Frode Gjerstad contorsionne la clarinette en glissant vers les harmoniques aiguës. Quand vient un motif mélodique presqu’oriental, Moholo entonne une marche qui s’égaie ensuite sous les  articulations disjointes du souffleur et les déchirements du souffle,  accélérant la cadence et le débit sans se départir de cette dynamique rare.  C’est un parfait exemple d’équilibre entre deux artistes qui cherchent à dépasser les tendances habituelles du free-jazz improvisé pour trouver dans leur pratique une fraîcheur, une lisibilité à travers laquelle l’émotion  n’est pas feinte. Au saxophone alto, Gjerstad explore l’expressivité des volutes en les mettant de guinguois et en picorant avec inspiration dans son stock de phrases comme si c’était tout neuf. Un rythme africain vient poindre dans le duo avec l’alto et se déboîte par magie. Dans chaque morceau, le batteur nous offre un développement nouveau de ses rythmes croisés et pulsations libérées, comme dans Sult 2 avec ses changements de métrique. Dans cette séquence, Gjerstad joue d’une clarinette alto alternant rêveries et morsures. Le batteur fait des merveilles.  Pas étonnant que Louis Moholo a enregistré en duo avec Leo Smith ! Pour ceux qui aiment le son naturel de la batterie sans clichés, c’est une belle pièce à conviction. Vraiment superbe et à conserver pour les soirées au coin du feu.

Paul Dunmall & Tony Bianco Autumn FMR CD392-0115

La saga dunmallienne continue ! Avec son acolyte, le puissant Tony Biancoà la batterie, Paul Dunmall ajoute encore un exploit à son extraordinaire trajectoire d’improvisateur sans pareil au saxophone ténor, et dans cet album à l’alto. Un concert explosif, une véritable sincérité dans l’improvisation et dans l’engagement. Jazzman jusqu’au bout des ongles, le souffleur est avant tout un chercheur de l’au-delà du Coltranisme inspiré par les grands maîtres du ténor du vieux Ben à Shorter et Evan Parker. À partir de cette expérience et d’une pratique compulsive, Dunmall crée les improvisations les plus remarquables au saxophone ténor alliant un sens inné de la construction et une fureur emportée. Musicalité exceptionnelle sans tic coltranien. Passant des triples détachés sur des intervalles parfois biscornus à une vocalisation forcenée, ce sont tous les états de chauffe de l’instrument qui se révèle à notre fascination. Ici c'est l'alto qui est sollicité sur Echoes of London  et on entend clairement qu'il "n'est pas un altiste". Mais au diable, l'intensité elle est au maximum !  Sur la pochette des feuilles mortes, car l’arbre n’arrête point de grandir. Un colosse du saxophone incontournable en compagnie d’un batteur polyrythmicien de la veine de Rashied Ali. Plus que çà tu meurs ! 
P.S. J'ai déjà débattu à propos de ce duo mais bis repetita placent ! 

Concert 60 ans Jean-Michel Van Schouwburg 5 juillet Cellule 133A the Hidden Peak #5

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Cellule 133A  dimanche 5 juillet 2015 17h   entrées : 8 €
 rue Ducpétiaux 133A 1060 Bxl  métro Albert
_  Sureau : Jean Demey /Kris Vanderstraeten /Jean-Michel Van   
    Schouwburg + Matthias Boss.  (contrebasse-percussion-voix-violon)
_ Mike Goyvaerts / Guy Strale / Willy Van Buggenhout + Paul  
   Hubweber.  (percussion-piano-synthétiseur- trombone)
_ Trio 876+ Matthias Boss /Marcello Magliocchi/J-M Van 
   Schouwburg + Guy Strale.  (violon-percussion-voix- piano)
_ Paul Hubweber / Jean Demey / Marcello Magliocchi + Marco 
   Loprieno.  (trombone- contrebasse-percussions- saxophones)   
   
                                                                                                    
Vocalisteexplorateur de sons, improvisateur et animateur historique de la scène improvisée en Belgique, Jean-Michel Van Schouwburg vous invite à partager un parcours musical à l’occasion de son 60ème anniversaire le dimanche 5 juillet, Cellule 133A, 17h. Son  travail sonore de la voix humaine est basé sur ses possibilités physiques, expressives et émotionnelles en tirant parti des constituants de l’organe vocal depuis les tréfonds de la gorge jusqu’au bout des lèvres. Ses capacités peu ordinaires (quasi trois octaves), qui allient puissance et sens inné des nuances, lui permettent de maîtriser plusieurs techniques simultanément :  jodels, harmoniques, falsetto, chant de gorge, bruitages de la bouche, chant diphonique, phonèmes décomposés, langages imaginaires etc… en passant du pianissimo au forte d’une seule émission. Liée à l’art de la poésie sonore, la démarche de Jean-Michel Van Schouwburg, un pur autodidacte, tente de transcender plusieurs approches esthétiques dans le processus de l’improvisation totale basé sur l’écoute. Son naturel déroutant s’exprime avec un humour corrosif et une urgence dramatique inextricablement mêlés par une spontanéité débridée.
Les quatre groupes de ce soir s’inscrivent dans son évolution musicale depuis ses débuts dans l’atelier d’improvisation libre initié par Guy Strale dès 1976. La connivence spontanée et l’interactivité créatrice basées avant tout sur l’écoute mutuelle naissent autant de rapports familiers entre musiciens  que de nouvelles rencontres imprévues. Durant cette soirée,  six camarades qui ont participé à l’évolution de la scène locale, tels Kris Vanderstraeten et Guy Strale avec qui Jean-Michel a débuté sur scène et trois invités étrangers, spécialistes exceptionnels de leurs instruments, vont créer un équilibre toujours remis en question par la nécessité d’improviser et de construire du neuf. Le violoniste suisse Matthias Boss et le percussionniste italien Marcello Magliocchi forment le trio 876 avec Jean-Michel, avec lequel, ils ont fait récemment une dizaine de concerts en Italie et en G-B et publié  deux cédés récents dont Otto Sette Sei. Le tromboniste Paul Hubweber est à notre avis un improvisateur incontournable et en l’invitant Jean-Michel Van Schouwburg rend hommage aux trombonistes Paul Rutherford et Gunther Christmann, lesquels ont une influence directe sur sa manière d’improviser. On l’entendra avec trois musiciens belges qui ont de belles affinités : Guy Strale (piano) et Willy Van Buggenhout (électronique) ont improvisé ensemble vers 1980/81, - cfr le premier disque vinyle Inaudible Musique Improvisée-. Mike Goyvaerts(percussions) a largement contribué au développement d’Inaudible durant les années 90 et a beaucoup joué avec chacun d’eux. Le violon de Matthias Boss se joindra à Sureau, le trio fétiche de Jean-Michel, du contrebassiste Jean Demey et du percussionniste Kris Vanderstraeten, créant un lien tant avec sa grande soeur la contrebasse qu’avec la voix dont il retrace spontanément les mélismes. Vieux routiers dans de nombreuses pratiques musicales avec une expérience peu commune, Paul Hubweber, Jean Demey et Marcello Magliocchi vont jouer pour la première fois ensemble dans un trio équilatéral auquel se joindra le saxophoniste Marco Loprieno, remarquable au sopranino et animateur  engagé dans le collectif Inaudible.

Matthias Boss cultive un amour pour le violon depuis l’enfance et se distingue par une dynamique et une projection du son peu communes. Il joue très régulièrement avec Marcello Magliocchi dans plusieurs projets dont le trio 876 avec J-MVan Schouwburg, mais aussi avec le violoncelliste Maresuke Okamoto  et le pianiste Nicolà Guazzaloca.
Jean Demey est un contrebassiste qui a multiplié des expériences musicales aussi bien dans la free-music dès les années 70’s que dans les musiques moyen-orientale, africaine, jazz et transculturelles en se produisant sur tous les  continents. Membre du trio Sureau avec J-M VS et Kris Vandertraeten, il joue et enregistre avec le clarinettiste contrebasse Ove Volquartz et la pianiste Yoko Miura. Spécialiste des rythmes et de la derbuka et clarinettiste.
Mike Goyvaerts a développé un langage original aux percussions qu’il dispose sur une grosse caisse horizontale. Il se focalise sur le geste musical et la dynamique dans le superbe quartet Canaries on The Pole avec Jacques Foschia, Christoph Irmer et Georg Wissell et White Smoke avec Willy Van Buggenhout et le saxophoniste Jiji Duerinckx.
Paul Hubweber est un maître du trombone dans la scène improvisée internationale. Trio PAPAJO avec Paul Lovens et John Edwards, duo Schnack avec live signal processing d’Ulli Böttcher, duo avec le pianiste Philipp Zoubek, etc… chacun atteignant un sommet particulier d’excellence. Performances solo Lurix and Paranoise et Tromboneos où fleurissent toutes les outrances du trombone.
Improvisation libre : imagination, recherche sonore, écoute mutuelle, sens de l’équilibre et goût de l’extrême, sincérité et intransigeance esthétique, convivialité collective et ouverture aux autres, partage de la musique spontanée en temps réel avec le public et de l’espace et du temps avec les autres musiciens en égalité.
Marco Loprieno a participé aux ateliers d’Inaudible en recherchant sa voie à travers quasiment tous les instruments à vent pour se concentrer sur le saxophone sopranino dont il a découvert les mystères de l’intonation et le sensuel sax ténor. Anime le Loft EX-I-T et le groupe The Flames avec le tubiste Jan Pillaert, le batteur Kostas Tatsakis et Jean-Michel Van Schouwburg. Avec Pat Lugo réalise la performance Memento Mari sur les disparus en Méditerranée.
Marcello Magliocchi est un percussionniste complet avec une longue expérience dans le jazz (Mal Waldron, Franco D’Andrea, Enrico Rava, Steve Lacy) et les musiques improvisées (William Parker, G. Lenoci, Joëlle Léandre, Evan Parker). Historien vivant de l’évolution de la batterie et enseignant, il crée ses propres instruments métalliques avec UFIP : cymbales, gongs, cloches etc… et a travaillé dans le classique. Sa démarche cultive la logique et la fantaisie dans une recherche sonore en alliant spontanéité et sens orchestral.

Guy Strale fait figure de pionnier de la musique improvisée à Bruxelles dès les années soixante. Explorateur des cordages et de la caisse de résonance  du piano, il cultive le décalage monkien et la dissonance colorée. Il a fondé le Collectif Inaudible et animé un atelier d’improvisation depuis 1976. Celui-ci a été un point de convergence de nombreux improvisateurs durant plusieurs décennies. On peut citer J-M Van Schouwburg, Mike Goyvaerts, Jiji Duerinckx, Jean Demey, Kris Vanderstraeten, Jacques Foschia, Adelheid Sieuw, Marco Loprieno, José Bedeur etc…)
Willy Van Buggenhout est un artiste graphique contemporain et cette pratique a débouché sur la découverte des sons en autodidacte. Pratiquant méticuleusement un synthétiseur analogique vintage 70’s, il joint sa voix originale et contrastée avec un grand nombre d' improvisateurs dont le trio White Smoke et développe aujourd’hui une langage complexe et subtil en temps réel avec l’ordinateur.
Kris Vanderstraeten artiste graphique et dessinateur original, il a construit sa propre batterie de percussions aussi colorée que diversifiée avec ses objets recyclés. Il se distingue par une dynamique très fine et collabore régulièrement avec l’artiste sonore Timo Van Luyck, Sureau et le guitariste Christophe Albertiijn. Il a réalisé un grand nombre d’affiches de concerts figuratives qu’il expose régulièrement.
J-M Van Schouwburg. Vocaliste autodidacte et commentateur praticien de l’improvisation radicale (cfr plus haut), J-M a aussi travaillé avec le compositeur Dario Palermo, le live signal processing de Lawrence Casserley, le percussionniste Sabu Toyozumi et avec le cinéaste Peter Strickland dans le film Berberian Sound Studio. Dirige des ateliers sur la voix par le biais de l’auto-découverte et de l’improvisation.

Matthias Boss et Marcello Magliocchi donneront un concert solo et duos avec des invités au Loft EX-I-T le samedi 4 juillet 18h (7 rue Scheutveld 1070 Bruxelles)


Organisé par le collectif Inaudible avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles et de la Cellule 133A et la collaboration de Loft EX-I-T.


Free Improvisation's AVAILABLE recommended recordings

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There are so many recordings issued in the field of free improvised music since the heydays that, for a newcomer who hasn't much money to spend, it is almost a nightmare to select the most significant documents. Some recordings from the same artist are quite special more than others and many players have made an evolution along the years. There are also great recordings  now unavailable. By example the duos of Paul Lovens and Paul Lytton on Po Torch or Fred Van Hove's improvising groups w Wachsmann, Charig etc... were never reissued or the fabled London Concert of Evan Parker and Derek Bailey (Incus 16) reissued on Psi and now sold out. 

So there are here some tips for "historic" albums still in stock and I suggest that one should order them from the label itself or from dedicated militant mail order service like Improjazz, Open Door, Metamkine etc...

Derek Bailey Lot 74  (Incus 12 lp)   Incus CD57   http://www.incusrecords.force9.co.uk/catalogue/general2.html    amazing solo recording of 1974 using the stereo amplification with the two volume  pedals. Cover art by Leonardo da Vinci.
Derek Bailey Lace Emanem CD 4013 
http://www.emanemdisc.com/E4013.html  The only acoustic Derek Bailey solo available ! Amazing. 

Paul Rutherford Solo in Berlin 1975 Emanem CD 4144  http://www.emanemdisc.com/E4144.html  Paul Rutherford 's best solo concert performances recorded in FMP's Workshop Freie Musik & Total Music Meeting. His seminal solo album The Gentle Harm of the Bourgeoisie (Emanem 3305) was made from three different solo concerts in 1974 at Unity Theatre : Emanem CD 4019 http://www.emanemdisc.com/E4019.html 

John Stevens /Trevor Watts /Derek Bailey Dynamics of the Impromptu FMR CD360 http://fmr-records.com/pdffiles/FMRCD360.pdf
Although not actually listed as a Spontaneous Music Ensemble recording, Dynamics is a perfect example of the SME gig proceedings, very well recorded by Martin Davidson, with all SME ingredrents :  recorded in the mythic Little Theatre Club,  John Stevens' SME baby drumkit, Trevor Watts' s soprano sax (also a SME instrument) and Derek Bailey's acoustic and electric stereo guitar with TWO volume pedals... 

Howard Riley /Barry Guy /Tony Oxley Synopsys1973 (Incus 13) Emanem CD  4044
The most far out trio and seminal combination from  these three exceptional players.   

Gunther Christmann / Phil Minton For Friend(s) and Neighbour(s) 2002 Concept of Doings - Edition Explico cod 008 / explico 12

Phil Minton / Roger Turner AMMO 1982 Leo Records (LR106)  GY 22 . Their very first album and the very first album where Phil Minton does free singing with a colleague.

Evan Parker / Paul Rutherford / Hans Schneider / Paul Lytton  Waterloo 1985  Emanem CD 4030 . One 65 ' piece with all possible combinations and amazing interplay reuniting Parker and Rutherford. The last recording of Paul Lytton with is "chinese drum mighty kit".

Alex von Schlippenbach quartet w. Evan Parker Peter Kowald & Paul Lovens Hunting the Snake  1975  Atavistic Unheard Music Series

Brötzmann Van Hove Bennink 1973  "FMP 0130"   (FMP 0130 ) Atavistic Unheard Music Series . The craziest free improv recording ever ! Surrealist !


Fred Van Hove Passing Waves solo 1998 Nuscope 1001
Spraak & Roll  2004 WimPro acht/negen

Birgit Uhler / Ulrich Philipp / Roger Turner  Umlaut 2000 NurNichtNur. One of the very best improvisation libre recording of its time.

Paul Hubweber / Ulli Blöbel  Schnack 13Nur Nicht Nur 
The greatest live signal processing / instrument real time duo ever !


Moon in June : Ivo Perelman - Matt Shipp - Mat Maneri - Joe Morris - Stefan Keune - Guylaine Cosseron - Xavier Charles - Fred Blondy

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Fractions Stefan Keune Dominic Lash Steve Noble No Business NBLP 83 

Une belle pochette blanc minimal parsemée de points en forme de constellation papillonnante et le titre Fractionspour une musique endiablée, arcboutée contre les éléments déchaînés, menée par un saxophoniste incendiaire, Stefan Keune. Personnalité réservée, improvisateur libre archétypal pour qui a écouté le superbe duo pointilliste avec le guitariste John Russell (Frequency of Use / Nur Nicht Nur & Excerpts and Offerings / Acta), articulant d’une précision ébouriffante des sonorités multiples et des harmoniques aiguisées à la vitesse de l’éclair, le voici qui s’époumone avec une énergie et un mordant rares. Un autre trio de Keune avec  le contrebassiste Hans Schneider et le batteur Achim Krämer, No Comment, est le dernier grand album du label FMP et  lorgnait vers une veine plus expressionniste tout intégrant le silence et la lisibilité des moindres détails. Steve Noble est un des percussionnistes phares de la scène londonienne, virevoltant sur ses fûts, tam-tam et cymbale retournés dans la lignée Han Bennink. Dominic Lash, un contrebassiste en vue, apporte une assise musicienne et un vrai savoir faire. Pris entre le marteau et l’enclume dans un Vortex extasié (Dalston, Hackney), il ne se contente pas de faire figure de tranche de gouda dans un sandwich. Par tous les moyens, ses doigtés font palpiter le gros violon sous les assauts du batteur et sous le cri et la fureur du cracheur de feu. Si voir et écouter Mats Gustafsson  et Peter Brötzmann qui se lâchent est votre tasse de thé ou … votre coupe de Chimay Bleue (souvenirs de Peter B avec une pinte teutonne pleine à ras-bord de Chimay à Anvers), il faut absolument que vous preniez Stefan Keune sur le coin de la figure. Ne vous fiez pas à son allure d’homme rangé bon enfant, notre soufflant en connaît un rayon pour chauffer à blanc l’anche et faire hurler la colonne d’air qui contraste avec son air de sainte nitouche. C’est d’ailleurs ce qui fait toute le sel de ses performances… Véritable autodidacte 100%, il s’est créé un univers original, un son et une attaque de l’instrument immédiatement reconnaissable, quelque soit son humeur ou l’instrument, alto, baryton, ténor ou sopranino. Ce sont ces deux derniers instruments avec lesquels il œuvre ici. Venu au saxophone par la pratique sur le tas, il se distingue par une complexité dans le jeu et une énergie atavique car il a travaillé son instrument de la manière la plus exigeante qui soit en suivant une approche très peu orthodoxe. Un très original dans la mouvance Evan Parker et c’est dans la Longest Nightde 1976 (Ogun) qu’il faille chercher la connection  ! On apprécie son registre pointu au petit saxophone dans le premier morceau de la seconde face, celle-ci étant plus orientée vers une dynamique sonore interactive à laquellle se prête mieux la volatilité du sopranino, explosant ici par le souffle véhément  et abrasif de Keune. Sorry, si j’ai l’air d’insister sur notre soufflant par rapport à ses deux camarades, on a entendu  ces derniers temps Steve Noble avec Brötzmann, Mc Phee, Simon Fell, John Edwards etc… , - pas mal de festivaliers étaient éberlués de n’avoir jamais encore ouï dire de cet enthousiasmant percussionniste -, Stefan Keune est un des plus sérieux clients qu’il faille faire connaître pour remettre les choses à leur place : un immense plaisir d’écoute, la free-musicà l’état pur. Dans la foulée, recherchez Frequency of Use (Nur Nicht Nur) et Excerpts and Offerings (Acta) avant qu’il ne soit trop tard ou The Short and the Long of It (Creative Sources) !

PS : Un autre enregistrement en duo avec avec Paul Lovens serait en attente de publication

Guylaine Cosseron Xavier Charles Frédéric Blondy Rhrr…

Pas de label, une pochette fleurie et colorée, une chanteuse un clarinettiste et un pianiste, une musique de recherche de sons, de mise en commun des bruissements dans l’espace sonore, un concert enregistré au Carré Bleuà Poitiers, dans une structure qui ose toujours (2014) bravant le médiatiquement correct et le culturellement responsable. Dès le départ le souffle dans la gorge, les percutages des cordes du piano, préparées …touches effleurées, marteaux amortis, glissements de la colonne d’air, résonance du tube, harmoniques éthérées. Une quête éperdue de sons, d’élans de la voix, une récolte prodigue, leurs agencements singuliers comme s’ils naissaient d’une nature sauvage, encore jamais profanée. Pas de structure verticale mais un étalement infini. Tous trois sont des maîtres de leur instrument. La performance du clarinettiste, Xavier Charles, est exceptionnelle : en effet, je ne connais quasi aucun clarinettiste, « professionnel de l’impro » qui fait éclater ainsi l’instrument du Concerto de Mozart que Michel Portal a contribué à ressusciter il y plus de quarante ans. La chanteuse Guylaine Cosseron a le chic pour faire varier un cri de désespérée comme si c’était un poème, pressurée par les raclements rageurs du bocal de la clarinette. Une approche extrême, un don de soi sincère. J’ai déjà écrit, dans ces lignes, ô combien essentielle se révèle la contribution organique du pianiste Frédéric Blondy. Mais plus qu’une réunion de fortes personnalités, c’est à un exceptionnel partage de l’improvisation et de la musique collective auquel nous avons droit dans ce Rhrr constitué d’envoûtantes séquences extraites d’un concert qu’on jugerait mémorable.  Il se termine, presque, par un superbe moment de « folklore imaginaire », celui l’imagination au pouvoir. 

CounterpointIvo Perelman Mat Maneri Joe Morris Leo Records LR730

Après l’extraordinaire Two Men Walking de Perelman et Maneri qui unissaient le saxophone ténor de l’un avec le violon alto de l’autre dans un miroitement microtonal singulier, une des plus belles choses qui ait pu arriver, inédite, dans l’univers du jazz libre. Et il ne faut pas s’étonner les entendre remettre cela à nouveau avec le guitariste Joe Morris. C’est au début des années nonante et en compagnie du guitariste que feu Joe Maneri et son très jeune fils, Mat Maneri nous étaient apparus comme un miracle : Three Men Walking (ECM), disque manifeste d’un manière contorsionnée de jouer avec décalages, retards, tressautements constants des intervalles dans un univers chambriste. Counterpoint est né de la volonté d’Ivo Perelman de jouer dans toutes les formules possibles avec ses fidèles : Mat Maneri, Matt Shipp, Michael Bisio,  William Parker, Joe Morris, avec ou sans batteur, Whit Dickey ou Gerard Cleaver. L’ayant entendu récemment dans un enregistrement risqué avec le pianiste Agusti Fernandez et le trompettiste Nat Wooley, je suis vraiment heureux qu’on puisse apprécier un guitariste original comme Joe Morrisdans un trio aussi bien balancé que ce lui de Counterpoint. Ivo Perelman est un extraordinaire chanteur dans le registre aigu du ténor obtenu avec une qualité de souffle exceptionnelle. Jouer des harmoniques, soit, mais leur imprimer une telle vie, une telle chaleur et mille inflections dans le droit fil du grand Albert, est un véritable tour de force. Un merveilleuse suite d’improvisations libres dans le prolongement du jazz free. Sans thèmes, sans compositions, de la pure improvisation où la mélodie est étirée, et s’échappe dans un jeu inouï avec les intervalles et le son. Le ténor évoque Shepp, Ayler ou un Getz survolté qui dérape. Il y a aussi un feeling mélodique brésilien, Ivo étant Brésilien d’origine et New Yorkais d’adoption. Le jeu inouï de Mat Maneri convoque tous les écarts des intervalles tonaux qu’il soit possible de tirer de son difficile instrument, le violon alto, avec une cohérence digne d’un maître du raga indien. La voix de Maneri est aussi profondément originale que celle du saxophoniste.  Leur correspondance intime dans le miroitement des microtons, de chaque minutieuse altération sur toutes les notes jouées confine au prodige. Le jeu du Joe Morris, anguleux et contrasté,  s’inscrit avec beaucoup de justesse visualisant une géométrie imaginaire dans l’espace. Il les aiguillonne avec le dosage parfait de sel pour rendre l’entreprise aussi aventureuse que merveilleusement équilibrée.  Ce trio écrit une page aussi fascinante que les trios de Jimmy Giuffre, le Tips de Lacy  avec Potts et Aebi, ou le Reunion de Trevor Watts et Steve Knight. Un vrai trésor du jazz entièrement improvisé en toute liberté.

CallasIvo Perelman Matthew Shipp Leo Records LR 728

Après nous avoir gâtés avec une suite quasi ininterrompue d’enregistrements de haute volée, le saxophoniste ténor brésilien Ivo Perelman frappe encore plus fort avec une merveilleuse trilogie : Counterpoint en trio avec Mat Maneri et Joe Morris, Tenorhooden hommage aux saxophonistes de toujours (Trane, Rollins, Mobley, Ayler) en duo avec le batteur Whit Dickey et Callas, un duo au titre étonnant, avec le pianiste Matthew Shipp. Maria Callas ! La diva qui fit autant sensation qu’elle fut vilipendée de son vivant et qui représente dans l’imaginaire collectif la chanteuse d’opéra prodige entre toutes. Cet hommage tire son origine dans la préoccupation d’Ivo Perelman au sujet de maux de gorge constants causés par sa pratique intensive du saxophone. Son médecin lui fit remarquer que cette douleur est identique à celle subie par les chanteurs dans leur manière personnelle de porter la voix. Ils y remédient en rééduquant le processus d’émission vocale avec un professeur spécialisé. Et donc Ivo Perelmans’est mis à suivre un cours de chant curatif et dans la foulée, s’est mis à écouter des chanteuses et est tombé amoureux de la voix nauturelle et enflammée de la Callas. L’écoutant au casque, il s’est mis à jouer en temps réel  toutes ses parties vocales en la suivant note à note, complétement fasciné par la puissance physique de sa voix. Chaque morceau de ce double album se réfère à un rôle chanté et joué par la diva : Norma, Medea, Lucia, Violetta, Aida, Leonora, … Comme il se devrait avec une chanteuse ou un chanteur, le pianiste Matt Shipp, se met entièrement au service du chant singulier du saxophoniste comme si celui-ci était un chanteur. Car c’est vraiment une voix de chanteur qui transparaît dans toutes les inflexions du saxophone ténor qu’il sollicite le registre intime, introspectif ou le plus  expressionniste « aylerien ». Dans aucun des morceaux, Matt Shipp ne prend l’initiative de broder un solo ou de se lancer dans un morceau de bravoure soliste qui pourrait mettre en valeur son immense technique et sa très forte personnalité. Plutôt, il cherche à créer l’écrin idéal pour l’épanchement lyrique (Tosca), les volutes vocalisées dans l’aigu qu’affectionne son ami Ivo et qui font de lui un saxophone ténor aussi unique que le sont Evan Parker et Paul Dunmall, etc…(dont il admire éperdument la musique et la technique supérieure). Ou alors il se lance à un équilatéral chassé-croisé comme dans cette manière de course poursuite dans Rosina. Comme toujours avec Perelman, l’imagination est au rendez-vous car une fois lancé sur un caractère tiré des nombreux rôles de la Callas, il ne peut nous empêcher de nous surprendre, évitant clichés, lieux communs et autres œillades faciles. Le ton est généralement suave passant sans effort du registre médium presque vaporeux à des pointes aiguës qu’il va chercher dans les harmoniques de l’instrument qu’il fait chanter comme personne. Ou alors il tempête avec véhémence l’instant d’un éclat. Matthew Shipp sollicite des rythmes, des couleurs qu’il fait vivre avec un sens aigu des variations  comme si c’étaient des vagues d’une mer infinie. Medea voit se développer un entrelacs d’arpèges poursuivi dans une remise en question permanente de leur cambrure rythmique et sur la quelle notre ténor surfe avec des doubles détachés pointés d’échappées d’une seule overtone…  Le blues et les racines africaines (Leonora) sont sollicités et tout le substrat des ballades nord – américaines transparaît en filigrane. L’écoute sans interruption de cet album vous révèle comment des improvisateurs assument chacune de leurs propositions telles qu’elles qu’énoncées une fois amorcées, chaque fois une chanson en somme (Violetta), en la développant et la transfigurant en tirant pleinement parti de ce que leur construction musicale implique. Une mention au superbe travail du pianiste qui, s’il s’efface devant la voix du saxophone ténor, trace tout du long un chemin toujours mouvant qui entraîne le chant perelmanien vers des sommets de connivence. Ses seize pièces sont chaque fois un modèle du genre et l’art de ces deux improvisateurs réside autant de leur complicité que de tous leurs points forts individuels. A recommander chaleureusement à tous ceux que la chaleur du sax ténor fait vibrer intérieurement et qui veulent s’échapper de la monotonie du jazz corporate.


HK Raecke & L Casserley / Joe Morris- A Fernandez - Nate Wooley / Luc Bouquet Coltrane sur le Vif - Lenka Lente.

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Hans Kaersten Raecke and Lawrence CasserleySculptures of Wires and Drifts auto production via http://www.lcasserley.co.uk 


Hans Kaersten Raecke est un compositeur contemporain et constructeur d’instruments – sculptures sonores. Il y a une vingtaine d’années, il collabora avec Hugh Davies et leur enregistrement, KlangBilderétait vraiment intéressant et singulier : http://www.discogs.com/Hugh-Davies-Hans-Karsten-Raecke-Klangbilder/release/965996  
Nous le retrouvons dans un superbe enregistrement en symbiose avec le spécialiste du Live Signal Processing : Lawrence Casserley. Rien que le deuxième morceau de l’album, une pièce d’anthologie de 6’51’,  Sculpture of Wire – Draht Sculptur n° 1vaut l’achat du CD-R. Les instruments de HKR crédités sont piano préparé et ustensiles bruiteurs, voix, blow-metal-tin-harp, pipes-potet gummiphon. Le piano préparé est utilisé comme un instrument percussif et si Raecke en utilise d’autres (à quoi ressemblent – ils ?), ils s’intègrent parfaitement dans la structure et les sonorités émises par le piano. Les sons de HKR ont une couleur et une dynamique remarquables spécialement dans l’intérieur du piano. Il imprime des pulsations qui transcendent l’usage du piano préparé des Sonates de Cage. Tour à tour insistantes, obsédantes ou dans une relaxation onirique ou une lévitation quasi dansante. Une espèce de harpe métallique blow-metal-tin-harp  évoque certaines sonorités des ShoZyg et Springs Collection d’Hugh Davies. Rappelons que Davies fut le compagnon de Derek Bailey et Evan Parker dans Music Improvisation Company entre 1968 et 1972 et que son travail a eu une influence sur de nombreux artistes dont Derek Bailey et que Casserley a eu un rôle de premier plan dans l’Electro Acoustic Ensemble d’Evan Parker. Ce qui rend ce  disque fascinant est le travail des sons de Raecke en temps réel par Casserley  d’une manière complémentaire, organiquement intégrée, colorant, déformant, répétant, décalant et transformant la matière sonore dans une variété d’occurrences lumineuses, brillantes, sourdes,  nébuleuses, vaporeuses, liquides, grinçantes, sifflantes… Densité ou lisibilité. Saupoudrage d’effets mirifiques ou échappées rêveuses. Chutes en apesanteur. Puissance et extrême délicatesse de l’électronique. Cat and Mouses Machinesest une extraordinaire conversation vocalisée au travers de l’électronique et un des instruments magiques de HKR. L’un d’entre eux est un curieux instrument à vent fait de tubes en PVC (je crois bien !). Le jeu de H-K  au piano et à la simili-harpe est volontairement espacé pour créer un temps propice  aux inventions de LC comme dans les sobres et majestueux Drifts  de 17’ qui clôturent l’album.  Ce qui est renversant, c’est d’entendre Casserley créer des sons en transformant ceux de Hans Karsten Raecke au point où on est médusé par la « métamorphose » de leurs natures intrinsèques. De la science fiction ! Des cailloux deviennent des fleurs, le gris, multicolore, l’air se transforme en feu. Une réalisation très originale dans la ligne des meilleures collaborations du genre ou l’électro-acoustique et les instruments physiques s’interpénètrent au point de former un tout indissoluble en étendant les solutions sonores et dynamiques dans un univers neuf et cohérent. On pense à Furt (Barrett – Obermayer), le fantastique duo de Casserley avec le contrebassiste Adam Linson, Integument,  ou le tandem Schnack !unissant le trombone Paul Hubweber et son acolyte Ulli Böttcher.
Une très belle découverte hors des sentiers battus entre un artiste sonore peu commun et un magicien du live signal processing.

From the Discrete to the Particular  Joe Morris Agusti Fernandez Nate WooleyRelative Pitch RPR 1008  http://www.relativepitchrecords.com/releases/rpr1008.html  


Ce que j’aime particulièrement lorsque j’achète moi – même le CD plutôt que de l’avoir reçu en service de presse (mais je ne suis pas journaliste, plutôt un praticien de l’improvisation) est de me sentir plus libre pour exprimer mes sentiments. C’est un tel cadeau de recevoir un cd (reconnaissance éternelle à Martin Davidson et quelques autres) que cela devient une récompense inestimable d’y trouver un intense plaisir d’écoute après autant d’années de soutien pour ces musiques. Lorsque j’ai commandé ce cd à Improjazz, j’avais d’autres albums en tête qui m’avaient fortement enthousiasmés : Kopros Lithos d’Agusti Fernandez avec Peter Evans et Mats Gustafsson, Parallelisms avec Herb Robertson et Evan Parker toujours avec Agusti, de parfaites réussites (labels MultiKulti et Ruby Flower). Alors je me suis dit : Wow ! Cette fois-ci avec un troisième trompettiste de choix, Nate Wooley, dont j’aime beaucoup les duos très réussis  avec Paul Lytton (un lp dingue sur Broken Resaeach et Creaking 33 sur Psi) et Joe Morriscoupable de collaborations exceptionnelles avec Joe Maneri, Three Men Walking et Nate Wooley, justement, dont mon ami Kris m’a fait la réclame.  Et cette merveille toute récente, chroniquée plus haut, CounterpointJoe Morris fait un superbe travail avec Ivo Perelman et Mat Maneri. Tous les albums précités sont des modèles de connivence, de symbiose dans le domaine de l’improvisation libre, faite d’écoute mutuelle et d’invention de manière que chaque individu contribue à son expression personnelle la plus remarquable tout en mettant ses collègues en valeur. Que l’assemblage soit fructueux et fasse sens. Alors à l’écoute de cet album From the Discrete to the Particular, je dirais que les instrumentistes livrent chacun une partie enthousiasmante en ce qui concerne leur voix individuelle et qui justifient à elle seule tout l’intérêt qu’on leur porte. Le premier morceau, pris à un tempo d’enfer est ébouriffant, Automatos qui porte bien son titre avec ses fulgurances en pilotage automatique. C’est vraiment impressionnant. Les lèvres de Wooley dérapent, il crachouille à la vitesse grand V alors que les deux mains de Fernandez sollicitent tout le clavier avec une puissance peu commune. Là-dessus, le trompettiste surfe comme une fusée alors que le guitariste tient le cap par en-dessous se livrant à un chassé croisé d’accords et de lignes sursautantes en tenant la cadence infernale. Le deuxième, As Expected : Fernandez lance un jeu par pincées asymétriques et petits jets de grappes de notes qui invitent les deux autres à s’insérer. Wooley joue avec sa sourdine en survolant à l’écart. Dans Bilocation, le piano se fait lyrique comme dans une ballade et la guitare se pose comme si elle égrenait des notes de contrebasse au repos et quelques belles notes en sourdine de Wooley s’élèvent discrètement avec une pointe d’aigu et des hésitations bienvenues. C’est, comme on dit, « des jazzmen qui improvisent librement ». Les  deux dernières notes du piano terminent gravement en beauté et Hieratic commence (continue ?) dans cette ambiance grave avec  les déchirements du souffle saturé vraiment remarquables. Ensuite l’échange s’anime avec la guitare (acoustique) devenue bruitiste, sorte d’harpe froissée. La configuration guitare – piano est une chose malaisée vu la nature des deux instruments et dans cet album Morris et Fernandez creusent comment pouvoir dialoguer et coexister créativement. Je rappelle que ni Fred Van Hove, Alex von Schlippenbach, Irene Schweizer, Howard Riley etc… ne se sont essayés à enregistrer en duo avec un guitariste. Et que Derek Bailey n’a quasi jamais joué en tête-à-tête avec un pianiste, mis à part le pas trop convainquant duo avec Cecil Taylor, lequel n’est pas, à mon avis, une réussite collective transcendante, mais plutôt un premier jet « pour voir ». Tant la tâche est ardue. Hieraticoffre une belle coexistence dans l’espace sonore et Membrane à lui tout seul justifie l’achat de ce disque. Les cordes rassemblées (Agusti dans les cordages) créent des ostinati fascinants pleins de vibrations métalliques commentés par le bruissement tuyauté de la colonne d’air. Un court That Mountain (3 :25) avec des sons épars et des actions qui prennent le temps de naître et de mourir est le plus bel épilogue à ce qui avait été joué précédemment. Chums of Chance est une belle conclusion où chacun trouve des sons nouveaux, Agusti frottant les cordes et Morris trafiquant sa guitare acoustique … avec les doigts (!),  et laisse l’imagination et l’instinct créer des correspondances insoupçonnées. Un art bruitiste où chacun navigue à égalité trouvant sa place dans l’espace par le choix judicieux de l’action sonore la plus appropriée dans une dimension ouvertement radicale et chacun dans sa vitesse propre. Morris y est à l’archet sur une bonne partie jusqu’à une superbe excursion solitaire comme je n’ai pas encore entendu ailleurs. Ce trio fonctionne. Donc pour conclure mon sentiment et mon observation : une tentative courageuse de collaboration d’artistes incontournables qui honorent leur contrat avec énergie et conviction sans constituer un groupe à part entière. - Le trio de Kopros Lithos, cité plus haut, fonctionne, lui, comme un groupe, si vous voulez- . Leur créativité met en relief différentes approches musicales et ludiques et cela se termine sur un bel exercice sonique, bruitiste à la dynamique dynamique fort réjouissante.
Nate Wooleyet Agusti Fernandez sont des virtuoses rompus à l’improvisation libre (qualifiée de « non-idiomatique », vocable d’usage relatif et galvaudé) et Joe Morris se révèle être un solide client dans ce domaine. J’ai été témoin de rouscailleurs « non-idiomatiques » qui ont pris un jour Joe Morris à partie dans une conversation en ligne et le pauvre a dû se défendre par écrit. Misérables colleurs d’étiquette! La musique et sa pratique par les improvisateurs existent pour être transcendée en la jouant et cet album est une preuve vivante.  Il faut jouer pour le découvrir. Rien n’est acquis et tout reste à faire.

Coltrane sur le Vif  par Luc Bouquet Lenka Lente


Tout comme pour Luc Bouquet, John Coltrane est pour moi un musicien essentiel dont la passion communicatrice et l’intense créativité ont bouleversé les âmes et le cours de l’histoire musicale en amont et en aval, dans son évolution à travers les générations. Et puis quel SON, quelle audace, cette densité et cette fulgurance !
Dans l’œuvre enregistrée de Coltrane, deux ou trois grands moments sont, selon moi, les clés de voûte dans une multitude de passages et de transitions aussi essentielles les unes que les autres. Après l’affirmation irrévocable de son talent exceptionnel chez Miles et Monk et l’envol à la vitesse supérieure concrétisé par les albums Atlantic(Giant Steps, My Favourite Things, Olé), les enregistrements live du Village Vanguard de novembre 1961 avec Chasin' the Trane, India et Impressions, les albums posthumes de la fin du JC Quartet en 1965 (Sun Ship, TransitionetFirst Meditations) et le brûlot Interstellar Space en duo avec Rashied Ali. Entre-temps, il y a aussi  les « classiques Impulse » Africa Brass, Coltrane !,Crescent, Love Supreme et Live at The Birdland avec Garrison, Tyner et Jones. Plus que ça tu meurs. L’originalité de la démarche (existentielle) de Luc Bouquet, poète assumé de la batterie libre et de l’écoute des autres, est d’essayer de lever le coin du voile du Coltrane in the Flesh en rassemblant ses commentaires sur le vif à l’écoute des meilleures versions des tous les nombreux enregistrements live de Coltrane, pirates, officiels ou contractuels. On pense au double album Afro-Blue ImpressionsLive In Europe publié par Pablo en 1977, dix ans après sa disparition, année qui vit aussi la publication des Other Village Vanguard tapes de novembre 1961 par Impulse. Peu ose se risquer à acquérir TOUT Coltrane live en « pirates » non autorisés en raison des prises de son ou des gravures peu réussies ou par éthique. J’ai acquis ainsi en seconde main un Live at The Sutherland Hotel est c’est assez dur ! Le travail de bénédictin de notre ami Bouquet est bien utile pour nous aider à y voir un peu plus clair dans des dizaines d’heures de Copenhagen, Stockholm, Graz, Paris, Stuttgart ou au Japon dans un ordre chronologique et en prenant en compte l’évolution depuis ses tout débuts. Coltrane est tellement vivant qu’on entend peu de différences dans l’ambiance générale entre certains albums studio comme Sun Ship et l’animation des concerts. Si ce n’est que dans ces enregistrements live, les standards coltraniens se font la part du lion : Favourite Things, Mr P.C., Impressions, … alors qu’en studio on découvre des pièces quasiment jamais jouées en concert. C’est le cas de Love Supreme, suite magistrale qui couvre les deux faces d’un trente-trois tours mythique que beaucoup considèrent comme son chef d’œuvre, sans doute parce que plus accessible et structuré. On ne trouve la suite de  Love Supreme  que dans ce concert d’Antibes de 1965 qui fut publié par Esoldun au départ des archives de l’INA il y a une trentaine d’années. Comme vous n’auriez jamais entendu Coltrane. Elle figure dans une version double cédé Impulse de Love Supreme  tout à fait officielle indisponible aujourd'hui.  La familleColtrane veille jalousement sur l’héritage en faisant publier des documents de valeur soigneusement préparés comme cet Offering Live at Temple University découvert tout récemment et publié par Impulse. Mais il ne faut pas mésestimer les albums pirates. Par exemple, le concert de Graz de 1962 est une aventure insoupçonnée offrant un son suffisamment correct pour que son écoute nous envoie au septième ciel (The 1962 Graz Concert Complete Edition Jazz Lips). On y est surpris par la seule version d'Autumn Leaves en concert et un choix de pièces de consistance qui nous font entendre le vrai Elvin Jones, celui des concerts. Certains lieux, Stockholm ou Copenhagen se retrouvent dans des albums différents correspondant à des tournées de 1961, 1962 et 1963, soit en Quintetavec Dolphy ou avec le Quartet et suivez le guide Bouquet !  Au niveau « officiel », la présence magique d'Eric Dolphy figure seulement dans les albums du Village Vanguard, Live at the VVet Impressions,complétés par les Other VV Tapes citées plus haut etThe Mastery Of John Coltrane / Vol. IV 'Trane's Modes' qu’on retrouve intégralement en CD dans the Complete 1961 Village Vanguard Recordings. Les traces pirates de la collaboration avec Dolphy se révèlent encore plus passionnantes et tout le mérite revient à l’écoute patiente de Luc pour nous permettre de le découvrir.
Livre sans prétentions, ni thèse hasardeuse ou savante, Coltrane sur le Vif est un outil sûr et amoureux pour quiconque a laissé une part de John Coltrane, le musicien universel, au plus profond de lui. Des Byrds, Jimi Hendrix et Neil Young jusqu’à Evan Parker, Dave Liebman, Ravi Shankar et Roland Kirk, Allman Brothers etc.. la musique de Coltrane concerne un nombre incalculable d’artistes et d’auditeurs qui ont été touchés d’une manière si profonde qu’on peut dire que J.C. est le musicien le plus unique du XXème siècle et d’aujourd’hui. Donc, même s’il semble s’adresser aux spécialistes, le livre de Luc Bouquet pourra être utile à quiconque veut en connaître un peu plus ne fut-ce que pour un moment supplémentaire de bonheur, différent par rapport aux albums officiels réglementés et sélectionnés par la FNAC, Amazon ou Wikipédia. 
- Tu aimes Coltrane ?  - Oui ! J’ai enfin mon Bouquet !! 

Free Improvisation's AVAILABLE recommended recordings

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There are so many recordings issued in the field of free improvised music since the heydays that, for a newcomer who hasn't much money to spend, it is almost a nightmare to select the most significant documents. Some recordings from the same artist are quite special more than others and many players have made an evolution along the years. There are also great recordings  now unavailable. By example the duos of Paul Lovens and Paul Lytton on Po Torch or Fred Van Hove's improvising groups w Wachsmann, Charig etc... were never reissued or the fabled London Concert of Evan Parker and Derek Bailey (Incus 16) reissued on Psi and now sold out. 

So there are here some tips for "historic" albums still in stock and I suggest that one should order them from the label itself or from dedicated militant mail order service like Improjazz, Open Door, Metamkine etc...

Derek Bailey Lot 74  (Incus 12 lp)   Incus CD57   http://www.incusrecords.force9.co.uk/catalogue/general2.html    amazing solo recording of 1974 using the stereo amplification with the two volume  pedals. Cover art by Leonardo da Vinci.
Derek Bailey Lace Emanem CD 4013 
http://www.emanemdisc.com/E4013.html  The only acoustic Derek Bailey solo available ! Amazing. 

Paul Rutherford Solo in Berlin 1975 Emanem CD 4144  http://www.emanemdisc.com/E4144.html  Paul Rutherford 's best solo concert performances recorded in FMP's Workshop Freie Musik & Total Music Meeting. His seminal solo album The Gentle Harm of the Bourgeoisie (Emanem 3305) was made from three different solo concerts in 1974 at Unity Theatre : Emanem CD 4019 http://www.emanemdisc.com/E4019.html 

John Stevens /Trevor Watts /Derek Bailey Dynamics of the Impromptu FMR CD360 http://fmr-records.com/pdffiles/FMRCD360.pdf
Although not actually listed as a Spontaneous Music Ensemble recording, Dynamics is a perfect example of the SME gig proceedings, very well recorded by Martin Davidson, with all SME ingredrents :  recorded in the mythic Little Theatre Club,  John Stevens' SME baby drumkit, Trevor Watts' s soprano sax (also a SME instrument) and Derek Bailey's acoustic and electric stereo guitar with TWO volume pedals... 

Howard Riley /Barry Guy /Tony Oxley Synopsys1973 (Incus 13) Emanem CD  4044
The most far out trio and seminal combination from  these three exceptional players.   

Gunther Christmann / Phil Minton For Friend(s) and Neighbour(s) 2002 Concept of Doings - Edition Explico cod 008 / explico 12

Phil Minton / Roger Turner AMMO 1982 Leo Records (LR106)  GY 22 . Their very first album and the very first album where Phil Minton does free improvising singing with a colleague in a current group.

Evan Parker / Paul Rutherford / Hans Schneider / Paul Lytton  Waterloo 1985  Emanem CD 4030 . One 65 ' piece with all possible combinations and amazing interplay reuniting Parker and Rutherford. The last recording of Paul Lytton with is "chinese drum mighty kit".

Alex von Schlippenbach quartet w. Evan Parker Peter Kowald & Paul Lovens Hunting the Snake  1975  Atavistic Unheard Music Series

Brötzmann Van Hove Bennink 1973  "FMP 0130"   (FMP 0130 ) Atavistic Unheard Music Series . The craziest free improv recording ever ! Surrealist !


Fred Van Hove Passing Waves solo 1998 Nuscope 1001
Spraak & Roll  2004 WimPro acht/negen

Birgit Uhler / Ulrich Philipp / Roger Turner  Umlaut 2000 NurNichtNur. One of the very best improvisation libre recording of its time.



Paul Hubweber / Ulli Blöbel  Schnack 3Nur Nicht Nur 
The greatest live signal processing / instrument real time duo ever !


  Conceits  Acta label vinyl lp 1988 reissued by Emanem : John Butcher/ John Russell / Phil Durrant first album !
http://www.emanemdisc.com/E5036.html 
News From The Shed : same trio augmented by Paul Lovens and Radu Malfatti 1989 issued by Acta and reside by Emanem ! The second is a pure gem !
http://www.emanemdisc.com/E4121.html
Sorry : un- finished !! 


Summer listenings after BD party

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Iskra 1903Paul Rutherford Derek Bailey Barry Guy Chapter One 1970 -1972 3CD Emanem 5311. 


Ce triple cédé Emanem est la réédition du CD 4301 publié en 1999 qui reprenait l’intégralité des sessions du trio Iskra 1903 dont une sélection était contenue dans l’historique album double vinyle Incus 3 & 4. Improvisant librement sans percussionniste, Derek Bailey, Paul Rutherford et Barry Guy se répandent dans l’espace sonore en altérant la pratique conventionnelle de la guitare, du trombone et de la contrebasse  tout en s’éloignant radicalement du free-jazz d’alors et de la musique contemporaine avant-gardiste (Stockhausen, Berio). D’un morceau à l’autre, on est frappé par la variété extrême des modes de jeux et de la volatilité des instrumentistes. Pour ceux qui connaissent Derek Bailey par ses nombreux duos ultérieurs souvent largement amplifiés et son langage relativement codifié et reconnaissable, découvriront ébahis l’explorateur qui lui – même redécouvrait son instrument de façon inouïe à la limite entre le bruitisme et les nuances sérielles. L’usage omniprésent de la pédale de volume fait songer à un effet de zoom permanent et son plectre attaque parfois les cordes à peine amplifiées de sa guitare électrique. Le souffle de Paul Rutherford vocalisé d’une finesse hyper-sensible évite les réponses évidentes et le jeu premier degré. Barry Guy a amplifié sa contrebasse et son archet frappe, gratte, s’enfonce, glisse ou rebondit sur les cordes. Chaque instrumentiste est soliste et l’interdépendance ou la liberté s’exprime dans une déclinaison infinie d'occurences combinatoires des sons de chacun. Dans la session de 1972 dont une partie figurait dans le second disque (Incus 4), la connivence est un modèle, voire le modèle du genre. Ils improvisent ensemble en s’écoutant à l’extrême tout en faisant comme s’ils s’ignoraient, mais on entend clairement chez chacun des points communs, des allusions subtiles à ce qu’un des trois autres vient de jouer en recyclant un élément particulier au niveau de la sonorité, du tracé des lignes, du geste, des hauteurs, de l’harmonie, etc…  Cette façon de jouer n’existait pas avant qu’ils le fassent. Par rapport aux enregistrements précédents de ces musiciens avec le Spontaneous Music Ensemble ou leurs collègues de l’époque (Brötzmann, Kowald, Schlippenbach, Cecil Taylor, Art Ensemble, le free jazz des sixties et seventies), il y a un pas en avant et sur le côté, et une déchirure par rapport aux possibilités sonores, à l’interaction entre les improvisateurs, à la multiplicité des formes, au champ d’exploration de très nombreux paramètres à l’œuvre dans la création musicale. Aussi dans le mouvement de cette époque, il y avait alors peu de guitaristes et de trombonistes dans le free et la contrebasse avait encore très souvent un rôle de support. Si nous récapitulons les noms des musiciens proéminents et dont la musique était documentée alors, vous conviendrez qu’il y avait une masse de saxophonistes, de pianistes, de batteurs, de trompettistes et un guitariste : Sonny Sharrock. Deux trombones : Roswell Rudd et Grachan Moncur III. Un trio trombone – guitare – contrebasse !!  Et donc, à beaucoup de points de vue  Iskra 1903 est sûrement un des manifestes les plus emblématiques  de la nouvelle musique improvisée européenne de début des seventies. La musique de ce trio se détache radicalement du jazz libéré qui , lui explose déjà de toute part. Il y a une relation évidente avec des tendances dans la musique contemporaine de ces années-là. On pense à Vinko Globokar, lui-même tromboniste, et auNew Phonic Art de Carlos Alsina avec Drouet Portal et toujours Globokar avec qui le trio Iskra partagera le coffret Free Improvised Music publié par Deutsche Gramofon. Et comment ne pas penser à Nuova Consonanza et aux travaux quasi-improvisés du Stockhausen d’Aus Den Sieben Tagen. Ces enregistrements  d’Iskra n’ont jamais eu la prétention d’être un chef d’œuvre. Mais plutôt la documentation d’une démarche, d’une pratique musicale en chantier en montrant comment le jeu spontané MAIS très réfléchi arrive à produire des alliages sonores rares, des instants extraordinaires et faire coexister avec bonheur les propositions de chacun dans toute sortes de contrastes ou d’empathie insoupçonnables. Dans les enregistrements de 1970, Rutherford joue du piano et on sent que le groupe cherche. Mais ils ont trouvé leur rythme de croisière lors des sessions de 1972 et l’utilisation des deux pédales de volume simultanées du guitariste n’y est pas étrangère. La liberté et la fantaisie s’y expriment dans une foultitude de détails remettant  en question tous les gestes et toutes les habitudes des joueurs à tout moment. Une facilité à interrompre son jeu un court instant successivement créant un enchaînement narquois de questions réponses en formes de cadavres exquis. Le cubisme et l’abstraction picturale dans la musique en trois dimensions  en y ajoutant le déroulement et l’échappement dans l’éphémère, l’insaisissable. Une chose fondamentale la distingue  du contemporain expérimental du sortir des sixties : une part d’humour et de provocation, une radicalité vécue, un brin narquoise, et la personnalisation du jeu sonore qui est clairement le reflet de la personnalité de chacun. Yorkhsire goguenard du guitariste, native cockney du tromboniste et dessinateur architecte du contrebassiste. L’origine prolétarienne des membres du trio Iskra(allusion à la gazette de Lénine) fait dire que l’improvisation libre « à l’anglaise » est la musique contemporaine de la classe ouvrière, dont les enfants ne pouvaient se permettre de suivre le cursus du Conservatoire, stages, résidences etc… C’est la révolte des praticiens besogneux qui secouent leurs chaînes, matérielles, culturelles, mentales… J’ajoute encore qu’Emanem a ajouté des enregistrements complémentaires enregistrés lors de la tournée du London Jazz Composers’ Orchestra en Allemagne en 1973. En 1974, Bailey décide  alors de ne plus faire partie d’un groupe régulier et Iskra évoluera brièvement avec Peter Kowald et Tristan Honsinger et continuera avec Barry Guy et le violoniste Phil Wachsmann et leurs systèmes électroniques rehaussant et modifiant subtilement le son acoustique.
1903 signifie que la musique est celle du XXème s. et qu’il s’agit d’un trio. En quartet, ce serait 1904. Les pochettes intérieures de chaque cédé reproduisent les textes originaux de Paul Rutherford qui est l’initiateur du groupe. A écouter aussi Goldsmith et Buzz Soundtrack avec Bailey et les albums avec Wachsmann : Frankfurt 1991, Iskra 1903 Chapter One et South on the Northern , le tout publié par Martin Davidson sur son label Emanem.

Cuir chez Ackenbush FOU Records FR CD-08


Cuir, un groupe « nouvelle génération » : nouvelle peau ? Quintet dynamique et inventif composé de John Cuny, piano contemporain et préparé, Jean-Brice Godet, clarinettes sinueuses, Yoram Rosilio, contrebasse grondante, Jérome Fouquet et Nicolas Souchal, trompettes chercheuses, Cuir propose des improvisations très cohérentes, variées et originales dans une succession de climats, d’affects et de drames qui susciteSi nous nt l’attention, relancée par leur imagination et une belle organisation collective de l’espace musical. On navigue donc dans plusieurs eaux, jazz libre, recherche sonore, introspection minimaliste ou on folâtre en suivant son instinct, très sûr. Quatre morceaux échantillons entre trois et neuf minutes séduisent par tous les champs sonores développés, l’écoute mutuelle et le sens collectif de la construction.  Un goût subtil du contraste et le feeling de l’improvisation sincère. Une pièce de résistance réussie clôture l’album après 19’ de jeux croisés et la satisfaction d’avoir emmené les auditeurs dans un beau voyage musical. L’atmosphère respire par la grande spontanéité de l’exécution… Yoram charpente et trace des lignes fondations, Jérôme et Nicolas se complètent, se relancent ou se distinguent dans des jeux ouverts, conjoints ou rebelles… John a étrangement préparé son piano et Jean-Brice suit ajoute du sel là où il faut avec une belle obstination. Ces musiciens sont actifs dans la scène jazz dans plusieurs projets et celui-ci fait montre d’une belle maturité. Je reçois tout cela à 100% et recommande ce bel ouvrage. Au départ, les premières mesures font songer à un mémorial free sixties, mais la suite délivre un message de liberté dans l’esprit d’aujourd’hui, sans autre référence que le plaisir intense du partage de la musique de l’instant. Cinq jeunes musiciens solidement armés par l’expérience et inspirés qui, réunis, offrent le meilleur d’eux-mêmes. Ayant frappé fort avec deux compacts anthologiques de personnalités incontournables (George Lewis/ Derek Bailey/ Joëlle Léandre/ Evan Parker au Dunois 1980 et Daunik Lazro/ Peter Kowald/ Annick Nozati aux Instants Chavirés 2000), FOU s’ouvre à des «nouveaux venus » (à l’échelle européenne) qui procurent un bonheur aussi égal que celui de leurs aînés, pour celui ou celle qui n’a aucune œillère, s’entend. Vraiment remarquable.

John RussellWithJohn Edwards Sakoto Fukuda Henry Lowther Phil Minton Thurston Moore & Evan Parker. Emanem 5037 

Deux trios : avec Sakoto Fukuda, violon et Henry Lowther, trompette et, ensuite, Evan Parker, saxophones et John Edwards, contrebasse. Deux duos avec Phil Minton, voix & Thurston Moore, guitare électrique. Avec ce dernier, John Russell joue à la guitare électrique. Enregistré au Vortex à l’occasion du 60èmeanniversaire  d’une des personnalités les plus influentes de la scène improvisée londonienne et internationale, John Russell. Ayant choisi très jeune de se concentrer sur la guitare acoustique, John Russell n’a cessé de se bonifier en tant que guitariste et improvisateur tout en limitant son employabilité par le choix ascétique de son univers musical : improvisation radicale dans un mode exclusivement acoustique « musique de chambre ». Vu le nombre important de combos explosifs et , disons, « bruyants » de la free-music, son orientation esthétique a restreint ses possibilités de collaboration avec une poignée de fidèles, de Gunther Christmann à John Butcher, Phil Wachsmann, Phil Minton ou Roger Turner et à des concerts au compte gouttes sur le continent.  Avec une extraordinaire persévérence et malgré tous les aléas de l’existence, John Russell organise mensuellement un concert d’improvisation libre depuis 1974 sans discontinuer (!!) Sa série Mopomoso existe depuis 1991 et est installée au Vortex depuis 2008.  Mais resté fidèle à son choix de départ (dès 1975), son obstination, son esprit d’ouverture et son incommensurable générosité ont fini par être payantes. Même si, pour beaucoup, il a évolué dans l’ombre intimidante de Derek Bailey, dont le travail en guitare acoustique offre de nombreuses similarités avec le sien. C’est tout récemment qu’il s’est remis à la guitare électrique à l’instigation d’Evan Parker. On ne compte plus ses collaborations récentes, marquées du sceau de l’écoute et du partage, tant il personnifie à la fois l’improvisateur collectif  qui s’efface derrière la personnalité du groupe tout en se distinguant par son jeu très personnel. Guitare sèche, sèchement jouée avec l’ossature épurée d’accords « cubistes » et d’harmoniques obtenues par un plectre en pierre cristalline. Déconstruction tour à tour bruitiste, intuitive, gratteuse, anguleuse ou sérielle du jeu de la six cordes. Dans ces superbes dialogues avec ces musiciens superlatifs : Evan Parker, et Phil Minton qu’on ne présente plus, Lowther (trompettiste unanimement apprécié dans les studios depuis les sixties) Fukuda (violoniste classique hyper sollicitée) etc…, il nous fait entendre le meilleur de son jeu, du spontané à la construction raisonnée jusqu’à l’imprévisible.  Avec Parker et Edwards, c’est lui qui assume le rôle de meneur de jeu avec un réel brio. Le duo électrique avec Thurston Moore est bien dans la ligne des interventions improvisées des deux guitaristes de Sonic Youth. Ah, si les guitar héros pouvaient de temps en temps s'adonner à ces extemporisations sonores, la vie de leurs fans serait moins monotone.
Le talent de John Russell est basé sur une grande qualité humaine et un sens convivial de la musique partagée et cet album d’anniversaire qui en est la preuve, est à ranger dans les disques qu’on écoute pour un plaisir toujours renouvelé. 

The Diver  (Ten Plunges into the Sea of Silence) Vittorino Curci  Macadam Records 002 – 2014.


Sur la pochette, le dessin du plongeur provenant de la Tombe du Plongeur des ruines de Paestum. 10 solos de saxophone alto ou ténor par un poète, un vrai qui manie une langue forte, subtile, sensible …. Reconnu pour sa poésie (en italien) et son travail de longue haleine dans l’organisation de concerts et du fabuleux festival de Noci, la ville des Pouilles où il habite, Vittorino Curciest aussi un poète du saxophone en solitaire et ces dix petites formes ont un véritable charme. Le musicien joue ce qu’il doit exprimer avec une sûreté d’intention et un sens de la construction, une sensibilité poétique et une sonorité qui exprime une profondeur de sentiments, une réalité charnelle. Haïkus, aphorismes, quelques notes d’alto détachées et suspendues suffisent à créer un univers, une émotion. La vibration de l’air  coupe le silence ou le réfléchit. Une pièce en respiration circulaire au sax ténor simule une danse immobile qui accélère progressivement  vers des harmoniques réitérées. Il n’y a aucune autre ambition que de jouer pour se faire plaisir mais sans aucune trace d’autosatisfaction. La pureté de l’amoureux du son communique ce qu’il a dans les tripes  le plus naturellement du monde, sans forcer. Plusieurs de ses pièces contiennent des développements subtils  de motifs  menés avec un sens achevé de la mélodie et des inflexions qui sonnent juste. La musique du cœur. Pour information, Vittorino Curci a joué et enregistré avec William Parker, Joëlle Léandre, Benat Achiary, Gianni Lenoci, Marcello Magliocchi et d‘autres des albums collectifs qui valent le détour.

My Own (Vocal - Immprovised ) Music Definition

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My own(vocal – improvised) music definition. (For Jon Rose)


Dans mon corps et mon esprit, la musique, les sons, l’improvisation et la voix ne font qu’un . Le fruit d’ un étrange et long travail vocal, sonore, d’écoute, de jeu collectif , de rencontres, de lectures, de concerts et d’amitiés aussi indescriptible que profondément personnel.  Un tunnel sans fin avant le miroir d’Alice. Pour moi-même, je  pratique la musique en improvisant librement et totalement en mettant en jeu l’acquis de l’expérience et la recherche de l’inconnu. Avec une préférence pour le partage dans l’instant et la durée  avec d’autres improvisateurs « compatibles » / « choisis ».  Le langage du corps et la capacité de mémoire et d’invention immédiate et simultanée.  La mémoire du corps assumée. L’écoute mutuelle et une auto –écoute exigeante,  la voix humaine réceptacle de l’émotion , de la réflexion et de la sensibilité et son extension sonore, timbrale et harmonique sont l’objet et le sujet réunis de ma démarche musicale non préméditée, instantanée. Et…

“Music is a chance for self development, it is another little life in which it is easier to develop the art of giving, an art which makes you more joyous the more you practice it. The thing that matters most in group music is the relationship between those taking part. The closer the relationship the greater the spiritual warmth it generates, and if the musicians manage to give wholly to each other and to the situation they’re in, then the sound of the music takes care of itself. Good and Bad become simply a question of how much the musicians are giving, that’s the music’s form.”  John Stevens : notes for the album Karyobin (Spontaneous Music Ensemble) 1968.


Summer listenings again

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Concerts Marsafouty Fred Marty – Jean-Marc Foussat FOU CD 011


Preneur de son patenté « free improvised music » radicale depuis des décennies, Jean –Marc Foussat a lancé récemment son propre label , FOU Records, pour publier des concerts qu’il  a enregistrés et aussi sa propre musique. Avec les deux cds Live au Dunois (George Lewis -Derek Bailey - Evan Parker - Joëlle Léandre), aux Instants Chavirés (Annick Nozati – Daunik Lazro – Peter Kowald) et l’album Quod (Joe McPhee – Sylvain Guérineau – Jean-Marc Foussat), FOU Records a frappé fort. Je me suis laissé dire que d’autres surprises sont au programme dont un double Willem Breuker Kollektief du meilleur crû en concert. Mais on aurait tort de prendre le reste de la production de FOU Records sous la jambe. Je viens de chroniquer l’excellent cd « Cuir », un projet remarquable avec les deux trompettes de Nicolas Souchal et Jérôme Fouquet, les clarinettes de Jean-Brice Godet , la contrebasse de Yoram Rosilio et le piano de John Cuny d’une fraîcheur étonnante qui stimule l’attention de bout en bout.  J’avais apprécié le duo de Foussat avec le percussionniste Ramon Lopez, Ça barbare, là !, mais j’ai vraiment aimé ce nouveau duo avec Fred Marty. Le contrebassiste est solide et sait comment s’intégrer dans l’esthétique d’autrui même si on peut dire que les deux protagonistes ne sont pas tout à fait de la même planète. C’est bien cela qui fait le sel de l’improvisation dite libre. Jean-Marc Foussat a travaillé comme preneur du son en améliorant son art au fil des ans et son tableau de chasse est assez impressionnant. Joëlle Léandre, bien sûr, une série d’enregistrements historiques d’Evan Parker avec Paul Lytton et Paul Lovens (Pisa 80 Improvisors Symposium, Incus et The Fetch , Po Torch) , le trio Schlippenbach à Pise (Detto Fra di Noi, Po Torch), Aïda, le génial solo acoustique de Derek Bailey (Incus), le disque le plus radical de la Company de Derek Bailey, Epiphany, Epiphanies `/ Incus. On s’attendait avec une telle fréquentation, que l’art  électro-acoustique de Jean-Marc Foussat se rapprocherait des démarches classieuses et très complexes de Furt, le processing de Lawrence Casserley (avec qui Evan Parker travaille régulièrement) ou le très ludique synthé vintage  de Thomas Lehn. Ou encore les microcontacts hyper sensibles des objets d’Hugh Davies. Que nenni. Mais il n’y a pas que Parker, Bailey et cie comme éclaireurs dans cette musique. Un autre enregistrement culte est révélateur : Catalogue Antwerpen Live, le groupe de Jac Berrocal, avec Gilbert Artman et Jean- François Pauvros à Anvers en 1979, édité par Spalax en 2008. J’y étais, c’était le festival Free-Music du WIM avec une affiche à vous donner le tournis (dont Lacy, Sommer-Gumpert, Irene etMaggie, Phil W et Fred VH). Ces zombies tranchaient dans le programme. C’est plutôt chez Catalogue, Pauvros et cie, qu’il faille trouver une filiation. Bruitisme, un côté brut de décoffrage, fréquences saturées, noise et drone, vibrations mystérieuses, boucles folles, voix hantée… plutôt post-rock expérimental si on veut définir dans un jargon médiatique. Mais est-ce définissable ? Un NoMan’s Land qui tient « ensemble » par l’intuition du contrebassiste Fred Marty, impassible sur le sommet du chevalet ou lyrique par la diffraction des harmoniques qui se tordent sous la pression habile de l’archet. Son art ajoute ce qu’il faut de mystère pour rendre celui de Foussat pertinent et réellement craignos. Ils construisent un monde dans la réalité  secrète des grandes villes, entre entrepôts désaffectés et parkings de semi-remorques sous la lueur blafarde des néons d’une autre temps, jaune surréel se réfléchissant sur les pavés glissants d’une voie abandonnée. Oubliez la notion de chef d’œuvre. Deux sets de concerts. C’est du vrai, du vécu, de l’émotion noire. Ils ne s’agitent pas, mais sont bien campés sur leur territoire, accroché au temps qui se déroule dans l’instant. Je cite J-M Foussat : Nous avons une association où la musique se fait toute seule sans que nous ayons besoin de faire quoi que ce soit de spécial ». Plutôt que de se passer de croissants et de desserts pendant quatre mois pour se procurer la boîte vinyle de Merzbow, achetez un ticket de métro pour aller écouter MarsaFouty en banlieue.
Ce n’est peut être pas un « cédé de référence », Choc, Emoi, Etoiles etc … mais cela donne bien l’envie de ne pas rater leur prochain concert. Le vivant, il n’y a que ça qui compte.

DadaHan Bennink & Sabu Toyozumi Chap-Chap POCS 9351 dist Universal Japon (Serie Free Jazz Japan in Zepp)

Enregistrée  le 1 octobre 1995 à Yamaguchi, cette rencontre est vraiment historique : Han Bennink & Sabu Toyozumi  partagent la scène, chacun en solo et en duo. C’est le seul album d’Han Bennink, un artiste prolifique et incontournable, avec un autre percussionniste, Sabu Toyozumi, une personnalité aussi unique que légendaire. Chacun à leur tour, Han puis Sabu questionnent les sons, les frappes, les pulsations, les rythmes en toute liberté. Les vibrations  et les  résonnances des membranes, trouent ou envahissent l’espace. Pour les fanatiques, le folklore Bennink est intact et son introduction  avec les baguettes sur plancher, morceau de bois, gong métallique retourné et orifice bucal est fascinante.  Une fois sur son siège de batteur, il sollicite une déclinaison de figures de la plus simple à la plus complexe pour enchaîner son battement favori qu’il agrémente de roulements  où l’auditeur est médusé par son aisance improbable. Il est sûrement le batteur « blanc »  qui sonne le plus africain, feeling rythmique s’entend. A un moment donné, il actionne un piano d’une main tout en mesurant  une bribe de ritournelle par une frappe décalée sur un tambour… Un petit quart d’heure de bonheur !  Ensuite, Sabu Toyozumi crée ici un solo d’anthologie enchaînant au feeling des variations de rythmes croisés, chaloupés en décalant les mesures  et les temps au fil des secondes avec le plus grand naturel.  Rien à envier à son collègue. Le duo transite de figures jouées avec délicatesse sur des accessoires qui accroche immanquablement l’oreille, vers de puissants pics polyrythmiques aussi chargés que volatiles. Le dialogue et la complémentarité est fascinante quelque soit le niveau de puissance ou de dynamique. Scéniquement, on imagine le géant batave et rougeaud, un hyperactif délirant, côte à côte avec le nippon minuscule, celui-ci étant aussi impénétrable que son sourire candide est communicatif. À deux, ils forment une des paires les plus  invraisemblables de la free music qu’on puisse imaginer. Celle que feu Derek Bailey aurait aimer coller dans son tableau de chasse de la légendaire  Company. Hollandais oblige, il y a un court gag humoristique auquel Toyozumi se prête de bonne grâce. Cela débouche sur des trouvailles jouées au sol où Bennink tape des baguettes sur ses godasses avec une remarquable dynamique et Sabu agite un ou deux ustensiles.  C’est bien un fabuleux témoignage de deux esprits libres de la percussion qui se mettent à jouer comme s’ils n’étaient qu’un ! Et quel UN ! Il y a dans ces 24 minutes une cohésion et une connivence du grand Bennink de la maturité et qui démontre à ravir, ô combien, Sabu Toyozumi réussit le challenge haut la main. Faisant suite au fabuleux duo Dialogue of the Drums de Milford Graves et Andrew Cyrille de 1974 (IPS ST001),  Dada contient des moments de grâce fabuleux et vient en tête de ma liste des enregistrements « percussions only » où la grâce et l’émotion croise le génie musical des pulsations imprimées dans l’air et le temps. Une des grandes pièces à conviction de la free-music.
NB : Sera promu collector’s item introuvable much-sought-after sous peu !

PS : Si on ne présente plus  Han Bennink, le parcours de Sabu Toyozumi est une  belle histoire extraordinaire qui l’a fait croiser Braxton, l’Art Ensemble, Charlie Mingus, Leo Smith, Kaoru Abe, Brötzmann, Misha Mengelberg, John Russell et Derek Bailey.

Brzytwa / Golia  Performed  by Maryclare Brzytwa and Vinny Golia, flutes and electronics.  Setola di Maiale SM2810


On savait Vinny Golia multi-instrumentiste total des anches, le voici truster les flûtes à l’appel de la remarquable flûtiste Maryclare Brzytwa, une résidente active dans la scène du centre de l’Italie.  Rien d’étonnant de retrouver ce disque très intéressant sur le label Setola di Maiale  (Stefano Giust, un cœur gros comme çà) vu son implication à Bologne. Toutes les flûtes sont engagées du piccolo à la grosse flûte contrebasse entre le contemporain alternatif et l’improvisation libre. L’électronique est utilisée via Max Msp pour enrichir, prolonger ou démultiplier les souffles croisés de nos deux chercheurs. C’est à la fois, délicat, surprenant, diaphane, bruissant, vocalisé, complexe et fort bien mené. Le morceau 3 qu’on qualifiera de post- rock instrumental convoque des loops et, par instant, des séquences avec une boîte à rythme binaire auxquelles les flûtistes répondent avec une belle inventivité. Malgré tout, ce morceau est un peu trivial à mon goût. Mis à part ce péché véniel, on frise ici le grand art. Ailleurs l’usage de Max/Msp est tout – fait approprié et en liaison organique avec leurs souffles inspirés. Leur musique et les risques pris, tant le savoir-faire que l’inspiration, tout concourt à faire de l’écoute de ce beau projet un belle découverte, pleine de sensibilité, de sons merveilleux et d’empathie. Quand le grain de la flûte basse de Golia chavire gravement entre les notes et que le souffle fouette la colonne d’air presque immobile, la flûte alto s’élève en zigzag et on perçoit un cri perçant à travers le corps de l’instrument. Très beau ! De multiples nuances et techniques étendues sont sollicitées et font de cet album un excellent moment à l’écart des chemins battus de la free-music. Tropistic Unity et Enumerated and Cultivated (en 4 et 5)  sont des pièces de choix où le temps est suspendu. Les duettistes font plus que de mettre en valeur leur grand talent : ils s’essaient à des combinaisons et des occurrences sonores inusitées qui nécessitent de la recherche et demandent une bonne dose d’imagination. Pour résumer, un disque vraiment requérant, engagé, contemporain et somme toute réussi.

NEEM Teatrinz 1983 Francesco Donnini Edoardo Ricci Massimo Falascone Eugenio Sanna Roberto Del Piano Filippo Monico Andrea Pippo Pichietti. Setola di Maiale SM 2790


Formée par des piliers de la free-music de Milan et Florence, NEEM est une aventure délirante avec une saveur profondément péninsulaire enregistrée à l’époque où les Giancarlo Schiaffini, Andrea Centazzo, Gaetano Liguori, Guido Mazzon, Massimo Urbani et Demetrio Stratos avaient le vent en poupe. Evoquant l’esprit des débuts de Breuker, l’ICP Orchestra ou  le Mike Westbrook Brass Band  des seventies avec une part de lyrisme sarcastique, cet orchestre itinérant rassemble une bande de joyeux drilles qui sont toujours actifs et célèbrent encore leur amitié éternelle. Il semble que les NEEM se déplaçait aussi en mode portatif l’un se chargeant de la grosse caisse, le batteur de la caisse claire et le bassiste embouchant approximativement un saxophone. Francesco Donnini, cornettiste, tromboniste et pianiste, décrit leurs équipées dans les notes de pochette. Sa prose gratinée est en soi un morceau d’anthologie relatant leurs mémorables virées : cortilipopulaires où les billets de mille lires pleuvaient des balcons, osteria de banlieue où une française éméchée salua leur performance en dévoilant son postérieur, cachets dévolus à l’œuvre de la soif. Roberto Del Pianobassiste électrique par nécessité. Une malformation de la main gauche lui interdisant la contrebasse, Del Piano inventa doigtés et figures sur sa fretless homemade à l’instar de Django. Filippo Monico, batterie. Lui et Del Piano, ont cachetonné avec Gaetano Liguori dans les clubs interlopes de Lombardie nella musica leggera et joué après Miles Davis ( !) avec Massimo Urbani encore ado ou à Cuba dans des méga-festivals. Massimo Falascone et Edoardo Ricci, saxophones. Fins connaisseurs de Roscoe Mitchell et d’Eric Dolphy, toujours d’aplomb quoi qu’il arrive et parmi les plus fins souffleurs transalpins. Eugenio Sanna, guitare. Entre free-rock et exploration sonique. Andrea « Pippo » Pichietti, recitazioneet trombone d’occasion. C’est le poète provocateur de la bande qui prend tout en dérision y compris ses collègues ! Ça démarre avec Happy Together, le tube des Turtles dont les chanteurs Howard Kaylan et Mark Volman furent des Mothers of Invention de Zappa en 1971.  Le répertoire se délecte des chansons italiennes, d’airs d’opérette ou de standards improbables (Old Cowhand) joué de manière narquoise, persifleuse ou faussement candide, le tout émaillé d’improvisations tous azimuts. Au fil des plages, leur assurance croît pour se terminer par Mamma Rosa qu’on jurerait interprété par un orphéon endiablé dans un coin perdu des Apennins. À tout point de vue ceux de NEEM ne se prenaient pas au sérieux et  l’orchestre est resté un des secrets les mieux gardés de la free-music de la péninsule. Tout ce qu’ils ont gagné se résume aux accolades des auditeurs d’un soir abasourdis par leur évocation d’un autre monde, utopique, celui de la vraie vie.


the Marsyas SuiteEvan Parker - Peter Jacquemyn El Negocito.



Belle pochette en papier recyclable avec une œuvre de Peter Jacquemyn, contrebassiste de choc de l’improvisation. Rencontre au sommet Evan Parker - Peter Jacquemyn. Saxophone soprano et ténor, contrebasse. Puissant, majestueux, intrépide. Des duos et chacun en solo. Enregistrée au festival de Jazz de Gand, la musique superlative montre quel immense musicien est Evan Parker et combien Jacquemyn a magistralement évolué depuis l’époque où je l’avais rencontré il y a trente ans. Il s’essayait alors modestement à la contrebasse sur les traces de Peter Kowald et Alan Silva. C’était lors du festival d’où est sorti le cédé d’Evan Parker et Paul Rutherford publié chez Emanem (Waterloo 1985 CD 4030). Qui allait imaginer que Peter allait un jour se faire entendre avec son saxophoniste préféré ? Il eut une patience extraordinaire et une foi inébranlable pour trouver sa voie, frottant éternellement sa contrebasse jusqu’à plus soif durant plusieurs décennies cherchant presque désespérément les sons qu’il entendait dans sa tête. Aujourd’hui nous avons ce magnifique témoignage. Une musique éternelle qui me fait évoquer le Coltrane de toujours…. Evan Parker étant devenu un artiste sublime. Comme disait Coltrane, pas d’exégèse et de littérature, la musique parle pour elle-même.

Ornette dans le texte !

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Ornette dans le texte. Un compositeur atypique et une voix extraordinaire du saxophone qui a ouvert une fois pour toutes les portes du jazz libre.

Quand je parcours les prophétiques albums Atlantic d’Ornette Coleman, je suis frappé par l’extrême qualité de la construction musicale de chacun des morceaux enregistrés par le Quartet. Chacune de ses compostions est une perle rare, de Lonely Womanà the Face of The Bass, Congenialityet Peace, Ramblin, Free, ou Una Muy Buonita, Focus on Sanity, Humpty Duty. Elles parsèment de cris géniaux et de bondissements imprévisibles les albums The Shape of Jazz to Come,Change of the Century, This is Our Musicmais aussi Ornette on Tenor et Ornette ! ainsi que les albums parus plus tard, The Art of Improvisers, Twins et To Whom Keeps a Record, apportant chaque fois une dimension supplémentaire, des idées neuves et une façon singulière de les présenter. Ses disques ont fasciné toute une génération d’Albert Ayler aux Soft Machine, de Frank Zappa et l’Art Ensemble of Chicago à John Stevens et Trevor Watts, etc… Chacun de ces albums est en lui-même une construction où chaque morceau semble soigneusement sélectionné par rapport aux autres, l’ensemble formant une véritable architecture au milieu de laquelle trône l’utopique Free-Jazz du Double Quartet. Mais est-ce du Free-Jazz ?
Je suis frappé par l’inconséquence de Rhino et du producteur qui a publié la fameuse intégrale des enregistrements du coffret Beauty is a Rare Thing en suivant l’ordre chronologique des discographes obsessionnels plutôt que de respecter la suite des albums parus en maintenant leur homogénéité et l’enchaînement logique des morceaux. Lonely Woman suivi d’Eventually et de Peace. Ramblin’et puis Free,Face of the Bass avec Forerunnerqui ouvre la deuxième face avant Bird Food et Una Muy Bonita ! On veut Ornette dans le texte ! Il y a beaucoup à parier qu’une composition plus ancienne ait été enregistrée bien après celles, toutes neuves qui jaillissaient spontanément de l’imagination du saxophoniste la veille de rentrer en studio. Ornette Coleman est un compositeur prolifique avec un sens de la mélodie inné imprégné du blues le plus authentique. Quand on fait le compte des compositions originales d’Ornette Coleman enregistrées pour Contemporary, Something Else et Tomorrow is the Question, et Atlantic, soit les six albums publiés durant du contrat et les trois inédits, The Art of Improvisation, Twins et To Whom Keeps a Record, on réalise qu’il y a très peu d’artistes jazz aussi féconds en si peu de temps, à peine trois ans. On nous serine avec le deuxième quintet de Miles avec Wayne Shorter et Herbie Hancock et leurs formes nouvelles comme si l’évolution du jazz était son pré carré. Ornette est le premier grand compositeur – improvisateur à dépasser les formes du jazz moderne établies par la génération Parker – Gillespie. Et pour moi-même c’est une musique plus attachante, plus sincère, plus directe que celle contenue dans les six albums gravés par Miles et son quintet entre 65 et 68.  Vive Ornette !!

Une fois devenu un centre d’intérêt incontournable de la scène du jazz, Ornette Coleman a intitulé un de ses plus beaux albums, This Is Our Music. Sans doute, pour signifier que leur musique est essentiellement collective. Que chacun des musiciens apporte une dimension indispensable, une voix unique sans la laquelle les compostions auraient sensiblement moins de sens et d’authenticité. Si je peux me permettre une comparaison, dans de nombreux disques de jazz moderne, même les incontournables, on peut dire que souvent, très souvent même, les musiciens sont presqu’interchangeables. Dans le cas du Quartet d’Ornette Coleman, on n’imagine pas une autre bassiste que Charlie Haden, un autre trompettiste que Don Cherry et d’autres batteurs qu’Ed Blackwell ou Billy Higgins. D’ailleurs le disque enregistré avec Scott La Faro (Ornette !), n’aura pas le même impact. Il sera moins réédité qu’ Ornette on Tenor qui bénéficie du puissant apport de Jimmy Garrison Lorsqu’ Ornette adoptera Charles Moffett et David Izenson et que Bobby Bradford s’en est retourné en Californie faute de concerts, le caractère de la musique et le répertoire changeront tout à fait, si on se réfère aux enregistrements parus.
Quant à l’appellation « free – jazz » qui tire son origine dans le titre du fameux album, elle pose problème quand on écoute sa musique car celle-ci reste attachée au rythme et au swing.  Ornette a une oreille musicale différente du bopper bon teint et son sens mélodique exceptionnel est attaché à des altérations particulières de la gamme. Il suffit d’écouter Chronology qui clôture The Shape of Jazz to Come pour s’en convaincre.  Gunther Schuller informe qu’Ornette a bâti sa musique sur une conception erronée de l’harmonie qui lui a servi de fil conducteur pour construire sa personnalité musicale et son style caractéristique.  Et donc je dirais que la musique d’Ornette Coleman  dans le Quartet semble être sa version très personnelle du be-bop ou « jazz moderne » dans lesquelles sa pratique indique la direction vers le jazz libre.  Je signale aussi l’interview d’Ed Blackwell publiée dans Jazz Magazine en 1973 où le batteur attitré du Colemanisme affirme bien fort que sa musique n’est pas du free-jazz (Sunny Murray, Milford Graves, Cecil Taylor), mais sa version  originale du jazz contemporain, une manière d’après-bop attaché au swing, aux barres de mesure, à la mélodie mais avec une ouverture vers plus de liberté et une force d’expression inconnue jusqu’alors. Et que lui-même ne veut pas être associé aux leitmotivs du free-jazz. N’accorde t-il pas sa batterie comme personne ? Les improvisations de Don Cherry dans Face of the Bass ne jouent-elles pas avec la mélodie ?
La musique d’Ornette Coleman, si elle est profondément innovante et remet en question de nombreux paramètres du jazz moderne, aidée en cela par l’absence de piano, reste donc très attachée au rythme et à la complémentarité du pivot basse-batterie (Haden – Blackwell). Le titre de précurseur « inventeur » du free jazz dans la lettre devrait revenir à Cecil Taylor. Les nombreux sursauts, accents, accélérations, flottements qui surprennent tout autant que le langage révolutionnaire des deux souffleurs, Ornette et son alter-ego Don Cherry,  sont tout autant des parties intégrantes de l’arrangement dans la performance de la composition que du déroulement de l’improvisation. Si pas plus. Si on doit les comparer, on notera qu’un Coltrane compte plus sur le travail à travers l’improvisation et des structures harmoniques, aussi systématique qu’échevelée (Live at The Village Vanguard, Impressions), alors que la musique d’Ornette de ces années-là  est axée sur l’articulation d’une voix extrêmement originale sur la pulsation. Car outre l’aspect formel inhabituel, c’est surtout l’extrême personnalisation de sa voix instrumentale personnifiant le blues du Sud à lui tout seul qui frappe les esprits. On croit de suite entendre une voix familière alors qu’on le découvre. De nombreux auditeurs parmi les musiciens furent estomaqués (Gillespie, Max Roach) D’autres furent conquis de suite (John Lewis , Gunther Schuller, Sonny Rollins). Ornette Coleman est un héritier du be-bop qui indique une nouvelle direction musicale à une génération, par l’exemple : renouvellement des structures prédigérées, libération harmonique, espace laissé à la contrebasse, expression émotionnelle et un jeu de saxophone alto à nul autre pareil, libéré de la structure des accords sans doute le plus aisément reconnaissable parmi les souffleurs de son époque. Ses inflections sur toute la gamme font de lui le pionnier du jeu « microtonal » tant il fait fléchir les intervalles. Dès la première écoute, les musiciens qu’il inspire réalisent qu’il a laissé s’exprimer son instinct, son univers intérieur plus que la raison musicienne. Certains innovateurs se révèlent être des faiseurs. Mais la voix d’Ornette ne trompe personne : elle charrie un vécu irremplaçable il joue sa vie même. Il n’est pas en représentation. C’est la sincérité et l’intégrité artistique par excellence. Toute une génération suivra ses traces sans copier son style, contrairement aux suiveurs de Lester Young ou de Charlie Parker. Charlie Mingus ne leur avait-il pas dédié sa composition Gunslinging Bird  sous-titrée: "If Charlie Parker Were a Gunslinger, There'd Be a Whole Lot of Dead Copycats", dans cet album, Mingus Dynasty, où il évoquait l’arrivée d’Ornette Coleman dans les notes de pochette ? Il craignait que la musique d’Ornette soit piochée comme celle de Bird. Mais l’histoire nous fit découvrir Archie Shepp, Marion Brown, John Tchicaï, Steve Lacy, Roscoe Mitchell qui créèrent un univers personnel bien distinct de la verve colemanienne.  Rien que de l’entendre, ces jeunes musiciens cherchent encore à aller plus loin. La transhumance de Don Cherry en Europe, avec Sonny Rollins, Henry Grimes et Billy Higgins, Archie Shepp, John Tchicaï, Don Moore et J.C. Moses, Gato Barbieri, JF Jenny Clark et Aldo Romano, George Russell vont aider à propager la bonne nouvelle faisant naître des conversions irrévocables. Mais c’est une autre histoire.
The Shape of Jazz To Come : This is Our Music : Free-Jazz : Ornette ! : The Art of  Improvisors !!




Guazzaloca/Magliocchi/ Viegas, Denhoff/Philipp/Fischer, Nate Wooley, Günther Christmann

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Live at Leggere Strutture  Joao Pedro Viegas Nicolà Guazzaloca Marcello MagliocchiWhite Noise Generator (Bari Italia)

Trio souffleur piano percussions comme au bon vieux temps de la free-music teutone (ou testostérone !), mais avec une réflexion, un temps relâché, le sens de l’espace, une profondeur. Savoir prendre le temps de jouer, d’écouter, de répondre, de questionner, de chercher, de risquer. Une dimension aérienne, cagienne, une dissection des échanges. La vitesse est mise de côté pour la finesse dans ces deux pièces de 13 et 22 minutes.  Enregistrées dans un lieu appelé Leggere Strutture, soit structures légères, le titre de l’album et l’affect de la musique évoque la fragilité précaire de notre scène improvisationelle. Equilibres instables en perpétuel rétablissement à la recherche de l’infini.  Le pianiste Nicolà Guazzaloca, un véritable virtuose, joue ce qui doit être joué et laisse ainsi l’espace et le temps nécessaire au percussionniste Marcello Magliocchi de laisser mourir dans le vide la résonnance de ses gongs frottés sous les ondulations de la colonne d’air de la clarinette basse de Joao Pedro Viegas. Celui-ci fait chanter et osciller les harmoniques en crescendo du piano pp jusqu’au mezzoforte d’une seule respiration. Jamais démonstratif, un lyrisme à la fois austère et chaleureux. Quand vers la 14èmeminute, le pianiste prend l’initiative avec des ostinatos mouvants, les deux acolytes créent des commentaires discrets comme s’ils jouaient sur la tangente. Un momentum intense intervient vers la fin du deuxième morceau et les baguettes fouaillent sur la surface des peaux et des objets s’immisçant dans le clair du clavier mobile. Chaque mouvement passe par une phase transitoire au bord du silence où un des membres du trio (et jamais le même, ni de la même façon) introduit la séquence qui suit. Ce processus naturel s’apparente à la composition instantanée où la spontanéité et la logique d’une construction musicale ne font plus qu’un. Il y a une saveur méditerranéenne dans cette musique, jouée par un portugais et deux italiens. Une véritable communion sonore et musicale par trois acteurs incontournables d’un mouvement de fond qui s’étend à l’ombre de la scène médiatisée des festivals et clubs importants. Ciao !

Trio Improvisations for campanula , bass & percussionMichael Denhoff, Ulrich Phillipp Jörg Fischer sporeprint 1408-3 (a/b) 2CD


Quand vous lisez le nom du contrebassiste Ulrich Phillip sur un cd de musique improvisée, vous pouvez être sûrs qu’il s’agit de musique de haut niveau et qu’il y a quelque chose de spécial, une approche qui transcende et dépasse la lingua franca de l’improvisation libre. Michael Denhoff, aussi compositeur contemporain, joue principalement du violoncelle « campanula » créé par le luthier Helmut Bleffert (http://www.bleffert.eu/html/the_campanula.html ). Il s’agit d’un violoncelle auquel on a jouté seize cordes sympathiques. Le nom de l’instrument se réfère à  la fleur du même nom. Produit par l’excellent percussionniste Jörg Fischer (qui a aussi enregistré avec Peter Brötzmann pour le label NotTwo), ces Trio improvisations développent une superbe interaction entre une percussion aérée et colorée avec subtilité et deux instruments à cordes frottées qui nous font entendre le grain délicat et les chatoiements du travail minutieux à l’archet de ces deux orfèvres que sont Ulrich Philipp et Michael Denhoff. Uli Philipp a un des plus beaux coups d’archets de la musique improvisée et est aussi un explorateur sonore remarquable. Il est sûrement un des cordistes les plus appropriés pour jouer et improviser avec Michael Denhoff et son instrument très particulier. Les couleurs et nuances pleines d’harmoniques que ce très remarquable musicien obtient, grâce à l’action des cordes sympathiques, confère une aura féérique à la musique du trio. La campanula est un instrument idéal pour l’atmosphère de la musique de chambre. Jörg Fischer traduit cette approche à merveille par des sonorités choisies et un sens de l’espace remarquable. J’ai écouté les deux cédés sans me lasser et il serait vain de vouloir décrire le déroulement des pièces tant la musique surprend et coule de source. Les trois musiciens prennent le temps d’y développer de belles idées avec une richesse sonore somptueuse, jouant « lentement » en y incluant la vitesse de manière subtile. Un titre s‘intitule FreMuCo et fait référence au label et au collectif Free Music Communion des premières années 80, dont le contrebassiste Torsten Müller fut un membre actif.  Ce label FreMuCo n’est même pas listé dans la galaxie des labels du site http://www.efi.group.shef.ac.uk . Il a fort à parier que ce sera le cas de Sporeprint, si trop peu d’entre nous ne cherche à les écouter. Sporeprint a aussi publié Free Music on a Summer Evening du trio du trompettiste Marc Charig avec Jörg Fischer et le contrebassiste Georg Wolf, celui-ci ayant aussi enregistré en duo avec Ulli Phillipp (Tensid Nur Nicht Nur).  Une petite merveille à dénicher via Improjazz.

Seven Storey Mountain III & IVNate Wooley Pleasure of the Text / POTTR 1301
Seven Storey Mountain I réunissait Nate Wooley, Paul Lytton et David Grubbs à l’harmonium (Important Records). Ce double cédé présente les chapitre III et IV de cette Montagne de Sept Étages, concept composition en évolution avec orchestre à géométrie variable qui s’inspire et ou synthétise les univers de La Monte Young, Steve Reich, le free jazz et le noise. Outre Wooley, Lytton et Grubbs (à la guitare électrique), le batteur Chris Corsano, C Spencer Yeh au violon électrique, Matt Moran et Chris Dingman aux vibraphones. Le premier cédé contient les 60 minutes de Seven Storey Mountain III qui débute par quelques notes des vibraphones et leurs résonances énonçant lentement note par note un thème qui se construit peu à peu en faisant entendre chaque intervalle et sur lesquelles viennent se poser un unisson de la trompette et du violon qui disparaît en decrescendo et réapparaît de même un peu plus tard. Au fur et à mesure que défilent les intervalles et le son suspendu des lames métalliques, l’unisson trompette (amplifiée ?) et violon reparaît et s’efface sonnant  ensuite comme l’harmonium de Grubbs dans SSM I  et le motif du vibraphone s’égaie et diminue laissant l’espace à un drone aérien. La trompette acoustique et la bande magnétique ( ?) reprend ensuite une note continue suive ensuite par le violon électrique qui émet un drone très légèrement mouvant sous laquelle sourd un battement de caisse presqu’inaudible et de faibles grésillements. Les deux vibraphones se sont tus. Petit à petit, les deux percussionnistes font croître un échange improvisé poussant le drone du violon de C Spencer Yeh à plus d’expressivité. Entre en scène la guitare électrique indéterminée et dès lors le violoniste inclut une ou deux autres notes en activant le mouvement de l’archet alors que le duo de percussions se fait de plus en plus présent. On est passé insensiblement d’une musique minimaliste à un continuum post-rock noisy(je ne dirais pas bruitiste) où coexiste stase et mouvement, déchirures de la guitare saturée et sciage obstiné du violon. La trompette amplifiée ( ou je ne sais quoi) produit un effet d’harmonium et les percussions virevoltent. A mon avis Lytton ou Corsano tout seul aurait suffi et surtout la percussion n’est pas bien enregistrée ou alors c’est voulu à l’instar de certains disques mythiques du rock alternatif qui ont été mixés à toute vitesse, créant un effet sonore non voulu, mais apprécié dans la légende. Impossible de mesurer le temps et aussi parfois de distinguer qui fait quoi ce torrent de sons, percussions, guitares noise et électro, lequel devient ennuyeux lorsque j’atteins la 25 éme minute dans un capharnaum noise relativement informe. Il y a un effet de crescendo qui n’est pas bien rendu par l’enregistrement, mais ce n’est pas grave. Disons que cela fait branché. A la minute 28, je me dis : il reste encore 11 minutes. La trompette est traitée noise avec un ampli. Ah oui, à la minute 30, il semble que les sept étages de la montagne sont gravis : on croit entendre des clochettes (les lames de vibraphones assourdies), un son électronique planant et le violon jouant une note continue... A la fin, quand le drone décroît, les vibraphones réitèrent les notes du départ. Une bonne branchouille pour des auditeurs qui ont une expérience musicale différente de la mienne. Vous pouvez en faire un cadeau à un branché et vous reportez au merveilleux duo creak 33 de Lytton et Wooley sur Psi et leur récent double cédé The Nows (Clean Feed) si c’est l’improvisation radicale qui vous intéresse. Là, je vous garantis de l’excellente musique comme je l’ai décrit dans une précédente chronique. Enfin, il faut de tout pour faire un monde. Si j’ai le courage, je chroniquerai le cd deux… (Ecrire prend du temps).

dialog(ue)s,  interaction of music and drawingGünther Christmann  cello & trombone JörgHufschmidt drawing on snaredrum.  Ed Explico 17 un cédé et un dvd. 80 copies limitées et numérotées et 14 copies en édition spéciale avec 14 reproductions laser des dessins de JH dans une boîte en bois recouverte d’un verre réalisé par GC. Enregistrements les 7 et 8 mars 2013.

47 minutes pour 16 dessins de Jörg Hufschmidt sonorisés par le violoncelle ou le trombone de Günther Christmann, les dessins 10 à 16 étant visibles sur le dvd de 16:30. Dans le jewel box, on trouve quelques reproductions des dessins au format pochette cd. La musique est à la fois faite par le dessinateur et le musicien de manière à ce que ces dialog(ue)s  en soient vraiment un , ou des. Les sons de la caisse claire de Hufschmidt sont émis par son travail sur le papier par frappes, coups, grattages, frottements etc… mais ce n’est pas de la « batterie » La dynamique mouvante et superbement nuancée du violoncelle et son sens inné du crescendo/ decrescendo sur la moindre note rendent cette interaction éminemment musicale. Comme toujours, Christmann a le sens de la forme de l’instant. Son esprit et sa sensibilité insuffle une émotion retenue, une aura sonore unique quelque soit l’aspect de son travail au violoncelle au pizzicato ou à l’archet « écrasé » ou tendu en passant de l’un à l’autre. Dans le n°6, il y a un véritable dialogue rythmique entre les deux. Intervient alors le trombone et ses sussurements, , sauts de registres, percussions de l’embouchure, effets de souffle, tremblements de lèvres, suraigus, vocalisations étouffées, harmoniques fugaces, articulations rapides de quatre sons aussi éloignés qu’il est possible, suraigus sifflés, etc... Epure du mouvement et sonorisation du geste, son improvisation, qui semble décousue, crée une structure qui se superpose au gestes du dessinateur et crée un grand moment musical (4 :58). Le n° 8 va encore un peu plus loin pour répondre aux grattages du dessinateur qui fait carrément grincer et siffler la peau ou l’outil. Les gestes et le trombone ne font parfois plus qu’un. Et puis l’articulation du tromboniste assemble les morceaux épars de son trombone et des timbres hors champ. On est vraiment gâté car le trombone continue dans la pièce suivante, plus courte (1 :08) et offre encore une autre configuration de la déconstruction du langage de la coulisse et du pavillon.  La partie de violoncelle en pizzicato du n° 11 est à la fois mouvante, fluide et compose avec les bruitages du dessinateur jusqu’à s’effacer.  Dans la pièce suivante, la tension monte encore sans pour autant que le violoncelliste n’aie à jouer plus vite ou plus fort. L’attaque de la corde est soudain ultra-rapide mais se concentre sur quatre sons pour suspendre le mouvement dans un vide silencieux un très bref instant et repartir de manière surprenante. La maîtrise rythmique est remarquable car il singularise une dizaine de valeurs musicales temporelles différentes et parfois contradictoires dans le moment le plu bref qui soit. Il dit tout en cinq secondes. La qualité de l’enregistrement n’est sans doute pas parfaite, mais suffisante pour apprécier un des plus grands créateurs de l’improvisation libre radicale. Et les deux reproductions de dessins montrent clairement la véritable osmose qui unit les deux pratiques, musicales et graphiques dans l'action, ici réunies. Exemplaire ! 
Hors de son label auto produit (à peu d’exemplaires) Edition Explico, on entend trop peu Christmann, tant sur scène hors du Nord de l’Allemagne qu’en disque. Alors c’est le moment de découvrir ou redécouvrir cet acteur essentiel en s’adressant directement à lui. (Pas de site internet)
Ed Explico Weserweg 38  D-30851 Langenhagen.
(NB les improvisateurs libres « praticiens – collectionneurs » connaissent son adresse par cœur).


my listening improvised musics CD's list of 2014

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As many critics and writers in the jazz or improvised music circles, I like to get listed my favourite albums of the year. Of course there are recordings and labels that I can't write about because i don't get them. Also I am focusing on free improvisation although I appreciate other kind of musics like contemporary composition or early classical (baroque or renaissance), much traditional musics (Indian (Southern and Northern), Persian, Turkish, Central Asia, Chinese, Japanese, Indonesian, African and so on), jazz musics etc... But I don't write about it because I think that I am not competent enough and also it should take too much time. Also being myself a practician and performer of free improvised music, I suppose that it helps writing on this subject.
I am buying a good deal of the recordings which are reviewed here and I receive also from some labels. Thanks a lot ! But I can't afford for more CD's and my listening and writing time is limited. I dislike writing for other magazines or blogs other than french Improjazz because no one else than Philippe Renaud and his colleagues allow me to write as long as I wish without any censoring or cutting. 
Some musicians love to send me their recordings and I am trying to get the right kind of words their music and talent deserve, even if there is the kind of albums that I would have not bought for my collection. Sometimes I get some very nice discoveries. I buy cd's of some improvisers with the purpose to listen and to write about. Even, I do prefer buying them as it is sometimes embarassing to get a cd from a very nice person and not being able to appreciate and translate in the kind words his work eventually deserves.
There are also free improvisers' musics whose albums I don't review much or not at all, because their CD's are reviewed very often elsewhere and even everywhere else.  I think that the interest in improvised music lays in its great diversity. There a huge numbers of great players who are remaining unknown because, by example, they are not touring much, they have a side day job or they live in the middle of nowhere. Not being very codified free improvisation is allowing the musicians to get into very individual (and collective) expression. I wouldn't also make too much distinctions in my appreciation between what we call "free-jazz" and the so called "free improvisation" or "non-idiomatic music", although the sequencing of events and the role of soloists and rhythm team bass and drums seems often boring to me. My awareness of the music grew in the seventies at a time when very innovative players of the free jazz scene were performing in unusual instrumental configurations like Steve Lacy and Anthony Braxton solo performances and AB's duos with George Lewis, Roscoe Mitchell's Noonah album, Joe Bowie and Oliver Lake duo, Barre Phillips' Journal Violone and his duo with Dave Holland or the Dialogue of Andrew Cyrille and Milford Graves. And there was the great european scene with Bennink, Bailey, Brötz, Parker,  Rutherford etc..
At the time, the hard-core listeners were enjoying the concerts and recordings without dabbling what should be it. So by now, you have quite specialized players in a sort of attitude / focused musical direction like the harpist Rhodri Davies and others who are developing a multiple choice search as trombone maestro Paul Hubweber.
So this is the list :
my favourite solo wind albums : Cycles of Steve Lacy on Emanem 5205, Everybody Digs Michel Doneda on Relative Pitch and Veracity of Trevor Watts on FMR.
Without drum  and quite microtonal : Two Men Walking of Mat Maneri and Ivo Perelman on Leo.
From the Jazz tradition and beyond : That Deep Calling of Deep Whole trio Paul Dunmall Paul Rogers and Mark Sanders FMR CD 370 and Le Fonds de l'Air François Tusquès, Mirtha Pozzi and Pablo Cueco, improvising beings 31.
Nice intersection point between free jazz and free improvisation  : Clocks and Clouds of Luis Vincente, Rodrigo Pinheiro, Fausto Hernani and Marco Franco FMR CD 371. 
The Trio Box of the Year : I Wish You Were Here by The Recedents : Lol Coxhill, Mike Cooper and Roger Turner on FreeFormAssociation 5 cd's with booklet.
The 80's Concertson SAJ : 5cd's of Sven Åke Johansson with Wolfgang Fuchs, Gunther Christmann, Tristan Honsinger, Mats Gustafsson, Alex von Schlippenbach, Torsten Müller, Richard Teitelbaum, Steve Beresford, Rudiger Carl and Hans Reichel.
Vario 51 : Gunther Christmann, Alberto Braida, Michael Griener and Elke Schipper. Edition Explico.
Dialog(ue)s : interaction of music and drawing Gunther Christmann and Jörg Huffschmidt. Edition Explico.
Another dialogue : Alizarin'Phil Wachsmann & Roger Turner on Bead Records, the label founded by Phil Wachsmann in the early seventies.
A nod to contemporary and exceptional, SFD : Gruppen Modulor , Simon H Fell and Alex Ward Bruce's Finger 123 download.
With two lost voices et vraiment fou : Instants Chavirés of Peter Kowald, Annick Nozati and Daunik Lazro, FOU records.
Little Theatre Club 73/74 reissued : Dynamics of the Impromptu, Trevor Watts, Derek Bailey and John Stevens FMR  and Goldsmith Iskra 1903 (Bailey - Guy - Rutherford)Emanem 5013
Clockwork free improvisation : Gateway ’97 WTTF  Phil Wachsmann Pat Thomas Roger Turner  Alexander Frangenheim Creative Sources and Zuebeschanali by Roland Ramanan, Tom Jackson and Daniel Thompson Leo 600.
Psychédélique boîte du jour  :  Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz
Leaving Knowledge Wisdom and Brilliance / Chasing the Bird ?  
8 CD Improvising Beings ib 25-26 .
Bohmans noise : Secluded in Jersey City Secluded Brontë  Adam and Jonathan Bohman, Richard Thomas Pogus Production. 
Solo string for Johannes Rosenberg : Check Transit & Striages of Benedict Taylor on Cram and Subverten.
Berlin concert : Berlin of IST (Davies - Fell - Wastell) Confront
Trane Tribute number one : Tribute to John Coltrane et Thank You John Coltrane  Paul Dunmall and Tony Bianco SLAM 290 et 292.
Most wanted musician's future recording not yet issued : Paul Hubweber.
Most sought after but not in my collection because I can't afford these very expensive items : Triple Points supreme wax quality vinyle boxe of New York Art Quartet of John Tchicaï Roswell Rudd and Milford Graves and various bass players and double lp OUT LOUD of Frank Lowe with Joe Bowie William Parker and Steve Reid.

A Life journey in free improvisation as unsuspected vocal performer etc.. Jean Michel Van Schouwburg by himself

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Some people know about  myself , Jean-Michel Van Schouwburg,  as a sort of free – music / improvised music activist and vocal improvising performer or “organizer” and critic based around Brussels. The truth is that I evolved from free-music supporter, buyer of vinyl albums of all the Incus FMP ICP Po-Torch Bead Ogun Ictus Hat-Hut Nato Black Saint ESP of the world and also wanna-be amateur  improviser in the eighties to vocal - improviser / trained singer  but completely autodidact performing currently in 9 European Countries  as UK , Italy , France, Hungary, Slovakia, Czech Republic, Germany, and both once in Madrid and Rotterdam.

This would  haven’t  happened  if:

1 / I hadn’t been exposed MASSIVELY  to the Coltrane, Ornette, Lacy, Taylor, Ayler, Art Ensemble of Chicago, Braxton, Bley, Evan Parker, Derek Bailey, Han Bennink, Fred Van Hove and Brötzmann the Paul trilogy of the Lovens Lytton and Rutherford, Barre Phillips’ Journal Violone, Gunther Christmann and Phil Wachsmann a.o… +  everything else from Ocora to Wergo, Dagar family’s Dhrupad, Pygmy or Chinese music, Varèse or Xenakis… Jimi Hendrix and Captain Beefheart and His Magic Band....Howlin'Wolf ...

2/  I hadn’t met and cooperatedwith some other Brussels individuals who inspired me and supported me along the years, I wouldn’t have developed my musical personnality. They were many people and, among them,  I would love to express my eternal gratefulness to some of them specifically, after quoting all their names. Guy Strale, Michael W Huon, Kris Vanderstraeten, Daniel Van Acker, Mike Goyvaerts, Jan Huib Nas, Adelheid Sieuw, Jacques Foschia, Jean Demey, José Bedeur, Peter Jacquemyn, JJDuerinckx, Willy Van Buggenhout,  Marco Loprieno, Pat Lugo, Audrey Lauro,  Peter Deprez, Marjolaine Charbin, Frans Van Isacker, people like Alain Bolle,  Jean-Louis Hennart and also in foreign countries  John Russell, Peter Strickland, Zsolt Sörès, Sabu Toyozumi,  Pascal Marzan, Lawrence Casserley, Marcello Magliocchi, Matthias Boss, Jozef Cseres and the people at Ateliers Mommen etc..

 Without the interaction, understanding and trust of most of these individuals and artists , one has to stop immediately to exist artistically. So I think interesting to present some of these individuals because they  generously worked on the Brussels scene helping to establish free improvisation in a creative  way.

The first man who introduced me to practice improvisation and connecting me to the then blossoming  improvised music scene is Guy Strale. Born 1943, explorer of the innards of the piano, builder of instruments, photographer, movie cameraman, recording engineer,  intellectual, political activist, founder of the Brussels longest living improvised music workshop ( 1975-2007)and the Inaudible association, Guy Strale welcomed so many people to try improvising on the spot, being trained classical musicians, jazz guys, poets, non-musicians, wanna-be singers and improbable sound makers. Nothing was allowed, everything could happen. If one could say that some of Inaudible’s  actions and musical moments inspired by Guy’s very generous philosophy and attitude would have been misunderstood by some people, the overall balance of the proceedings along decades helped many people to develop their music, to present their projects and to be involved in the improvisational scene, and all this was doubtless quite positive. During some seventeen years, I practiced improvised music in private sessions and workshops mainly with Guy Strale and whoever showed up.  In 1993, Mike Goyvaerts, a drummer, came into the picture and he helped to attract capable musicians.  And of course I did a lot of visits to percussionnist Kris Vanderstraeten  and multi instrumentalist Daniel Van Acker and this ended up with a duo with Kris Vanderstraeten. Both Kris and I played around some one hundred of sessions  in his successive homes. I was travelling by train around three hours go and back each time and we listened to improvised musics; jazz or traditional music  in the intermission. Kris has a large artist workshop place suitable for music practice, books reading , hi-fi listening and his great drawing and graphic works.  We were focusing on playing with very very few performances. I was playing guitar in a sort of Bailey Russell way which was documented in our DIY cassette Almost Free Fall  which cover art is a marvellous item.  My brother Luc Van Schouwburg ( an expert video and movie sound engineer) made the  duo  recording in between the local trains’ passages as Kris’house is actually the housing part of a railway station on the way to Hasselt. This years’practice build my skills as an improviser long  before my more recent staging as a performer. So when I thought that my vocals were worth enough to make gigs, I called Kris to share some concerts and one festival . Indeed,  I was sure that his “soft and dynamic” percussive conception was in sync with one singer’s requests.


If Guy hadn’t welcomed them,  offered them  space and time in our workshop and stages, and  also documented himself each  stage meeting on cassettes and CD’rs , secured funding with the art administration, and dealt with official venues etc.. , I have some doubt that the players we met  would have become interesting focused improvisors as they became since : JJ Duerinckx, Jean Demey, Kris Vanderstraeten, Jacques Foschia, Adelheid Sieuw Jan Huib Nas  etc… and  myself, Jean -Michel Van Schouwburg, My personal experience  is the living proof that Guy Strale’s belief that non-musicians or “amateurs” could be involved in free improvisation   was right from the start. The similar belief that the late and legendary John Stevens , his friends Terry Day and Maggie Nicols fondly assessed .  Among the individuals who trade with this workshop and Inaudible and morphed in authentic improvised music scene artists, I would love to quote some of the players. The pair of Jacques Foschia, a master of the bass clarinet, and percussionist Mike Goyvaerts who share the Canaries on the Pole group with Wuppertal violinist Christoph Irmer and  Köln saxophonist Georg Wissell since more than  12 years. Jacques is an outstanding clarinet master having worked in the field of classical and contemporary music such as in the Orchestre Philarmonique de la RTBF. I had introduced  into the London Improvisors Orchestra in june 2000. Jacques performed and recorded with the LIO from 2000 to 2010 and was then  considered by his peers as “the” bass clarinet player in the London scene. He has a great inspiration for very subtle intonations and pitch placement , also with the smaller clarinet in B flat (sopranino). Mike had a central position in the workshops and concerts of Inaudible from 1991 until 2000 and he helped us to grow attracting new players , while being a WIM’s member. WIM was the historic association run by Fred Van Hove , Ivo Vanderborght, André Goudbeek , etc from the early seventies to the 2000’s . They were absolutely crucial in the development in Free Music in Belgium. Two other classical formed players had a prominent role in Inaudible as improvisors of note and committee members : flute virtuoso Adelheid Sieuw and guitar maestro Jan Huib Nas both partners in life and Academy of Music teachers, like their mate Foschia. Personally as Jacques encouraged me to improve and to develop my vocals, the couple of Jan Huib and Adelheid took me very generously under their very subtle tutelage / wing for to work and perform together with Guy Strale. What could be said about these two great free spirits ? Adelheid is a real instant reflexive composer who is juggling with all parameters of free improvisation and musical construction where spontaneity and sound exploration are balanced with logic and progressive development of forms , silence and and alternative techniques. This can be said also about Jacques Foschia.  Jan Huib has a fantastic sound projection with his acoustic classical nylon stringed guitar that he doesn’t need to amplify even in front of + 100 in large rooms. Jan Huib has great sure hands to make music in various genres. Without both of them , Guy Strale and the fatherly encouragement of cellist José Bedeur, one of the great  jazz bass players and cello virtuoso in our country, who shared our enthusiasm and played in our concerts, I would have never evolved as a singer. Solo Voice performance video  
So, Lawrence Casserley, the great live signal processing wiz, called me in 2007 for to make a gig in Belgium and I secured a show in a local art school with trombone player Paul Hubweber, as my mate Adelheid couldn’t make the date. Before and after the gig, I was so fond of the proceedings that  I practiced more than ever , diving daily in my own vocal sounds  and reaching a quite euphoric cathartic state. Focusing with a better concentration, I was  trying to achieve diphonic singing (à la Mongolian) and shaping the low  voice in the throat (C sharp 2)… resonating in my mouth cavity. During a duo concert  with John Russell in Adam Bohman’s Bonnington place in 2005, I kept the ululating high falsetto on the spot (Mercelis Concert cd). John had offered me my very first solo performance in his Mopomoso serie in june 2001 which is issued in my first solo  CD Orynx,  the ending of the performance being  included in the soundtrack of Peter Strickland’s Berberian Sound Studio . Timo Van Luyck recorded the first tracks of this CD in 1997 in his flat and it was on the basis of these first recordings that I was hired here and there a little.



During the weeks after the Casserley gig in late spring and early summer 2007, I was  practicing hardly and I miraculously got a clear distinct falsetto moving on all intervals with the greatest ease, like I would have passed through Alice’s Mirror to  Voiceland  Strangely all the registers of my voice took place unexpectedly and my falsetto range shifted in unexpected twists and colours. I ignored completely how it happened. Invited by free – music mecene /supporter John Rottiers to perform the A’pen Festival for the Radio Centraal in Antwerpen in august 2007, I called my dear friend percussionist and poster artist Kris Vanderstraeten, because both Adelheid and Jan Huib couldn’t make the date. We had to perform in an open air space by a summer afternoon on a strange stage bandstand close to the river. A larger crowd than usual  was spread between the stage area and the bar. As our friend Jean Demey found himself alone as his colleague didn’t show up, Kris and I proposed Jean to play together as an impromptu ad-hoc trio. Jean and Kris were part of Guy ‘s workshop, Kris during the eighties - early nineties and Jean since 1999, but they never met musically. As Kris lives far away from Brussels , he stopped to come. But I travelled regularly to his home along the years to play as a duo or as a trio with multi - instrumentalist Daniel Van Acker. Since the beginning of our relationship around 1985, Kris and I became friends- in – the- music, sharing our love for jazz and improvised music as buyers – listeners – supporters. We did a guitar- percussion duo and after we recorded a self-produced cassette, I took the resolution to focus on voice around 1996. This shift was under the questionment of Kris who, like the other workshopgoers , couldn’t believe me as becoming  a vocalist… as he liked my guitar work.



Anyway, on the Antwerpen stage, our ad-hoc trio  delighted the audience who liked my personal mad man antics, Kris’ crazy DIY drum set-up and Jean musicianship. It was the first time of my life I actually sung jodels with falsetto , sounds almost unbeknownst to me until I stepped on this memorable stage. So as two famous musicians in the audience congratulated both of us three and my vocals, Jean proposed us to continue as a trio. But he said :  “Man don’t stay always on this staccato endless. You have to sing in different ways ! “ Jean’s  stature as a performing musician is so impressive and he is so experienced that he literally “engueule” dilettantes like myself as a father would have done with a schoolboy’s bad report. As John Russell says : “Sometimes I feel like being an idiot”. I have to trust in Jean’s musical instinct and experience as a blindman does with his guide. Not only he is a very competent bass player loving the wooden acoustic quality of his double bass Aldegonde,  Jean is a master derbouka player, a skill he honed while working with master lutist Hasan Erraji with whom he toured endlessly in the nineties with the Arabesque trio. More recently, he became a nice bass clarinet player. In his youth , Jean Demey  opened for Brötzmann /Van Hove /Bennink and the Schlippenbach quartet w Lovens, Parker and Kowald during the WIM 1973 and 1974 festivals in Anterpen and Ghent. He was the bass player in the trio of the legendary saxophone player Kris Wanders, the brother-in- law of Peter Kowald. Wanders, a strong Dutch carachter vanished in Australia around 1975. Wanders was listed in the first Globe Unity recording and Fred Van Hove’s Requiem on MPS. He reemerged recently in the company of our friend Peter Jacquemyn, bass player and spiritual heir of the late PK . Peter, an autodidact like me, sawed his bass frenetically as early in 1985, while I was organising the concerts which surfaced as Waterloo 1985 on EMANEM 4030 of Evan Parker Paul Rutherford Hans Schneider and Paul Lytton and as some tracks of the recent 5cd box of The Recedents, the trio of Lol Coxhill Roger Turner and Mike Cooper, issued by Free Form Association. These concerts were remarkably recorded by Michael W Huon, an exceptional recording engineer and dedicated lover of improvised music since the early seventies. Michaël supported us since the very start, recording spontaneously many gigs and festivals. This  1985 Waterloo thing poster was already made by Kris Vanderstraeten and this Waterloo festival was my first step as one free-music- involved.

Since 1999, my work in the collective was mainly focused on the concert organization of the funded INaudible series in Théâtre Mercelis, ULB concert hall and the recent cooperation with Ateliers Mommen’s artists residence and, until then, I was considered more as an organizer than as an artist. I am not a foolish guy .  I was first an improvised music listener and I couldn’t be interested of my own music , only if the listener in me and some experienced practicioners would have been interested and wanting for more. When I came back from my well appreciated 2001  Red Rose solo gig to Veryan Weston ‘s home in  Welwyn Garden City  in the late train,  I said to him that I was feeling to be far of actually being successful  musically and that I have to achieve my skills in a more musical way. How to find out a way to relate all the sounds that I could produce to each other with developments and pathways uniting them in one original universe. I didn’t know yet. In 2001, my reputation as “an organizer” grew a little bit because Jean- Louis Hennart agreed to welcome some improvised music concerts in his  bar L’Archiduc, an authentic Art Deco place in the heart of Brussels , where Frank Sinatra , Nat King Cole, Jacques Brel  performed after WWII. Jean Louis  got the place from Stan Brenders ‘s widow, Stan being a famous jazz pianist and Belgian bandleader in the forties and fifties. Also we organized interesting performances though the Inaudible association.

Our cooperation with Hennart & L’Archiduc worked very  well also because Kris Vanderstraeten offered to draw the posters  and because we dealt with advertising and accommodating the musicians (thanks to Joëlle and Marjolaine). We begun with the duos of John Butcher and John Edwards , Veryan Weston and Lol Coxhill, and the recordings of these gigs were issued by Emanem label : Opticand Worms Organising Archdukes.  Along the years , we had among others  Fred Van Hove, Paul Lytton & Michel Doneda, André Goudbeeck, Han Bennink & Peter Jacquemyn, John Russell, Paul Dunmall & Paul Rogers ,  Evan Parker, Paul Lovens  &  Alex von Schlippenbach twice, Paul Hubweber and Phil Zoubek ( Emanem L’Archiduc Concert CD) Damon Smith & Peter Jacquemyn with Van Hove, John Russell again with Stefan Keune, Thomas Lehn, Trevor Watts, Jim Denley and one of the very first European gig of Peter Evans and Tom Blancarte . Not only I booked some famous improvisors, but I arranged that the local players could meet their visiting friends from abroad.  So Mike Goyvaerts and Jacques Foschia met Butcher &  Edwards for this first Archiduc gig and later with Georg Wissell and Christoph Irmer. Alto saxist  Audrey Lauro and pianist Veryan Weston duetted, Kris Vanderstraeten played with John Russell and Stefan Keune - who missed the first memorable John Russell gig. For John’s early gig, we all played with him in a Qua-qua like meeting with short duos and trios. Our trio Sureau ( J-M VS , Kris and Jean Demey ) opened our most attended concert with the Alex von Schlippenbach trio with Lovens and Parker. Personally, I sung also with Paul Dunmall, pianist Marjolaine  Charbin and Jean Demey and met there Sabu Toyozumi  for the first time with both Audrey and Marjolaine. This led me to invite Sabu Toyozumi in our festival Sons Libérés 2011 and to sing with him in a friendly peanuts tour from Paris to Brussels, Provence and Toulouse. The label Improvising Beings of Julien Palomo issued a double cd Kosai Yujyo (Enjoy friendship) documenting Sabu performing with a little help  from MY friends.... There is now a cd duo project with Sabu and trio with drummer Luc Bouquet recorded in Provence on the pipeline. Sabu is an amazing drummer having performed and recorded with Mingus, Roscoe Mitchell and Joseph Jarman (in Chicago), Brötz, Bailey, Barre Phillips, Leo Smith, John Zorn, Misha Mengelberg and John Russell in lengthy tours of Japan. He counts among the main pioneers of free music in his country, having played and shared the lives of the late Kaoru Abe, Masayuki Takayanagi, Mototeru Takagi, Motoharu Yoshikawa and his guru Masahiko Togashi, all idealists and revolutionaries who created the Japanese free scene. He is also one of the less egotic and selfish – “business” performer I ever met. Sons Libérés took place regularly  in the Ateliers Mommen, the gallery space of a Cité d’artistes with appartments and workshops . Besides this two more established places, we set up gigs in various locations among them  in the friendly loft of  PatriziaLugo and Marco Loprieno who experimented with wind instruments finding more recently his way on the tenor and sopranino sax and a metallic Turkish clarinet.

Importantly as our workshop vanished because of the increasing renting price of the famed La Vénerie Cultural Center, which was our main spot during our neglected years between 1986 and 2000, I proposed around 2011 to the Loprieno’s to hold permanently a voice workshop at their place. Fortunately, the first members stayed and became enthusiasts attracting other people and more female voices. In this workshop I try to transmit some basics of the voice development and the discovery of its possibilities creating pieces out of simple exercises like singing one sustained note without loosing the pitch until out of breath and making all sorts of mouth sounds without the vocal chords ! In October 2007, our trio with Kris, Jean and myself met in Michaël Huon’s recording studio and begun spontaneously to play  42 minutes without stop but with some silences  just after the red light went. We edited some noisy bits and put that on our first CD Sureau on Creative Sources, this title because my then tired voice needed “sureau” or elder tree fruit ‘s juice to be protected. Since then we perform together about twice a year, making only one date in Germany at Essen Free Festival 2009 and in some fringe concerts organized by artists like in the Werkhuys in Antwerpen, the Useum.be of poet and sculptor Peter Deprez in Ghent’s Botanic garden, Rinus De Vos for this summer 2014 Gentse Feesten or Leuven Oratorienhof in 2009. This latter gig was issued on Setola di Maiale as” the Leuven concert” with Enzo Rocco and Gianni Mimmo duet on half the CD . We recorded also concert sets in the Pianos Maene concert hall and in Michael W Huon ‘s Odeon studio in Brussels, this time with saxist Audrey Lauro.



Among the interesting collaborations which fortunately happened, there was a recording  session with Gianni Mimmo John Russell Andrea Serrapiglio and Angelo Contini as Five Rooms for Gianni’s Amirani label in February 2008. This was issued as Five Rooms : No Room for Doubt on Amirani amrn 020. The session took place in Paolo Falascone famous Mu-Rec studio (ex Barigozzi studios) in Milano. Mu rec was home for Cecil Taylor, Bill Dixon, Tony Oxley, Paul Bley, Steve Lacy, Chet Baker, Mal Waldron recordings since the mid-seventies. Around the same time, I went to Bristol to record with the great saxophone hero Paul Dunmall, guitar wizard Phil Gibbs and a sympathetic bass player Peter Brandt in a session which surfaced asBionic Beings Beginnings on Paul Dunmall’s Duns Limited Edition. Paul played mainly soprano and there was a dangerous track with his bagpipes. I have a fond memory of an ad hoc trio with sax player Heddy Boubeker and bass supremo Simon H Fell during a small festival in Paris run by Pascal Marzan who himself was invited in Brussels to meet  violinist Christoph Irmer.  Along the years, I went to share the stage with some quite interesting friends like Lawrence Casserley  in our MouthWindproject (MouthWind Cd on Jozef Cseres’s heyemears label) : http://www.youtube.com/watch?v=IriH7fyIrZE  
Lawrence was a Professor in the Royal College of Music having developed electronic music and musical instruments. His ever evolving live signal processing is among the most complex system existing and his skills as technical expert in the Evan Parker Electro Acoustic Ensemble is unmissable. We did very interesting concerts as a duo and with other musicians like pianist Marjolaine CharbinPhil Wachsmann and pianist Yoko Miura. The main task for a singer working with Lawrence’s live signal processing is to use different approaches simultaneously : to feed the system with interesting or catacteristic sounds (even a snippet), to solo like in a concerto situation, to interact with or against the processed sounds of your own vocal sound. When a third instrumentalist goes in the proceedings it becomes more complex. So this kind of performance with Lawrence is a fantastic experience improving my skills. If people love it , good ! I am considering to perform  improvised music firstly as an attempt to create something and I am not fetichising “my” project. One other great experience I had was improvising frequently in 2008 with pianist Marjolaine Charbin, a strong personality sincerely searching to explore both sides of the piano, the keys and the strings and carcasse/ sound box. We begin to work on free patterns and fluid lines and this challenge makes evolve my singing as I had to meet all twists and turns from two hands and twenty fingers on  a keyboard and to develop sounds inside my throat and mouth in order to match the piano frame's sonic universe. We did some gigs together and a concert with composer Dario Palermo in Norwich UEA. Dario wrote Trance : Five Stations for Voice and Electronics using my alternative techniques. 

Another great experience came when I met Zsolt Sörès, a Budapest viola player , in march 2000 when Peter Stricklandmade his first essays of shooting his much awarded  cult movie Berberian Sound Studio. As Adam Bohman and I were invited in Budapest to be involved in  the teaser of BSS, Zsolt put a gig with both of us and the British vibist Oliver Mayne, since then a BP resident. It happens that I witnessed firstly Oliver in London’s Freedom of The City 2002 when he throwed his vibraphone two meters in the air above the stage as a kind of reaction about the presence in  Eddie Prévost’s workshop of some musicians. This ad-hoc gig in a remote squat inside a Budapest wrecked industrial area went fine and since we perform from time to time in Hungary.  The quartet, enchristened as “I Belong To The Band” is among the strangest band I ever met . Crazy amplified objects’s capharnaum  on a table were  handled by Adam Bohman , the jazz tinged vibraphone of Oliver Mayne and his electronic effects, Zsolt Sörès’s electronic toys and bending circuitry circumventing a viola “on the table approach” and my vocals with microphone could be tagged as transdanubian electro noise psych improve. We recorded some of the concerts and in a studio and its is quite impossible to say what is our specific musical area. We don’t focus on a specific focused esthetic : we just play sincerely, hating esthetic  narrowed “cup of tea” labelling whatever onehear following what he thinks that he has in mind. Music is actually a collective experience.  Fortunately, artists and listeners in Budapest enjoy what they hear in a very open minded attitude , because they know the price of freedom. I have also he pleasure to be accommodated in BP by the great painter and drawer Sàndor Gyorffy in his flat full of artworks of dozen of his friends. This made me invite Zsolt with Slovakian composer, pianist and teacher Julius Fujak and Austrian trumpet hero Franz Hautzinger in Brussels at Michaël Huon ‘s Odeon 120 studio. The recording went issued as The Brussels Concert by the Slovak Hevhetia label.  My work as free improviser is also concerned by making other people / friends working together in a creative way. So when pianist Yoko Miura asked me where she could perform in Brussels, it was absolutely impossible for me to organize myself again with a visiting musician in a venue where I map only two or three concerts a year. So Yoko performed with bass and contrabass clarinet virtuoso Ove Volquartz and Jean Demey in the Archiduc bar and this memorable concert went issued on Stefano Giust ‘s Setola di Maiale as the TAG trio “Discovery of Mysteries”.  On the same batch of Setola’s cd was also issued a duo with alto saxist Audrey Lauro tagged as the Systers. We rehearsed often together and I appreciate her sensitivity and her well  connected sound resources. Our best concert went in Michael’s studio as did also our trio Sureau with Audrey as a guest. This trio augmented meets my conception of improvised music where you are trying to mix personalities on the same moment without any rehearsal and succeeding in the whole concert. This challenge of meeting people who you never met made me singing in Germany with a dynamic reed player now focusing on flute , Nils Gerold. We performed once with acoustic  guitarist and zheng player Mano Kinze in Bremen and then with Berlin based Klaus Kürvers, a retired scholar in Archtecture History who is actually a great contrabass player and a longlife supporter of our music and huge jazz vinyle collector. Mano performed for the first time abroad in our Sons Libérés festival 2012 and I put Nils in connection with Nicolà Guazzaloca and Stefano Giust in Bologna. They performed  and recorded together as a trio for Setola di Maiale, surely one of the safest and largest “musician’s” label.

The last and very fruitful collaboration came recently meeting and sharing with percussion master Marcello Magliocchi, a veteran drummer of the Italian jazz scene, percussion and music teacher and metallic plates percussion designer etc.. and violin wizard Matthias Bosshttps://www.youtube.com/watch?v=spHYKS4nb-0   .  Matthias is the violinist I hear with the strongest sound projection –still full of nuances after the boss himself , the Australian maverick composer and Violin total art visionary Jon Rose. Thanks to Jon Rose, I was introduced in the East to semiotician composer and Professor Julius Fujak and  Professor in Esthetics Jozef Cseres and consequently I met Peter Strickland who himself was interested in my vocal performances and proposed me to appear in his Berberian Sound Studio. Jozef was very instrumental in presenting western alternative avant-garde composers performers in his country and Czech Repulic creating a fantastic following with the students of the Universities where he is teaching. Jozef is the Director of the Rozenberg Museum , once located in the Slovakian village of Violin, and myself a somewhat Ambassor of the R.M with the E.U. Also, I helped to organize the concerts , sessions and recordings of the duo Temperaments of Jon Rose and Veryan Weston in Brussels (Temperaments  double CD on Emanem and Tunes and Tunings on Jozef Cseres' Hermes – heyeremears label).  Veryan is the musician who was invited by me in Brussels the more often and I will do it again when a nice piano will be available. The list of the best Rosenbergian appreciated strings – improvised music recordings is by now the most read page of this blog. So all this interest for the Violin art à la Rosenberg is a very good introduction to have the pleasure to sing with a violinist like Matthias Boss. Matthias can follow the intricacy of the ornament of the voice in a very fantastic and authentic way.  Also, only one thing counts for Matthias : to play music with good friends – like minded enthusiasts without any consideration for status, career, business and so on. We decided  to found our trio after  the two first gigs with the very creative and master of percussion, Marcello Magliocchi who thought about reuniting all three in his very nice Puglia region in  South Italy.  https://soundcloud.com/jean-michelvanschouwburg/marcello-magliocchi-matthias-boss-jean-michel-van-schouwburg  Marcello was instrumental in establishing free music in the very south of Italy, touring with Steve Lacy at the age of 19. Since then, Marcello learnt to play classical percussion, jazz drumming, composing, becoming a teacher of note and a musician in demand. His designed metallic percussion plates (cymbals, gongs etc) and seven  tuned incredible resonating bells (unlike anything else) in collaboration with the renowned U.F.I.P company.  For me working with Marcello is going back to the time period when the percussion sounds and free – drumming fascinated me the most decades ago : discovering Bennink, Lovens, Lytton, Oxley, Jamie Muir, Roger Turner, John Stevens, Andrea Centazzo, Barry Altschul, Andrew Cyrille and Milford Graves on head phones was one of the main inspirations of my musical life. During a small tour in December 2014, we three ( trio 876) take profit of a free day to make a recording in the above mentioned Mu-Rec studio in Milano.  But I was very touched by this very kind and friendly guy who held an electric bass during our jam-meeting in Milano after our trio set : Roberto Del Piano, a veteran of the pianist and Italian pioneer  Gaetano Liguori’s trios and groups.  The electric bass is among the less revered instrument inside the improvising community, but Roberto is a very sensitive instrumentalist and a guy-committed-to-the group. So, this special quartet made fine short vignettes and some lengthier sound explorations very well focused. Improvising Beings will issue a new CD of trio 876+ of the Boss/ Magliocchi/Van Schouwburg  plus Del Piano quartet selecting the tracks with an addition of recording engineer Paolo Falascone playing the innards of the grand piano on two tracks.  We never thought this trio with electric bass could happen and succeed, but it worked actually and this challenge and the music recorded enthused Julien Palomo, one of the most sincere and respectful producer existing not unlike the great Martin Davidson. So trio 876+'s Otto Sette Seiis now issued by Improvising beings label (ib 33). https://julienpalomo.bandcamp.com/track/bread-and-tomato 


To end up the survey : I am now working with singers – non singers in vocal workshopsbased on various focus. To discover the possibilities of human voice in relationship of his / her personality and capability using basic exercises (crescendo), my phonoetry concept and off the wall proceedings. To work collectively of various sound areas from one note everchanging drones to invented languages and mouth sounds. To lead the choir with hand signs and symbols in order to create collectively ensemble an individual pieces of music. Not far from to be a therapy or a serious glimpse about the voice and the singing. My workshops were held in Brussels,  Nitra  in Slovakia, Budapest, BariLiverpool and Torino and we performed publicly.

Now our Brussels circle members and related  friends who  are still active here is : Guy Strale, Kris Vanderstraeten, Jean Demey, Jacques Foschia, Mike Goyvaerts, Marco Loprieno saxophone and clarinets, Pat Lugo, multimedia artist , Pierre-Michel Zaleski , voice, Kostas Tatsakis, percussion, Sofia Kakouri, dance, Willy Van Buggenhout,  analog synth, Jean Philippe Burg, photos, Audrey Lauro alto sax, Frans Van Isacker, alto sax, Jan Pillaert tuba, Jiji Duerinckx, sopranino and baritone sax, Peter Deprez , poetry and others.


All drawings and posters : Kris Vanderstraeten. Photos : Lieve Boussauw , Cedric Craps, Pat Lugo.

Lucien Johnson Alan Silva Makoto Sato Peter Brötzmann Jörg Fischer Marc Charig Georg Wolf Stefano Pastor Charlotte Hug

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Stinging NettlesLucien Johnson Alan Silva Makoto Sato improvising beings ib29


Continuant sur sa lancée, le label improvising beings de Julien Palomo ne faiblit pas dans son engagement à documenter les artistes improvisateurs « qu’on ne trouve pas sur les autres labels » et cela dans un rayon d’action esthétique assez large qui va du free-jazz enraciné à l’improvisation la plus actuelle. Du pianiste François Tusquès et du légendaire Sonny Simmons aux violoncellistes Hugues Vincent et Yasumune Morishige, dont le superbe Fragment ne ferait pas tache dans l’austère et passionnant catalogue Potlach. L’arrêt ou le ralentissement des parutions chez de nombreux collègues (Psi, FMP, Emanem, etc…) fait d’IB un Allumé de choc incontournable. IB ne se  consacre pas aux rééditions et unreleased d’un autre temps et soigne remarquablement la qualité du son et celle des pochettes.  Alors pour la bonne bouche et encadré par la contrebasse d’Alan Silva et la batterie de Makoto Sato, voici un saxophoniste ténor néo-zélandais inconnu, Lucien Johnson, qui nous livre une musique inspirée et passionnée dans la tradition jazz libre la plus authentique. La session fut enregistrée par J-M Foussat en novembre 2006 et était restée dans les archives. Comme Alan Silva, artiste IB par excellence, joue et enregistre le plus souvent de son synthé orchestral, alors que de nombreuses personnes le réclame à la contrebasse, ce beau trio les satisfera pleinement. Toutes les compositions sont dues à Lucien Johnson, et sa sonorité, son phrasé et le cheminement de chaque pièce font de Stinging Nettles, un album attachant et expressif où les musiciens ne craignent pas d’explorer le temps d’un morceau une dimension minimaliste où les harmoniques introspectives de l’archet d’Alan Silva livrent toute leur identité malgré une prise de son un peu distante (Ice Shelf). Burnt Fingers, le morceau suivant évoquerait plutôt le format David Murray / 3D Family des années 70’s, le trio sax ténor / basse / batterie étant le cheval de bataille de notre Zélandais. L.C. s’est construit un univers en écoutant des disques comme le Capersde Steve Lacy avec Dennis Charles et Ronnie Boykins (Hat Hut 1979), 3DFamily de David Murray / Johny Dyani / Andrew Cyrille (Hat Hut 1978) et les Lower Manhattan Ocean Club de David Murray avec Lester Bowie, Fred Hopkins et Phil Wilson (India Navigation 1977). Quant on sait que Lucien Johnson est né en 1981, on se dit qu’il a échappé à la marsalisation du jazz de la période suivante, comme si le Père Noël lui avait laissé un paquet cadeau du Loft Jazz made in Soho à sa naissance. Au final, une très belle atmosphère et un saxophoniste chaleureux et sincère dans une empathie mutuelle avec un tandem basse – batterie chevronné !

Peter Brötzmann & Jörg Fischerlive in Wiesbaden NotTwo MW877-2


Enregistré à Wiesbaden en juin 2009 par Ulli Böttcher durant un concert de la Kooperative New Jazz de la ville, cette rencontre se déroule sous des auspices favorables et sous l’œil et l’oreille exercée des « gardiens du temple » de l’improvisation libre de cette ville, les Ulli Böttcher, Ulli Philipp, Wolfgang Schliemann, et autres Uwe Oberg et Dirk Marwedel. Un tel environnement fait que Peter Brötzmann soigne particulièrement ses improvisations avec une logique plus pointue et plus de concentration qu’à l’accoutumée. Jörg Fischer est un percussionniste vraiment remarquable avec une palette très large, révélée dans ses autres albums, Trio Improvisations et Free Music on a Summer Evening sur son label Sporeprint et son très beau solo Spring Spleen (gligg). Avec Brötzmann, le Capitaine Fracasse du free jazz « hirsute », il faut que cela carbure et Fischer s’est construit  un langage percussif dynamique qui évoque la folie démesurée d’Han Bennink des Nipples et autres Balls vers 1970 et la polyrythmie endiablée de Milford Graves. PB est un inconditionnel du binôme souffle / percussions et le batteur doit avoir assez de pêche pour l’inspirer. Ça cogne sec dès Productive Cough au ténor hargneux et Brötzmann fait péter le bocal de son alto dans Buddy Wrapping après avoir virevolté avec le taragot. Outre la puissance pulmonaire, on y trouve des échanges intelligents alors que le batteur change de régime et surprend le souffleur. Brötzmann conclut de manière pensive comme le ferait un Joe Mc Phee et cela débouche sur une Song For Fred (Van Hove ?) avec cette manière toute Brötz de jouer la mélodie, elle même signée Brötzmann, alors que les autres morceaux sont crédités aux noms des duettistes. Et puis le style de Fischer a la sonorité, le drive, la dynamique juste qui crée une empathie authentique avec le colosse de Wuppertal. Je chronique rarement un disque de Brötz, alors que les Balls, Outspan Ein und Zwei et FMP 0130 ont bercé ma jeunesse, simplement parce qu’il y a assez de collègues qui s‘y collent. Mais ce Live in Wiesbaden a son pesant de choucroute et  de Chimay au fût, je n’ai donc pu résister. On y trouve une authenticité qui atteint son nadir dans Cute Cuts où les spirales et les cris du souffleur s’endiablent sous les tournoiements des frappes en déséquilibre instable et permanent du batteur. Celui-ci accompagne les accents avec des coups redoublés ou nous fait un solo de roulements contrastés avec une réelle dynamique tout en conservant le côté agressif et cela introduit un thème introspectif et inachevé de Brötzm. Cette prière progresse lentement vers une situation de crise avec les interventions graduelles et inventives du batteur et le bec du ténor que se met à chauffer. Le jeu du percussionniste engage un beau dialogue avec le saxophone au point que l’entrelacs de ses frappes mesurées obtient autant de flammes, de sifflements enragés que de traits subtils de notre Teuton, autant que s’il avait été submergé par un Bennink en folie comme au bon vieux temps. Avec en prime, une qualité de son et de timbre supérieure au sax ténor dû au savant dosage des décibels du batteur. C’est tellement excellent que ces seize dernières minutes illuminées ont paru trop courtes et qu’on en redemande. Puisse Peter Brötzmann trouver encore de tels compagnons sur sa route !! Le cd de Brötzmann pour les connaisseurs.

Charig / Fischer / Wolf  Free Music On a Summer Evening spore print 1312-01


Le percussionniste Jörg Fischer préside aux destinées du micro label sporeprintet n’a pu résister à produire le magnifique trio enregistré avec deux piliers de la Free Music lors d’une Soirée d’Etéréussie en 2010. On connaît trop peu l’excellent bassiste Georg Wolf, inconditionnel militant de l’improvisation totale talentueux dont j’apprécie beaucoup les superbes duos Tensid avec son ami contrebassiste Ulli Philipp et pas appât avec le tromboniste Paul Hubweber (tous deux sur l’incontournable label NurNichtNur). Par contre, nombre d’entre vous parmi ceux qui suivent la free music depuis la fin de leur adolescence, se demandent qu’est devenu le trompettiste britannique Marc Charig ? Il fut un membre éminent de la Brotherhood of Breath et des groupes légendaires de Keith Tippett, d’Harry Miller et d’Elton Dean, jouant ensuite dans le Globe Unity Orchestra. Il fit longtemps partie du London Jazz Composers Orchestrade Barry Guy depuis le départ, sans oublier les grandes formations de Tippett, Centipede et Ark. Avec Phil Wachsmann, il fut un des deux alter ego de Fred Van Hove dans les formations du pianiste anversois, et souffla régulièrement dans le Maarten Altena Octet (Quotl, Riff). Avec Paul Lytton, Wachsmann et Malfatti, on l’entendit dans le King Übü Orkestrü de Wolfgang Fuchs. Il a aussi enregistré avec Soft Machine (Fourth) et King Crimson (Lizard, Red). Ogun vient de rééditer son très bel album Pipedreamavec Keith Tippett à l’orgue et la chanteuse Ann Winter. Après avoir sillonné toute l’Europe de l’improvisation pendant deux décennies, Marc Charig, une personnalité modeste et enjouée, s’est établi à Aachen et joue avec les musiciens locaux. Prière de ne pas traduire « locaux » par « dilettantes », car en Allemagne, les musiciens improvisateurs radicaux ont un niveau égal à celui de la scène britannique. Je me dois de souligner l’excellence de deux enregistrements de Quatuohravec le percussionniste Wolfgang Schliemann, le saxophoniste Joachim Zoepf et le bassiste Hans Schneider, [KJU:]'et [kju:]', too. Il y a là plus de musique et d’inspiration à mon goût que chez certains musiciens qui furent ses compagnons de route et qui aujourd’hui se répètent ou s’égarent. Et c’est à un vrai régal que nous convient le trio de  Free Music On a Summer Evening dans un équilibre entre jazz tout à fait libre et improvisation totale. Entre dérapage contrôlé sous la pression de lèvres folles et explorations mélodiques d’un goût parfait. La contrebasse boisée rebondit dans les entrechocs d’objets percussifs et roulements clairsemés et sur cette trame, le cornet surfe avec aisance légèreté, regard en coin et coups de lèvres saccadés jusqu’à la note aiguë finale. Ayant joué pendant des années avec des créateurs du calibre de Fred Van Hove et Paul Lytton en improvisant quasi sans interruption durant des concerts de plus d’une heure, Marc Charig  a acquis une faconde jamais prise en défaut, une capacité d’invention étonnante. Une suspension au bord du silence alternant avec un spleen éthéré ou une effervescence bouillonnante en un clin d’oeil. Au détour d’une improvisations dans 2/ Cat and Mouse and Cheese, il cite spontanément un thème mythique de Chris Mc Gregor (ou Dudu Pukwana ?). Georg Wolf  joue volontiers un backdrop assuré et bourdonnant plutôt que de partir à l’aventure. Dan 3/ Pot Pourri for Harribee, le thème évoqué du répertoire « Brotherhood » est développé en le construisant et le déconstruisant, le bassiste produisant de belles variations sur les notes du thème. Le cornet n’étant pas une trompette, impossible d’y briller comme ses collègues et amis aujourd’hui disparus (Beckett et Wheeler). Mais là n’est pas le but, le cornet est un instrument plus populaire et intimiste, procurant une chaleur bonhomme et un autre type de phrasé, moins délié et plus ombrageux.  Le percussionniste est parfait pour cette équipée, nous faisant découvrir l’usage alternatif de la percussion libérée dans une configuration plus conventionnelle. Il joue remarquablement avec la dynamique et le son requis en respectant l’équilibre voulu par la situation. Son excellent solo au milieu de ce troisième morceau sert de point de relance pour la persévérante exploration qui s’installe au fil des minutes qui suivent, sans aucune précipitation. Se superposent des lento majestueux et des fulgurances retenues du cornet et de l’alto horn. Des envolées à trois qui retombent sur la pointe des pieds. Un véritable équilibre/ coexistence entre recherche et création mélodique / thématique instantanée est la marque de fabrique d’une conception universaliste de la musique improvisée libre où  l’auditeur se délecte tant de la musicalité profonde et de la connivence sincère que des plongées sonores. A l’heure où le nombre de trompettistes « improvisateurs libres » font florès (Evans, Wooley, Ho Bynum, Uhler, Hauzinger etc…), voici un album poétique, léger, rafraîchissant et subtilement musical. Ceux qui préfèrent quelque chose de plus « non idiomatique » impliquant Marc Charig, les deux albums NurNichtNur[KJU:]'et [kju:]', too, sont deux véritables merveilles hautement recommandables.

Paragone d’Archi  Stefano Pastor & Charlotte Hug  Leo Records.



Deux personnalités aussi dissemblables que leur pratique musicale respective est profondément personnelle et inscrite dans la nature de leur instrument, ici à l'archet, comme le titre Paragone d’Archi se plaît à le rappeler. Durant une douzaine de pièces bien calibrées, la violoniste alto de Zürich et le violoniste de Gênes jouent le jeu de l’improvisation totale. Stefano Pastor a gardé dans les doigts des phrasés modaux évoquant la musique indienne ou même Mahavishnu Mc…. Charlotte Hug se singularise par des frottements de clusters et des harmoniques fantomatiques. Et quel timbre !! La proximité des deux instruments, l’amplification du violon de Pastor avec son grain inimitable et les audaces sonores de Hug font que la collaboration fonctionne, un peu pour démontrer que l’hypothèse fondatrice de la Company de Derek Bailey est toujours d’actualité. Savoir créer un instant de connivence et de surprise avec des musiciens avec qui un improvisateur n’a pas (prétendument) des affinités etc… Paragone d’Archi est donc truffé de moments passionnants, entre autres lorsque Charlotte Hug vocalise. Et il y a une plénitude du son qui s’étend dans une infinie finitude. Une véritable fascination à découvrir les espaces sonores créés par les deux archettistes se fait jour, une vocalité de l’instrument particulière et, née de la congruence des sonorités, des timbres et des fréquences, un territoire commun fécond. Un très bon disque réalisé par des artistes que tout semble opposer. 
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