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Fred Lonberg-Holm & Frode Gjerstad, Hugues Vincent & Yasumune Morishige, Vario 51 - Günther Christmann, Ninni Morgia & Marcello Magliocchi

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Fred Lonberg-Holm Frode Gjerstadlife on sandpaper FMR FMRCD379-714
Encore un album qui passerait inaperçu, si je ne l’avais trouvé dans un beau paquet envoyé par le label FMR en sus des cd’s commandés ! Merci Trevor Taylor ! Fred Lonberg-Holm et Frode Gjerstad sont deux improvisateurs qui parcourent les scènes d’Europe et d’Amérique et il arrive fréquemment qu’ils se croisent. « Life on sandpaper » suggérerait une ambiance  râpeuse, écorchée ou abrasive. Mais il n’en est rien. Cela commence par une belle musique de chambre relativement douce et lyrique, ce qui étonnera ceux qui connaissent FLH avec Vandermark ou son disque avec Brötzmann. Mais durant cette session, que ce soit à la clarinette ou au sax basse, Frode Gjerstad, lui aussi expressionniste à ses heures, est dans un mood pastoral, très cool (« west-coast »), lumineux, intime,si pas introverti. Après trois plages à ce régime, Lonberg-Holm prend l’initiative dans of a book et se met à voyager dans les possibilités de son violoncelle en improvisant dans un va-et-vient entre « je fonce» et « me voici, j’arrive ».  Gjerstad ne se départit pas de son flegme et continue à explorer ce mode rêveur. C’est dans le morceau suivant que les choses s’animent : I read in. A la clarinette basse, le souffleur a un jeu original, articulant des glissandi avec les harmoniques et faisant grasseyer les aigus avec bonheur. Avec Altadena in, le son du violoncelle a l’air préparé face au sax basse bien clair et moëlleux. On ne dira pas que Frode Gjerstad est un super pro du sax basse, plusieurs artistes notoires s’en étant servis comme d’une couleur supplémentaire, il faut entendre un Tony Bevan s’époumoner avec l’instrument pour se faire une idée. Mais Gjerstad, avant tout un sax alto, sait rendre intéressant son jeu sur l’instrument et on écoute cela avec plaisir. De même, la clarinette basse dans the summer est gargouilleuse, grailleuse et volatile à souhait, et son exploration vocalisée des registres revêt une dimension profondément touchante. La dynamique de chaque instrument est bien accordée l’une à l’autre, l’écoute et l’inter-indépendance est naturelle directe. Une belle rencontre entre deux belles personnalités qui font vivre cette musique et sa pratique par leur engagement à tout point de vue.

FragmentHugues Vincent – Yasumune Morishige improvising beings ib28


Deux violoncelles en parallèles, en tangentes, ou en lignes croisées dans une multitude d’angles. Un travail sur le son aussi lent que possible, relâchant harmoniques, graves sourds et pointes d’archets, interférences et quelques ponctuations en pizz, au bord du silence ou cordes vibrantes. Dans la discographie de l’improvisation totale, je n’ai pas encore eu connaissance d’un duo de violoncelles et, donc, voici de beaux exemples de l’univers sonore de cet instrument avec son double. La troisième des neuf pièces, numérotées de I à IX, est faite de percussions d’archets sur les cordes avec une invention rythmique remarquable. Le IV a une émission ténue  presque sous la limite de l’audible si vous ne profitez pas d’une hi-fi convenable mais quelle concentration ! Par contre, le V est une belle improvisation libre qui se métamorphose de glissandi en pizzicati suspendus dans le vide, de contrechants lumineux vers un momentum engagé et qui paraît frénétique au regard de l’atmosphère du disque.
Le territoire de ce Fragmentsemble se trouver au confluent d’une recherche sonore minimaliste et de la complexité, en évitant le débit torrentueux auquel l’impro libre nous a habitué.
D’excellents musiciens improvisateurs pour une musique superbe et magnifiquement retenue. Ils ont pris soin de proposer ici un panorama assez large de leur recherche / pratique musicale avec une remarquable unité de ton. Un album qui tranche dans la production actuelle.

Vario-51Alberto Braida Günther Christmann Michaël Griener Elke Schipper ed explico 18

Publié par son label maison edition explico, cet enregistrement du 8 novembre 2013 du groupe à géométrie variable Variorestreint à un quartet, nous offre le plus beau témoignage de l’esprit que Günther Christmann veut insuffler à son projet fétiche dont c’est la cinquante-et-unième édition. Le n° 50 avait rassemblé pas mal de monde, dont certains avaient collaboré par le passé (Paul Lovens, Paul Hubweber, Thomas Lehn, Mats Gustafsson, John Russell, Torsten Müller, Alex Frangenheim etc..), et cette réunion s’était étalée sur plusieurs soirées à Berlin. Pour le n°51, il s’agit d’une affaire plus intime sur une seule soirée dont cet album intitulé « push n’ pull » relate l’entièreté en conservant l’ordre des morceaux improvisés durant le concert. Alberto Braida est crédité clavier et clavicorde, instrument curieux, et c’est un plaisir d’entendre ce qu’il en fait en duo avec la vocaliste – poétesse sonore Elke Schipper. Deux morceaux en quartet préliminaires  cadrent la dynamique du concert et introduisent une qualité d’échanges fluide et concentrée. On dénote un sens du timing très particulier et un recours à une notion du silence dans le son. Le deuxième duo entre la percussion clairsemée de Michael Griener et le jeu à la fois intense et étonnamment mesuré et la manière introvertie de Christmann au trombone est en soi une pièce d’anthologie. Les tenants de l’improvisation « minimaliste » reprochent souvent le jeu continuel, dense et fourni et les grands effets « dépassés », voire la logorrhée de l’improvisation libre « historique » (rappelons la polémique de Radu Malfatti vs Evan Parker trio). Je ne sais pas ce qu’ils vont trouver à dire en écoutant cet échange de cinq minutes qui semble ne durer qu’une seule… Savoir exprimer autant d’idées et de formes en si peu de temps avec une telle assurance en combinant une telle variété « temporelle », esquissant un rythme avec un seul son, faisant crier le pianissimo, etc… On trouve d’ailleurs chez le percussionniste Michael Griener une concision et sens de l’épure qui aiguille la musique là où elle se développe le mieux.
 Viennent ensuite trois pièces en quartet qui font voyager la musique dans de multiples dimensions entrecoupées de fausses conclusions, d’arrêts brusques, de changements de registres et de dynamiques incessants, de silences, … comme si l’improvisation pouvait revêtir des formes multiples, divergentes, s’écouler en une succession d‘événements sonores peu prévisibles, de styles qui convergent vers une qualité d’écoute et d’invention. Un seul coup d’archet frappant les cordes ou une frappe subite dans les cordes du piano, suffit pour créer une véritable tension. Christmann joue aussi du violoncelle en pizzicato en faisant déraper un tempo imaginaire que dérèglent les arpèges dissonants de Braida. Elke Schipper joue de la bouche, de la langue, des lèvres et de la gorge transformant et inventant des phonèmes dans une version ludique abstraite du sprechgesang. Son duo avec Michael Griener est un beau moment tout comme le dialogue du violoncelle et des cordages du piano qui évoquent une harpe folle… Ces quatre-là ont l’art de faire se suspendre le temps et peuvent donner au moindre geste qui aurait un air insignifiant la même importance que la tirade la plus sentie.
Edition explico n’a aucun site internet et leurs albums garnis de tirages photos signés (par les artistes) ou d’objets collés sur la face transparente du jewel-box ne sont pas distribués. Il faut absolument leur écrire pour obtenir ces disques. Alors que Günther Christmann a eu un rôle pionnier dans l’improvisation libre absolument incontournable et a joué (et joue encore souvent) avec Paul Lovens, Maarten Altena, Sven-Ake Johansson, Schlippenbach,  Van Hove, sans parler du Globe Unity Orchestra dont il fut un des piliers, il n’y a que de très rares enregistrements disponibles en cd’s autre que les Ed explico. Citons un Trio de 1991 avec Lovens et Gustafsson publié il y a quatre ans sur le label FMP et Core avec Schipper et Frangenheim sur Creative Sources. Pour ceux qui suivent l’improvisation radicale d’un peu près et ne connaissent pas bien (du tout) ce musicien unique et la manière singulière dont on joue dans ses groupes, Vario 51 est vraiment un album subtil tout en nuances à recommander. Je pense personnellement que Christmann est un artiste aussi important qu'Eddie Prévost et AMM, Derek Bailey ou Evan Parker, Paul Lovens ou Fred Van Hove. 
En outre, il a fait vivre cette musique en organisant une foule de concerts dans la région de Hannovre.

Ecrire à : edition explico D-30851 Langenhagen Weserweg 38.  

Sound GatesNinni Morgia & Marcello Magliocchiultramarine UM009


Une fois n’est pas coutume, un vinyle. La photo de pochette évoque celle d’ Obscured By Clouds, la bande son d’un film de Barbet Schroeder par Pink Floyd en 1972. Le guitariste Ninni Morgiaprovient (pour schématiser) du rock progressif / noise et le percussionniste Marcello Magliocchi a un solide métier à la fois jazz contemporain et percussion classique. Le guitariste utilise des pédales, mais il a aussi un solide contrôle de l’instrument avec lequel il développe un langage sonore articulé, précis et coloré, en évitant soigneusement de saturer. Le percussionniste est un fin technicien et un improvisateur inspiré que ce soit aux cymbales ou avec des rythmes multiples. J’apprécie particulièrement le mouvement spacieux et « a-rythmique » de la deuxième face lorsque les sonorités des grands gongs croisent avec précision les hauteurs des timbres électriques des effets de guitare. Sous ces arcs sonores éthérés, Magliocchi fait mouvoir les peaux avec une pulsation aussi flottante qu’elle est parfaitement assurée. Le son de la guitare se transforme en morsures et l’électricité s’intensifie jusqu’à un deuxième mouvement « a-rythmique » plus bruitiste côté guitare et le dialogue change alors de nature avec un travail précis sur des objets / instruments métalliques.

Vient ensuite des notes égrenées dans l’espace traversées par des résonances de gongs et cymbales jouées à l’archet et de percussions secouées ou frottées avec discrétion. Encore un tour sur les peaux avec une classe remarquable. Magliocchi a ceci de chic qu’il joue la cymbale à l’archet en produisant des notes précises. Il enchaîne toutes ses actions avec un vrai naturel sans se forcer. Cela respire sans étalage de technique, mais on sent un grand savoir-faire. Au final, une rencontre réussie entre deux personnalités contrastées qui savent s’écouter et construire un univers commun. Un bon disque et l'envie de connaître mieux le travail de percussions à part entière de Magliocchi (un album solo ??)

RPR : Birgit Uhler Leonel Kaplan BPA : Henry Kaiser Damon Smith Jaap Blonk Sandy Even Chris Cogburn Alvin Fielder David Dove Jason Jackson and Clocks and Clouds on FMR

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Birgit Uhler & Leonel Kaplan Stereo Trumpet Relative Pitch Records RPR 1030

Relative Pitch est en train de construire un catalogue qui fédère les initiatives musicales les plus contrastées que d’aucuns auraient voulu diviser dans des courants contradictoires. Alors quand le même label US aligne des artistes aussi radicaux que Birgit Uhler, Michel Doneda (en solo) ou Roger Turner, des pointures New Yorkaises comme Joey Baron et Bill Frisell et réunit dans le même enregistrement la dépositaire en chef du piano tristanien, Connie Crothers, et un soul brother de la Great Black Music tel que Jemeel Moondoc, on se dit que vraiment la musique est un langage universel pour le bonheur d’une bonne partie des auditeurs qui aiment à écouter et à découvrir tout le spectre de la musique improvisée qu’elle soit d’obédience afro-américaine ou européenne, jazz libre ou improvisation libre peu ou prou détachée du jazz au point de s’évaporer dans un minimalisme bruitiste « soft noise ». C’est bien cette dernière option qui prévaut ici. Leonel Kaplan joue exclusivement de la trompette en focalisant son approche sur le bruissement de la colonne d’air, la métaphysique des tubes en quelque sorte (pour paraphraser Amélie Nothomb) : en jouant avec de multiples niveaux de pression des lèvres et l’obturation minutieuse des orifices avec les pistons, il obtient un éventail de nuances, de dynamiques, de bruits parasites, des timbres plutôt plombés que cuivrés, tant il évoquent la tuyauterie. Birgit Uhler, lui répond en ajoutant à son remarquable travail à la trompette, l’utilisation d’une radio, d’un haut-parleur et d’objets comme générateurs de sons. L’un dans le canal droit et l’autre dans le canal gauche, d’où le titre Stereo Trumpet. Ce qui m’a toujours fasciné chez Uhler, c’est cette remarquable articulation rythmique avec laquelle elle fait vivre cette expression sonore introspective et presque désincarnée. Avec Heddy Boubaker, Gregory Büttner, Gino Robair, etc via des micro labels. Leonel Kaplan avait gravé, il y a exactement dix ans, un beau manifeste avec Axel Dörner et Diego Chamy, Absence où les scories étaient filigranées au plus près du micro d'Olivier Boulant. Stereo Trumpetétablit plutôt des drones statiques où s’inscrivent de lancinants changements de tons, des vibrations cotonneuses, un souffle livide. La juxtaposition des timbres individuels crée un courant sonore où disparaît la marque de l’acte personnel et celle de la virtuosité. Parce que cette virtuosité n’apparaît qu’aux praticiens qui connaissent la difficulté du crescendo parfait sans bavure. Au lieu que chaque duettiste reste sur ses gardes en se distinguant de son partenaire avec sa personnalité musicale propre dans un give and take bien délimité, on plonge ici dans un tout fusionnel dans lequel l’auditeur distingue clairement les sons sans pouvoir en attribuer l’origine à l’un plus qu’à l’autre. Une musique qui évoque une électronique austère, une grisaille bleutée à travers laquelle il faut tendre l’oreille pour saisir le cheminement des lents changements de densité, de couleurs, de vitesse, et l’irruption d’un gargouillis imprévisible. Tout comme un Rhodri Davies, un Jim Denley, un Ernesto Rodrigues ou un Axel Dörner, Birgit Uhler et Leonel Kaplan créent avec talent les conditions d’une autre écoute dans une dimension temporelle et auditive renouvelée. Vraiment remarquable.

Relations Henry Kaiser & Damon Smith Balance Point Acoustics BPALDT505



Duo acoustique entre (ou avec) la contrebasse de Damon Smithet la guitare (1998 Monteleone Radio Flyer 7-String Guitar) d’Henry Kaiser. Smith est aussi le responsable du label BPA et celui-ci retrace ses aventures musicales dans différents contextes improvisationnels avec des improvisateurs incontournablescomme Phil Wachsmann, John Butcher, Frank Gratkowski, Wolfgang Fuchs, Birgit Uhler, la superbe chanteuse Aurora Josephson. A travers les disques BPA on aborde avec bonheur Il y a une dizaine d’années BPA avait publié un hommage d’Henry Kaiser à Derek Bailey (Domo Arigato Derek Sensei) suite à sa disparition et avec de multiples invités dont un intéressant duo Kaiser-Smith qui appelait un prolongement, voire un document. Kaiser est connu pour ses multiples appétits musicaux qui naviguent entre des croisements « musique du monde », le projet YoYo Miles avec Leo Smith  (sorte de re-make des Bitches Brew et Agarthadu Miles Davis électrique), un Wonderful World en solo quasi New Age,  de l’improvisation radicale (l’excellent Acousticsavec Mari Kimura, Jim O’Rourke et Jim Oswald chez Victo). Dead Head assumé, il a joué des covers alternatives du Grateful Dead, mais aussi pastiché le Magic Band de Captain Beefheart. Son Wireforksen duo avec Derek Bailey m’est resté en travers de la gorge, alors que c’est un excellent guitariste et musicien engagé dans l’improvisation depuis des décennies. Bref, il a autant de cordes à son arc que sa collection de guitares est vaste. Dès la fin des années 70’s , il avait fait fort avec son album Protocol en duo avec le percussionniste Andrea Centazzo et le trompettiste Toshinori Kondo, deux artistes superlatifs qui avaient quitté la scène improvisée quelques années plus tard. Donc, pour moi, Kaiser est un musicien que j’apprécie et pour lequel je n’hésite pas à chroniquer avec plaisir un opus qui me touche comme son solo Requia dont vous trouverez une chronique dans une page de ce blog (août 2014). Mais ce n’est pas un artiste que je suis à la trace comme Veryan Weston, Paul Hubweber, Roger Turner, Charlotte Hug, Gunther Christmann etc... Alors bien sûr, avec cette approche spécifique à la guitare acoustique, plane ici l’ombre du grand Derek Bailey, celui des Domestic Pieces (Emanem 4001), d’Aida (Incus 40) et de Lace (Emanem), acoustique. Ou l’opiniâtreté radicale de John Russell, un de ses bons copains. Car dans cet enregistrement, Henry Kaiser joue avec les harmoniques, technique par excellence de Bailey et Russell. Il y a donc heureusement des moments superbes, sauvages, des trouvailles au niveau guitare et le duo fonctionne comme dans ce Garden Not A Garden où le contrebassiste frotte le plus lentement possible l’archet sur la corde grave en bloquant la vibration. Recherches, écarts, évidences, congruences, échappées, flottements. Au niveau guitare proprement dit, il faut vraiment écouter dans une excellente hi-fi, pour apprécier ce que Kaiser apporte de particulier à la lingua franca post-Bailey. Cette guitare convient-elle à cette technique qui utilise les harmoniques produites en bloquant subrepticement la vibration de la corde un bref instant au moment précis où le plectre tire la corde ?? Cela nécessite des cordes particulièrement tendues, accordées au plus juste à toutes les hauteurs et un instrument à la projection exceptionnelle. Comme on l’entend à merveille dans Annoyance is the Joke That Drives the Music, Kaiser dégringole des cascades d’accords abrupts et dissonants quand son acolyte fait grincer sa basse. Damon Smith a une tendance à se tenir légèrement en retrait comme s’il se mettait au service de la guitare. Parfois, j’ai le sentiment que la logique ou le charme fantaisiste de l’improvisation en cours se dissipe. Un peu trop posé. Ceux qui ont jamais écouté la demi-face de vinyle complètement folle de Derek Bailey et Maarten Altena dans Improvisors Symposium Pisa 80, tiendront là matière à disserter. Malgré ces remarques, Relations contient d’excellents moments et est un témoignage vivant de ce penchant qu’ont les improvisateurs d’essayer des choses dans l’espoir de créer un momentum qui captive l’attention. Et cela passe plutôt bien. Il y a des albums de Damon Smith qui sont quasiment parfaits, au sens improvisation, s’entend.

North of Bianco Jaap Blonk Sandy Even Damon Smith Chris Cogburn bpa016

Jaap Blonk est un des rares vocalistes masculins proéminents de la scène improvisée au même titre que notre cher Phil Minton à tous et que le prodigieux Demetrio Stratos, trop tôt disparu (1978). Stratos avait d’ailleurs précédé Minton dans l’ordre d’apparition sur la scène internationale comme chanteur vocaliste expérimentateur de quelques années. Tous deux sont de vrais chanteurs avec des voix aux dimensions et à la texture exceptionnelles et une capacité phénoménale à déguiser leur organe d’attributs multiples et complètement incroyables. J'espère moi-même ne pas perdre mon temps en me produisant ici et là en qualité de chanteur improvisateur. Digne héritier de la tradition « poésie sonore » des Kurt Schwitters et Henri Chopin, Jaap Blonk ne se montre pas tel un chanteur, mais plutôt comme un formidable bruiteur de l’impossible. Un performance solo de Blonk est un pur moment de magie. D’excellents témoignages de ses capacités d’improvisateurs figurent dans les cd’s Improvisors (avec Michael Zerang et Mats Gustafsson/ kontrans) et First Meetings (avec Zerang et Fred Lonberg Holm /Buzz records) enregistrés en 1996, alors que le profil de la musique improvisée libre radicale se redressait à vive allure, vingt ans après l’explosion de 1976 / 77. Et donc vingt ans encore après, quoi de plus naturel de retrouver Jaap Blonk dans l’exercice difficile du quartet avec guitare électrique, contrebasse et percussions. Qu’à cela ne tienne, Sandy Even détient la clé de la réussite de l’entreprise, son approche étant bruitiste à souhait avec le dosage subtil nécessaire. En effet, on n’entend quasiment jamais une inflection issue de la pratique, même subliminale, du chant, dans le babil crypto-langagier, les borborygmes et bruits de bouche du Hollandais et l'option de la guitariste se meut dans une perspective idéale. Même quand sa plainte ondule au-dessus du pandémonium électronique guitare électrocutée et percussion enchevêtrée. La musique est en fait un bel hommage au Keith Rowe d’avant (le minimalisme). BPA avait déjà publié il y a un an un excellent duo « digital » de Sandy Ewen  et Damon Smith, Background Information(BPA-1), un travail sonique qui allie une aspect brut avec la plus grande finesse. Ce North of Bianco en est son prolongement légitime. Toutes les possibilités sonores sont exploitées, le percussionniste Chris Cogburn bruissant à merveille (où est passée la batterie?), utilisant son instrument comme résonateur de manipulations d’objets et d’instruments détournés de leur fonction première et le vocaliste se moule et coule dans les interstices ou quand le silence point ou que le jeu s’aère, prend la relève du bruitage sans qu’on se dise qu’il y a une voix humaine. Une machine, un gros bourdon ou des monologues improbables à la diction infernale. Il y a un texte poétique de PascAli, le tandem de contrebassistes, dans les notes de pochette. J’aurais aimé y voir figurer une notice avec qui et quoi fait quoi, question instrumentation. Mais peut-être ainsi, le mystère est conservé. Les groupes documentés par Damon Smith sur son label BPA se suivent et ne se ressemblent guère. Et c’est une bonne raison de suivre l’évolution de ce label dédié à l’improvisation libre à 100% et sans oreillères.

Clocks and CloudsLuis Vincente Rodrigo Pinheiro Hernani Faustino Marco Franco FMR CD371-0214

Iridescence, Ophidian Dance, Strangely Addictive, Compression Test, etc… avec des titres pareils, on s‘attend à un jazz intellectuel et imagé, à une démarche subtile. Et à l’écoute, on n’est pas déçu. Il arrive encore souvent qu’on se dise que le groupe enregistré X ou Y est moins réussi que la qualité intrinsèque de ses membres. Ici, c’est tout le contraire et à cet égard c’est une belle réussite collective basée sur la phraséologie de chaque individu, trompette (Vicente), piano (Pinheiro), contrebasse (Faustino), batterie (Franco) et leur capacité à coordonner leurs interventions, à doser la dynamique dans un équilibre instable dans une manière de swing décalé qui fait le grand écart avec les lois du genre. Le bassiste est l’intelligent pivot de l’ensemble, le pianiste crée constamment des espaces dans le flux du clavier afin de permettre la lecture des nuances du percussionniste, lequel a retenu la leçon d’un Paul Lovens (sans pour autant être aussi audacieusement extrême), et de relancer les étoiles filantes du trompettiste. On va au plus loin de la structure du jazz libre sans certains des poncifs du genre avec l’expérience d’une pratique de l’improvisation totale, radicale. C’est un travail absolument remarquable et sa qualité se bonifie au fil des écoutes répétées. Vicente a des lueurs dignes d’un Bill Dixon et Pinheiro est un excellent pianiste jazz contemporain qui a intégré comment diriger ses improvisations au piano avec la structure d’un quartet tel que celui de Clocks, qui porte très bien ce nom vu la cohésion millimétrée. Marco Franco gère très bien la dynamique en alliant retenue et agressivité. Il y a un peu de tout dans le catalogue FMR et il arrive qu’on ait d’excellentes surprises telles que celles-ci. Un excellent album qui a quelque chose de très particulier. A recommander.

From to FromAlvin Fielder David Dove Jason Jackson Damon Smith Balance Point Acoustics BPA 015



Souvenez – vous ! Alvin Fielder est un des batteurs qu’on a entendus dans les premiers enregistrements du futur Art Ensemble of Chicago alors qu’ils n’avaient pas encore rejoints Paris en 1969. Il y eut Phil Wilson, Robert Crowder et Alvin Fielder. Et puis seulement Don Moye. Fielder est un Néo Orléanais et c’est à l’aune de cette filiation qu’il faut apprécier le quartet de From-To-From. Il forme le moteur de l’ensemble et lui imprime une couleur et une impulsion rythmique Louisianaise typique même si les deux souffleurs, le tromboniste David Dove et le saxophoniste Jason Jackson s’envolent en toute liberté avec une bel expressionnisme Great Black Music secondé par la walking basse imperturbable de Damon Smith. C’est la belle impression qu’ils donnent dans le premier Ut. Dict., amplifiée par la fausse nonchalance soul funky du trombone, une voix originale et relativement voisine de celle de Roswell Rudd. Mais dès le début des vingt minutes de From To From, le swing du premier morceau se métamorphose dans une belle recherche de sons, d’ébauches, de commentaires, de rubato lyriques ou inquisiteurs où s’entrecroisent des lignes pleines d’une vraie richesse musicale. Le tempo démarre vers la septième minute et se décale pour soutenir le solo chaleureux du trombone. Il y a dans cette équipe un sens collectif, une joie de jouer décontractée dans une forme d’allégresse en mode mineur, une alternance sax/trombone et Jackson tire parti de l’alto, du ténor et du baryton en fonction de l’orientation de la pulsation. C’est avec surprise qu’on voit le temps défiler à l’aune de la rédaction de ce texte et c’est dire que la musique n’est point ennuyeuse. B,B,B x 6/8 est l’occasion d’ouvrir avec la contrebasse improvisant en avant et les souffleurs voletant en suspension dans l’espace. La configuration instrumentale est mouvante et en constante évolution et l’intelligence du jeu collectif fait de ce quartet un groupe gagnant, sans qu’il sacrifie à la démonstration – étalage technique, virtuosité et tempos d’enfer. Quand ils s’envoient en l’air à tout berzingue, c’est l’affaire de trois minutes créant la diversion parfaite. Le jazz, c’est l’art consommé du temps. On pense au New York Art Quartet (album ESP et Mohawk pour Fontana). Lyrisme, cohésion, équilibre, blues authentique. Une musique pareille ne se cote pas : Vous prenez ou vous laissez ! Moi, je prends tout cela à 100% : la musique du cœur et de la sensibilité !!

the Thirty and one piano part I , part II & part III and free fight by Jacques Demierre

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the thirty and one pianos , jacques demierre piano (on free fight), composition, conductor.   flexion records :  flex 008 
thirty pianos : recorded live on september 9 , 2012 , cave 12 @ le galpon  geneva switzerland during cataclysme piano , three days of events curated by cave 12 , théâtre le gallon and boxing piano 
free fight edited by jacques demierre from a piano solo concert recorded live on october 15, 2000 , at CCS , paris, france 
etc...

jacques demierre did a great cd with two pieces, titled One Is Land on Creative Sources. the first piece is the biggest noise possible with 88 keys ever committed to record ( I heard ) and the second piece is my favourite recording of piano innards - carcass of strings machine in front of which many practitioners look like idiots...

so I got from Jacques D this recording of thirty pianos ( dirty ? , thirsty...) yes thirsty ... on this micro label flexion on which are issued some accordion player jonas kocher recordings with michel doneda ( fortunately ) 

the first piece is one of the craziest thing you could hear like giant distuned distorted harp as anything else you can't believe after decades of free music it is very fortunate one is thinking about that 
so it is great like were the two paul's duetting in the early eighties in a dusty gallery or derek acoustic strums in the middle of the night in a small place ... or maarten bowing like mad ... 

the second piece is an eternal wave waving minimal droning as nothing else 

the third piece is scraping scratching thirty sound boxes like madnesses and some plucking notes here and where ...

you can't even not listening to jacques' piano piece afterwards 

thirsty we are for such events , noises moving to silence 

the free fight ostinato string machine  (recorded 2000 at CCS Paris)

cage is cage and forget all you read about random 
and hear the 14 minutes of noise playing , fingerings hammerings 
kontrapunkt soundbox klank wave    limitless boundless

the one piano piece is such the best piece like gentle harm and was it me and saxophone solos and journal violone were...

great and amazing   14:08    i do prefer them than 4:33  

the very best   :  nothing else like this before, more is no more less 



Witold Oleszak - Roger Turner / Alison Blunt-Ivor Kallin-Hannah Marshall / Mikolaj Tzraska-Ollie Brice-Mark Sanders / Trevor Watts -Veryan Weston / Pat Moonchy-Lino Liguori

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Witold Oleszak & Roger Turner Fragments of Part Freeform  Association cd FFA651

Voici le deuxième acte enregistré du tandem piano – percussion de Witold Oleszak et Roger Turner. Pas moins de 16 morceaux dont neuf autour des deux minutes et quelques-uns de 4 ou 5 minutes. Echanges vifs, explorations du cadre, piano préparé, sens en éveil, espaces ajourés, poésie du son, … Roger Turner est sans doute un improvisateur relativement insituable qui peut se révéler aussi intimiste et secret avec Phil Minton qu’explosif et ultra-polyrythmique avec Hannes Bauer et Alan Silva… Avec le pianiste Witold Oleszak, il vise la pertinence du propos soulignant ou commentant les digressions du clavier via les mécanismes, le cadre et la résonance de la « caisse » ou en poursuivant les vagues des doigtés. La musique est concise, sèche, et elle va droit au but, cultivant l’essentiel d’une belle idée par morceau. C’est un beau témoignage d’improvisations qui respirent et se meuvent dans l’évidence sans en faire trop. Le piano imprime souvent les pulsations et le percussionniste a un malin plaisir à les contourner avec légèreté et subtilité. L’attention est captée la plupart du temps avec des arrêts sur image et une foultitude de détails qui stimulent l’écoute. Alors que nombre de ses collègues essayent de se commettre avec ceux qui comptent sur la scène (notoriété et visibilité), Roger Turner montre encore une fois qu’il a plaisir à jouer avec des amis rencontrés sur la route et qui comme lui ont la plus haute idée de la musique et de la scène improvisée radicale : prendre un réel plaisir avec un excellent partenaire avec qui la communication et l’échange est une manifestation de la vie et le langage du cœur en ne souciant guère du reste. Un excellent enregistrement. On doit aussi à ce label une somme fantastique du trio légendaire the Recedents (Lol Coxhill Mike Cooper Roger Turner) en cinq cédés : Wish you were here !!

Barrel : live at artfactsAlison Blunt / Ivor Kallin / Hannah Marshall Idyllic Noise IDNO 009



Ceux qui avaient fait confiance au choix du label Emanem de publier Gratuitous Abuse du trio Barrel seront récompensés. Ces trois praticiens de la musique improvisée londonienne et piliers du London Improvisers Orchestra en ont été tellement encouragés que leur concert de St Johann In Tirol nous les révèle dans une forme et une inspiration encore supérieure à leur premier opus. Il y a là une série de séquences, d’interactions, d’idées développées ou seulement suggérées, d’élans ou de retenue dans plusieurs dimensions qui sollicitent l’écoute attentive et ne laissent pas l’imagination choir ne fut ce que cinq secondes. Johannes Rosenberg a souligné ô combien les improvisateurs cordistes sont faits pour jouer ensemble corde à corde, archet avec archet. C’est l’évidence-même. Voici des artistes qui ne sont peut être pas aussi « impressionnants » que certains de leurs collègues (on pense au violoncelliste Tristan Honsinger ou aux violonistes Carlos Zingaro et Jon Rose) mais qui, une fois réunis, finissent par vous remuer, interpeller et enthousiasmer tout autant. Leur trio est devenu bien plus que la somme du talent de chacun d’eux.  La synergie de leurs qualités bonifient l’apport de chacun dans un tout fascinant.Vraiment magnifique. Querelleur ou lyrique, micro tonal ou sonique, intimiste ou énergétique. Contorsionné ou avec un supplément de nuances. Des pizz en pagaille ou l’alto qui déraille avec un certain humour et puis tout se termine avec un filet de son quasi vocalisé. On a droit à toute la gamme des sentiments et des expressions. Unique dans le genre. Parcourez les magazines et les blogs, les catalogues : il n’y en a que pour les saxophones, trompettes, piano ou guitare ou le sempiternel axe souffleurs-avec (ou sans) piano, basse et batterie. Sans parler des effets électroniques. Toujours la même quadrature du cercle. Un duo ? Ce sera saxophone et percussion voire saxophone et contrebasse ou le sempiternel trio piano-basse-batterie. On ajoute parfois un trombone, un vibraphone ou un violoncelle. Au mieux, on enlève la batterie. Et finalement le paysage de la (pseudo) avant-garde ou du free jazz « sans composition » dit « libre » devient une lingua franca récurrente avec le personnel qui tourne dans tous les festivals ou lieux en vue (parfois presque pour des peanuts, je sais !) et qui se voient recyclés au fil des parutions. Moi, en musique je déteste m’ennuyer et je suis sidéré qu’il n’y ait pas plus de configurations instrumentales originales. Au moins ici avec Barrel,Hannah Marshall (cello), Alison Blunt (violon) et Ivor Kallin (alto), vous avez l’assurance que la musique sort des sentiers battus parce qu' un trio de cordes en folie comme cela, vous n’êtes pas prêts d’en trouver un pareil dans les vingt cinq piles de cédés labellisés « musique improvisée libre » où on retrouve ces configurations instrumentales relativement formatées etc… sans parler de l’invasion électroïde... Si ce n’est l’excellentissime Stellari Quartet de Phil Wachsmann, Charlotte Hug, Marcio Mattos et John Edwards, lui aussi publié il y a quelques années par Emanem. Il y a aussi chez Barrel un aspect joyeusement ludique qui évite le côté souvent sérieux ou austère des quatuors à cordes « contemporain». Bref le trio Barrel, c’est une cuvée unique en son genre. Heureusement à St Johann in Tirol, un organisateur éclairé a compris tout le parti qu’on pouvait tirer de trois cordistes aussi enjoués et complices. Un vrai régal !

Inem gortn Riverloam trioMikolaj Trzaska Ollie Brice Mark Sanders FMR

La pochette de ce digipack indique seulement riverloam trio et le titre  inem gortn. Au rythme soutenu des sorties du label FMR (et des labels frères Clean Feed, No Business, NotTwo), cet album risquerait bien de passer inaperçu. Au verso, on découvre les noms de Mikolaj Tzraska sax alto, clarinet et bass clarinet, Ollie Brice double bass et Mark Sanders percussion. Sanders est connu comme un vieux sou aux côtés d’improvisateurs incontournables comme Evan Parker, John Butcher, Veryan Weston, Trevor Watts, Elton Dean, Paul Dunmall, John Edwards, Paul Rogers. Ollie Brice est devenu récemment un des contrebassistes qui comptent en Grande Bretagne, rejoignant avec une remarquable spécificité la confrérie britannique visible dans la scène « free-music » : les Barry Guy, Paul Rogers, John Edwards, Simon H Fell, John Edwards, Dom Lash et Guillaume Viltard. Un sérieux client avec un son imposant, une puissance qui pousse et soulève qui évoque un Charlie Haden. Quant à Mikolaj Trzaska, il est un des principaux acteurs dans la scène polonaise du jazz libre. Son nom apparaît dans une collaboration discographique avec Lester Bowie vers la fin des années 80’s et plus récemment, dans une série d’enregistrements publiés par le label polonais NotTwo. Entre autres, il y joue avec Ken Vandermark, Peter Brötzmann et Joe McPhee. Ceux qui sont accros à Brötzmann et il doit y en avoir pas mal, si on doit faire le comptage de tous les albums qui paraissent sous son nom et qu’il devient de plus en plus impossible de relever (de mon jeune temps, c’était facile : on appuyait sur le bouton FMP et le tour était joué), feraient bien de jeter un coup d’oreille. On va pas quand même écouter toujours les mêmes. Puissance, rage, charge émotionnelle, mais aussi sens des nuances, goût pour la mélodie. Avec un percussionniste polyrithmicien aussi nuancé au niveau de la frappe et du métal et créateur d’équilibres à la fois aérien et terrien comme Sanders, le son de contrebasse aussi balancé dans le grave et l’émission du pizzicato énorme de Brice sans parler de la largesse du frottement à l’archet, c’est un trio gagnant. Cela dit, la qualité de la prise de son est un régal. Ce qui rend cette musique agréable et sa puissance irrésistible se trouve dans la manière naturelle où et comment l’énergie se libère sans que les protagonistes en rajoutent une couche. Un bel équilibre qui rend opérants au mieux les différents paliers expressifs du souffleur entre le cri expressionniste et la retenue pensive. La pince puissante du contrebassiste emmène l’imagination dériver dans un autre univers, élégiaque celui-là et le percussionniste trouve en permanence le ton juste et la dynamique la plus appropriée. Dans plusieurs moments, on quitte le sentier balisé du trio souffleur/basse/batterie pour un questionnement du temps suspendu dans elephant trees. Fort heureusement, le temps se déroule dans l’essentiel de la communication musicale sans qu’il se fasse sentir : une heure à toute vitesse pour des musiciens qui prennent le temps de jouer avec un sentiment d’urgence, cela mérite d’être souligné. Pour le final, Trzaska a gardé la saveur particulière du son de sa clarinette et Brice un festival de doigtés ponctué à merveille par le cliquetis piaffant des cymbales de Sanders : le trio nous emporte dans un swing irrésistible. Il aboutit au seul solo de batterie (assez court) qui relance dans un groove peu usité, lequel permet au batteur de démultiplier les frappes sans surjouer alors que le clarinettiste jongle avec deux notes dans un appel modal suggérant des mélodies balkaniques. L’art de terminer un disque. Une belle performance ! 

Veracity Trevor Watts FMR cd377
Hear and NowTrevor Watts- Veryan Weston avec Mark Sanders John Edwards DVD  FMR DVD05 réalisé par Mark French.




Trevor Watts est le saxophoniste alto, alto, par excellence, un maître incontournable, la pureté du son et l’intensité naturelle alliée à une émission … parfaite ! Et aussi, un grand maître des rythmes, qui se révèle dans ce domaine plus sûr que ceux qui sont sensés personnifier cet aspect fondamental dans la musique : batteurs et percussionnistes. Durant des décennies, sa musique a trouvé un aboutissement dans ces groupes Amalgam et Moiré où le rythme démultiplié était le centre d’intérêt. Avec l’âge venant (passé la septantaine), ce routier toujours alerte revient à ses premières amours : le libre jazz libre, la free music où le musicien à la fois sollicite tous ses moyens, ses expériences et son imagination pour inventer une musique entière et complète dans l’instant. Lorsque son premier album solo fut publié (World Sonic / Hi4Head cd 004), Trevor Watts m’avait confié l’avoir enregistré à la demande insistante du producteur.  Il estime que la musique soit surtout être partagée avec un partenaire et il a d’ailleurs trouvé en Veryan Weston (qui fut son alter ego dans Moiré), le partenaire idéal. Aujourd’hui, voici un deuxième album solo, Veracity et c’est formidable ! Un chapelet d’idées mélodiques, de constructions rythmiques et modales, de danses secrètes, un syncrétisme d’une cohésion et d’un pluralisme inouïs servis par la sonorité la plus classe qu’il soit donné d’entendre. Egale à un Art Pepper, un Johny Hodges. Dans la fratrie des saxophonistes alto qui ont libéré le jazz les prénoms d’Ornette, Eric et Jackie ont écrit l’histoire avec des lettres de feu, accompagnés par des géants : Anthony Braxton, Jimmy Lyons, Sonny Simmons, Mike Osborne, Roscoe Mitchell, Oliver Lake, Elton Dean… et puis Marco Eneidi, Rob Brown, Gianni Gebbia… Ouf !! La concurrence est rude ! On a l’embarras du choix ! Avec ses tournées extra européennes dans les festivals musique du monde (son Drum Orchestra réunissait des percussionnistes africains), Trevor Watts, LE  sax alto pionnier du free européen depuis le milieu des années soixante, s’est fait un peu oublier de l’univers « musiques improvisées ». Veracity mettra les pendules à l’heure. Trevor Watts a par dessus tout une sonorité qu’on peut présenter comme un modèle pour sa beauté et pour sa singularité. Il a d’ailleurs toujours voulu être un musicien paradoxal. Son matériau musical est à la fois simple et complexe, basé sur une combinaison intelligente de motifs mélodiques et de séquences rythmiques articulés et distribués avec une perfection formelle qui séduira aisément les amateurs de jazz de plusieurs écoles pour autant qu’ils veuillent sortir un tout petit peu de leurs habitudes. Avec seulement deux ou trois notes jouées et tirées de leur contexte, Trevor Watts n’a aucun mal à faire naître dans l’imagination subconsciente de l’auditeur toutes les combinaisons mélodiques. Le lyrisme à l’état pur et, c’est cela qui le rend intéressant, à mille lieux de la doxa jazziste (stakhanoviste) qui découle des standards de Broadway, genre pour duquel il a fait une place tout à fait nette dans son œuvre : dehors ! Rien ici ne fait allusion au parkerisme ou même au dolphysme. Trevor Watts, c’est un saxophoniste  alto 100 % musical avec une technique optimale et où le rôle créatif de cette dernière passe au second rang avant l’émotion. On pense à Art Pepper. D’un point de vue purement technique, il faut quand – même souligner aa remarquable projection sonore. Dans une grande salle et sans micro, il ne faut pas tendre l’oreille pour l’entendre, alors qu’il semble ne pas souffler plus fort que dans un studio d’enregistrement. Chez Watts, la technique n’est seulement que le vecteur de l’émotion indicible et de l’invention pure. Dans l’exercice solitaire de Veracity, il donne la quintessence de son inspiration et, ce faisant, il raconte de belles histoires. Une fois au feu de l’improvisation avec des camarades de choix, Trevor Watts nous révèle combien son engagement est sincère, lucide, intense et poétique.  Et à cet égard, Hear and Now est un beau témoignage. Le DVD alterne interviews subtiles et sincères et extraits d’un concert, son propos est intelligent et on sent toute la modestie du personnage. Les séquences musicales en duo avec le pianiste Veryan Weston volent haut par leur surprenante interactivité loin des clichés et le quartet qui enchaîne est un modèle du genre. John Edwards et Mark Sanders ayant déjà tracé avec Weston une belle histoire de connivences (cfr Mercury et Gateway /Emanem), à quatre, ils renouvellent cette formule instrumentale par la singulière vivacité des échanges et leur capacité à secouer les poncifs et les idées toutes faites avec une étonnante cohésion. Une aventure dans le droit fil des fabuleux duos Watts – Weston publiés par Emanem : Six Dialogues Emanem 4069 et Five More Dialogues Emanem 5017 et Hi4Head : Dialogues in Two Places. Dialogues ? Dans l’histoire discographique du jazz libre,  Watts &Weston personnifient au plus haut point la quintessence du  dialogue entre un saxophone et un piano, Weston étant un pianiste superlatif, unique pour savoir créer les conditions du dialogue optimal basé sur l’improvisation permanente. Je n’en connais pas d’autres. Le secret des deux partenaires, une absence totale d’égo «musical » et une entière disponibilité dans l’instant, oublieux de leurs marottes individuelles (absence de plan séquences prédigérés *), tout en étant fidèle à leur personnalité propre. Ils affectent de s’ignorer ou de se répondre, d’anticiper ou de prolonger le développement l’un de l’autre en utilisant tous les paramètres et les ressources de leur immense savoir-faire sans aucune arrière-pensée. La musique totale de l’instant, l’invention.
Si vous suivez certains improvisateurs à la trace, vous vous rendez compte que quoi qu’il arrive, quelque soient leurs partenaires, ils resservent les mêmes petites choses qu’ils vont puiser dans leur petit sac à malices et les resservent plic-ploc comme pour meubler le temps qui passe. 

Pat Moonchy & Lino Liguori Scatola di Scarpe  Setola di Maiale SM2630



La scène de la musique improvisée est redevable à la chanteuse Pat Moonchy et à son compagnon, le guitariste Lucio Liguori, d’avoir animé pendant une vingtaine d’années le club Moonshine, un bar du centre de Milan, dédié aux musiques improvisées et expérimentales. Quant au batteur Pasquale  « Lino » Liguori (orthographié aussi Pascale), c’est un musicien de la génération swing – bebop qui n’a pas hésité à suivre son fils Gaetano Liguori, pianiste pionnier du new jazz de la péninsule des années 70’, lorsque la scène ronronnante du jazz transalpin s’est trouvée secouée par la déferlante « free » et improvisation fin des années soixante. En 1975, Lino a participé comme batteur au fabuleux et historique Concerto della Statale de Mario Schiano publié par le label Red Records quand celui-ci était vraiment rouge. Les Liguori et Pat Moonchy forment une famille musicale avec le bassiste Roberto Del Piano qui lui, a œuvré durant des années, dans les groupes de Gaetano Liguori (Terzo Mondo Palcoscenico Records 1980) et des musiciens comme Filippo Monico, Guido Mazzon, Massimo Falascone, le fameux photographe Roberto Masotti et l’ingénieur du son Paolo Falascone etc… Cette connivence amicale fait que le Moonshine avec son magnifique décor « home made » a été un des lieux les plus chaleureux pour que cette expression musicale puisse s’épanouir. (Il va devoir malheureusement fermer sous peu). Alors cette boîte à chaussures est un duo touchant et très réussi. Pat Moonchy n’est sans doute pas une chanteuse de l’envergure des Maggie Nicols, Julie Tippets, Jeanne Lee ou Ute Wassermann et Shelley Hirsch. En comparaison, elle a un registre limité et un manque de « puissance », mais cela ne l’empêche pas de faire une performance vraiment épatante en assumant et en sublimant ses limites avec intelligence et sensibilité. En effet, elle a créé son propre style en fonction de ses capacités avec une réelle maîtrise et de la suite dans les idées. Sa présence scénique semble sophistiquée (habillement, port de tête, expression du visage et du corps, maquillage) et sa voix fluette évoque celle d’une enfant de bandes dessinées ou d’une série TV surréaliste. Un contraste déroutant. Le jeu de la batterie est tout en nuances, le sensible Lino frottant et faisant tinter les cymbales et résonner les peaux avec une remarquable variété de frappes et un beau sens de la dynamique sonore qui est le complément parfait pour une voix féminine. Sept morceaux autour des deux à cinq minutes et un seul qui s’écoule sur une douzaine de minutes. Un bel échange- communion ludique. Etant moi-même vocaliste improvisateur, je peux vous dire que Pat Moonchy a dû travailler d’arrache-pied et apprendre la concentration maximum , la force mentale, pour parvenir à naviguer dans une performance de quarante minutes comme celle qu’on entend ici. On y trouve une forme d’humour, une distanciation, un goût sûr sans faux pas, une réelle capacité théâtrale et un sens inné de la retenue dans une forme d’expressionnisme. Elle affectionne un aigu fantomatique, une diction gazouillante ou une voix de gorge famélique qui créent un personnage facétieux, une fée Clochette décalée et vraiment touchante. Lino Liguori nous fait entendre sa compréhension profonde et vécue des possibilités expressives de la batterie dans une liberté rythmique authentique. La classe ! Ces deux musiciens n’ont aucune prétention « professionnelle » (carrière), mais vivifient tout ceux qu’ils touchent par leur rayonnement amical et leur amour de la musique libre sans compromis. Maintenant que le Moonshineva fermer après autant d’années, je garde précieusement cette Scatola di Scarpe comme un talisman pour préserver le souvenir de ce lieu de rêve éveillé.

Lawrence Casserley and the Live Signal Processing

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There are many ways in electronic music and one of them is the Live Signal Processing, a Real Time practice linked to free improvisation where the performer is using the sounds of his performing partner simultaneously as a sound source , processing it with his sound installation  and as a co-performer improviser like another instrument. Along the years, I had the pleasure and fortune to sing in performance with Lawrence Casserley, one of the most interesting improvisers / live signal processing inventor. We did some interesting duo performances and this is exemplified in our CD MouthWind on the Hermes eye-ear label. We played also in different combinations with other improvisorslike pianist Marjolaine Charbin, clarinettist Jacques Foschia, flutes Adelheid Sieuw, violinist Phil Wachsmann, bassoonist Mick Beck and pianist Yoko Miura. So, I think the following text written by Lawrence about his work is quite relevant.


Improvisation with Real Time Computer Processing
The Signal Processing Instrument   by Lawrence Casserley 

I have been making music with real time (live) processing of sound for many years. I have also been making improvised music for many years. Although the live processing has also been used for pre-composed music, and I have made improvised music without electronic processing. For me the two things, live processing and improvising, are completely intertwined. I do both for exactly the same reasons, and I couldn’t imagine one without the other.
 
The core of this is my respect, even reverence, for the sound itself. In the late 1960s, when I first had the opportunity to work with electronic sound, it was the ability to work with the sound itself, rather than the representations of sound in notated music, which was one of the great attractions. Another was the ability to move out of the prison of equal temperament, which seemed to me to be fundamentally anti-musical.
I began to form an ideal of sounds which could be taken on a journey of transformation, and for me transforming the sounds made by another musician became the key activity. In the 1970s this was very difficult, and I spent many years trying to develop systems that would make my dreams come true. It was not until the 1990s that the tools I needed began to become available. At that time I developed the basis of a real time digital transformation instrument, which became the Signal Processing Instrument (SPI) that I use today.
 
The crucial epiphany was the time I spent at STEIM in Amsterdam with Evan Parker in 1997, which is documented on our CD “Solar Wind” (Touch TO:35). This was the first time that a series of interesting concepts formed into something resembling a real instrument, the SPI. Of course there have been many developments since then, but the fundamental concept has remained the same. I am capturing the sound of my collaborator(s) and responding directly to their gestures with my own. They, of course, respond to my sounds, and the loop continues.
 
The nature of this is very interesting; on one level it is the same as the interaction between any two or more improvising musicians, the interplay of gesture and counter-gesture in a constantly varying continuum; but there is another layer of interactivity when the sounds of gesture and response are so deeply interwoven. Unlike many live processing performers, my instrument is not based on sampling technique, but on delay line technique; because the system is recording all the time, my responses can be very immediate, allowing very close relationships where gesture and response are like one entity, a “collective simultaneity” as one of my colleagues has described it.

At other times, because the short and long delays are part of the same structure, I can take a longer view, where the “now” and the “then” become confused in a complex mix of immediate responses and their multiple echoes. In describing the new instrument in 1998 I talked of a triangle of sound sources, those clearly originating from the source musician, those clearly emanating from the processing musician and a third category, sounds whose origin is no longer explicit. The important thing about this model, and a key characteristic of the SPI, is that these are not fixed points; I move freely between them without needing to cross boundaries from one to the other.
 
A key element of the SPI is the manipulation of musical time, and the Signal Processing Instrument might be likened to a kind of musical time machine:
What is “musical time”? How does it behave? How is this “continuum of continua” perceived? Time is at the core of our understanding of the world; and memory is at the core of our understanding of time. Both are fundamental to our perception of music. What happens to this understanding when “artificial memory” interferes with our perceptions? In Borges’s “Garden of Forking Paths” he imagines a Labyrinth of Time - "an infinite series of times, in a growing, dizzying net of divergent, convergent and parallel times”, "...an enormous riddle, or parable, whose theme is time". Why does this concept seem so natural, and so musical? In his essay "A New Refutation of Time" he states, "I deny the existence of one single time, in which all things are linked as in a chain." Then later, "Time is a river which sweeps me along, but I am the river; it is a tiger which destroys me, but I am the tiger; it is a fire which consumes me, but I am the fire." What indeed is time? When and how is it “musical”?
 
Finally, I return to the opening theme, my respect for the sound itself; the same colleague has said: “You were always revealing some (even to me) hidden aspect of what I was doing, using me as a source but never reducing me to a mere resource. Conversely, I get the feeling that interacting with you, on the model that your approach demands, serves to reveal your performance as that of an autonomous instrumentalist rather than an extension of your sound source. As the process of mutual interaction unfolds we both reveal something of each other; I find we have opened up a space or a world where we co-exist, which can emerge to other listeners, who can also co-exist there. It's not the everyday world where we all began. When we return, things are somehow different, changed from when we left.”

Lawrence Casserley

last revised October, 2014

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MouthWind Project  
video : http://www.youtube.com/watch?v=IriH7fyIrZE 
https://www.youtube.com/watch?v=qRUiEh_j_hs     both in the Vortex Mopomoso

Lawrence Casserley live-signal processing & Jean-Michel Van Schouwburg extended voice.

Mouthwind is a project initiated by Belgian vocalist Jean-Michel Van Schouwburg and British live processing expert Lawrence Casserley. The core of Mouthwind is their duo, with Lawrence transforming the remarkable sounds of Jean-Michel’s voice into a dynamic and kaleidoscopic fusion of textures. Often they integrate other performers into their work – in 2007 a trio with Paul Hubweber, in 2009 a quintet with Marjolaine Charbin, Jacques Foschia and Adelheid Sieuw, in 2010  they are focusing on the core duo and performed in The Vortex, London, in Brussels and in the Pohyb – Svuk – Prostor festival in Ostrava and Opava (CZ).
Mouthwind augmented with Marjolaine Charbin performed again in London for the Lawrence's 60th Birthday concert in september 2011. In 2012 the duo was joined by violin maestro Phil Wachsmann and also by bassoonist Mick Beck.

For both these musicians the voice, vocal utterance and communication are at the centre of what they do and believe, as well as the transformative and emergent powers of these utterances. Lawrence’s electronic transformations intensify and enhance these properties. The musicians they gather around them project these same qualities in their music; the Mouthwind is the emergent and transforming flow of communication from the voices of their instruments.  CD MouthWind (Heyermears Discorbie HD 012)

Lawrence Casserley (born London 41) was one of Britain’s earliest pioneers of live electronic music, from his student work in the 1960s, through the intermedia groups “Hydra” and Peter Donebauer’s “VAMP” in the 1970s to the Electroacoustic Cabaret in the 1980s. For the last twenty years he has been a Director of the Colourscape Music Festivals, and since taking early retirement from his Professorship at the Royal College of Music, London in 1995, he has focused on the development of live computer processing in free improvised music. The original version of his Signal Processing Instrument was developed during a residency at STEIM, Amsterdam in 1997, where he was assisted in his work by Evan Parker and Barry Guy. Since then he has become a key member of Evan’s Electro-Acoustic Ensemble and has performed with many of Europe’s foremost improvisers. Projects w Phil Wachsmann, Adam Linson, Charlotte Hug, Gianni Mimmo & Martin Mayes. He has CDs released on Konnex, Leo, Maya, Psi, Sargasso and Touch.

Jean – Michel Van Schouwburg (born Belgium 1955) is an improvising singer extending the sonic limits of the human voice. Since the 80’s, J-M is involved in experimental music and free improvisation as an organizer, performer and writer. His solo sound poetry « ORYNX », (phonoetry as coined by J-M) was performed in London, Liège, Brussels, Lille, Gent, Rotterdam, Budapest and Nitra. He develops techniques like throat singing, harmonics, larynx vibrations, mouth sounds, acrobatic falsettos and invented languages over a range of three octaves and the help of a fast articulation. Jean-Michel sings currently in SUREAU with Jean Demey, bass and Kris Vanderstraeten percussion (Sureau cd) and in trio 876 w Marcello Magliocchi, percussion and Matthias Boss, violin. His duo with pianist Marjolaine Charbin (CD Quelles Bouches Voleront en Eclats) has worked with electronic musicians Dario Palermo and L Casserley. Palermo’s « Trance. Five Abstract Stations fr Male Voice and Electronics » was premiered by J-M VS in Norwich in 2009.
J-M VS performed with John Russell, Adelheid Sieuw, Paul Dunmall, Gianni Mimmo, Dan Warburton, Sabu Toyozumi, Phil Minton, Ute Wassermann, Adam Bohman, Zsolt Sörés, Nils Gerold etc…. Recordings released on Emanem, Inaudible, Creative Sources, Amirani, Duns, Setola di Maiale, Improvising Beings, White Noise Generator. « An uncomparable palette » (Gérard Rouy Jazzmagazine Paris) « Extraordinary performer » ( Massimo Ricci Touching Extremes)
Lawrence Electronic Operations - www.lcasserley.co.uk   J-MVS  www.myspace.com/orynx
        

More info on Lawrence Casserley

Lawrence Casserley (born UK, 1941) has devoted his professional career, as composer, conductor and performer, to real time electroacoustic music. In 1967 he became one of the first students of Electronic Music at the Royal College of Music, London, UK, on the new course taught by Tristram Cary. Later he became Professor-in-Charge of Studios and Adviser for Electroacoustic Music at the RCM, before taking early retirement in 1995.

He is best known for his work in free improvised music, particularly real-time processing of other musicians' sound, and he has devised a special computer processing instrument for this work (picture above). He has worked with many of the finest improvisers, particularly Evan Parker, with whom he works frequently as a duo partner, in various larger groupings and in the Evan Parker Electro-Acoustic Ensemble. He also works as a soloist, processing sounds from voice, percussion and home-made instruments. CDs have been released by ECM, Konnex, Leo Records, Psi, Sargasso and Touch.

Much of Casserley's work has involved collaboration with other art forms, including poets, eg Bob Cobbing, and visual artists, including Colourscape artist Peter Jones. He is a Director of the Colourscape Music Festivals, presenting contemporary music in the unique environment of the Colourscape walk-in sculpture. He also collaborates with Peter Jones on sound/light installations.

Casserley's "instrumental" approach to live computer sound processing is the hallmark of his work; the Signal Processing Instrument allows him to use physical gestures to control the processing and to direct the morphology of the sounds. This is the culmination of forty years of experience in the performance of live electronic work; his earliest live electronic pieces were performed in 1969, and he has performed many of the live electronic "classics" of the 20th century; he has also collaborated with other composers to realize their electronic performance ideas. He is noted for the breadth and variety of his collaborations, which cross styles and generations.
Here an interesting page of the visual score of Sette Pagine devised and written by Lawrence Casserley : http://www.lcasserley.co.uk/Sette_Pagine.html 

More stuff from the beginning of Spring

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Mill HillAdrian Northover & Daniel Thompson Raw Tonk Records RT011

Again ! Daniel Thompson devient un guitariste acoustique incontournable de la scène britannique et il a trouvé avec Adrian Northover, un excellent collaborateur au niveau du souffle avec ses saxophones sopranino, soprano et alto. Mais pas que ! Adrian et Daniel comptent parmi les activistes les plus impliqués à créer les conditions  du développement et de l’extension des musiques improvisées dans sa pratique au jour le jour. Tous deux contribuent à organiser des lieux et des soirées dédiés à la libre improvisation avec une réelle continuité dans l’agglomération londonienne. Adrian Northover co-organise le Horse Improv Club dans la banlieue sud (Vauxhall, Kennington) avec la saxophoniste Sue Lynch et l’incontournable Adam Bohman, artiste dont le Café Oto a réalisé une très belle exposition des œuvres graphiques (à quand une publication de sa littérature délirante ?). Daniel Thompson est le responsable de la série Foley Street dans le West End et intercède aussi à la Hundred Years Gallery et à Arch One pourque des projets intéressants puissent se concrétiser.
Mill Hill … ? Enregistré à Mill Hill par Ian Hill, les titres des morceaux se réfèrent au processus de la minoterie (moulins à moudre…). Colloid, Arrastra, Huller, Grist, Buhrstone font allusion à des techniques précises décrites dans les notes de pochette, laquelle est une belle enveloppe de papier fort gris avec une sérigraphie à l’encre noire, sans mention des artistes. La musique, elle, évoque on ne peut mieux cet esprit fait-main artisanal fait de cordes pressées et tirées, d’accords distendus, de zigzag dans les harmonies, de souffle libéré des conventions et d’une écoute mutuelle interactive. On est surpris d’entendre un guitariste qui s’avance sur le terrain des Derek Bailey et John Russell en trouvant des solutions très personnelles et originales aux innombrables questions posées à la six-cordes lorsqu’on s’y aventure totalement sans regarder derrière. Adrian Northover développe une démarche introspective de la respiration continue à une variété de murmures contrôlés et infrasons retenus au bord du silence. La combinaison souffle cordes fonctionne à merveille dans le dialogue permanent et Mill Hill est un bien beau disque qui mérite des écoutes répétées.

Noi Credevamo (e crediamo ancora)Gaetano Liguori Idea Trio avec Roberto Del Piano & Filippo Monico BULL 060



Disque divisé en deux parties du même trio en 2011 et en ….. 1972 (!!) quand ils étaient jeunes et beaux et CROYAIENT (Noi Credevamo). Le pianiste Gaetano Liguori est un pionnier incontournable en Italie de la transformation du jazz libertaire d’essence afro – américaine vers une identité européenne assumée. Giancarlo Schiaffini, Giorgio Gaslini, Marcelo Melis, Andrea Centazzo, Guido Mazzon, Mario Schiano, Toni Rusconi, sans oublier le photographe Roberto Masotti à qui on doit leur portrait en 1974. Aujourd’hui, ils croient encore dans tous les idéaux progressistes malgré certaines désillusions. Pêle – mêle, les Beatles, Marx, Lénine, le Viet Nam et le peuple Palestinien, Albert Ayler, Sergio Leone, Mingus, les Partisans, Woodstock et le Néorealisme  etc… La liste exhaustive dans la pochette se termine par les mots résister, résister, résister. Enregistrée au légendaire studio Mu-Rec (ex-Barigozzi) de Milan par Paolo Falascone, la suite E Crediamo ancora incorpore entre autres une série d’hymnes comme le Chant des Partisans qui surgissent au détour d’une improvisation et sur lesquelles le pianiste improvise avec goût et un doigté formidable propulsé par les rythmes croisés de Filippo Monico et la basse électrique virevoltante de Roberto Del Piano. Les spécialistes à l’écoute aveugle vous diront que le pianiste est italien, même si certains passages évoquent le « Cecil Taylorisme » des critiques des seventies. Remarquable par sa logique musicale, Liguori transite aisément d’un bouillonnement free à plein clavier vers la musque tonale  swinguante en reconstruisant d’une manière lumineuse ce qu’il a démantibulé énergiquement. Ces deux compagnons n’ont rien perdu de la verve de leurs jeunes années. Au total huit morceaux sans titres mais aux sentiments forts et un brin nostalgiques.
La deuxième partie « Noi Credevamo » enregistrée comme démo en mai 72 est un vrai morceau d’anthologie historique datant d’une époque où les Brötzmann, Parker, Van Hove, Schweizer et Schlippenbach comptaient chacun à peine une demi-douzaine  d’enregistrements au compteur et passaient pour des sous-fifres de deuxième ordre aux yeux de la critique européenne et demeuraient complètement inconnus outre Atlantique. A prendre aussi au sérieux que les témoignages du suédois Per Henrik Wallin  ou ceux de François Tusquès. Cinq morceaux sans titre pour un total de vingt cinq minutes.  Débutant avec un thème proche de l’esprit des trios de Paul Bley époque Carla et Annette dans une veine plus rhapsodique, le trio construit un univers mystérieux où le thème est exploré en plusieurs sections sur divers tempos qui s’accélèrent. La batterie introduit le deuxième morceau avec une déflagration et le pianiste démarre aussi sec dans une veine agressive et clusterisée à coups de manche et de poignets, on pense à ses collègues Van Hove, Schlippenbach et Schweizer. Je dois dire qu’il exprime merveilleusement un contenu mélodique dans ce déluge de notes. Le troisième commence dans un jeu sur le silence où la basse électrique de Del Piano se place au centre et développe son phrasé avec les accélérations subites du pianiste. J’aime particulièrement le morceau quatre pour ces enchaînements surprenants. Un free maîtrisé et construit avec une énergie libératrice et des surprises de parcours. Les morceaux sont ici joués avec une limite temporelle entre quatre et sept minutes sans doute pour caser cinq compositions (ouvertes) dans le temps d’une bande magnétique. Mais on imagine bien le développement possible sur scène. Pour un premier album, ces trois jeunots d’alors étaient vraiment talentueux. Pas étonnant que le trio Liguori fut dans la ligne de mire de Philippe Carles et Daniel Soutif de Jazz Magazine durant les années septante.
Spécialement pour ces enregistrements d’archives, ce cédé est à recommander pour quiconque  veut retracer les enregistrements marquants de la scène improvisée / free-jazz européenne par des musiciens qui se sont engagés très jeunes pour que cette conception révolutionnaire de la musique vive et n’ont jamais failli depuis.

DoublegangerAmarillo Setola di Maiale SM2610


Deux guitaristes noise post-rock, batterie swinguante et free, chanteuse mystérieuse et bruissante, et bassiste solide. Après le vacarme de Warrior, une minute rassurez-vous, un Tomahawklancé dans un mode swinguant et aéré avec la voix fantomatique de Pat Moonchy. Les cinq de Doubleganger privilégient les effets de guitare dans un mode abrasif et expérimental et une lisibilité remarquable, un sens de l’exploration sonore alternant avec des tempos renouvelés et jamais pris en défaut. Columbus est le moment féérique où le babil dans des langages imaginaires de Moonchy rencontrent la batterie bruissante de Pascale « Lino » Liguori, pilier du jazz milanais et grand-père du guitariste Lucio Liguori. Les rythmiques impaires n’ont pas de secret pour ce jeune homme de 88 ans comme on peut l’entendre Sorachi où, après que la chanteuse ait contribué dans le tempo idéal, les deux guitaristes s’échappent dans des échanges vif-argent (Lucio et Amaury Cambuzat). Il y a aussi des changements de cap à l’humeur du moment qui respirent bon l’improvisation assumée. Au total un album aéré, aventureux et sans prétention qui a le bonheur de relier le swing (du grand-père), la vocalité alternative avec le noise des gamins de la manière la plus naturelle qui soit. Aussi les deux guitareux et le bassiste (Angelo Avogadri) ménagent la dynamique sans forcer le volume, heureusement. Cela mérite son écoute !! 
Lucio e Pat ont été durant de longues années les animateurs du Moonshine , un lieu amical et exceptionnel, dédié aux musiques improvisées à Milan. Quand à Lino Liguori, c’est un pilier du jazz italien de l’ère swing-bebop qui a suivi ses enfants dans leur quête de la liberté jazzistique : il a joué avec son propre fils Gaetano Liguori (album Terzo Mondo label Palcoscenico) et fut le batteur du Concerto della Statale avec le saxophoniste légendaire Mario Schiano  et le bassiste Roberto Bellatalla enregistré lors de l’occupation de l’Università Statale de Milan et paru sur le disque du même nom, et que tous les schianologistes et autres férus de free considèrent comme le témoignage de cette époque héroïque et troublée.

Hesitancy Ensemble Progresivo Ricardo Tejero  Alison Blunt  Adrian Northover  Marcio Mattos  Ricardo Sassi  Creative Sources CS 266

Voici un groupe assez particulier de praticiens de l’improvisation engagés dans la vivace scène londonienne et rassemblés ici par le saxophoniste et clarinettiste Ricardo Tejero autour de ses compositions propres, conçues comme des structures pour improvisateurs libres et intitulées Progresion numérotées de 20 à 29 dans le désordre. Plusieurs plages en quintet dont le mouvement central culmine à 19 minutes et quelques duos courts de Tejero avec le violoncelliste Marcio Mattos, la violoniste Alison Blunt et le guitariste Ricardo Sassi s’intercalent entre les ensembles et l'énergique duo Northover et Tejero clôturent  le disque. Chaque pièce en quintet a une couleur, une dynamique une manière de réguler les échanges ou de sourdre la spontanéité. J’apprécie particulièrement les intercalements subtils de la troisième plage, Progresion 29, Ida y Vuelta 5:48 avec une rythmique suggérée auquel chaque instrument contribue de manière contrastée et personnelle avec une belle lisibilité. Roberto Sassi privilégie les effets qui colorent son jeu de guitare et dont le minimalisme achevé et concis est mis en évidence dans le duo Double R, les deux Ricardo, en somme. La pièce de résistance, Progesion 20, Dilema, développe une entrejeu faits de phrases brèves, de notes tenues, de tons suspendus, de legato monochrome, de voicings vaporeux au bord du silence. Un cheminement mène à une improvisation du sax soprano sur un ostinato électronique (Mattos) avec guitare électrique. Les sections improvisées s’enchaînent avec une vraie logique impliquant successivement chaque musicien, clarinette, guitare , sax ou violoncelle comme meneur de jeu en suivant un cheminement préétabli. Tout cela sonne de plus en plus spontané, vivant et engagé tout au bénéfice de la structure de Ricardo Tejero qui équilibre les interventions de chacun pour en optimiser la variété et l’ensemble des couleurs, dynamiques et trouvailles sonores. Bref, c’est vraiment réussi. Quand arrive la marche qui marque l’introduction du troisième mouvement faits de pulsations brisées ou de cloche-pied enfantin, passé les deux tiers de Dilema, on est surpris que le temps et la musique coulent si naturellement. Tejero, musicien sensible et secret, préfère la qualité des échanges et des équilibres, sans devoir rendre trop complexe son écriture. Je me serais attendu à plus de mordant et de conviction dans le final de cette pièce de 19 minutes qui fonctionne pourtant bien jusque là. Progesion 21 , Mannock entame un rythme de ginguois solutionné par des legatos monochromes des cordes et le soft noise de la guitare , enchaîné par une cadence légère du violoncelle suivie par l’ensemble dont se détache un solo de clarinette. Une musique de chambre parfois à la limite d’un folk cubiste un brin noise et minimal. Les intentions du compositeur sont évidentes : comment structurer l’improvisation par une succession d’événements sonores.  La plage 8 se rapproche d’un jazz contemporain de chambre qui vire vers le noise. Cette musique est bien et j’apprécie chacun des musiciens ensemble et séparément. Mais l’Hesitancyà incarner une forme de vitalité dessert un peu le projet malgré ses qualités oniriques et le développement intéressant de chaque mouvement… J’ai un excellent souvenir du groupe de Ricardo Tejero au Boat Ting avec une musique similaire et la présence de son compatriote, le batteur Javier Carmona.  

Solos recordings of Yoko Miura, Marcio Mattos and Evan Parker's Monoceros re-issue

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Cielo 2 Yoko Miura Setola di Maiale SM 2710


Le piano est par excellence l’instrument auquel on s’attend naturellement à en entendre une performance solo ou une composition consacrée à lui seul.  Les possibilités permises par la multiplicité des doigtés possibles et simultanés en font l’instrument orchestral qui, dans les conventions musicales ou la musique conventionnelle, se suffit à lui-même. Cela a toujours semblé nettement moins évident pour le trombone ou le tuba. Il a vraiment fallu attendre la deuxième partie du XXème siècle pour entendre des concerts entiers dévolus au seul saxophone (Anthony Braxton), trombone (Albert Mangelsdorff)  ou au violon (Malcolm Goldstein) etc… . Enregistré à Milan et New York en 2013 par l’excellente pianiste Yoko Miura, Cielo 2 rentre tout-à-fait dans la démarche qu’on est en droit d’attendre de la nature instrumentale et musicale du piano. Pour qui ignore son parcours, on peut noter de belles collaborations au top niveau avec le contrebassiste Teppo Hauta – Aho, le live sound processor Lawrence Casserley ou le clarinettiste Ove Volquartz. Cielo 2 fait suite à un premier album Cielo et j’ai presque envie de parler de Cielo puissance 2, vu l’excellence du chemin parcouru depuis cette première expérience d’enregistrement. Ce qui est particulièrement remarquable est sa capacité à assumer jusqu’au bout un ensemble d’idées, de langages, d’affects et d'orientations musicales durant les deux séances d’enregistrements successives. Pour qui connaît Yoko Miura de l’avoir entendu in vivo, la surprise pourra venir du fait que sa pratique de l’improvisation est à la fois multiple et très flexible, mais sans aucune compromission ou facilité. Selon son humeur et ses moods, son jeu peut se cabrer jusqu’avant l’emphase, ou se contraindre à un jeu minimal et subtil. Haikus pointus ou suite magnificente et lyrique des quatre mains. Poly-modalité ou abstraction sérielle.  Clavier ou cordes. On se souviendra d’une session avec un piano préparé et bruitiste avec de jeunes improvisatrices très contemporaines. Il ne faudrait pas enfermer un tel tempérament dans une boîte, car son talent réside dans le fait qu’elle se mesure au challenge d’assumer et de transcender son choix du moment et que sa musique est celle de l’instant, des instants multiples et différents qu’elle habite avec la même force. Même si sa mine studieuse et énigmatique laisserait penser qu’elle ne puisse évoluer que dans l’univers d’un concert où elle semble nager comme un poisson dans l’eau, elle se révèle à son aise dans des aventures aussi disparates les unes que les autres.
Donc cinq pièces composées dont le déroulement par l’improvisation instantanée est à chaque fois menée de main de maître et qui créent une suite, un enchaînement – prolongement du travail accompli dans chaque morceau précédent. Dans Boogie Woogie Wonderland (plage 3) et dans une sorte de joyeux interlude,  elle fait la démonstration amusante que son approche rythmique complexe accommode un genre musical aux antipodes des deux morceaux précédents dont un Epilogue qui ouvre l’album !  La plage 4, Windy Heath, démarre avec l’ambiance et la pulsation de la troisième (Boogie) pour les faire évoluer dans son univers de va-et-vient dans les méandres des intervalles. Souvent dans le flux et ressac des combinaisons infinies de pulsations arpégiées aux confins du lyrisme et de l’abstraction, de la mathématique et du plaisir charnel, son piano chante un univers fait d’espérances, de lueurs des découvertes, de désillusions, de réitérations sans atermoiement et de la renaissance alors que tout semble s’effondrer. L’esprit subtil de Yoko Miura fait coïncider, se questionner et se répondre des pans entiers de chacune de ses improvisations, trace d’une réflexion musicale profonde.

SOL(Os) Marcio Mattos Emanem 5035


A la fois contrebassiste et violoncelliste et actif dans la scène improvisée londonienne et européenne depuis 1969, Marcio Mattos a tracé un remarquable parcours avec un bon nombre de personnalités et de groupes de premier plan. Spontaneous Music Ensemble « The Source », Elton Dean, Chris Briscoe, Eddie Prévost, Larry Stabbins, Veryan Weston, Georg Gräwe à la contrebasse et Phil Wachsmann, Jim Denley, Martin Blume, Axel Dörner dans le groupe Lines, Carlos Zingaro, Simon H Fell, Mark Sanders, Phil Minton, Fred Van Hove, Evan Parker et le quartet de Roland Ramanan au violoncelle en ce qui concerne les enregistrements. Quand on se penche avec attention sur ceux-ci au violoncelle, on réalise que son travail couvre un spectre très important de possibles et que son jeu a une dimension rythmique à l’écart de tous les clichés et trouvailles ressassées depuis le bon temps où s’étaient affirmé successivement Jean – Charles Capon et Ernst Reyseger. Le sommet est atteint par le Stellari Quartet ou son violoncelle se joint au violon de Phil Wachsmann à l’alto de Charlotte Hug et à la contrebasse de John Edwards. Leur cédé Gocce Stellari publié aussi chez Emanem est une véritable merveille. Alors, cet album de solos me fait bien plaisir ne fut ce que par le fait que Martin Davidson ait fait appel après autant d’années de carrière à Marcio Mattos pour son premier album personnel, SOL(os), dédié à l’astre du jour et à son observation scientifique. On l’entend donc à la contrebasse et au violoncelle, avec ou sans électronique. Commençant par trois morceaux à la contrebasse acoustique stylés et focalisés sur un aspect remarquable de l’instrument, Mattos nous livre une succession de  six pièces au violoncelle en alternant successivement l’instrument entièrement acoustique et le violoncelle modifié par le truchement de l’électronique. Certains doigtés en pizzicato évoque une musique traditionnelle imaginaire, ailleurs le frottement de l’archet évoque l’espace intersidéral. Pour clôturer, un mini-concert récent d‘une bonne vingtaine de musique à la contrebasse augmentée par un traitement électronique, Prominence. L’artiste utilise l’électronique de manière subtile et parcimonieuse pour altérer, enrichir ou transformer le son du violoncelle et de la contrebasse et sa couleur tout en restant fidèle à la tessiture et au timbre de l’instrument. Donc, son usage particulier de l’électronique est un bel enrichissement de la palette et de la dynamique. Marcio Mattos dispose d’une solide technique et d’une grande aisance de jeu, mais il évite de surjouer et d’en faire une prouesse. Son approche spontanée est très ludique et le développement musical / enchaînement des séquences des sons et traitements sonores est purement le fruit d’une sensibilité heuristique, d’un abandon des sens (écoute, plaisir) dans l’instant et la découverte. Son parcours à travers les possibilités des cordes frottées, tirées, percutées et bruissantes est vraiment remarquable. On trouve des correspondances et une même pensée musicale dans le travail du son pour chacun des deux instruments, lesquels sont acceptés comme étant l' extension de l'un vers l’autre et réciproquement. Une oeuvre du musicien orne la pochette : il s'agit d’un disque ou plat en céramique qui évoque le soleil. Pour résumer, il s’agit d’un excellent travail et une belle carte de visite d’un improvisateur majeur de la scène londonienne historique. Un grand nombre de ses collègues ont acquis une notoriété incontournable et parmi ceux-ci, Marcio Mattos a le chic de se commettre systématiquement dans des aventures de premier plan alors que sa personnalité est relativement passée inaperçue à l’échelle européenne. Et donc, très souvent, quand vous lisez le nom de Marcio Mattos dans le line-up d’un album de musique improvisée, spécialement crédité au violoncelle, vous pouvez le marquer d’une croix blanche, car ses projets ne se répètent pas et méritent quasi toujours une écoute très attentive. Bref, Marcio Mattos est un artiste que je suis encore à la trace comme les Fred Van Hove, Paul Lovens, Paul Hubweber, Michel Doneda, Charlotte Hug, Veryan Weston, Roger Turner, Gunther Christmann, Phil Minton, Phil Wachsmann, Evan Parker, Stefan Keune, Furt, Jacques Demierre, Franz Hautzinger etc…

Evan Parker Monoceros psi 15.01 1978


Vers la fin des seventies, le fin du fin en matière d’enregistrement acoustique était le procédé «direct-cutting», soit la gravure immédiate sur le disque - maître sans passer par la bande magnétique et la console. Bon nombre de duos de  pianistes et contrebassistes de jazz ont sacrifié à cette vogue, surtout parce qu’elle garantissait la plus grande fidélité sonore en conservant au maximum les fréquences et la dynamique. La difficulté était qu’il était alors impossible de retoucher et de couper dans le développement temporel de l’œuvre enregistrée et qu’il fallait que la balance initiale soit la plus optimale possible. C’est ainsi que le deuxième album solo « absolu » d’Evan Parker, Monoceros, fut réalisé en studio, le premier album étant l’enregistrement de sa première performance solitaire en 1975 (Saxophone Solos). Publié initialement par son label Incus en 1978, Monoceros avait été réédité en 1998 par Chronoscope. Cette édition sera bien vite sold-out et il n’y a aucune forme de fétichisme collectionnite dans ce fait. En effet, après avoir fait éclater et transgresser la pratique improvisée du saxophone « free-jazz » qu’il soit ténor ou soprano, telle qu’elle a été proposée par Coltrane, Ayler et Steve Lacy, Evan Parker  est parvenu à nous surprendre successivement à trois reprises dans sa démarche solitaire. Disons le franchement, une fois que des artistes aussi essentiels qu’Ornette Coleman, Albert Ayler ou Steve Lacy, (et un tas d’autres) sont arrivés à maturité,  la forme sonore et la structure de leur langage instrumental ne varient plus, bien qu’ils éblouissent toujours par la haute qualité musicale de leurs prestations et de leurs enregistrements. De là toute la fascination qu’exerce Coltrane, par l’évolution permanente de son style d’années en années et des mutations accomplies. C’est aussi en quoi Evan Parker est un artiste unique. Saxophone Solos a/k/a Aerobatics(Incus 18)était considéré lors de sa sortie comme une rupture, un point de non-retour. Mais lorsque nous découvrîmes Monoceros(Incus 27) deux ans plus tard, nous avions été sidérés par un extraordinaire bon en avant sonique, une extension vers l’impossible. Lorsque Six of one (Incus 39) fut publié en 1981, et bien que l’intérêt pour cette musique commençait à tomber au creux de la vague, ceux qui prirent encore la peine d’y jeter une oreille furent époustouflés qu’Evan Parker puisse encore, après Monoceros, jongler et croiser avec autant de lignes mélodiques, de sons inouïs, de timbres impossibles à juxtaposer avec cette aisance surhumaine. Il mêle à ce chassé croisé de sonorités extrêmes, des entrelacs mélodiques. Dois – je en rajouter ? Un Steve Lacy s’est montré capable en quelques années d’étendre son langage, épuré par excellence et fait d’une feinte simplicité monkienne, dans une multitude d’occurrences, créant des dizaines de compositions aussi familières que profondément originales. Evan Parker a fait littéralement exploser le potentiel du saxophone soprano, et ses ressources sonores inconnues jusqu’alors. L‘écoute attentive de chacun des albums précités (Solos 1975, Monoceros et Six of One et / ou les suivants comme The Snake Decideset Conic Sections) sont nécessaires pour réaliser l’étendue de son talent immense et la capacité inouïe à se dépasser dans l’inouï. Sa pratique du saxophone a contribué puissamment à faire découvrir un champ d’action musical pour des artistes essentiels comme Michel Doneda, Wolfgang Fuchs, Urs Leimgruber, John Butcher, Mats Gustafsson, Larry Stabbins, John Zorn, auxquels il faut ajouter de toute évidence, un Stefan Keune ou John Oswald.
Cet album a marqué aussi la génération des comtempteurs de la musique dite alors « répétitive » durant les seventies et auquel le travail d’Evan se réfère tout en se démarquant par sa physicalité extrême… Son jeu au soprano est fait de doigtés croisés par lesquels il obtient des sons « fantômes » qui en se mêlant aux notes jouées (à toute vitesse) créent des sons supplémentaires. Il ajoute à ce procédé  la respiration circulaire et des variations à la fois violentes, très dosées et (paradoxalement) infimes obtenant ainsi des harmoniques dont il contrôle l’émission au niveau de la magie pure. En utilisant simultanément ces techniques, il crée une véritable illusion de polyphonie sur un seul instrument et cela n’est possible qu’au saxophone soprano, parce que c'est un instrument conique. Sa musique se réfère à celle d’un Steve Reich ou d’un Terry Riley, mais aussi au pibroch écossais, aux launeddas sardes ou aux doubles flûtes du Rajasthan, voire les chants collectifs des pygmées. L’usage de fréquences extrêmes fait littéralement vibrer les tympans au point qu’on sent l’oreille interne bouger dans son alvéole. Par la suite, d’un concert à l’autre, il est parvenu à colorer chaque performance de manière spécifique en rendant sa musique universelle. En plus, si vous écoutez un de ces premiers enregistrements, Karyobin (Spontaneous Music Ensemble avec John Stevens/ Derek Bailey/ Dave Holland/ Kenny Wheeler 1968) alors qu'il était encore loin de maîtriser cette technique, vous réalisez qu'alors ces improvisations évoluaient en suivant un phrasé et des structures intervalles qui n'appartenaient déjà qu'à lui. Plus que ça, tu meurs. Entre cette phase de 1968 et celle de Six of One en 1981, il y a eu l'expérience de Music Improvisation Company et des duos avec Bailey et Lytton, où la frontière entre la "note instrumentale" et le bruit est abolie. Certaines des techniques utilisées, comme la respiration circulaire et le phrasé atomisé,  ont été travaillées dans le but de suivre (ou anticiper) la guitare de Derek Bailey ou la percussion de Paul Lytton sur leur terrain.  Donc pour conclure, Monoceros s'agit d'une trace unique, fugitive dans un parcours exceptionnel qui permet de saisir la construction et l'évolution de la musique d'Evan Parker dans une phase cruciale de son développement avec un plaisir de l'écoute intense et un choc esthétique sans précédent.
Absolument fascinant !!   

About Spontaneous Music Ensemble Forever

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Chronologie du Spontaneous Music Ensemble 1965-1994 -1994 incluse dans mon article SME & John Stevens publié par Improjazz en février et mars 2007

1 / 65/66 Débuts / Premières rencontres & retrouvailles
The Watts Rutherford Quartet avec Trevor Watts, Paul Rutherford et John Stevens se forme après un séjour de quatre ans dans la RAF, entre autres à Cologne où ils croisent un jeune Alex von Schlippenbach qui "jouait comme Bill Evans".
Le TW PR quartet devient le Spontaneous Music Ensembleà la suggestion de Paul Rutherford.
Les bassistes seront successivement l'australien Bruce Cale, Jeff Clyne, Harry Miller et Chris Cambridge.  Lieu : The Swan dans Drury Lane.
LP  Challenge en 1965 sur le label Eyemark avec Kenny Wheeler Trevor Watts Paul Rutherford Jeff Clyne et John Stevens.

Le SME joue au Little Theatre Club & Betterbook Basement (où officie Bob Cobbing le poète sonore) avec Watts, Stevens, Rutherford, Kenny Wheeler, Barry Guy, Evan Parker et Derek Bailey. Le LTC est un théâtre expérimental au quatrième étage d'un bâtiment à l'arrière du Garrick Theatre. John Stevens y organisera régulièrement des gigs de 1965/66 à 1974.
Break : Stevens et Parker vont jouer à Copenhagen entre autres avec John Tchicaï , Hugh Steinmetz et le groupe qui deviendra Cadentia Nova Danica (cfr album MPS SABA avec Breuker)
Selon Evan, ils étaient plus "free" et plus aventureux.

2/ 67/68 SME avec Evan Parker
Seeing sounds and hearing colours : nouvelle direction initiée par John Stevens suite à l'expérience danoise avec une diversification des instruments, des formes et des textures : Trevor y joue du hautbois, du soprano , de la flûte. Participent : Guy, Bailey, Parker, Rutherford, Watts et Wheeler.
Va-et-vient entre le LTC & Ronnie Scott’s Old Place (2 gigs par soir). Le SME se réduit au trio Watts /Parker/ Stevens puis au duo de Parker et Stevens. Le groupe devient la chose de John Stevens. Parker s'y cooncentre au sax soprano car John désire un instrument plus aigu et propice au détail pour la mini-batterie à la quelle Evan Parker a contribué en sélectionnant tambours chinois, crotales cloches et en en construisant l'infrastructure. Lieu : les Cousins dont ils se font virer suite à un gig scandaleux avec le mime danseur Lindsay Kemp, futur démiurge de David Bowie et Kate Bush.

Trevor Watts quitte le SME et fonde Amalgam avec Paul Rutherford et Barry Guy. Invités du SME : Wheeler & Bailey. EP & JS jouent fréquemment en duo en1967 (Summer  1967 Emanem 4005) et successivement en trio avec les bassistes Peter Kowald, Barre Phillips & David Holland au sein du SME 
Stevie Winwood introduit Evan Parker chez Island , un nouveau label. LP Karyobin pour le label Island enregistré avec John Stevens, Evan Parker, David Holland, Derek Bailey et Kenny Wheeler,  preneur de son : Eddie Kramer l'ingé son de Jimi Hendrix. Présente : Yoko Ono.
Au LTC & Ronnie Scott’s Old Place , le SME joue avec Chris Mc Gregor, Dudu Pukwana, Louis Moholo,  Mongezi Feza & Johnny Dyani qui se sont établis à Londres et y enregistrent.
Tony Oxley est batteur maison au Ronnie Scott's et joue avec Ben Webster, Lee Konitz, Bill Evans... Joseph Holbrooke trio ( Bailey Oxley et Gavin Bryars) donnent un unique concert au LTC.
John et Evan aux journées de Baden Baden en remplacement de John Tchicaï et rencontre avec Don Cherry Albert Mangelsdorff Fred Van Hove Brötzmann etc...  Le SME est invité à Berlin en avril 68 suite à une performance dans un Arts Lab où ils enregistrent avec Yoko Ono (qui a gardé la bande) 
Session avec Rashied Ali, David Holland, Peter Kowald, Stevens, Watts et Parker pour Island. Parker quitte le SME après la tournée allemande de Machine Gun avec Brötzmann en mai 68 et fonde Music Improvised Company avec Bailey, le batteur Jamie Muir et la participation de John Tilbury avant qu'Hugh Davies se joigne au groupe. John Stevens rencontre une chanteuse de cabaret jazz dans un club et elle est engagée illico : Maggie Nicols

3/ SME avec Trevor Watts a/ 1968/71 & b/ 1972-76
a/ 1968/71 
Berlin novembre 68 , le SME ( Trevor Watts, Maggie Nicols, Carol Ann Nichols, John Stevens) participent au premier Total Music Meeting organisé par la future FMP (Brötzmann, Kowald, Schlippenbach, Jost Gebers...). John Mc Laughlin y joue avec le SME. Evan avec le Brötzmann Octet. Ils rencontrent Sonny Sharrock, Gunther Hampel, Jeanne Lee, Pharoah Sanders.

SME = Trevor Watts (alto), Maggie Nicols, Johnny Dyani & John Stevens augmenté sporadiquement de Bailey, Peter Lemer, Pepi Lemer, Carolann Nicols, Kenny Wheeler, Mongezi Feza, Rutherford, Norma Winstone. LP SME – Oliv 69 produit par Giorgio Gomelsky pour son label Marmalade Ingé son : Eddie Offord.

Composition : Familie avec différents SME en studio et concerts.
Session avec Steve Swallow Trevor et John acceptée par le label ECM et refus de John pour l' editing suggéré par Eicher.
Jam avec Lennon et Yoko Ono, John Tchicaï, Watts et Stevens au festival de Cambridge publiée par Apple (Battle of the Lions).
Débuts des workshops avec débutants et vocalistes etc..
SME / CND happenings et concerts de trente à soixante  participants (Montreux Festival).
Preneur de son : Bob Brown et Trevor Watts

Amalgam : LP Prayer fr Peace (Trevor Watts Clyne Stevens et Barry Guy) pour Transatlantic.
 LP SME  The Source (label Tangent) et naissance de Louise Stevens
et Source concerts avec Ray Warleigh, Wheeler, Smith, les frères Pyne Marcio Mattos etc….
LP So What Do You Think avec Watts, Bailey, Wheeler & Holland /Tangent.
Les pièces des ateliers Sustain et Click deviennent les morceaux du SME.
SME 1971: Julie Driscoll (Tippets) voix / T. Watts soprano / Ron Herman basse / J. Stevens perc. LP Birds of Feather pour le label Byg. Concerts en Norvège, France, Italie. Au Festival Pop de Palerme devant des milliers de spectateurs, le SME joue sous les huées en recevant des projectiles que Trevor évite en sautant de côté tout en jouant. A la fin du concert, on doit les enfermer pour leur sécurité.
Bobby Bradford rencontre le SME et enregistre le contenu de deux albums réédités par Nessa. Julie Tippetts quitte le groupe fin 1971 et le SME joue à Berlin avec Irène Schweizer, Arjen Gorter et Radu Malfatti.

b/ 1972/76 SME duo au LTC.
Extraordinaire version du SME avec Johny Dyani Trevor Watts Mongezi Fesa John Stevens qui joue au festival de Molde. Martin Davidson d'Emanem découvre ce SME + Derek Bailey au LTC et devient un suporter acaharné du groupe et de la scène improvisée
Suite à cette évolution, le Spontaneous Music Ensemble se focalise sur le duo Stevens Watts où ils développent des modes de jeux basés sur l'écoute et un travail de déconstruction du rythme et des pulsations en répétant tous le jours. Trevor adopte le sax soprano, instrument fétiche dela SME music. Mais il enregistre So What Do You Think We Are avec Bailey, Wheeler et Dave Holland pour Tangent.

Bethnal Green & Ealing Workshops hebdomadaires : Search & Reflect. John Stevens et Trevor Watts mettent au point les techniques de workshops avec la voix, les drones, One - Two, Search and Reflect basées sur l'écoute et la communication sensorielle. Des dizaines de musiciens y participent : c'est la Deuxième Génération : David Toop, Paul Burwell, John Russell, Steve Beresford, Nigel Coombes, Larry Stabbins, Roger Smith, Colin Wood, Robin Musgrove, David Solomon, Gary Todd, Herman Hauge, Marcio Mattos, Marc Meggido, Lindsay Cooper, Phil Wachsmann, Peter Cusack, Simon Mayo etc… Ces musiciens sont invités à se joindre au SME et à se produire au LTC.
Groupe Free Space avec Terry Day, Herman Hauge, John Russell, Nigel Coombes etc…
Deux concerts réguliers chaque semaine au LTC : SME duo + trio avec Kent Carter, Evan Parker ou Derek Bailey (cfr CD Dynamics of the impromptu FMR)  et des dizaines de groupes où se mêlent les jeunes musiciens et les pionniers dont Chris Mc Gregor, Lol Coxhill. Preneur de son : Martin Davidson. C'est de ce bouillonnement de groupes interchangeables de la "seconde génération" qui a inspiré Derek Bailey dans la création de Company.

A Records label de Watts et Stevens : SME For You to Share 1970 & Amalgam Plays Higgins & Blackwell
Label Emanem :SME Face to Face qui sortira en 1975 alors que grouoe avait encore évolué,The Crust de Steve Lacy avec Bailey et Stevens, Love’s Dream de Bobby Bradford avec Watts, Stevens et K Carter et tournée de ce quartet avec Amalgam , le groupe de Trevor. Amalgam se compose de Trevor Watts, Stan Tracey puis Keith Tippett, Lindsay Cooper, Kent Carter, Terry Quaye, Watts et Stevens. Album Innovation pour Tangent.
1974 Concert à l' ICA 14 jan 74 : SME : Bailey Parker Watts Kent Carter et John Stevens ( cd Quintessence Emanem). 
SME/SMO += à St John Smith’s Square Church janvier 75 et LP du concert SME/SMO += sur A Records. 

1976 SME =TW + JS + Roger Smith. Amalgam devient électrique et John lance le groupe « jazzrock » Awayà partir du personnel d'Amalgam qui continuera avec le batteur Liam Genockey et ensuite le guitariste Keith Rowe. Trevor quitte définitivement le SME.

4/ 77 / 94 SME String / avec Roger Smith & Nigel Coombes.
77 SME String : ColinWood violoncelle, Nigel Coombes violon, Roger Smith guitare espagnole, John Stevens SME percussion kit
LP SME Biosystem Incus. Colin Wood quitte en 1978.

John Stevens a beaucoup d’autres projets hors de SME : Away, Dance Orchestra, Splinters avec Pete King, PRS (avec Simon Picard & Paul Rogers), Freebop avec Gordon Beck , Folkus, Detail avec Dyani & Frode Gjerstad, Fast Colour avec Dudu Pukwana, Pinise Saul, Annie Whitehead, Nick Stephens et Ernest Mothle.
Sessions au pub the Plough à Stockwell avec Barry Guy, Watts, Parker, Mike Osborne, Brötzmann etc…. Le trio Watts /Guy/ Stevens enregistre LP No Fear& Interaction (Spotlite)  + Endgame avec Riley (Japo). Disques chez Vinyl en Allemagne.
1981 SME / SMO en concert à Notre Dame Hall et LP de ce concert sur SFM avec Watts, Maggie Nicols, Rutherford, Coxhill, Riley, Nicols, Coombes et Smith. (Trio and Triangle Emanem)

Les concerts du SME se raréfient durant les années 80.
John tourne avec Charlie Watts, Courtney Pine, Dyani et ses groupes.
90’s : nouvel intérêt, mais Coombes quitte en 92 après l'enregistrement de Surfaces (CD Konnex ou ReSurfacingEmanem).
Duos avec Bailey “Playing” et Parker “Corner to Corner
92 SME : John Butcher / Smith/ Metcalfe Stevens
93 : Karyobin réédité par Chronoscope
May 94 : Concert Conway Hall LMC Festival: SME trio avec Butcher au sax ténor, Roger Smith et Stevens SME-kit  A New Distance CD Acta réédité par Emanem.
Last Detail avec Kent Carter et Gjerstad. Keep on Playing en duo avec Gjerstad.
Novembre 94 : décès de John Stevens.
1995 Martin Davidson entreprend son programme de rééditions et d’inédits du SME et de Stevens sur le label Emanem.




FOR JOHN STEVENS

After a well-meant eulogy
which tries to be specific
but almost reduces you
to everybody's virtues

and after you've been rendered down
to a handful of ashes and bonedust,

It is finally time to drink your
local, a closed world
of noise, and smoke,
and booze, and awkward humour.

'tis chucking-out time
it hasn't really happened:
this is a gig, no more. And you?
Stuck in the traffic somewhere,
Cursing God and man.

Out in the night, though,
the truth makes itself known to us:
you have been indispensable,
but now we must learn to manage.

Funeral-rites are the start
of a slow letting-go.

Memory is salvage, or invention;

and bereavement, a powerless fury.

by RICHARD LEIGH

Guests.
Le père du British Blues, « Le » Mime, Le Mac et l’Architecte.

Une tradition bien ancrée dans le monde du jazz consiste, pour les musiciens à l’affiche, à inviter des artistes présents dans la salle durant un passage en club, généralement vers la findu concert. John Stevens l’a poussée à un point ultime de sophistication provocante et aventureuse. Durant l’été 67, le SME, réduit au duo Evan Parker & John Stevens, assure la première partie du duo Alexis Korner (guitare et chant) et Victor Brox(cornet et chant) au club «Les Cousins». C’est dans ce club et au LTC que le concept de la SME – Music vit le jour et où le duo rencontra Peter Kowald. Alexis Korner est le personnage central du revival du Blues en Angleterre. Il invita Muddy Waters et Otis Spann à s’y produire, fut le coresponsable de la fondation des Rolling Stones, et ses enregistrements sont remarquables …
En 1967, tout comme John Stevens avec le free-jazz, Korner s’émancipe des contraintes formelles du blues pour en donner une version « free ». Pour clôturer le concert les quatre musiciens forment un quartet surprenant avec guitare, cornet, sax et percussion. Dès le départ, si la SME music marque une coupure avec les conventions du (free) jazz, c’est aussi un processus ouvert et cette jam en est l’illustration.
Lors d’une soirée aux Cousins, Stevens invite l’extravagant mime Lindsay Kempà se joindre au groupe. Kemp deviendra le maître à penser de David Bowie et Kate Bush, ses élèves, et se taillera une réputation sulfureuse avec ses créations décadentes, orgiaques et sanguinolentes et son homosexualité théâtrale. On imagine le trio Kemp – Evan Parker – Stevens un soir d’août 67 ! Le mime fait un sort d’un mannequin de plâtre qui se trouve près de la scène en le détruisant complètement et transforme le club en foutoir. Le SME se fait évidemment virer illico des Cousins.
A la même époque, John McLaughlin habite à Ealing dans la même maison que la famille Stevens. Comme Jack Bruce, Graham Bond et beaucoup d’autres, il joue au Little Theatre Club. Il essaye volontiers de jouer « free ». Fred Van Hove se souvient avoir fait un concert avec John McLaughlin à Malines vers 1967 (avec Peter Kowald et Barry Altschul). Lors du premier Total Music Meeting de novembre 1968 à Berlin, le Spontaneous Music Ensemble est au programme avec John Stevens, Trevor Watts, Maggie Nicols et Carol Ann Nichols (aucune relation de parenté). Trevor se rappelle très bien de deux chanteuses « inexpérimentées ». John McLaughlin se joint au groupe et une photo de Maggie et du guitariste prise lors du TMM 68 se trouve sur le site de la chanteuse. Au même programme, le Peter Brötzmann Octet (avec Evan Parker), et la présence de Pharoah Sanders et Sonny Sharrock dans le public.
Quelques années plus tard, au pub The Plough de Stockwell (le deuxième quartier général de Stevens après le Little Theatre Club), John Stevens, Stan Tracey, Ron Herman et Trevor Watts chauffent la baraque un vendredi soir. Un jeune couple,Paul Shearsmith et Ann Mc Donald sont en train de vider des pintes de bière sous le charme de la musique. Soudainement, ils se mettent à crier, complètement ivres, en essayant de dialoguer avec les improvisateurs. Après un dernier verre, John Stevens leur demande s’ils jouent tous les deux d’un instrument. Paul Shearsmith a bien un vieux cornet fuité dans un coin et aucune formation musicale, mais répond à l’invitation. La semaine suivante, sur la scène du LTC, il se rend compte qu’il lui est très difficile de contrôler les sons. Il achètera un meilleur cornet pour suivre les ateliers de Stevens à la Rochelle School de Shoreditch durant années 72/73. Ann et lui deviendront des piliers du Little Theatre Club. On peut l’entendre dans le disque Together Again (Face Value FVR 001) avec Roger Smith, Alan Smith, Jerry Bird et Robin Musgrove, des anciens des ateliers de John. Depuis cette époque, il est architecte de profession et c’est ainsi qu’il est connu par les improvisateurs de sa génération (« Paul Who ? » -«The Architect ! » -« Oh Yes ! »). Lors de l’hommage rendu à John Stevens par le Gathering au Freedom of The City 2003 (un incroyable assemblage d’une trentaine de performers et improvisateurs !), j’entendis Paul Shearsmith souffler des perles aux moment les plus opportuns avec une rare émotion. Comme quoi, John Stevens n’a pas perdu son
temps.


Kris Vanderstraeten 's concert posters

Augustes sons d'été changeant

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Alexander Frangenheim  solo  Talk for a Listener  Creative Sources CS 278

Alexander Frangenheim est un de ces incontournables de l’improvisation libre, une de ses personnalités sans qui cette musique s’étiolerait.  Très proche compagnon de du tromboniste Gunther Christmann et du percussionniste Paul Lovens, il a animé son label Concept of Doings mettant en valeur sa musique et celle du tromboniste avant de confier ses tableaux soniques à Creative Sources depuis qu’il a emménagé à Berlin. Contrebasse acoustique en solitaire, conversation à soi-même, talk 1-11, frottements, filages, pression sur les cordes, cadences décalées, glissandi, archet explorant les aigus au bord du chevalet, formes, déconstructions, chantier, de l’élégiaque au grinçant,  et une superbe sonorité. Une belle musique apaisée ou virevoltante, sinueuse ou accidentée. Bach revisité par Schönberg. Aria ou ellipse. Improvisation libertaire dans l’instant ou pièces quasi-composées. Une sensibilité secrète et un son aisément reconnaissable. Un panorama de la contrebasse contemporaine au travers de cheminements guidés par une sincérité jamais prise en défaut.

Berlin Kinesis WTTF QuartetPhil Wachsmann Roger Turner Pat Thomas Alexander Frangenheim Creative Sources CS 313.

Pochette cartonnée, du neuf chez C.S. ! Un album fascinant suite au premier CD de ce quartet intrigant, Gateway 97 sur le même label et à plusieurs concerts en Allemagne et ailleurs durant lesquels ils ont gravé les huit pièces où il est question de More, Less, Front, Back et Little. Little : petit à petit, un peu plus, un peu moins, plus devant, moins derrière. Un calibrage permanent de la perspective, du portrait vivant glissant vers arrêt sur image ou s’évanouissant dans un perpétuel changement de registre. Je me suis fait souvent entendre dire, quelques années après l’enregistrement de Gateway 97 (en 1997), que ces musiciens jouaient au passé de l’actualité de l’improvisation radicale d’alors, new silence, réductionnisme et post AMM. J’ai même lu que cette musique venait du free jazz. Et bien, je ne connais pas d’équivalent dans la masse des enregistrements de l’improvisation libre, auquels j’ai eu accès, qui approche l’univers musical de ce groupe. Intégrant une multitude d’éléments sonores et musicaux dans une construction kaléidoscopique où à aucun instant on entend ce qu’il convient d’appeler « un solo » ou un enchaînement de phrases développant un discours individuel. La continuité est perpétuellement brisée. Ici chaque membre du WTTF ajoute ou soustrait une intervention subrepticement et chacune de leurs idées - interjections s’emboîte dans celles des autres avec cette capacité remarquable que chacun pense à s’arrêter de jouer quasiment à tout moment et à bon escient. Quand cela ressemble à une voix, cela ne dure jamais plus que dix ou quinze secondes. Une science de la retenue poussée très loin avec un parti pris ludique. Des jeux à tiroirs multiples sur une myriade de pulsations qui semblent déconnectées l’une de l’autre.  Si Alexander Frangenheimet Paul Wachsmann sont faits pour aller l’un avec l’autre, contrebasse et violon complices, Pat Thomas semble faire bande à part et alterne le clavier du piano et l’échantillonnage complexe. Roger Turner s’intercale avec un sens de l’épure et une légèreté qui fait dire qu’il ne joue sûrement pas de la batterie. Sa personnalité hyperkinétique commente en grattant et piquetant le sommet de ces instruments percussifs, cymbales et objets métalliques, frappes déclinées sur des peaux amorties au timbre changeant sous la pression des doigts. Le guitariste prodige Roger Smith qui tirait son extraordinaire science rythmique de la pratique des percussionnistes free parlait de sérialisme rythmique. Thomas et Wachsmann utilisent des sons électroniques par bribes projetées entre un pizz et un roulement. Lyrisme secret, spasmes décalés, pas d’élan démesuré ni d’emphase. Une science du mouvement.

Willem Breuker KollectiefAngoulême 18 mai 1980 FOU Records FR CD 09 & 10.

Enregistré en concert à une période charnière de son existence, cet Angoulême 18 mai 1980 est un splendide témoignage du Willem Breuker Kollektief, un orchestre phare du nouveau jazz européen. Fondé en 1974 pour mettre en musique les idées musicales et sociales de Willem Breuker, le WBK rassemblait de jeunes musiciens intéressés par la free music naissante d’alors et avec un solide bagage musical, devenus bons lecteurs et fédérés par un sens collectif à toute épreuve. Comme l’avait alors expliqué Breuker, une partie de ses musiciens étaient en quelque sorte ses élèves, et il comptait tirer parti de leurs qualités individuelles même si au départ plusieurs d’entre eux n’étaient pas des improvisateurs « totaux » d’envergure comme pouvaient l’être à l’époque ses collègues, les Bennink, Mengelberg, Maarten Altena, Evan Parker, Derek Bailey, Fred Van Hove, Brötzmann et cie.  Mais le WBK des débuts pouvait compter sur des piliers très doués et expérimentés tels que le bassiste Arjen Gorter, le pianiste Leo Cuypers et le tromboniste Willem Van Mannen, auteur de deux intéressants morceaux de ce double cd, Pale Fire et Big Busy Band. Il est certain que Gorter eût fait une belle carrière en free-lance sur les scènes de la free-music européenne. Breuker et lui avaient travaillé avec Jeanne Lee et Gunther Hampel entre 67/68 et il n’était pas rare d’entendre le bassiste avec Louis Moholo, Irene Schweizer, Han Bennink et consorts.  En phase avec le Einheit Frontslied enregistré par Brötzmann-Van Hove-Bennink en 45 tours et les compos du Globe Unity, un superbe Live in Berlin du WBK fut publié conjointement par SAJ et BVHaast, le label breukérien. Cet album fit les beaux jours des amateurs des années 70 avec sa musique endiablée faite de riffs assez dissonnants martelés par la batterie de Rob Verdurmen, écumant la satire et le clin d’œil par tous les pores. Piochant dans l’esthétique de Kurt Weil, sur l’œuvre duquel WB faisait autorité, ses arrangements convoquaient curieusement, les musiques populaires (cirque, marches, tango), les innovations des minimalistes et le free-jazz expressionniste, alliant puissance et subtilité. En  mai 1980, le pianiste Henk de Jonge a remplacé Leo Cuypers et le corniste Jan Wolff avait quitté le navire, mais le trompettiste Andy Altenfelder ne les avait pas encore rejoints. Aussi la musique s’est un peu plus rapprochée du jazz avec des arrangements plus travaillés et le groupe s’est taillé une réputation explosive. Ce ne sont pas moins de 4000 personnes qui assistèrent à ces concerts d’Angoulême et ce public leur fit des rappels déchaînés. Jean-Marc Foussat, le responsable de FOU, en a tiré une image son relativement correcte. J’écris image car, il fallait avant tout être présent pour saisir toute la dimension théâtrale de la musique et écarquiller les yeux face aux gags scéniques plus drôles les uns que les autres. Le Kollektieffit le tour du monde et joua pour les foules dans des festivals destinés au plus large public, comme le Mallemunt sur la place de la Monnaie à Bruxelles. Comme pour Sun Ra, ses musiciens lui furent fidèles jusqu’à la disparition de Breuker et le WBK continua encore à se produire par la suite. La musique de Sun Ra et son Arkestra et ses enregistrements ont acquis un public très large si on considère le flot de rééditions et inédits en vinyleet cd’s. La musique du WBK se veut tout aussi populaire, et il serait temps que des enregistrements tels que celui-ci soit mis dans de bonnes mains pour l’édification des jeunes générations. FOU records est en train de tracer une belle série d’incunables avec cette parution historique qui fait suite à Live aux Instants Chavirés(Kowald Lazro Nozati) 28 Dunois juillet 82 (Bailey Léandre Lewis Parker). Fort à parier qu’il y aura encore d’autres surprises aussi intéressantes quand on sait le travail quasi systématique de prise de sons réalisé par Jean-Marc Foussat durant les années 80.

Paul Dunmall Tony BiancoHommage to John Coltrane Slam  double CD 296

Au programme de ces deux concerts à Delbury Hall à Shropshire et au Café Oto :  Ascension 15.03, Resolution 15.23, Central Park West 3.26, Transition 11.24, Psalm 18.57 (CD 1) et Ogunde/Ascent 11.24 Naima 5.35 The Drum Thing 7.27 Sunship 9.03 Giant Steps 7.12
Expression/Affirmation 13.30 Alabama 7.11 My Favourite things 8.18 (CD 2). Le saxophoniste Paul Dunmall est sans nul doute un des rares grands re-créateurs de la musique de John Coltrane. Il a déjà enregistré deux formidables recueils de la musique du géant disparu au Delbury Hall : Tribute to Coltraneet Thank You John Coltrane pour le même label. La pochette est aussi sommaire et discrète que la musique est incendiaire. Nous sommes ici loin des enregistrements Atlantic et avec Miles Davis. Plutôt au cœur du maelstrom des tournées avec le quartet historique et du duo avec Rashied Ali. Tout-à fait échevelée et bourrée d’énergie, le rendu des morceaux de Coltrane par Dunmall est radical et le plus vif qui soit même si le jeu navigue entre les deux ou trois périodes situées entre 1961 et 1967. La qualité de l’enregistrement du Café Oto aurait pu être un peu meilleure pour pouvoir goûter les nuances du timbre du saxophone. Tony Bianco conduit ses fûts avec une furia hallucinante en croisant idéalement les rythmes et les pulsations. L’invention mélodique de Dunmall évoque Coltrane mais son exceptionnelle musicalité fait qu’il s’approprie le matériau comme s’il en inventait la trame. Tony Bianco a acquis une véritable intelligence sensible de cette musique : elle transcende l’énergie incandescente du duo. Une vraie sincérité. Pour tout  amateur de la musique de Coltrane et de saxophone ténor, ces enregistrements épiques sont une aubaine ! Rien ne sert de discourir, comme disait Coltrane, la musique parle pour elle-même.

Extremes  Evan Parker Paul Dunmall Tony BiancoRed Toucan

Tenor Titansserait-on tenté d’écrire !! Un autre album sur le label Rare Records réunit Paul Dunmall et Evan Parker avec Kenny Wheeler et John Edwards (Live at the Vortex London RM 036). Le défunt batteur Tony Levin ayant là un jeu plus aéré, c’était la version relax de l’association des deux saxophonistes. Existe aussi un Birmingham Concertréunissant les deux souffleurs sur le même label (RM 026) en compagnie de Levin et Barry Guy que je n’ai pas écouté. Avec ce très puissant émule de Rashied Ali qu’est Tony Bianco drivant le trio, c’est aux extrêmes que sont poussés Paul et Evan. Pas loin de l’Interstellar Space  du tandem Coltrane / Ali, mais avec cette constance appliquée, systématique des souffleurs britanniques. Dans les échappées les plus lyriques et les plus inextricables, reste une dose de self-control. Un trio magique !  Il y eut aussi un trio semblable confié à la « cire » : Utoma (Emanem) avec Bianco, Dunmall et Simon Picard, un autre ténor de poids, complètement sous-estimé. Le présent album trouve Dunmall, Parker et Bianco en pleine bourrasque face au large démonté et aux embruns extrêmes. Une tempête colossale se soulève. Mais avec deux capitaines de cet ordre et un tel timonier, on est certain d’arriver à bon port : au septième ciel. Triple détachés, sons déchirants, harmoniques pressurées, boucles infinies dans un grand écart à travers les échelles les plus complexes.  Je m’arrête d’écrire car c’est vraiment trop délirant à écouter. 10/10 pour Red Toucan.
PS : Nombre d’auditeurs relativement informés classent généralement les musiciens dans une échelle d’importance en fonction de leur notoriété et de leur virtuosité. Ils constateront ici qu’Evan, un innovateur visionnaire et Dunmall, un styliste unique, jouent à égalité à tout point de vue. Dunmall est sans doute un des très rares saxophonistes ténor capables de jouer au même niveau musical que Parker. Il n’y a que la musique qui compte.

Rentrée - September Check

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ATTR ACT Live at Santa MariaAnton Mobin & Riipus Anti-thesis 2015 http://antonmobin.blogspot.be/search/label/RELEASES 

Pour une fois un label sans website indiqué sur la pochette ! C’est comme une bouteille à la mer. Un peu après la disparition d’Hugh Davies, on s’est souvenu de son travail de pionnier avec les objets amplifiés / instruments inventés. Quelques albums sont parus, ainsi qu’un hommage enregistré avec Mark Wastell, Adam Bohman et Lee Patterson (For Hugh Davies– Another Timbre). Mais voici un excellent artiste à suivre à la trace : Anton Mobin et ses Prepared Chambers. ATTR ACTnous le fait entendre avec un « guitariste couché » avec objets, Riipus et c’est produit par un label italien qui a particulièrement soigné la pochette en carton laminé. Les archets utilisés ont été réalisés par Silvia Caviglia. La prise de son est excellente et met en valeur la dynamique et la précision des  timbres. Il fut une époque où l’improvisation radicale (early 70’s) des Bailey, Davies, Parker, Lytton et consorts affirmait l’abrogation de la frontière entre sons musicaux et bruits. La voie était donc tracée et cet enregistrement illustre à merveille cette direction bruissante – pour ne pas dire bruitiste. On découvre que ces manipulations d’objets préparés soigneusement dans une caisse résonnante (prepared chambers) et munie d’électro-contacts font vivre des hauteurs de sons, des timbres ajustés à une réelle sensibilité qui est en fait très proche de ce qu’on obtient avec un instrument de musique préparé ou détourné aux moyens de ces fameuses techniques alternatives. Un travail très précis évite la relativement ennuyeuse indétermination des sons bruts, commune à ce type de démarche. Du grand art. Le guitariste s’intègre remarquablement à cet univers introspectif. Cela gratte, frotte, glisse, fait vibrer, résonne, explore avec concentration et retenue dans une grande variété de textures. L’électricité est convoquée seulement pour amplifier un processus mécanique et acoustique, pour donner un souffle aux objets inertes. Les deux musiciens sont en phase dans une rencontre intéressante qui délaisse la virtuosité pour l’excellence des sons découverts, révélés, leur imbrication naturelle, leur vibration intime. Au fil des quatre morceaux, le dialogue et l’écoute mutuelle grandissent, une relative angularité naît de l’approche initiale. Je prends un plaisir d’écoute sensible à toutes leurs sonorités et au déroulement de leur musique.
Cette musique est vraiment singulière dans le panorama des musiques improvisées et c’est pourquoi je recommande cet enregistrement qui sort réellement des sentiers battus.

Ape Green Patrick Crossland & Alexander Frangenheim  Creative Sources CS 243

Il n’y a pas à dire, le trombone et la contrebasse sont des instruments qui s'accordent à merveille pour improviser car leur manipulabilité et leurs actions respectives sont moins immédiates qu'un saxophone et une batterie. On plonge aisément du grave à l’aigu en changeant un brin la pression des doigts ou des lèvres. Chaque position de la main sur l’instrument que ce soit sur la touche du gros violon ou à la coulisse du trombone offre des options contrastées du grave aux harmoniques les plus hautes. Cette complémentarité singulière est excellemment mise en valeur ici. Alexander Frangenheim a longuement collaboré avec le tromboniste Gunther Christmann, un adepte de la formule avec, par exemple, les contrebassistes Maarten Altena et Torsten Müller. 
Les deux musiciens d'Ape Green sont experts en techniques avancées et les utilisent dans une stratégie réussie de construction / déconstruction, dialogue /détournement du sens, empathie - chassé-croisé. Des signes, du sens vécu. Des intentions et une réflexion. On reconnaît Alexander Frangenheim et on découvre ô combien Patrick Crossland partage son exigence musicale et une grande finesse au long tube à coulisse. L’utilisation de la sourdine est vraiment intégrée à la gestuelle du tromboniste. Musique du mouvement, expression du corps et de sa mémoire, lyrisme introspectif qui soudain dérape, questions sans réponses immédiates, sons rauques puis délicats. Métamorphose : mutations incessantes vers des densités indéterminées et changeantes, graphiques de l’apesanteur, occurrences ludiques.  Pour couronner le tout, une belle musicalité et un sens mélodique qui fuit l’évidence. 12 improvisations succinctes et calibrées enregistrées en novembre 2012 à Berlin, ville qui concentre un nombre exponentiel d’improvisateurs lesquels se pollinisent dans une galaxie infinie. En voici un brillant exemple que je réécoute à l’envi.

Ola Djupvik Idiophonics Acoustic Drum Set FMR CD 388-0115
Rien d’étonnant à trouver cet album de percussions solo chez FMR, le responsable du label, Trevor Taylor étant lui même percussionniste et passionné de percussions. FMR avait publié une remarquable anthologie des percussionnistes improvisateurs britanniques : improvising percussionist avec des solos de John Stevens, Eddie Prévost, Paul Lytton, Frank Perry et Trevor Taylor himself. Prenez le patron au sérieux : avant de faire carrière dans l’industrie musicale et ses innovations essentielles pour adapter le moog chez Roland, Taylor partageait un excellent groupe il y a presque quarante ans avec Phil Wachsmann, Marcio Mattos et Ian Brighton, un guitariste essentiel à l’époque. FMR a aussi produit des albums du chercheur Steve Hubback. Ce remarquable portrait sonore du percussionniste Ola Djupvik présente différentes facettes de la percussion qu’il travaille une à une dans une approche quasi minimaliste. Le premier morceau s’intitule Drones and Idiophoneset utilise la vibration de la résonance d’un tambour qu’on frotte simultanément au rebord d’une cymbale qui émet un crissement aigu sous la pression d’un archet ou d’une corde tendue. Cage Monkeysollicite la cymbale frappée légèrement avec des variations dynamiques sur différents points de sa surface. Arpeggios met en rotation un ostinato de frappes sur un tambour, subtilement décalées en croisant deux rythmes mouvants tout en maintenant un thème dont la trame évolue en ajoutant des coups cadencés sur un autre point de la peau en accélérant le débit, créant graduellement une impression polyphonique. C’est un travail remarquablement conçu et soigneusement exécuté et sa conclusion construit un ralenti progressif qui lui permet d’ajouter des frappes dans une perspective différente. Un excellent moment qui intéressera sûrement beaucoup d’apprentis batteurs, le langage de la percussion étant universel. Tumble se concentre d’abords sur un jeu free avec une variété de frappes et de roulements sur une caisse claire amortie se rapprochant de la dynamique de la musique indienne ou des tambours d’aisselle africains. Petit à petit d’autres éléments sont sollicités pour évoluer à l’aide d’une clochette tintinabulante vers d’autres frappes coordonnées et une solution logique. Bref, un intéressant travail par un bon artisan qui mérite d’être entendu live.

Evan ParkerThe Snake Decides psi ps 03.06


Deuxième réédition de l’album de solos de saxophone soprano d’Evan Parker publié en vinyle par Incus en 1986, The Snake Decides nous fait entendre un stade encore supérieur par rapport aux disques précédents (saxophone solos 1975, Monoceros 1977, Six of One 1980).
J’ai expliqué cette évolution instrumentale et stylistique dans un article précédent au sujet de la réédition de Monoceros. Du cri primal sophistiqué vers une complexité multiphonique créée par l’illusion de la polyphonie. Quant The Snake Decides est sorti, un nombre important de personnes intéressées et fascinées par Monoceros en 1977/78 avait déserté. Lorsqu’Evan s’était produit en solo au Palais des Beaux Arts de Bruxelles en 1979, il y avait plus d’une centaine de personnes, l’espace du hall du Palais avait été envahi par amateurs et curieux provenant autant du public du free-jazz, du contemporain que celui de l’Art Rock, des Henry Cow ou Brian Eno. C’était une révélation pour tout le monde. Quand le saxophoniste revint aux Beaux-Arts en 1984, il y avait 6 personnes. Je fus frappé à l’époque par un véritable bond en avant de sa musique solo. Ses volutes entrelacées dans l’infini avaient acquis une puissance, un lyrisme neufs : Evan Parker ne se contentait pas gérer un acquit, des techniques et un style révolutionnaire. Il approfondissait merveilleusement (et c’est toujours valable aujourd’hui) son univers sonore en y ajoutant une dimension profondément musicale. N’ayant alors pas encore entendu Six of One, nous fûmes médusés. Déçu par l’indifférence du public dont le goût avait changé comme si ce musicien appartenait au passé, ce concert me poussa à le réinviter (Waterloo 1985 Emanem 4030). Et donc cette performance enregistrée le 30 janvier 1986 dans l’église St Paul’s à Oxford par le génial Michael Gerzon est singulièrement différente du concert de Six Of One. Si la musique solo de Parker au sax soprano, est archétypique, avec cette multiplication d’ostinatos qui se chevauchent entre les graves et les suraigus et dont s’échappe un tournoiement mélodique insaisissable, la forme, les couleurs, la densité, la fluidité, la texture profonde peuvent varier très sensiblement d’un concert à l’autre. Dans le morceau the Snake Decides, une face de vinyle de 19 minutes, la physicalité du son est poussée très fort dans le va-et-vient des battements des harmoniques spiralées et des contrepoints fantômes. L’illusion de polyphonie se métamorphose perpétuellement transcendant l’aspect répétitif de la musique. L’acte musical semble un serpent qui décide son chemin dans l’instant. Cette musique qu’on qualifie d’avant-garde, est reliée organiquement à des musiques de transe comme celles des chamans guérisseurs du Baloutchistan, les launeddas sardes, des bergers du Rajasthan, du pibr’och écossais ou des Pygmées. C’est bien le voeu d’Evan Parker. On se souvient du terme « des musiques répétitives » des seventies et des compositeurs en vogue à l’époque comme Terry Riley. Evan Parker apporte à ce courant un autre regard pointé par le pavillon de son soprano et son extraordinaire énergie. L’articulation du saxophone combinant triples détachés, doigtés croisés, harmoniques hyper contrôlées et vocalisations se situe au-delà de l’humainement possible. Il déconstruit magistralement les techniques des cadences infernales du premier morceau dans les trois morceaux suivants, Leipzig Folly, Buriden’s Ass et Haine’s Last Tape, dans des affects et des nuances bien ciblées. Leipzigcontient un remarquable développement de ces phrasés hachés menus parsemés de brefs silences et d’accélérations, et Haine’s termine l’album dans une envolée hallucinante dans les aigus où les techniques de Snake recalibrées servent un lyrisme absolu. Magique !

Michael Ranta  Yuen Shan  The Ritual of Life Metaphon 006 (double vinyle)



Metaphon est le label de l’infatigable musicien expérimental belge Timo Van Luyck et ses productions sont la perfection incarnée. Michael Ranta est un percussionniste contemporain actif depuis les années soixante qui a cherché son inspiration en Extrême-Orient, à Taïwan. Son matériel est composé d’une multitude de cymbales chinoises et turques, de gongs, cloches et crotales et de tambours accordés. Son jeu d’une grande précision évite la virtuosité pour se consacrer aux sons et à leur vie dans l’espace, à leur résonance intime dans le silence ou leur étalement en cascades lumineuses. Rien de tarabiscoté, aucune tentative de tape-à-l’œil et d’effets suractivés, plutôt une attitude zen. Une esthétique pas tellement éloignée de celle de la musique improvisée contemporaine et fortement imprégnée de son apprentissage approfondi du tai-ji-quan. Ses références dans la culture chinoise et son expérience en Orient évoquées dans les notes de pochette en insert nous éclairent sur son parcours et sa démarche. J’ai eu un réel plaisir à me laisser emporter par la magnificence sonore du cheminement de chacune des quatre pièces improvisées qui couvrent les faces de Yuen Shan. Il s’en dégage une forte impression de recueillement, de plénitude sonore. Une poésie du détachement et une musicalité profonde. La finesse du jeu sans heurts ni à-coups est absolument remarquable. Metaphonavait documenté le groupe Mu (Michael Ranta/ Mike  Lewis/Conny Plank Metaphon 003) dont un autre album figurait dans le coffret Free Improvisation de Deutsche Grammofon en 1973 aux côtés d’Iskra 1903(Derek Bailey/ Barry Guy/ Paul Rutherford) et de New Phonic Art(Carlos Alsina, Jean-Claude Drouet, Michel Portal, Vinko Globokar). Cet album Yuen Shan représente un courant plus secret des musiques improvisées alternatives survenu dès leurs éclosions initiales, très peu documenté jusqu’à présent. A recommander avec insistance.

Some free Improvisation's AVAILABLE recommended recordings

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There are so many recordings issued in the field of free improvised music since the heydays that, for a newcomer who hasn't much money to spend, it is almost a nightmare to select the most significant documents. Some recordings from the same artist are quite special more than others and many players have made an evolution along the years. There are also great recordings  now unavailable. By example the duos of Paul Lovens and Paul Lytton on Po Torch or Fred Van Hove's improvising groups w Wachsmann, Charig etc... were never reissued or the fabled London Concert of Evan Parker and Derek Bailey (Incus 16) reissued on Psi and now sold out. 

So there are here some tips for "historic" albums still in stock and I suggest that one should order them from the label itself or from dedicated militant mail order service like Improjazz, Open Door, Metamkine etc...

Derek Bailey Lot 74  (Incus 12 lp)   Incus CD57   http://www.incusrecords.force9.co.uk/catalogue/general2.html    amazing solo recording of 1974 using the stereo amplification with the two volume  pedals. Cover art by Leonardo da Vinci.
Derek Bailey Lace Emanem CD 4013 
http://www.emanemdisc.com/E4013.html  The only acoustic Derek Bailey solo available ! Amazing. 

Paul Rutherford Solo in Berlin 1975 Emanem CD 4144  http://www.emanemdisc.com/E4144.html  Paul Rutherford 's best solo concert performances recorded in FMP's Workshop Freie Musik & Total Music Meeting. His seminal solo album The Gentle Harm of the Bourgeoisie (Emanem 3305) was made from three different solo concerts in 1974 at Unity Theatre : Emanem CD 4019 http://www.emanemdisc.com/E4019.html 

John Stevens /Trevor Watts /Derek Bailey Dynamics of the Impromptu FMR CD360 http://fmr-records.com/pdffiles/FMRCD360.pdf
Although not actually listed as a Spontaneous Music Ensemble recording, Dynamics is a perfect example of the SME gig proceedings, very well recorded by Martin Davidson, with all SME ingredrents :  recorded in the mythic Little Theatre Club,  John Stevens' SME baby drumkit, Trevor Watts' s soprano sax (also a SME instrument) and Derek Bailey's acoustic and electric stereo guitar with TWO volume pedals... 

Howard Riley /Barry Guy /Tony Oxley Synopsys1973 (Incus 13) Emanem CD  4044
The most far out trio and seminal combination from  these three exceptional players.   

Gunther Christmann / Phil Minton For Friend(s) and Neighbour(s) 2002 Concept of Doings - Edition Explico cod 008 / explico 12

Phil Minton / Roger Turner AMMO 1982 Leo Records (LR106)  GY 22 . Their very first album and the very first album where Phil Minton does free improvising singing with a colleague in a current group.

Evan Parker / Paul Rutherford / Hans Schneider / Paul Lytton  Waterloo 1985  Emanem CD 4030 . One 65 ' piece with all possible combinations and amazing interplay reuniting Parker and Rutherford. The last recording of Paul Lytton with is "chinese drum mighty kit".

Alex von Schlippenbach quartet w. Evan Parker Peter Kowald & Paul Lovens Hunting the Snake  1975  Atavistic Unheard Music Series

Brötzmann Van Hove Bennink 1973  "FMP 0130"   (FMP 0130 ) Atavistic Unheard Music Series . The craziest free improv recording ever ! Surrealist !


Fred Van Hove Passing Waves solo 1998 Nuscope 1001
Spraak & Roll  2004 WimPro acht/negen ... amazing piano solo ...

Birgit Uhler / Ulrich Philipp / Roger Turner  Umlaut 2000 NurNichtNur. One of the very best improvisation libre recording of its time.



Paul Hubweber / Ulli Blöbel  Schnack 3Nur Nicht Nur 
The greatest live signal processing / instrument real time duo ever !

  Conceits  Acta label vinyl lp 1988 reissued by Emanem : John Butcher/ John Russell / Phil Durrant first album !
http://www.emanemdisc.com/E5036.html

News From The Shed : same trio augmented by Paul Lovens and Radu Malfatti 1989 issued by Acta and reissued by Emanem ! The second is a pure gem !
http://www.emanemdisc.com/E4121.html

Evan Parker - Barry Guy 's Obliquities Maya  1995 

Phil Wachsmann - Teppo Hauta Aho August Step Bead CD  104

Daunik Lazro - Phil Minton Alive at Sonorités Emouvance émv 1021 

IST : Rhodri Davies - Simon H Fell - Mark Wastell  Berlin Confront CCS 

IKB Ensemble Monochrome Bleu Sans Titre Creative Sources CS 223

October recollections : Alex Ward Quintet, Free Form Improvisation ens for Abdou Bennani, Jean-Marc Foussat box on Improvising beings, Claude Parle, Joao Camoes, Carlos Zingaro solo, Schlippenbach Hubweber and co

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Alex Ward QuintetGlass Shelves and Floor Ollie Brice Tom Jackson Hannah Marshall  Rachel Musson Alex Ward Copecod POD09


Copecod est le micro-label de ce virtuose de la clarinette intrigant qui participa à la Company de Derek Bailey fin des années 80 à l’âge de quinze ans, Alex Ward. Pour le neuvième opus publié par Copecod, Alex Ward a convoqué un autre clarinettiste, aussi intriguant que lui, Tom Jackson, la saxophoniste ténor Rachel Musson, la violoncelliste Hannah Marshall et le contrebassiste Ollie Brice, pour une suite écrite pour des improvisateurs, Glass Shelves and Floor. Les chemins de la composition contemporaine, du jazz d’avant-garde et de la free-music improvisée s’y croisent à la jointure de leurs langages et de leurs pratiques. Cette suite d’une demi-heure figure dans sa version studio et lors d’un concert particulièrement réussi au Vortex Jazz Club, lieu situé le long de la Kingsland Road, dans ce Nord Est londonien où se concentrent les espaces dédiés à cette musique (Café Oto, Vortex, Hundred Years Gallery).  Chaque instrumentiste interprète la musique en tant que membre d’une formation de chambre et comme soliste. Tous improvisent d’une manière radicale en solitaire ou en sous-groupe (duo, trio)  au fil du cheminement prévu par le compositeur. Il m’est arrivé quelque fois de lever les yeux au ciel lorsque des musiciens improvisateurs s’intitulent compositeurs contemporains, mais ici, Alex Ward est à féliciter vivement ! Non seulement son écriture est subtile et réussie, mais lui-même et son ensemble ont su créer des liens étroits et vivants entre la composition, son interprétation et l’improvisation à la fois individuelle et collective au point que chacun de ces termes semble générer ou se prolonger dans l’autre naturellement et vice-versa. Cette interpénétration réussie crée une dynamique particulière et unique. Rien d’étonnant qu’Alex Ward est un des plus précieux collaborateurs de Simon H Fell, un compositeur / improvisateur de choc incontournable. Ces Glass Shelves ont un air de famille avec les excellents Thirteen Rectangles de SHF auxquels Ward avaient largement contribué. On y rencontre l’esprit de la musique improvisée libre dans toute son essence et une écriture musicale à la fois très précise et remarquablement ouverte, lyrique et concertante. A noter que Tom Jackson y joue aussi de la clarinette basse et qu’Alex Ward bruite avec un amplificateur. Un excellent moment réitéré.

Free form improvisation ensemble 2013 abdelhaï bennani burton greene alan silva chris henderson  live at the sunset march 19 2013 improvising beings ib 40 double cd

Free Form Improvisation Ensemble fut un des tous premiers groupes dédiés à l’improvisation libre durant les premières années soixante, sensiblement plus en « avance » par rapport à la moyenne de la New Thing de l’époque. Le label Cadence a documenté FFI il y a quelques années dans un album passé inaperçu.   On en retrouve ici deux piliers, le pianiste Burton Greene et Alan Silva lequel  a abandonné depuis lors sa contrebasse pour un « synthétiseur orchestral ». A leurs côtés, le percussionniste Chris Henderson, un ancien de Sun Ra, joue ici des percussions électroniques qui parfois font plus qu’évoquer un tambour d’aisselle ouest-africain ou des tablas indiens. Et en guise d’adieu, le saxophoniste ténor Abdelhaï Bennaniqui nous a malheureusement quitté dans le courant du mois d’août. C’est sans doute en hommage à Abdou et à son ténor vagabond qu’Improvising Beings a publié cette chaleureuse tranche de vie amicale et musicale, un beau manifeste du partage du temps et de l’espace entre musiciens qui s’écoutent et se comprennent. Comme le signale le producteur Julien Palomo, une partie du public du Sunset fut effrayée par la musique et se replia. Avec Henderson et Silva et leurs instruments électroniques, il y a une évidente filiation Sun Ra. Les improvisations de Silva sur son synthétiseur « orchestral » sont le pôle le plus « avant-gardiste » de ce quartet atypique. Burton Greene se révèle un solide pianiste muni d’une profonde culture musicale vivante issue du jazz mais pas que. Abdelhaï Bennani nous livre ici la quintessence de son approche personnelle et originale au saxophone ténor. Son jeu n’atteint pas la virtuosité des Evan Parker, Paul Dunmall, David S Ware, Jimmy Lyons ou Michel Doneda pour prendre quelques exemples avec des styles différents. Ou même la vivacité confondante de zèbres comme John Butcher, Stefan Keune ou Ivo Perelman. Mais, et c’est tout aussi important, son souffle émet et transsusbtancie l’émotion qui sourd sans crier gare.  Le son relativement détimbré a ici une allure désenchantée. Mais parmi les poètes du saxophone ténor qui ne se distinguent pas par la technicité du jeu, Abdou est sans doute un de mes préférés. Il projette un affect indicible fait de spontanéité, de réflexion et d’une logique particulière avec un son lunaire presque blafard, un phrasé libéré sans emphase et une belle irrégularitéassumée. Il cherche, fouille, répond en mordant ou s’évade rêveur… un vrai improvisateur. On pense à l’excellent Garry Todd , ce saxophoniste ténor incontournable de la scène londonienne du Little Theatre Club des années septante immortalisé par Sunday Besten compagnie de Roger Turner (Incus 32 1979). On entendit d’ailleurs Bennani en compagnie de Silva et Roger Turner ….   Et donc, cette rencontre d’un soir entre amis est tout à fait remarquable par la grande qualité de la collaboration de ces quatre individualités particulières : ils parviennent à faire coexister leurs univers personnels parfois divergents dans un enchaînement naturel. Toute l’évidence de la musique partagée autant qu’improvisée.  Plus brièvement : j’ai beaucoup aimé.

Jean Marc Foussat alternative oblique improvising beings ib 38

Un quadruple cédé pour retracer l’utopie de la démarche et l’évolution de Jean-Marc Foussat. Connu dans toute l’Europe de l’improvisation pour le généreux preneur de sons des Joëlle Léandre, Derek Bailey, Evan Parker, Paul Lovens, Lytton, Joe McPhee, JMF a contribué à écrire les plus belles pages de l’improvisation radicale de manière désintéressée, avec passion et amour. Rien que pour l’extraordinaire Aïda de Derek Bailey en solo acoustique et la documentation de Epiphany – Epiphanies, la Company la plus stellaire et la plus utopique du même Bailey,   C’est sans compter sur son expérience personnelle dans la découverte de l’acte musical par n’importe quel bout ! En fait, Jean-Marc Foussat est aussi passionné que les musiciens exceptionnels qu’il a enregistrés dans une autre vie. Dans livret interview de l’album, Julien Palomo (improvising beings , c’est lui !) lui fait retracer son parcours depuis les utopiques premières années 70 où il s’initie à une musique communautaire où se croisent autant le rock alternatif ( pré-punk ?), l’écriture contemporaine, la pratique de l’improvisation, l’influence du free-jazz, le fait maison etc…. . Commençant son périple musical à la guitare trafiquée dans le trio dadaïste Phyllauxcxzairrâh (qui fit pourrir vingt fois son poids de patates !),  JMF se lance dans la composition interactive sur bande avec des souffleurs libertaires et une solide paire de ciseaux tout en faisant siffler un VCS III.  Il finit par abandonner la partie, déçu ou frustré par ce qui lui semblait une impasse : Le Lézard Marcioen 1977 à Cluny. Après son travail intensif et prodigue d'ingénieur du son, on le retrouve à l’aube des années 2000 avec le guitariste Marc Dufourd, le pote de Jacques Oger  dans Axolotl. Avec Oger, Foussat avait fondé Potlatch pour s’en distancer par la suite et le nom du label traduit bien son extrême générosité située dans une forme de candeur enthousiaste. Dans sa création musicale, l’influence du rock est latente : le cédé consacré à sa collaboration avec Dufourd rejoint par Jérôme Bourdellon, est baptisé Trash The Flash, alors que le 3èmecédé contient un Wild Thing (Tribute to J.H.). Cette musique intrigante, trafiquée s’évanouit dans des boucles hallucinées dans l’orbite post-rock. Les sons du synthé et les bandes de JMF apportent une réelle dimension organique. Aussi, un extraordinaire témoignage enregistré d’un homme « différent » nous livre en filigrane ses tourments et c’est profondément touchant.  Les plages du quatrième cédé démontre à l’envi que JMF est devenu un improvisateur à part entière : de soufflantes rencontres enregistrées en mars, avril et mai 2015 avec  Jean Luc Capozzo, Nicolas Souchal, Matthias Mahler aux trompettes et trombone, la chanteuse Marialuisa Capurso et le percussionniste Dirar Kalash, le contrebassiste Fred Marty et Joe Mc Phee à la trompette de poche, Paul Lovens à Nickelsdorf et un groupe plus large : McPhee, Thomas Berghammer à la trompette, Raymond Boni, Hans Falb aux platines, Irene Kepl au violon, Noïd au violoncelle et Makoto Sato à la batterie pour clôturer en fanfare décapante. Ses récents carnets de bord de l’improbable millésimés de 2015 valent à eux seuls le détour. Improvising beings a la foi qui fait bouger les montagnes !

João Camões Jean-Marc Foussat Claude ParleBien MentalFou Records FR – CD 12

Les notes de pochette contiennent un magnifique poème de Claude Parle qui nous livre ici une superbe partie d’accordéon entre le violon alto de João Camões et l’installation électrocutée de Jean-Marc Foussat. Enregistré à la maison, ce remarquable trio développe une symbiose étonnante entre les glissements microtonaux de l’alto, le chuintement des anches libres de l’accordéon qui font des anicroches aux gammes tempérées et les vibrations quasi motorisées du dispositif électro acoustique. Il y a dans cet univers un souffle et une matérialité qui évoque les affects de la voix humaine, une poésie des sons organiques. Une dérive initiée par le sciage des harmoniques à l’archet en ostinato mouvant jusqu’à un demi silence d’où vient sourdre le délire des touches de l’accordéon. L’Autre bout s’achève. A vingt ans : une pédale d’orgue imaginaire en unisson contrarié, des échanges subtils, des démarrages amorcés, une conception intéressante de l’occupation de l’espace sonore, des drones sensuelles alternent avec le charivari, du silence affleurent des murmures. Le trio attire l’écoute et l’attention par le renouvellement des propositions et une écoute minutieuse. La magie du glissando opère dans le languissement de longues notes tenues dont les couleurs pâlissent et les fréquences descendent de quelques commas. Les passages enlevés tels des guigues célestes, menées tour à tour par le violon ou l’accordéon, sont enchaînés par les grondements sous-marins de l’installation de J-MF ou des barbotements improbables. Il y a une véritable osmose entre les sons acoustiques et les bruissements électroniques. L’évocation d’une guimbarde de la Déchirure sonne le rappel de l’ostinato du morceau précédent version tzigane cosmique. Camões trouve le ton juste pour se joindre aux contrepoints affolés de Parle, lequel musicien n’a jamais mieux porté son patronyme : il parle aussi excellement musique qu’il n’écrit musique. Quand trois musiciens dissemblables  mais animés par une sincère volonté de dialogue et de complémentarité échappent aux lieux communs : le Bien (commun) Mental. J’applaudis !!

Carlos Zingaro Live at Mosteiro de Santa Clara a Velha Cipsela CIP 001
Ce nouveau petit label portuguais nous propose un enregistrement incontournable du grand violoniste Carlos Zingaro Alvesenregistré dans l’église du Monastère de Sainte Claire à Coimbra. Le premier mouvement Crushing Wheels développe un ostinato percussif dont le musicien fait varier le geste initial dans un festival de notes ondoyantes et irisées avec un lyrisme puissant mais sans emphase. Il fait ensuite coexister des  motifs dissemblables,  qui  s’enchaînent et se répondent avec précision. Portions of Life conjuguent des haikus ponctués de silence qui alternent leurs variations singulières avec une logique imprévisible. Il s’ensuit un extraordinaire travail de l’archet qui fait se croiser et s’interpénétrer plusieurs techniques au service d’une quête d’un seul tenant. La virtuosité exceptionnelle de Zingaro est exclusivement au service d’une expression qui bannit le verbiage au profit d’une vision épurée de l’improvisation. Des rebondissements de l’archet font atterrir le son sur des aigus extrêmement pointus. Une musique nue !  Twisted Chords porte bien son titre. Ce qui est sidérant c’est d’entendre dans cette toute autre démarche par rapport aux précédentes Portions de Vied’infinis détails microtonaux, un intervalle, des accents subreptices entendus auparavant. Voids of Nightévoquera de loin des modes indiens avec une extraordinaire finesse de jeu à l’archet où l’invention mélodique est poussée aux confins du silence. Il n’y a pas un son, un intervalle, une intonation que ne soit Zingaresque. Quoi qu’il joue, Carlos Zingaro Alves, est très profondément lui-même, un musicien unique. Une personnalité incontournable de la musique improvisée européenne. Avec Malcolm Goldstein, Jon Rose et Phil Wachsmann, Zingaro en a créé les moments les plus palpitants au violon.   L’enregistrement a capté la couleur et la vibration de l’espace et sa réverbération granitique donnant un relief vécu et un son saturé au jeu du violon loin des canons conventionnels. Ces caractéristiques sonores font de ce disque emballé élégamment en noir et blanc, qui passera peut-être inaperçu dans le torrent médiatique de la free-music dominé par les saxophonistes mordants et les pianistes à programmes, est un véritable monument de musicalité, de sensibilité et d’énergie.

IntricaciesPaul Hubweber Frank Paul Schubert Alexander von Schlippenbach  Clayton Thomas Willi Kellers No Business Records NBCD 74-75
Voici une manière d’All Stars de choc du free-jazz germanique campé autour d’un tandem basse batterie à l’énergie inaltérable : deux souffleurs très remarquables et un pianiste poids lourd de la profession. Eric Dolphy, musicien clé de l’œuvre de Schlippenbach qui lui a adressé récemment plusieurs hommages appuyés, a un jour enregistré Iron Man. S’il y a jamais un homme d’acier dans la free music, c’est bien Alex von S. Alors que les grands pianistes de sa génération faiblissent en raison de leur âge qui s’avance, Alex von Schlippenbach a gardé toute la verdeur de sa jeunesse. Sa ténacité et sa résistance physique sont proverbiales et je me souviens l’avoir croisé en 2005 et 2007 : il ne faisait pas son âge. Une fois le concert terminé après une tournée éprouvante, il a quitté Bruxelles la nuit pour rejoindre Berlin d’une traite en voiture. Ce quintet dirigé par le pianiste et ce remarquable sax alto incisif qu’est Frank-Paul Schubert a un personnel variable. Leur précédent opus publié en sextetpar FMR, Red Dahl,  avait rassemblé le batteur Yorgos Dimitriadis, le bassiste australien Mike Majkowski, le saxophoniste Paul Dunmall et le tromboniste Hilary Jeffery. La nouvelle mouture du quintet est liée un autre groupe autour de Frank-Paul Schubert et toujours enregistré par FMR : Life in a Black Box avecle contrebassiste Clayton Thomas le batteur Willi Kellers età nouveau Paul Dunmall au sax ténor. 

C’est donc un double cd débordant d’énergie et d’écoute intenses enregistré au B-flat de Berlin. Deux longs développements de 45 minutes et plus pour chaque cd avec une conclusion d’un quart d’heure clôturant le deuxième disque, Encore. Come to Blows invitent les deux souffleurs, le pianiste et le tandem basse-batterie à bouter le feu, à presser les soufflets du diable sur la fournaise … Dans Intricacies, ils évaluent leur imbrication et de nombreux points de chutes, d’angularités communes, arpentent le chemin qui défile devant eux chacun dans son propre biorythme. C'est d'ailleurs sur ce long morceau ( 44 minutes) que j'ai focalisé mon écoute. Frank Paul Schubert déroule les spirales accentuées du sax soprano avec bonheur après que Paul Hubweber ait indiqué la direction. Willi Kellers percute subtilement. L'intensité s'envole sous les coups assénés au piano et revient ensuite vers un mezzo voce où la coulisse d'Hubweber fait merveille sur l'archet frappeur de Clayton Thomas. Paul Hubweber est aujourd’hui le tromboniste préféré d’Alex von S. alors que sont disparus Albert Mangelsdorff et Paul Rutherford… Pour le pianiste vétéran, le trio PaPaJo qui réunit Hubweber, Paul Lovens et John Edwards est son trio d’improvisation préféré. Et donc nous avons tout le loisir de découvrir ce tromboniste essentiel qui marque son territoire raffiné dans cet escadron à l’emporte pièce, contrebalancé par les doigtés subtils et le swing tellurique du pianiste. Clayton Thomas a un abattage fantastique (avoir entendu Majkowski et Thomas en tête-à-tête reste un de mes meilleurs souvenirs !) et Willi Kellers propulse à propos sans obscurcir les miroitements complices. Frank Paul Schubert marque son appartenance à une longue lignée d’altistes inspirés par Bird, Ornette, Dolphy…  Un quintet remarquable qui assume les challenges musicaux du jazz libre où les amarres sont lâchées…

Octobre décliné en improvisations sans rétroviseur

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Décliné Clinamen trio Louis-Michel Marion Jacques Di Donato Philippe Berger Creative Sources 304

Lorsque nous découvrîmes les premiers albums d’Ernesto Rodrigues et des « réductionnistes » sur Creative Sources, nous n’aurions jamais imaginé que l’aventure de CS puisse s’étendre à plus de trois cents albums, certains dispensables et d’autres, comme celui-ci, vraiment attachants et vivants. Une fois passé la rage éditoriale « minimaliste » qui faisait de CS, une plate-forme puriste, le label s’est étendu à un large panorama des musiques improvisées et expérimentales. Il s’agit très souvent d’enregistrements autoproduits et un des points forts du label se situe au niveau de l’exigence de la qualité sonore enregistrée, du focus sur une direction musicale précise pour chaque projet et le graphisme optimal de la pochette où chaque artiste est libre d’exprimer une contre-partie visuelle à la musique proposée. Décliné est un excellent trio d’improvisation libre démontrant à l’envi un bon nombre des qualités et caractéristiques propres à cette expression musicale : exploratoire, insituable, communautaire, combinatoire de multiples aspects de l’activité instrumentale, imaginative, rebelle, à l’écart des définitions faciles, généreuse, secrète. Le nom du trio Clinamense réfère à la théorie des atomes d’Epicure et à l’écart qui, dans leur chute, leur permet de se rencontrer pour formers des corps, selon le texte du philosophe latin Lucrèce. Une belle idée pour exprimer les mystères de la rencontre au travers de l’improvisation collective.  Qu’un vieux routier du jazz contemporain et de la création musicale comme le clarinettiste Jacques Di Donato libère ici complètement le rapport physique du souffleur avec le bec, l’anche, la colonne d’air nous fait dire que la scène de la musique improvisée révèle toujours bien des surprises. Il fut un temps où cet artiste se produisait dans des « créations » improvisées subventionnées de l’époque mitterandienne. Vu de loin, il se situait dans la mouvance Portal, Sclavis et compagnie. Et donc pour un observateur francophone étranger à la scène hexagonale, c’est une belle surprise. Avec ses dizaines d’années de périples musicaux au compteur, Di Donato surprend et nous convainc par son inlassable recherche de sons, de prises de bec, de souffles inusités sur sa clarinette « classique ». Il n’hésite pas à mettre sa pratique de l’instrument en danger en évitant un énième variation du couinage post aylérien. L’accompagnent dans ce très bel effort sincère et émouvant, le contrebassiste Louis-Michel Marionet le violoniste altoPhilippe Berger. Dans une série d’improvisations intitulées par une déclinaison autour du mot clinamen, le trio Clinamen nous offre une multiplicité d’approches instrumentales, de pistes ludiques qui, chacune, évitent (soigneusement ou spontanément ?) de se rejouer et se complètent. Tension, relâche, pression, éclair, détente, frappes, doigtés, retenue, application, écoute, oubli, corps, mémoire, on entend ici un éventail de configurations sonores, d’actions instrumentales qui nourrissent l’appétit insatiable de l’écouteur attentif des musiques improvisées libres. Il se passe toujours quelque chose de neuf, chaque pièce étant bâtie –dans l’instant- sur des matériaux recalibrés et redessinés d’une main experte. C’est profondément honnête par rapport à la démarche improvisée et brillant au niveau de l’exécution et de la recherche instrumentale et musicale. Vraiment exemplaire.

Simon Rose Stefan Schultze The Ten Thousand ThingsRed Toucan RT 9350

Fort heureux qu’un artiste aussi persévérant et original que le saxophoniste Simon Rose voie son excellent effort en compagnie du pianiste « préparateur » Stefan Schultze publié par un label notoire québecquois (et tout aussi persévérant), dont le catalogue égrène les noms de musiciens incontournables (Léandre, Parker, Liebman, Golia, Brötzmann, SH Fell) et assume une véritable prise de risques.  Depuis ces débuts dans la scène londonienne et son premier enregistrement avec le contrebassiste Simon H Fell (un géant !) et le batteur Mark Sanders où il sonnait encore un peu vert (BadlandBruce’s Finger 14), Simon Rose s’est construit à l’écart des grands festivals et des lieux fréquentés, un chemin personnel vraiment remarquable dans l’univers du saxophone improvisé des Evan Parker, Coxhill, Mitchell, Mc Phee, Leimgruber, Brötzmann, Gustafsson et consorts et où se pressent beaucoup d’appelés et trop peu d’élus. Le contraste et la complémentarité entre un pianiste à la fois « contemporain », éduqué et énergique, et un saxophoniste baryton autodidacte crée une tension, un échange qui renvoie de prime abord à la tradition du « call and response » de la free music telle qu’une large partie de son public raffole. Il y a d'ailleurs quelque chose de brötzmanniaque voire de gustafsonique chez Simon Rose. Mais l’écoute en éveil de nos deux duettistes nous conduit vers leur réflexion, leur concentration, leurs exigences. Onze pièces spontanément organisées autour d’idées force et d’une configuration préparée du clavier survolé par des tournoiements mélodiques d’harmoniques mordantes et d’effets de souffle spiralés ou percutés. Le travail du pianiste est vraiment remarquable, puissant et expressif malgré une sobriété voulue.  Son jeu évite arpèges et digitalité discursive. Le son du piano est sollicité telle une machine sonore reliée à des accords secrets et des intervalles choisis. La musique du duo dispense rêves et d’imprévues suggestions. Le titre, Ten Thousand Things, nous rappelle que cette musique improvisée est faite d’une multitude de détails qui s’imposent à nous, disparaissent et renaissent au fil d’écoutes répétées – et dont je ne me priverai pas en ce qui concerne ce disque ! TTT figure parmi les beaux albums de musique libre improvisée du milieu de cette décennie, à la fois chercheur, lyrique, intransigeant et communicatif d’émotions sincères et entières.  

Nicola Guazzaloca Tecniche ArcaicheLive at Angelica Amirani amrn044 / Aut records aut017

C’est fort heureux que le label Amirani consacre plusieurs de ses belles publications à cet enthousiaste pianiste et activiste de l’improvisation contemporaine qu’est Nicolà Guazzaloca.  Amirani, soit Gianni Mimmo, s'est associé au label Aut records de Davide Lorenzon pour cette production. Pour quiconque connaît un tant soit peu les musiciens improvisateurs italiens et leur topographie, Guazzaloca est le premier nom qui vient à l’esprit quand on évoque la scène active de Bologne. Le grand talent de pianiste et de créateur bien sûr, mais aussi son travail d’animation d’ateliers, de concerts – laboratoires et son sens de l’éthique et de l’engagement.
Parmi les explorateurs du piano, Nicolà Guazzaloca se situe plutôt du côté des claviéristes radicaux tels Veryan Weston, Agusti Fernandez ou Fred Van Hove que des éventreurs soniques comme Jacques Demierre ou Sophie Angel. Une commande du clavier impressionnante et un goût italien évident. Si Tecniche Arcaiche commence par des stridulations et un subtil grattage des cordes dans la table d’harmonie, le plat de consistance est une formidable improvisation avec le clavier du piano. Une puissance qui met en vibration toute la machine et fait mieux qu’évoquer celle d’Alex von Schlippenbach. Une science des doigtés et des nuances jamais prise en défaut, un lyrisme tellurique, un sens de la ballade contrariée. Bien sûr, on y entend la pratique du jazz, même si ce n’est pas du jazz, un esprit contemporainavec toute l’énergie de la free music, la vraie, celle des Irene Schweizer, Alex von S, Fred Van Hove. C’est très fort ! Voilà un pianiste qu’un organisateur avisé devrait faire jouer avec les Mark Sanders, Paul Lovens, Roger Turner, Clayton Thomas ou Paul Rogers. Live at Angelica (le festival de musique expérimentale de Bologne) nous fait entendre son côté le plus brillant alors que le précédent Tecniche Arcaiche (amrn 035) délivrait sa facette plus introspective. Un pianiste essentiel.

John Cuny Hugues Vincent tagtraum  improvising beings ib42


Improvising beings : détrompez-vous ! Ce label dirigé par Julien Palomo avec l’aide inconditionnelle d’Aurélie Gerlach, Michel Kristof et Benjamin Duboc n’est pas que le refuge de free-jazzeux plus que septuagénaires… (Sonny Simmons, Alan Silva, Burton Greene, Giuseppi Logan, François Tusquès, Itaru Oki…). Pour preuve, ce beau duo contemporain du pianiste John Cuny et du violoncelliste Hugues Vincent. Neuf pièces improvisées tour à tour intense, retenue, saturée, introspective, minimaliste, bruitiste, dense ou squelettique. Neuf intentions savamment mise en forme et menée de main de maître vers leur solution aux titres polyglottes (japonais, français, allemand, indien, thaï). Le travail à l’archet de HV offre des infinis miroitements, variations de timbres et vibrations aériennes face au toucher transparent et au détachement de JC face au clavier. Territoires sous – marinsfait entendre une électrification factice de la corde du violoncelle, sans doute préparée avec une ou des pièces métalliques, ponctuée par la résonnance d’une frappe sur les cordes du piano, elles-mêmes émettant des vibrations par le truchement d’objets et de tiges…. On songe au travail de Fred Blondy, même si John Cuny est un artiste au moins aussi original. Hugues Vincent avait produit un excellent duo avec le violoncelliste Yasumune Morishige (Fragment ib28) et John Cunys’est distingué dans le quintet Cuir (chez Ackenbush Fou R CD 08) , deux albums qui tranchent dans la production actuelle. Deux musiciens à tête chercheuse et à suivre !!



Other Groupings Unheard of in London 70's

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Ian Brighton , guitar 

 « In the 70's Trevor Taylor and myself formed the Alternative Music Orchestra comprised of 20 to 30 established free improvising musicians. Because it contained regular duos trios etc when we played our first concert at the ICA the musicians set up next to their friends sometimes with an individual that had played with both groups on either side of him/her. The audience comprising the jean suit brigade and those in more formal attire expecting to a see a more regular orchestra. When the music started it moved around the nearly semi circular arc from duo to trio to soloist and in whole orchestra sound with an uncanny discipline with all musicians knowing the invisible start stop criteria of their contributions. From mass sound to soloist with unbelievable control. The music was well received, however not recorded, even by those in evening dress obviously expecting something else. The main reason for the success of the music we later determined could only have been the distribution of the musicians in their friendly groupings each knowing when and what to contribute contributing to a very large group empathy. It was wonderful to be there. »

Martin Davidson, Emanem label

I remember two one-off gigs, neither of which were recorded :

1972  Spontaneous Music Ensemble at the Little Theatre Club - John Stevens, Trevor Watts, Mongezi Feza, Johnny Dyani, Derek Bailey.  Phenomenal.

1973 an augmented Amalgam at the Plough with four saxophones - John Carter, Evan Parker, Ray Warleigh & Trevor Watts - plus Harry Miller & John Stevens.  Carter spent about four days in London, staying with us.

Paul Dunmall , saxophones 
Well, for a lot of the seventies I was in America playing all sorts of musics. But the first time I was playing improvised music in the UK  was at the Old Oxford Fire station in Oxford.I played there every sunday  for a couple of years with drummer Nigel Morris,Tony Moore on bass,and sometimes Frank Toms, piano.We had many guests come and play with us like Tony Oxley, Paul Rutherford, Marc Charig and many others. I do remember at this time there was some young guys who came to many of the sunday nights and that was a young Pat Thomas, Steve Noble, Pete Mcphail, Matt Lewis. It was a very good musical scene. George Haslam who started SLAM records would come down and I believe that is where he was introduced to free playing. So really playing in Oxford was the launch of my free playing although for many  years I was playing straight jazz as well as playing free musics.

John Russell, guitar

I started putting on concerts in the early seventies, was at the Little Theatre Club, a member of the Musicians Co-Op, on the board of Musics magazine and a founder member of the London Musicians Collective so I guess I am in quite a good position to give a view of these things. That is what Evan Parker thinks at least as it was he who suggested I do this.


One point to clear up is that I began organising concerts while the Theatre club was still operating.
Here is an interview I recently did which gives a few stories and background that I hope is useful.
The concerts I organised at The Art Meeting Place in Earlham Street Covent Garden led to shared bills on performance nights. Apart from Genesis P.orridge and Cosi Fanny Tutti and their group COUM there were all sorts of performers and performances including film and poetry. I'm not sure how much cross fertilisation there was but one collaboration was between a trio I had with Garry Todd and Roy Ashbury and performance duo Reindeer Werkwhich was Thom Puckey and Dirk Larsen. 
This from Thom's website about Reindeer Werk :

From 1973 until 1981 I worked with the artist Dirk Larsen as the performance art duo 'Reindeer Werk'. We manifested our work on an international scale, through Europe, North and South America, and Australia, with solo presentations in such places as Galleria Remont Warsaw, De Appel Amsterdam, Fodor Museum Amsterdam, Véhicule Art Montreal, CEAC Toronto, and so on, and with participation in, amongst others, Documenta 6, the Brooklyn Museum Performance series, Westkunst Köln, multitudinous performance festivals and so on........ Developing our performance work through into workshop situations, we also took on much guest-teaching work, in colleges and art schools in England, Canada, Germany, Belgium, Holland.
Our collaboration with Joseph Beuys during Documenta 6 led to further collaborations with Beuys' Free International University, and the establshment of our own adjunct grouping: Associates.
Our work was pure, non-theatre-based performance art, concerned with extreme non-consequential forms of behaviour, self-referential and self-agressive, and performed always in front of an audience. The sculptural qualities of the performance itself were amplified and extended through the build-up of physical tension amongst the members of the audience.


Steve Beresford, piano

I heard about a group with Derek Bailey, electric guitar, Frank Perry, percussion, Phil Wachsmann, violin and yourself on piano …. have you some memories about it ?? 
S.B. : Yes! That was Derek's band. Maybe we did 2 or 3 gigs. At some point he added Christine Jeffrey. 
We can suppose that Derek Bailey wanted to play with players of the so-called "second generation" who showed up in the Little Theatre Club in the early seventies. 

The unknown trio

Thirty years ago in the West Square Music Studio after a Phil Wachsmann's workshop with dancers, I saw a tape box of a recording of the trio of Paul Lytton / Radu Malfatti / Phil Wachsmann made around 1972 or 73.

The People Band in Brussels in the early seventies was Terry Day playing solo ! 




RESONARE FESTIVAL 2015 HAEKEM BRUXSEL 20/21/22 NOVEMBRE

Sounding November : Jon Rose Veryan Weston Hannah Marshall Daniel Thompson Steve Noble Phil Wachsmann Paul Lytton

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Veryan Weston Jon Rose Hannah Marshall Tuning Out Emanem 5207

Digne successeur des albums Temperaments  (Jon Rose & Veryan Weston Emanem 4207 paru en 2002) et Tunings & Tunes (Jon Rose & Veryan Weston HEyeRMEars Discorbie HDCD 011), le doucle cédé Tuning Out va encore plus loin dans l’exploration sonore de claviers anciens et de violons initiée par le violoniste australien Jon Rose et le pianiste Veryan Weston avec le concours de la violoncelliste Hannah Marshall. Si dans les étapes précédentes du projet, il s’agissait, entre autres, d’accorder autrement pianofortes et clavecins en tenant compte de l’histoire, de la science (des sons) et de l’imagination (notes de pochette de Temperaments), ici c’est Veryan Weston qui enfonce à mi-parcours les tirants de jeu, obtenant ainsi des microtons aléatoires. L’album retrace les pérégrinations du trio lors d’une tournée britannique d’églises situées à Liverpool, York, Sheffield, Newcastle etLondres en mai 2014. Certains de ces orgues d’église sont anciens et ne sont pas au diapason moderne A = 440 Mhz. Une valeur de 420 Mhz est très probable, ce qui oblige les deux cordistes à adapter leur jeu et la tension de leurs cordes à ces fréquences, nouvelles pour eux, mais qui furent le lot des générations passées, il y a plus d’un siècle ou deux et plus. Pour l’amateur averti de free-music, les sons de ces orgues évoqueront l’accordéon de Fred Van Hove ou le concertina de Rudiger Carl ou le fameux vinyle du même Van Hove, Church Organ. Ce n’est pas la première fois que Veryan Weston enregistre avec un orgue (Daybreak de Ian Smith, Emanem 4059 –avec Derek Bailey - ou une plage de Worms Organizing Archdukesavec Lol Coxhill, Emanem 4074) mais c’est la première fois qu’il se lance aussi intensément dans le travail à l’orgue. Pour information, l’orgue est un instrument que Jon Rose connaît aussi pour l’avoir pratiqué. En outre, Jon Rose est crédité « violins » sur la pochette, mais il m’a aimablement informé qu’il s’agissait du violon « normal », d’un violon ténor en scordatura « and a Hardanger fiddle also tuned scordatura ». La première chose qui frappe l’oreille est la symbiose sonore et chromatique du violon, du violoncelle et de l’orgue dans ce trio improbable au point qu’il faille entendre des percussions avec l’archet col legno battuto sur les cordes pour qu’on se dise ah oui  il y a un violon quelque part. La musique a une qualité chambriste remarquable et se situe complètement dans la ligne de l’improvisation libre : de jeux avec les sonorités, le refus de la virtuosité conventionnelle, mais aussi des dialogues au ralenti qui prennent tout leur temps de différencier les sons par le menu. Il s’agit d’une démarche profonde qui interpelle les fondements même de la musique : l’accord « parfait » et les relations tonales dans une perspective historique vers un futur imaginaire situé à l’écart des démarches modernistes des compositeurs du XXème. Ce trio a une singularité très particulière qui mérite qu’on s’y colle question écoute. Lors d’une interview, Evan Parker avait émis l’idée que cinq ou six disques représentatifs de l’improvisation libre (à vous d’en faire la courte liste) permettaient à un auditeur d’en comprendre la démarche. Mais on a vraiment envie d’ajouter Temperamentsou Tuning Outà ces quelques albums bornes miliaires de l’improvisation libre, car après en avoir entendus des centaines, le plus avisé des écouteurs assidus ne se serait vraiment pas attendu à une telle musique !!  On a droit à de longues suites de plus d’une demie heure mis à part le morceau introductif du premier cd  à la Blue Coat Chapel de Liverpool qui fait quand même 18 minutes. La musique transcende une série de démarches  en se créant une identité inclassable. On a évacué toute la violonnerie conventionnelle ou même contemporaine pour une approche qui sollicite les harmoniques et produit un son viscéral aussi joyeusement ludique qu’austère. Je pense qu’en jouant avec un orgue ancien accordé autrement qu’en tempérament égal, Hannah Marshall et Jon Rose approfondissent les écarts entre les notes et les étirent de manière curieuse en symbiose avec les sonorités des tuyaux dont Veryan Weston tire les effets les plus appropriés. C’est un véritable régal. 

Daniel Thompson – Steve Noble live at hundred years gallery confront ccs 52

Mark Wastell n’interrompt pas les productions Confront qu’il consacre à l’improvisation radicale la plus pointue et la plus achevée en emballant chaque concert enregistré d’un beau boîtier métallique, lequel permet sans doute de le retrouver plus facilement dans les collections interminables des afficionados. Enregistré à la Hundred Years Gallery, un lieu remarquable en bordure de la Kingsland Road qui s’étend du Nord au Sud à travers l’ East End et relie les lieux les plus fameux de l’improvisedLondon : Café Oto, Vortex, Stoke Newington High street et les défunts Klinker, et qui tranche par sa programmation plus locale et focalisée sur ce qui se fait de plus frais en ville. En témoigne ce superbe concert qui sort des sentiers battus : une rencontre entre le percussionniste Steve Noble et le guitariste acoustique  Daniel Thompson. Steve Noble se concentre sur les effets de résonance des cymbales (épaisses), gongs et crotales  sur les peaux  des tambours et leurs vibrations mouvantes autour desquelles serpentent les phrases arachnéennes de Daniel Thompson. Il y a une volonté de recherche, une qualité sonore, une finesse qui expriment in vivo l’essence de cette improvisation radicale qui n’en finira pas de nous étonner, même en disque, si on a acquis le flair de dénicher les enregistrements comme celui-ci, vraiment enthousiasmants et hors du temps. Steve Noble s’est fait remarquer avec Brötzmann, Joe McPhee, Derek Bailey et Coxhill  mais après des décennies de pratique (commencées vers 1984) dans cette extraordinaire communauté londonienne, il personnifie aussi l’improvisation libre avec toute son innocence lucide et assumée. Il a trouvé en Daniel Thompson un partenaire à la hauteur et qui finira par nous étonner tant son jeu acquiert audace et pertinence au fil des mois, disque après disque, dans une veine difficile « le post Bailey/ Russell » acoustique. Enchanteur !!

Imagined TimePhilipp Wachsmann Paul LyttonBead Records CD 11

Label initié il y a plus de quarante ans par une bande de potes, Phil Wachsmann, Pete Cusack, Simon Mayo, Tony Wren et Richard Beswick, Bead Records a documenté toute une génération d’improvisateurs dont les susnommés et des artistes rares comme Ian Brighton, Larry Stabbins, David Toop, Paul Burwell, Steve Beresford, Clive Bell, Matt Hutchinson et publia le premier disque des Alterations…. Une autre époque ! Depuis l’ère cd, on y trouve le cheminement d’un des pionniers de l’improvisation libre dont l’influence fut déterminante pour de nombreux improvisateurs, Phil Wachsmann. Son travail avec Fred Van Hove, Paul Rutherford , Barry Guy, Tony Oxley, Phil Minton, Radu Malfatti, Derek Bailey etc… dans les années 80 et 90 font de lui un créateur de premier plan et le violoniste de prédilection de beaucoup. Mais cet arbre quasi-généalogique ne doit pas cacher la forêt de son talent exceptionnel. Il y a longtemps que Wachsmann a remisé les extraordinaires et très sinueuses envolées violonistiques qui sollicitaient un variété confondante de techniques alternatives basées tant sur une connaissance approfondie du dodécaphonisme et des séries que sur les possibilités soniques de l’instrument. Aujourd’hui, il se concentre dans la substance et la réflexion sur l’acte d’improviser, en illustrant comment Less peut être More. Paul Lytton, batteur de l’impossible de l’ultra polyrythmie, nous engage dans son univers improvisé fait d’éléments de percussion étalés dans l’espace et à même le sol, d’ustensiles en tout genre (dont ceux de la cuisine), de cordes tendues sur un cadre et amplifiées dont il modifie le son avec ses live-electronics. On est très loin de la batterie virevoltante hyperactive du trio avec Evan Parker et Barry Guy. Paul et Phil ont joué ensemble au temps de leur jeunesse quand où le percussionniste habitait Londres et se sont retrouvés avec King Übü Örkestrü, le London Jazz Composers’ Orchestra de Barry Guy et l’Electro-Acoustic Ensemble d’Evan Parker. Leurs deux tempéraments bien différents se rejoignent ici pour de subtiles rêveries où le violon tâte des mélodies sorties de nulle part et des fragments d’improvisation et le percussionniste gratte, frotte ou agite les surfaces des pièces improbables de son capharnaüm sonique. Les titres : Biodigm One, Two, Three etc … suggèrent  que les paradigmes de la musique improvisée sont ceux de la vie même des musiciens qui s’écoutent et s’entendent à nous méduser.  Wachsmann et Lytton sortent des sentiers battus et manient l’art de la suggestion et l’écriture automatique. Un disque remarquable par des improvisateurs incontournables.

« ? » « ! » Paul Lytton solo Pleasure of the Texts Records
https://vimeo.com/126143353 

Voici une ode au bruitisme, aux sons obtenus en grattant, frottant, secouant, percutant de mille manières le bois, les peaux, les métaux, le plastique, le polystyrène, etc.. dans une multitude d’occurrences dont les paramètres changent sans arrêt. Pas de batterie mais une table - et le sol - recouvert d’instruments de percussion, d’ustensiles détournés de leur fonction, de batteurs à œufs amplifiés avec un micro contact ou des cordes de guitares dont la tension oscille avec une pédale de grosse caisse. Secondé par une installation électronique divagante, Paul Lytton actionne plusieurs objets et ses cordages simultanément en créant une polyphonie bruissante qui n’appartient qu’à lui. Donc ceux qui s’attendent à un disque de percussions en seront pour leur frais ! C’est sans doute l’enregistrement de home-made instruments le plus efficace et le plus délirant qu’il nous est donné d’entendre. Dans ces  eaux là, on peut citer des artistes comme Hugh Davies, qui fut une de ses influences, AMM première manière, Steve Beresford avec sa table de jouets et gadgets, Adam Bohman et ses objets amplifiés. Cela convaincra les amateurs de noise. Mais aussi et surtout, Paul Lytton n’a pas son pareil pour coordonner ses gestes et tirer parti des sonorités produites par ses actions simultanées, décalées  et enchaînées avec une belle précision et une forme d’humour flegmatique. Ces sons industriels bruts, voire grinçants sont mouvants et semblent insaisissables, l’auditeur étant perpétuellement en éveil face à ce capharnaüm qui semble s’agiter tout seul. Certains passages sont complètement inouïs ! Un ovni sonore inclassable de grande classe. 

Microlabels Improvisés et Rééditions

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Day OneCarlos Zingaro / Ulrich Mitzlaff / João Pedro Viegas / Àlvaro Rosso  4tet  JACC

Violon, violoncelle, contrebasse et clarinette basse, ensemble d’improvisation contemporaine, le Zingaro/Mitzlaff/Viegas/ Rosso4tet conjugue l’écoute intense, l’intuition de formes superbement construites dans l’instant, un sens de l’épure que ne renie pas une expression conviviale. Quelques traits, une idée mélodique décalée ou rythmique, des enchaînements brefs d’impulsions et de coups d’archet synchrones et une trame s’ébauche, des jeux épars se complètent. Improvisation concertante et mesurée pour créer un espace commun où la musique prend son temps, prend corps et les musiciens leurs marques. Cela s’appelle jouer comme les quatre doigts de la main. Des miniatures ou des pièces de consistance comme Cells and Patterns 14:47 and Little Grey Men 13:13 créent une diversité de propositions qui alimentent l’écoute. Ecriture, improvisation, contemporain ? Viegas souffle les harmoniques à demi saturées ou l’anche semble vibrer toute seule se confondant avec le chœur des cordes. Une certaine sagesse dans le jeu collectif ou une philosophie de la complémentarité paisible. Des cadences frottées tressautent et la clarinette basse sécateur tranche et frictionne les barres de mesures. De beaux équilibres avec quelques éclats maîtrisés ou échevelés (Little Grey Men). Day One est un beau moment partagé qui se laisse réécouter. On pense aussi aux projets de Kent Carter pour Emanem avec Albrecht Maurer et les clarinettistes Theo Jorgensmann et Etienne Rolin (Rivière Composer’s Pool), Kent Carter dont Zingaro fut le compagnon dans un trio mémorable.

GroundsLouis-Michel Marion poème méditation sur la corde grave
Cinq StrophesLouis-Michel Marion solo Kadima Collective.

La presse spécialisée ou semi-spécialisée qui traite du jazz contemporain et de l’improvisation tend à se focaliser sur une série d’artistes notoires alors que ce qui rend la scène improvisée fascinante est cet univers quasi-infini de musiciens de grand talent dont on ne se lasse pas. Parle-t-on contrebasse et les plumitifs nous reviennent sempiternellement avec Joëlle Léandre, Barry Guy, Barre Philips, feu Peter Kowald et maintenant, John Edwards. On a déjà presque oublié Paul Rogers, on ignore un Simon H Fell (qui est aussi un chef d’orchestre – compositeur de grande envergure), Ulli Philipp, Damon Smith et beaucoup d’autres… Le contrebassiste Louis-Michel Marionest un véritable improvisateur dont la participation dans le Clinamen trio et leur cédé « Décliné » (avec  Jacques Di Donato et Philippe Berger) fait de lui un musicien à suivre. J’en ai fait la chronique dans un numéro précédent.
A la longue c’est chiant d’écouter toujours les mêmes. Un musicien aussi célébré qu’ Evan Parker, qui a ouvert toute grande la porte sonore du saxophone alternatif et que beaucoup idolâtrent, est, lui, un inconditionnel de ses collègues qu’il trouve passionnants : John Butcher, Lol Coxhill, Michel Doneda, Stefan Keune, Urs Leimgruber, Ned Rothenberg, Tom Chant etc… trouvant que le fait d’être né plus tôt etc… n’est pas un argument… de vente… Donc, faites comme Evan Parker, partez à la découverte d’autres improvisateurs même s’ils ne jouent pas dans les festivals qui comptent … Et donc, comme contrebassiste, Louis-Michel Marion est un sérieux client
Le propos de Grounds, enregistré en 2012 est de travailler, explorer, faire trembler la seule corde grave à l’archet en allant jusqu’au bord de l’audible à la limite de l’infrason. Ce pourrait être un exercice de style, mais notre praticien exigeant et talentueux en fait un mirage de l’inconnu, une recherche éperdue de vibrations bienfaitrices durant trente-trois minutes. Un moment radical, intrigant…
Si vous préférez quelque chose de moins extrême, une bonne pioche sur le label israélien Kadima : Cinq Strophes du même Louis-Michel Marion. Voilà ce qu’on aime dans la contrebasse improvisée depuis le fabuleux et prémonitoire Journal Violone de Barre Philips enregistré en 1968 et le Was Da Ist de Peter Kowald : une vibration multi-dimensionnelle, un jusqu’au bout de la recherche, la beauté du geste, une écoute de soi exigeante, des couleurs, des sons qui bruissent, grincent, éclairent, des pizzicati qui dérapent, s’éparpillent, croisent un archet effilé… L-M Marion fait aussi subtilement deux choses à la fois avec inspiration comme dans ces magiques  first steps de la plage 2. Travail à l’archet géant ! Rien à envier à Peter Kowald ! Cette musique a une âme et procure un plaisir, celui de l’artisanat fait main des sons libres arrachés à l’inertie du gros violon, sublimant les incartades auxquels sa nature consent en un instant de vérité. Magnifique.

Pool NorthAdam Golebiewski Latarnia records # LA005

Un excellent album de percussions solo sur « drumset, objects » enregistré en 2014 par ce musicien sorti de nulle part, en Pologne. Dans la lignée du meilleur des Roger Turner, Paul Lovens ou Lê Quan Ninh. Les titres évoquent des approches de l’instrument comme point de départ d’improvisations réussies et de beaux agrégats de sons froissant et résonnant : métaux, peaux, bois, plastique dans une gestuelle qu’on croit deviner : Straight Mute, Decay, Left Hand Shake, Manner and Timbre… Sans « edits » ni collages ! Il fut une époque lointaine où ces albums de percussions solos improvisés étaient monnaie courante (Bennink, Lytton, Centazzo, Oxley, Johansson, Schönenberg, Favre, Turner, Moss, Siracusa, Lê Quan …). Par la suite,  quelques-uns s’y sont encore risqué : Eddie Prévost et Gino Robair, avec Singular Pleasures, il y a plus d’une dizaine d’années, Tatsuya Nakatani, et tout récemment Paul Lytton à nouveau avec ? !  Alors voici Pool North d’Adam Golebiewski, une pièce rare en somme. Un solo de percussion nimbé de silence, de résonances et de fureurs est une expérience à part, tout comme le piano seul, mais dans une dimension toute autre, l’instrument n’étant pas tributaire d’un accordage ou d’échelles de notes conventionnelles.  Les peaux sont ici recouvertes d’objets qu’on froisse, secoue, frappe, gratte, frotte, avec une simultanéité finement coordonnée pour donner l’illusion d’un désordre en mouvement … Le grondement de cymbale frottée sur une peau du morceau d’entrée (Straight Mute) et ses variations inouïes avec les harmoniques vaut à lui seul l’achat du disque. Son langage se distingue clairement de celui d'Eddie Prévost (Loci of Change) ou de Tatsuya Nakatani. Chaque plage apporte sa portion de vie et d’invention et justifie une écoute répétée. N’hésitez pas un instant à plonger dans cet univers, vous en serez récompensé, même si le nom de l’artiste ne vous dit rien. Pour reprendre le terme en usage, foncièrement non-idiomatique et vraiment talentueux. Belle pochette en carton recyclé.
http://adamgolebiewski.bandcamp.com/releases 

Reissues :
Fred Van Hove - Peter Jacquemyn - Damon SmithBurns Longer Balance Point Acoustics BLP BPA-2

Le cédé revient – il « à la mode » ?? Voici que Damon Smith , le bassiste californien installé au Texas, réédite en compact digital ce beau trio de l’anversois Fred Van Hove, le génial pianiste de la free music, avec deux contrebasses jouées par le puissant Peter Jacquemyn et Damon Smith, lui-même. Ce concert a d’ailleurs bien failli ne pas avoir lieu, car le patron de l’Archiduc avait « double booké » cette soirée avec le trio Veryan Weston – Hannah Marshall – Ingrid Laubrock au même programme. La présence de Michaël Huon, un rare ingénieur du son, a immortalisé cette superbe rencontre, deux longues pièces de 27 et 39 minutes séparées par un interlude de 9 minutes et publiées en téléchargement par BPA. Fred Van Hove s’évade dans des cascades aussi limpides qu’échevelées. Ce qu’on aime par dessus-tout chez Van Hove sont ses accents imprévisibles et les couleurs de son magique toucher agitées par des mains qui s'ébrouent sur le clavier comme celles d'un enfant qui s'amuse. Les contrebasses sont sciées par un archet insistant, vrombissent, s’émancipent, glissent dans l’aigu, font corps l’une à l’autre ou se répondent en faisant vriller leurs harmoniques. Peter Jacquemyn et Damon Smith sont en quelque sorte les héritiers de Peter Kowald, un très proche ami de Van Hove qui a habité Anvers à l’époque héroïque de la formation du trio légendaire Brötzmann-Van Hove-Bennink entre 1968 et 1970. L’énergie de Van Hove (né en 1937) n‘a pas pris une ride : ses développements intenses où les deux mains se complètent et se surpassent, traçant des superpositions d’arcs et d’élancements croisés avec une aisance inouïe, un relâchement total comme s’il jouait une balade. Le très vite se métamorphose en lent sans que s’échappe cette sensation de vitesse et d’urgence, cette rapsodie insensée pleine d’émotions, flots bleus virevoltant sur une mer cruelle.

Anthony Braxton & Derek Bailey Duo  Emanem 5038

Cet album fut en son temps considéré comme une borne miliaire de la free music, réunissant deux personnalités hors pair et insignes des deux facettes de la free music des années soixante / septante lors d’un concert historique organisé en 1974 par Martin Davidson le fondateur d’Emanem et producteur de ce double album vinyle. Le lieu, Wigmore Hall, est l’antre du classique bon teint). Deux facettes : la musique afro-américaine libre et la composition contemporaine alternative, l’improvisation totale (Derek Bailey) et l’organisation de celle-ci (Anthony Braxton). Extraordinaire rencontre où Bailey utilise sa fameuse amplification stéréo avec deux pédales. Hautement recommandable ! Trève de commentaires, il faut écouter !! La pochette a un côté dérisoire avec les deux musiciens assis dans un moche jardinet de la banlieue londonienne, mais c'est voulu !! 

The Snake Decides : Evan Parker solo Psi 03.06

Encore une réédition, celle du dernier solo « absolu » d’Evan Parker pour son label Incus en 1986. Musique « archi-connue » pour les afficionados, mais comme il joue très peu en solo depuis une quinzaine d’années, ce disque devient un véritable must. The Snake Decides a été enregistré dans une église par l’as des as des ingénieurs du son, Michaël Gerzon, le génial inventeur du micro Soundfield. Ce génie de la prise de sons est un des plus grands inventeurs en la matière et fut le compagnon enthousiaste des improvisateurs radicaux londoniens durant les années 80. Disparu trop tôt, Gerzon nous laisse en souvenir des enregistrements d’Evan Parker. Ce qu’il y a de particulier dans celui-ci, c’est que le niveau permet aux fréquences d’atteindre la limite ultime où le son live va « craquer ». Il en résulte une puissance sonore, un mordant, une vibration physique qui transforme l’écoute en transe. Variations faussement polyphoniques des extrêmes du sax soprano dont la perce conique permet à ce musicien, un des plus grands saxophonistes vivants, un jeu inouï avec les harmoniques. Avec un jeu de langue par à coups, la respiration circulaire, des doigtés croisés et une maîtrise surhumaine du son, Evan Parker crée un univers sonore démentiel où se croisent et se superposent des extensions hallucinatoires du souffle. Même si c’est devenu un « lieu commun » depuis 1977, c’est toujours aussi « Incroyable » !

The Spring Trio Andrew Lisle Simon Rose Daniel Thompson / Tim O'Dwyer & Georg Wissel /François Carrier Michel Lambert & Alexey Lapin/ Mark Browne Richard Sanderson & Daniel Thompson again

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The Spring TrioAndrew Lisle Simon Rose Daniel Thompson  Cram Records   https://cramrecords.bandcamp.com 

A l’heure où j’écris ces lignes, The Spring Trio n’est pas encore sur le bandcamp de Cram records, mais il a tourné en boucle sur ma chaîne. Concert entier enregistré aux Foley Street Improvised Music Concert Series en avril 2014, cet enregistrement bénéficie de la possibilité pour le groupe de jouer d’une seule traite plus de cinquante minutes. Il est de tradition que les gigs londoniens soient partagés en trois ou quatre sets avec chaque fois un groupe différent. La perspective de pouvoir développer leur entente musicale sur la durée permet aux improvisateurs d’aller jusqu’au bout de leurs idées et moods du moment et d’atteindre un réel point de non retour.  Le guitariste Daniel Thompson, qui programme la série de Foley Street, au premier étage du pub King and Queen (1 Foley Street) à deux pas de l’artère commerçante d’Oxford Street, a voulu expressément réserver deux parties par soirée pour chaque formation invitée:  https://foleystreet.wordpress.com/past-concerts/ . Le rêve pour qui a vraiment quelque choseà dire. Et donc, après une pièce de résistance de 38 minutes, il y a encore deux morceaux de huit et sept minutes. Durant plusieurs longs moments du concert, le saxophoniste (baryton) Simon Rose est au centre du trio, entraînant le percussionniste  Andrew Lisle et le guitariste Daniel Thompson dans les spirales de sa respiration circulaire mouvante truffées d’harmoniques. Mais leur itinéraire est parsemé de séquences d’échanges ou de moments diaphanes, intimes où Rose égrène une harmonique dont il modifie l’ampleur, le volume ou la hauteur avec une belle précision par dessus les grattements et griffures de la six cordes. Lisle sollicite les frictions des  cymbales avec un archet ou à la pointe de ses baguettes.  Il n’hésite pas à le faire lorsque le trio tourne à plein régime faisant écho aux morsures du saxophoniste sans qu’en sente ralentir la cadence. Du grand art dans certains détails et une volonté de créer du neuf avec un langage sonore éprouvé en mettant en correspondance les inventions individuelles avec un réel à-propos. Tout au long de ce set inventif, des moments ébouriffants ou des micro-détails requièrent l’attention et font vraiment plaisir. On n’est pas venu pour rien … Moi je vote pour !!

Saxophones :
Avant-garde contemporaine pointue ou continuum libertaire du jazz : The Mirror Unit vs The Russian Concerts ?
Mais plaisirs d’écoute incontestables.

The Mirror Unit  Tim O’Dwyer & Georg Wissel Wind makes Weather Creative sources 311

On ne pourrait  recommander l’entièreté du catalogue Creative Sources vu son expansion faramineuse, mais la sagacité et l’esprit d’analyse de son responsable, Ernesto Rodrigues, fait que nombre de parutions récentes sont de réels plaisirs de l’écoute et certaines peuvent servir de pièces à convictions dans un grand jury « sérieux » en ce qui concerne la validité de l’improvisation libre comme méthode de création musicale contemporaine. Des enregistrements qui n’auraient pas à rougir face à celle de compositeurs chevronnés au niveau du contenu et de la fascination de l’auditeur averti. Voici un excellent exemple : the Mirror Unit. Il était une époque où les duos de saxophone faisaient florès : les années’ 74 jusque 81, lors du grand boom de la free-music post free-jazz. Braxton, Lacy, Evan Parker montraient alors la voie. The Mirror Unit, qui réunit face-à-face deux saxophonistes parmi les meilleurs de la scène improvisée, est la plus belle prolongation de cet esprit novateur qu’il m’ait été donné d’entendre dans cette démarche : deux becs, deux anches, deux colonnes d’air, des clés, deux souffles, le tout animé par une collusion totale et avec l’aide de préparations de l’instrument, le sax alto. Tim O’Dwyer et Georg Wissel créent ici une œuvre singulière, une musique exigeante, voluptueuse, radicale, inspirée. L’un est originaire d’Australie, l’autre de Cologne. Certains croient que la musique improvisée s’arrête à quelques noms – notoriété oblige - balisés par une critique moutonnière. Voici donc un chef d’œuvre, égal à mon avis, à l’excellente collaboration d’Evan Parker et Urs Leimgruber, Twins (Clean Feed). Avec ingéniosité, ils ont trafiqué leurs saxophones en y insérant des objets (gobelets plastiques, par exemple) pour produire d’autres sons. Si leur connivence dans le jeu « conventionnel » est totale avec ces figures et ces intervalles qui s’emboîtent comme par miracle (#1 Authentic City), leur osmose dans les sifflements et bruissements d’infra-sons, scories du souffle, est renversante. Une basse cour déjantée mue par une logique insoupçonnable… la variété des timbres, leur dynamique et leurs interrelations font que des écoutes répétées en délivrent à chaque fois une multiplicité d’instants de grâce. Leur musique basée sur une écoute mutuelle exigeante se présente à la fois comme une recherche de sons effrénée et une architecture minutieuse. Chaque pièce (il y en a huit) a son propre champ d’investigation et pourrait faire figure de composition. Je ne vous fais pas la description par le détail, car, comme je l’ai déjà écrit, c’est une perte de temps, tant cette musique est belle à écouter et réécouter encore et encore…  Un tel chef d’œuvre ne pouvait qu’être enregistré  à Wuppertal au Peter Kowald Ort. Pochette ornée d'une peinture de Turner. 

François Carrier Michel Lambert AlexeyLapinThe Russian Concerts Volume 1 & 2 FMR CD 367 et 381.

FMR (Future Music Records), le label dirigé par le percussionniste Trevor Taylor, est ouvert à un éventail varié de musiques alternatives, expérimentales, improvisées radicales et free jazz souvent de très bonne qualité, sans hésiter à donner leur chance à des musiciens inconnus. Travail de longue haleine aussi bien que coup de cœur improbable avec la foi du charbonnier sans calcul. FMR soutient sans faiblir des artistes relativement outsiderscomme l’extraordinaire saxophoniste Paul Dunmall (pas moins de 60 albums pour le label dont les 50 premiers ont été rassemblés dans un coffret hallucinant). Parmi les artistes au catalogue, reviennent fréquemment le saxophoniste québecquois François Carrier et son alter ego le percussionniste Michel Lambert. Celui-ci est un solide batteur développant avec succès une polyrythmie profuse et tournoyante et le saxophoniste a une superbe sonorité d’alto pleine et charnue qui chante toute seule et n’hésite pas à trancher, parfaite pour le free jazz. Leur amitié musicale solaire se propage en compagnie de musiciens chevronnés comme ce disque Leo avec Jean Jacques Avenel, un beau témoignage du contrebassiste malheureusement disparu. Le trio avec le pianiste Alexey Lapin ayant déjà honoré le label Leo Records, FMRa judicieusement choisi de documenter deux concerts réussis de ce triangle sensible enregistrés en Russie. Carrier et Lambert ont déjà gravé deux remarquables collaborations avec des pianistes et non des moindres : Bobo Stenson (Entrance 3 Ayler records) et Paul Bley (Travellin Lights avec Gary Peacock ( !) Just in Time). C’est dire l’excellence de ces deux artistes. Tout comme les saxophonistes Paul Dunmall, Evan Parker, Peter Brötzmann, Ivo Perelman, Fred Anderson, Glenn Spearman, Mats Gustafsson, Frode Gjerstad et Edward Kidd Jordan, François Carrier  improvise librement sans recourir à des compositions, thèmes et autres structurations. Durant les années 70, il n’y avait que des saxophonistes européens pour évoluer de la sorte (Brötz, Evan, Rudiger Carl, Lazro) et, parmi les américains, Sam Rivers était bien le seul à faire confiance à l’improvisation totale (même s’il recyclait des formules rythmiques). Pas mal de musiciens  d’alors déclaraient être (aussi) des compositeurs à la suite de Braxton et Lacy ou en héritiers de Charlie Parker et tenaient à rattacher leur univers musical à l’évidence d’un thème chantant et reconnaissable, sans doute pour ne pas perdre leur auditoire dans les méandres de l’improvisation. De nos jours, l’improvisation libre est devenu un usage courant dans le jazz libre minimisant ainsi la frontière entre le free-jazz afro-américain et l’improvisation dite non idiomatique.  François Carrier est sans nul doute un excellent exemple de cette tendance. Quelque soit votre musical bias, il faudrait être masochiste ou de mauvaise foi pour ne pas se laisser emporter par le lyrisme sincère et entier de ce merveilleux saxophoniste et les trames percussives de son acolyte. Les volutes soufflées du saxophone sont tracées dans les sonorités acceptées du saxophone alto (conventionnelles) dans un mode rubato avec quelques effets sonores expressifs, mais sans utiliser ces techniques alternatives initiées par Ayler ou Evan Parker.  Mais il y a dans ce souffle une âme entière, un lyrisme à la fois contenu et expansif, une intelligence de jeu. Et le pianiste Alexey Lapin, vraiment remarquable s’y intègre parfaitement tant par ses solutions pianistiques inventives et une belle inspiration. Un vrai groupe et pas une rencontre d’un soir. Une véritable perspective s’en dégage et qui fait qu’on est entraîné par leur fougue et leurs pérégrinations tout au long de ces longues dizaines de minutes qui s’échappent insensiblement emportées par l’énergie du trio.   Voilà ! Ce sont de très beaux concerts et le volume II est mieux enregistré. Une belle trajectoire que je salue même si mon approche musicale personnelle est sensiblement différente.

Open Field + Burton GreeneFlower Stalk Cipsela CIP 002
https://cipsela.bandcamp.com/album/flower-stalk 


Cipsela est un micro- label portuguais qui a publié un cédé énorme : Carlos Zingaro Live at Mosteiro de Santa Clara a Velha, une œuvre étincelante, homogène et palpitante de bout en bout par un violoniste exceptionnel. Elle a été chroniquée ici même il y a quelques semaines. Voici un autre violoniste, alto celui-là, au sein du groupe Open Field, João Camões, qui mérite une écoute attentive (Bien Mentalavec Foussat et Parle, FOU records) pour son expressivité salutaire. Lui et ses deux camarades du trio Open Field, le bassiste José Miguel Pereira et le guitariste (nylon acoustique) Marcelo dos Reis, créent des univers dans lesquels le pianiste vétéran Burton Greene n’a qu’à se glisser en fonction de l’orientation musicale de chaque morceau. Open Field, champ ouvert, semble-t-il à des esthétiques variées qui vont d’une musique de chambre feutrée et vingtiémiste  à l’expressionnisme fougueux (Camões dans Rising Intensity). Le guitariste Marcelo dos Reis a une approche « classique » épurée et le bassiste tient un rôle de soutien dans Angels on the Roof où s’intègre adroitement les superbes sonorités de Burton Greene au piano préparé. Une atmosphère en suspens, minimaliste s’étire et lorsque les notes du piano s’égrènent, les rôles se renversent et les cordistes frottent, créant une ambiance éthérée, sifflante, qui s’enfonce petit à petit dans le silence. On the Edge est lancé par un thème ornettien au violon alto auquel se joignent les notes de la basse et la toile de la guitare. De ce thème,  le violon développe une improvisation jusqu’à une accélération où le piano se joint à eux en entraînant le groupe dans des ostinatos changeants où le rôle moteur est partagé par Greene et Camoès. Lorsque le solo de Camoès se met à déraper, un signal est donné et on admire la facilité avec laquelle le pianiste plonge dans les cordages et révèle des sonorités peu usitées du piano préparé. Le guitariste n’est pas en reste non plus dans cette ambiance musique contemporaine cagienne. Le contraste sonore entre le piano de BG et l’alto expressionniste est total. On pense à Billy Bang ou à Leroy Jenkins, tant la sonorité de Camões est « nasalisée ». Greene Hands dévoile la superbe sonorité du pianiste au toucher cristallin vraiment remarquable. Dans le dernier morceau, Joao Camoès souffle dans un mey, et cela fait un écho intéressant à la pratique des musiques moyen-orientales et yiddish de Burton Greene, un expert en ce domaine. L’absence de batterie et de souffleur et l’assemblage « disparate » (une guitare classique avec un grand piano, c’est compliqué à agencer) du groupe fait de ce disque  attachant, un bon exemple de comment il y a moyen de tenir la route avec un groupe un tant soit peu disparate et d’intéresser le public d’un concert avec la meilleure volonté du monde et sans se prendre au sérieux. Un disque qu’on aime à écouter comme le morceau atypique qui clôture le disque, Ancient Shit, et dont la métrique particulière, très folklore imaginaireet accentuée par des claves sonores et le piano préparé, apporte un touche de fraîcheur un peu cinglée et bien réjouissante. Il faudrait inviter Burton Greeneçà et là plus souvent, il est complètement cool !!

Browne / Thompson / SandersonThe 1926 Floor Polish Variations Linear Obsessional Recordings 2014 LOR 059 50 copies.

Un concert enregistré à Aylesbury, la patrie de Lol Coxhill. Mark Browne sax alto & collected objects, Daniel Thompson acoustic guitar, Richard Sanderson melodeon : soit trois activistes de l’improvisation londonienne. Celle-ci s’est distinguée par l’émergence de personnalités hors norme qui ont eu une influence considérable sur la free-music, de AMM à John Stevens, d’Evan Parker et Derek Bailey à Paul Rutherford, Barry Guy et Lol Coxhill, sans oublier les percussionnistes Tony Oxley, Paul Lytton et Roger Turner, etc etc… et un sens de la communauté qui fait que quiconque pratique cette musique se sent le bienvenu et devient involved. Comme une partie des pionniers disparaissent (Stevens, Bailey, Hugh Davies, Rutherford, Coxhill, Elton, Tony Marsh) et que plusieurs musiciens ont quitté la ville (Keith Tippett, Trevor Watts, Phil Wachsmann, Evan Parker, Maggie Nicols, Mark Sanders) ou le pays (Oxley, Lytton, Paul Rogers, Simon H Fell, Simon Picard, Louis Moholo), le paysage improvisé londonien des années 2010 n’en demeure pas moins riche, contrasté, improbable et toujours aussi attractif. Produit à petite échelle par un incontournable, Richard Sanderson, musicien électronique inventif, sur son label à coucher dehors, The 1926 Floor Polish Variations relate une tentative réussie de marier la chèvre et le chou avec talent, une part d’ironie, de fausse candeur et une conviction imperturbable. Il en résulte de belles inventions individuelles du saxophoniste Mark Browne, épigone du free playing tous azymuths mouvance Evan Parker - John Butcher et du guitariste acoustique Daniel Thompson dont la voie complète heureusement celle de John Russell. Le mélodeon de Sanderson  liant les deux instruments dans le trio avec un air détaché. Pour l’information, le mélodeon est un accordéon diatonique bi-sonore. Il comporte une rangée de boutons (10 le plus souvent) pour la mélodie à la main droite et 2 (le plus souvent) ou 4 soupapes pour l'accompagnement à la main gauche. La partie mélodique dispose de 4 voix (rarement 3) qui peuvent être mise en jeu ou hors jeu individuellement par des tirettes. La pièce de résistance du concert qui suit 3 morceaux de taille moyenne entre 5 et 9 minutes, The Right Foot In The Door, nous fait entendre Richard Sandersonperpétrer des sons extrêmes son instrument. On croirait une basse cour qui s’étrangle, alors qu’il distille ailleurs une atmosphère de manoir hanté. Mark Browne pointe des harmoniques ultimes et vrille la colonne d’air dans une stridence vocalisée. Ce disque est un témoignage vivant de cette habitude qu’ont les improvisateurs londoniens d’essayer tout ce qui est possible entre les personnalités les plus diversifiées de leur communauté, pour voir ce qui va se passer et aussi par un sentiment d’amitié et d’admiration mutuelle. Sentiment qui chez eux a plus de poids que tout le reste. Et donc, on trouve dans ce disque des choses curieuses qui méritent d’être découvertes.

Creative Sources Ernesto Rodrigues Lisa Ullén-Torsten Müller Andres Backer-Ray Strid Nicola Hein-Paul Lytton Birgit Ulher-Ute Wassermann-

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Les Creative Sources ne se tarissent point.

Creative Sources  est devenu un label qui compte au fil des ans avec un catalogue énorme (plus de 330 références). S’il fonctionne sur le mode de l’auto-production des artistes impliqués, Ernesto Rodrigues  veille à ce que la musique produite révèle de nouveaux talents, des produits soignés, une recherche expérimentale assumée et intéressante ou de l’improvisation libre pointue de haute qualité, exigeante. De plus en plus souvent, on y découvre de vraies perles dans le domaine de l’improvisation libre, au-delà du parti pris de la démarche réductionniste radicale, new silence, soft noise, EAI (etc) sans concession qui fut la marque de fabrique de CS à leurs débuts et dont Ernesto est un remarquable praticien. Un vrai plaisir de l’écoute partagé. En outre, le graphisme des pochettes cartonnées (depuis peu!) est superbe grâce au travail du fidèle Carlos Santos.  Le noyau de Rodrigues père et fils (Guilherme) ont produit des dizaines d’albums intéressants dans une belle démarche radicale en compagnie d’improvisateurs issus d’horizons divers. Certains albums sont réellement de vraies réussites comme l’orchestre IKB. Et donc, comme plusieurs labels historiques passent tout doucement la main (Incus, Emanem, Psi, FMP, NurNichtNur), d'autres cessent leur activité ou s’alignent sur un jazz libre de bon aloi (Intakt), notre label portugais est devenu une référence incontournable.

IKB Dracaena DracoCreative Sources CS294CD

Pochette cartonnée bleue foncé couleur déposée Yves Klein Blue. Double cédé contenant chacun un enregistrement live de l’orchestre l IKBréuni à l’initiative d’Ernesto Rodrigues, ici à la harpe le 13 octobre 2012 et au violoncelle le 9 novembre 2014 à Lisbonne.
Deux morceaux : 2012 pour le CD 1 et 2014 pour le CD 2. Minutage non indiqué, mais, avec cette musique, le temps est suspendu.
J’énumère : Ernesto, harpe, Guilherme Rodrigues, cello , Miguel Mirra, double bass, Bruno Parinnha, clarinet & alto clarinet, Nuno Torres, sax alto, Rogério Silva, trumpet, Eduardo Chagas, trombone, Abdul Moi-Même, electric guitar, Armando Pereira, accordion, Carlos Santos, computer, Ricardo Guerreiro, computer, Paulo Raposo, radio, João Silva, feng gong & tibetan bells, Nuno Morão, percussion, José Oliveira, percussion, Monsieur Trinité, percussion, Christian Wolfarth, cymbales pour le 13/10 et Ernesto, cello, Marian Yanchyk violin, José Oliveira, acoustic guitar, Maria Radich, voice, Paulo Curado, flute, Yaw Tembe, trumpet, Gil Gonçalves, tuba flugabone, Rodrigo Pinheiro, organ, complètent le groupe où se retrouvent G Rodrigues, M Mirra, B Parinnha, N Torres, E Chagas, A Moi-Même, A Pereira, C Santos, J Silva et N Morão du concert précédent.
De prime abord, je trouve cela épatant, enthousiasmant que 17 ou 18 musiciens improvisateurs se rassemblent pour un concert où la musique jouée est éminemment collective. Ils le font par plaisir, par idéal, par amitié, parce qu’ils aiment partager des instants d’écoute et d’attention pour créer un univers sonore toujours en mouvement.
2012 a une dimension plus électronique et sans doute 2014est plus acoustique. Une caractéristique fondamentale est qu’il n’y a pas de soliste, chacun est libre d’intervenir à sa guise dans une dynamique partagée de sons en suspensions, d’effleurements, de souffles, grattements, frottements, petits chocs, d’interventions dosées, d’extrêmes de l’instrument, bruits blancs, … L’atmosphère est feutrée, le paysage sonore est transparent ou légèrement voilé. L’auditeur semble faire partie de l’orchestre dont chaque membre intervient à bon escient participant à la dynamique globale à tour de rôle et de manière aléatoire. Les sons se complètent selon leurs qualités intrinsèques et souvent sans qu’on devine tout-à-fait ou presque pas qui joue et de quel instrument. Il n’y a pas de discours instrumental individualisé à part un ou deux égrènements de notes de la harpe. On reconnaît ici un souffle de trombone ou un froissement de cymbales. Ils peuvent être trois, quatre, sept ou dix à  jouer ensemble, cela devient difficile à déceler. Une véritable mise en commun des sons. Cette dimension collective, ce glissement perpétuel, tel un nuage qui évolue et transforme insensiblement dans le ciel, révèle une véritable fascination. Moi, je suis preneur ! J’avais déjà chroniqué le premier compact d’ IKB par le passé pour leur premier cédé et je réitère mon enthousiasme. Creative Sources dont Ernesto Rodrigues et Carlos Santos sont les têtes pensantes, est plus qu’un label, il y a autour d’eux une véritable communauté agissante et lucide. Une très belle initiative en matière d’improvisation contemporaine !! 

Lisa Ullén Torsten MüllerInto the Staring Town Creative Sources CS323CD

Le contrebassiste Torsten Müller fut durant plusieurs années un proche collaborateur du tromboniste Gunther Christmann, un des pionniers incontournables de l’improvisation libre en Europe. Il est en fait un Monsieur Contrebasse de la scène improvisée au même tire qu’un Peter Kowald ou un Barre Phillips. On l’a entendu aussi dans King Übü Örkestrü, un « large » ensemble exceptionnel qui fédérait des improvisateurs radicaux dans les années 80/90 : Wolfgang Fuchs, Peter Van Bergen, Erhard Hirt, Christmann, Wachsmann, Lytton, Malfatti, Charig, Mazzon. S’étant établi aux USA depuis des années, les amateurs le méconnaissent. Ils pourront se rattraper en écoutant ce beau duo avec la remarquable pianiste suédoise Lisa Ullén. Toucher exceptionnel et dynamique parfaite, sens du meilleur son au meilleur moment lorsqu’elle intervient dans les cordes, goût de l’épure, cette transfuge de la musique classique est vraiment une pianiste à découvrir. Dans ce concert donné à l’International Jazz Festival de Vancouver et excellemment enregistré, la pianiste et le contrebassiste se livrent à un échange de haut vol tout en évitant un excès de technicité virtuose. Torsten Müller préfère nous faire entendre des nuances rares du travail de l’archet dans une qualité sonore boisée, humaine, expressive, presque vocalisée. La musique est aérée, spacieuse, focalisée sur la qualité des timbres de chaque instrument. Le dialogue est distendu ou resserré et le choix individuel des possibilités qui s’ouvrent à chacun au fil de l’improvisation dans l’instant est révélateur de leur spontanéité, de leur sens de l’invention et de leur intelligence musicale (talent, expérience, intuition, flair). Les excellentes notes de pochette rédigées par le contrebassiste Damon Smith sont intéressantes. Et on peut se nourrir de cette réflexion pour appréhender ce magnifique album, sûrement un des meilleurs du genre. Un des intérêts profond de Into The Staring Town est que Ullén et Müller multiplient les idées de jeu, les transforment en permanence, évitant l’évidence trop facile d’exploiter trop loin ce qui vient d’être acquis, mais préférant en changer le registre, le phrasé, les sonorités, la scansion, la dynamique, la vitesse... Avec eux, les options semblent infinies et se renouvellent toujours attrayantes, vitales. Les courts instants d’attente se métamorphosent en précipitations et leurs modes de jeux se superposent ou s’enchaînent dans d’infinies variations. Une réelle fraîcheur. Il y a une forme de courage, d’exigence à la fois formelle et ludique sans que cette recherche éperdue soit austère. On baigne dans un lyrisme contemporain assumé et magnifique avec une aiguë lucidité. Le temps passe vite (quarante neuf minutes qu’on ne parvient à mesurer) et il n’est pas gaspillé alors que cette musique est profondément généreuse dans ses figures, ses gestes, ses échos. Que dirais-je encore ? Voici un duo exceptionnel qui exploite un potentiel musical, instrumental et humain de manière aussi sensible que magistrale. Un vrai trésor.

Andres Backer & Raymond Voice & Percussion Strid CS334CD

Bienvenue au club, Andres ! Dès le départ, pointent des sons aigus qui évoquent pour un mieux un Phil Minton. Ray Strid qu’on a connu par le passé avec Mats Gustafsson, Barry Guy, Marylin Crispell, Joëlle Léandre est le complément parfait pour cette belle exploration vocale. Percussions légères, aérées, timbres variés, pas trop d’effets, juste ce qu’il faut au bon moment. On peut suivre ainsi le vocaliste dans ces ruminations glottales, poétiques. La voix est transformée, un peu timide, secrète, fragile dans une dizaine de pièces courtes, concises et bien balancées. La mise en commun des sons coule de source et tout est laissé à la sensibilité et à l’invention tout au long de ces miniatures. Les voyelles A E Å O sont intériorisées au plus près de la glotte (6) et le jodl à toute voix se déchaîne tous azimuts (7 Bang Bang). Chaque pièce raconte sa belle histoire. La percussion  frottée, secouée, sélective – peaux, bois, métal -, vibrante, amortie, grattée, s’intègre au processus. Lorsqu’un improvisateur instrumentiste dialogue avec un chanteur tel que Backer, Minton, Jaap Blonk ou moi-même, il est tenu d’adapter sa dynamique à celle du vocaliste.  Le travail de Ray Strid est justement nuancé, épuré, sans grands effets et au diapason vibratoire et spatial de son partenaire permettant au chanteur d’évoluer sans devoir hausser ou forcer la voix. Car Andres Backer est un chantre de l’intime, du menu, de l’infra-voix. Le chant aigu dans sa gorge se décompose avec une qualité unique dans des occurrences voisines à celle de Minton, mais il n’y a aucun phénomène de « copiage », car on entend clairement qu’il s’agit de son registre éminemment personnel, inimitable.
Une belle découverte, cet Andres Backer, car les vocalistes masculins sont une espèce rare en terres improvisées (radicales) – on sait que les chanteuses y font florès et sont devenues innombrables -  comme si l’acte de rechercher les sons dans la voix humaine en révélait trop la fragilité et pouvait mettre en cause l’ordre des choses de la virilité. Les techniques alternatives creusent la voix de fausset, les harmoniques, les registres impossibles, l’invention phonétique à la limite de l’absurde. Cela semble un peu farce (pour d’aucuns) qu’un chanteur improvise de cette façon et cela pourrait être pris pour un effet humoristique agaçant (pour d’autres), voire hystérique. Cela a l’air léger, enfantin, gratuit, trop drôle pour être pris au sérieux. Il a fallu bien des années, et peut-être l’exemple magistral de Demetrio Stratos, pour que Phil Minton affronte le public avec ses inventions vocales (1979). Sans doute un paradoxe, même si la voix humaine fascine. Bref, Andres Backer et Ray Strid font un beau travail et développent des idées intéressantes contre les réflexes conditionnés. On ne peut que recommander ce disque attachant et ô combien humain.

Nicola L. Hein Paul Lytton Nahezu Nicht Creative Souces CS326CD

Ces derniers temps, se dévoile la face trop peu connue de Paul Lytton, bruissante, radicale, secoueuse d’objets percussifs, grattant peaux, métaux , titillant une électronique d'école buissonnière. Je rappelle les sorties récentes de ? ! en solo chez Pleasure of Text, Imagined Time avec Phil Wachsmann chez Bead Records et son duo avec Nate Wooley. Le voici avec un jeune guitariste, Nicola Hein, entendu avec Kohan Erel, Matthias Muche, Rudi Mahall, Philip Zoubek, le duo Corso et qui implémente son jeu de guitare avec des préparations et des objets. Sa qualité sonique amplifiée particulière est aisément reconnaissable. Vu de loin, on songe à Erhard Hirt avec qui Lytton a souvent joué il y a bien des années. Credits : NH guitar & objects, PL table drums, electronics.
Comme le notait il y a quarante ans le critique Denis Constant dans Jazz Magazine à propos de la réédition du premier numéro d’Incus, Topography of the Lungs (1970, réédition1977), on est ici dans la marge de l’instrument. Mais, par rapport à tout ce qui s’écoute depuis lors sous le vocable « free-improvised music », Nahezu Nicht, c’est la marge de la marge. Sous l’influence d’AMM dernière manière, Rhodri Davies, Burkhard Beins, Radu Malfatti, Michel Doneda etc…, on a assisté il y a une douzaine d’années à une raréfaction de l’émission sonore dans le cadre de la musique improvisée. On l’a qualifié de réductionniste, mais aussi de lower case ou new silence. Voici un duo d’improvisation qui sort aussi bien des sentiers battus, mais il n’est pas facile de lui trouver une définition. Donc au diable les définitions, une musique ne se définit au bout du compte que par elle-même en l’écoutant. Cela commence  fort dès la première plage : tous les deux sont affairés dans une activité gratouillante, frotteuse, raclant ou secouant leurs instruments. Les instruments de percussion et les objets de Lytton sont étalés sur une table ou sur le sol, entourés par son appareillage de live electronics. On entend donc d’abord une profusion de sons souvent inouïs et grouillant de toute part. Parfois, même souvent, on ne saurait dire qui joue quoi tant les sons de l’un sont intégrés aux sons de l’autre et qu’on ne distingue leur source. Impossible à définir que de visu. Ainsi, Lytton actionne des cordes de guitare tendues sur un cadre métallique et Hein joue de la guitare préparée. On passe de la suractivité au « laminage » linéaire des sons frottés et amplifiés, des harmoniques, cymbales ou tam-tam à l’archet, grondement électrogène haletant... AMMétait déjà une influence du duo Parker-Lytton au tout début des années 70. Musique bruitiste radicale. Sons bruts mais fort détaillés avec un souci constant de dynamique. L’électronique de Lytton est assez élémentaire et une partie de ce qu’il produit est la transformation des sons d’objets via des microcontacts et des pédales de volume. Nicola Hein a une approche sonique de la guitare traitée comme un objet sonore avec des ustensiles. On ne saurait dire que c’est une guitare, son travail s’intégrant à merveille avec celui de son partenaire. L’éventail sonore du duo est très large des graves bourdonnant aux aigus qui fuient avec des glissandi hors norme, des froissements de cordes dingues et des bruitages de moteurs. L’électronique low-fi intervient de ci de là de manière mystérieuse. La plage numéro IV est démentielle et évolue vers une sorte de combat percussif en decelerando qui repart de plus belle après une pause extraterrestre. Le cinquième plus relâché est une polyphonie de bruits motorisés et métalliques, de sifflements industriels, de voix sorties de nulle part, de sirènes au ralenti. On n’est pas au bout de ses surprises. On va parfois intentionnellement à la limite de saturation des DB. La qualité de l’enregistrement, aérée, adhère à la finalité de cette musique dense et organique. Agressive sans être agressante. Dans le genre bruitiste, c’est vraiment une réussite sauvage. Bien sûr, il n’y a pas de « batterie ». Moi, j’adore.

PS : parmi les pionniers de l’improvisation libre « première génération », Paul Lytton est bien un des rares qui ne se reposent pas sur ses lauriers et surprend toujours.


Ute Wassermann & Birgit UlherRadio Tweet Creative Sources CS335CD

Birgit Ulhermanie la trompette comme si elle s’était transformée en machine, faisant tressauter la colonne d’air tant avec les lèvres qu’avec les plaques métalliques qu’elle applique sur le pavillon comme une sourdine, ou émettant un souffle impalpable qu’elle perturbe ensuite en saturant ou en percutant l’embouchure. Ute Wassermann qui s’applique aux  appeaux, roucoule, caquète, jacasse, béquète, glousse, hulule avec la plus grande finesse. Leurs sons ininterrompus bruissent obstinément  et s’enchevêtrent bien souvent, évoquant la manie éperdue du pivert. La linéarité de l’émission sonore est assumée de bout en bout  de chacune des huit improvisations agitées par les rapides battements réitérés de volière prise au piège et qui tente en vain  de s’échapper. Et pourtant malgré ce parti pris de scansion d’un seul temps accentué en quasi-permanence, il n’y a aucune redondance tant leur registre sonore est  diversifié et leur acharnement convaincant. Le dialogue logique est évacué pour une complémentarité loufoque. La voix de la chanteuse est devenue celle d’oiseaux rendus fous et on finit par oublier qu’il s’agit d’une voix humaine ou féminine. Sur un fond lointain de radio, la trompette siffle et sussure et les appeaux zozotent dans l’aigu et tremblotent quand, soudaine, la trompette aspire abruptement le son « à l’envers ». Le disque nous révèle l’étendue de leur extraordinaire univers sonore, mais ne saurait remplacer la présence physique d’un concert, raison de plus pour réclamer leur venue dans votre ville. Une dizaine d’années après leur excellent premier Kunststoffsur le même label, Birgit Ulher et Ute Wassermann se sont surpassées. Ne ressemble à rien d‘autre de connu.

NB : ayant reçu un paquet CS considérable et ayant d'autres cd's en attente d'écoute , j'ai été obligé de brader mon travail d'écriture vu l'urgence de vous communiquer mon enthousiasme.


Reissues :
Evan Parker solo Monoceros & The Snake Decideson Psi
Derek Bailey and Anthony Braxton Duo (Wigmore Hall Concert 1974 ) on Emanem.
There will be a section of jazz libre and also More Great Free Improvising albums 2015 soon !!
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